La bohème

[Gobu]

LA BOHEME

Un bourgeois bohème
Et sa bourgeoise bohème
Eurent l’idée
Un soir qu’ils en avaient classe
De leurs suchis
De leurs tapas
D’aller goûter un peu
La cuisine des restaus du cœur
Pour passer inaperçus
Lui se drapa du pardessus râpé
De son grand-père
Celui qui avait fait la guerre
Pas la dernière
Mais la vraie
Celle que Brassens préfère
Elle, enfila
Le caban de la fille au pair
Et cacha sous un fichu
Sa permanente du matin
Ainsi méconnaissables
Du moins le croyaient-ils
Ils vinrent se mêler
Au lent et long cortège
Des mendigots des scrofuleux
Des crevards des éclopés
Des innocents aux poches vides
Des abonnés au mauvais numéro
Des recalés à l’oral de la veine
Des mères aux huit mômes affamés
Des aïeules au porte-monnaie plat
Des faubourgeois des vrais bohèmes

Lorsque vint leur tour
De percevoir leur colis
L’homme voulut payer
Question d’habitude
On lui dit « C’est gratuit
Monsieur, bon appétit »
Il rentrèrent chez eux, en taxi
Et comme l’aventure leur avait donné faim
Ils dévorèrent sans chichis
Le pain un peu rassis
Le pâté sous plastique
Les deux boîtes de raviolis
Et le paquet de biscuits secs
Quand au kilo de sucre
Ils le mirent de côté
Pour le café du petit déjeuner


Mais le lendemain soir
On sonna à leur porte
Ils n’attendaient personne
Pas même un livreur de sushis
Flûte dit le Monsieur
Qui vient nous déranger
A l’heure de notre plateau-télé
Il entrouvrit la porte
Mais elle s’ouvrit grand comme celles du paradis
Ou de l’Enfer, ça dépend du point de vue
Et ils entrèrent tous
Les mendigots les scrofuleux
Les crevards les éclopés
Les innocents aux poches vides
Les abonnés au mauvais numéro
Les recalés à l’oral de la veine
Les mères avec leurs huit mômes affamés
Les aïeules au porte-monnaie plat
Les faubourgeois les vrais bohèmes
Qui les avaient reconnus
A leurs souliers neufs
Et à leurs mains soignées
Et il se sont rués sur le frigo
Ils ont ouvert toutes les bouteilles
Mis la stéréo à fond
Et commencé à danser

Et à l’heure où je vous parle
Ils y dansent toujours

Gobu

[Kilis]

Joli conte, Gobu.

C'est vrai, les pieds et les mains: une vraie signalétique.

[Invité]

comment sais- tu que SUSHI prend un "S" au pluriel du japonais?

:o)

pw

[Gobu]

comment sais- tu que SUSHI prend un "S" au pluriel du japonais?

:o)

pw

?????

Je me fais bien du shushi à ce sujet, figure-toi...

:=}

[Invité]

Ton texte est très bon.Cependant, je te soupçonne d'un soupçon de Facilité
Prévèrienne.Un jeu d'enfant somme toute pour notre maitre du Souvenir.

j'ai ouvert un coktail qui s'appelle "Devil".je me demande si c'est vendu à la campagne....

[Gobu]

Ton texte est très bon.Cependant, je te soupçonne d'un soupçon de Facilité
Prévèrienne.Un jeu d'enfant somme toute pour notre maitre du Souvenir.

j'ai ouvert un coktail qui s'appelle "Devil".je me demande si c'est vendu à la campagne....

???????

Comment ça tu as ouvert un coktail ? C'est un breuvage en boîte ?

Et y a quoi là-dedans ?

[Tristan]

J'adore ce texte ! C'est grinçant à souhaits ! vraiment très bien, tu nous gâtes Gobu !

[Gobu]

Ton texte est très bon.Cependant, je te soupçonne d'un soupçon de Facilité
Prévèrienne.Un jeu d'enfant somme toute pour notre maitre du Souvenir.

Rien n'est plus sérieux qu'un jeu d'enfant
L'adulte joue à être sérieux
L'enfant joue avec sérieux
Il joue à jouer
A jouer seulement
Mais il le fait si sérieusement
Que plus rien n'existe autour de lui

:-)

[Saint Jean-Baptiste]

Excellent, Gobu ! Vraiment excellent ; j'ai surtout aimé l'énumération des habitués des restos du cœur... Quelle invention, quelle imagination !...

[Sahkti]

J'aime beaucoup ce texte Gobu! Je n'y vois aucune facilité, pas du tout. C'est même un bel exercice que cette fluidité, ce côté musical et cette pertinence dans le propos.

[ninananere]

il y a une pointe de mesquinerie qui meplait.

[Legone]

Oui, on pense à Prévert.

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