Le précurseur
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Saint Jean-Baptiste
Gobu
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Le précurseur
LE PRECURSEUR
Un homme est assis sur un banc. Il y a un arbre. Et aussi un chien, assis près de l'arbre. Derrière l'homme, l'arbre et le chien, une statue.
Et puis des cris, puissants, qui sortent d'une fenêtre. C'est une voix de femme
C’était le matin du lundi suivant l’érection de la statue d’Hégésippe Simon, l’illustre Précurseur. Dans le square municipal de la commune de Poil, département de la Nièvre. Des confettis piétinés parsemaient d’une rosée multicolore le gravier de l’allée. Aux branches du platane, telles des toiles d’araignées schizophrènes déchiquetées par l’aile d’une chauve-souris, des serpentins déroulés se balançaient . Cà et là, des tubes de carton noircis pleuraient le souvenir de leur fulgurante ascension vers la voûte céleste et leur chute accompagnée d’une pluie d’étoiles. Une grande banderole tricolore à demi décrochée de son portique faseyait sous la gifle du vent d’automne. La pluie avait délavé toutes choses et la brume de l’aube s’effilochait en lambeaux de barbe à papa contre la grille à la peinture squameuse.
Assis au pied de l’arbre, un corniaud d’un roux incertain, au poil détrempé, grattait d’une patte fiévreuse l’abcès qui enflammait son flanc droit, tout en louchant du blanc de l’œil vers le portail du square, par lequel à chaque instant pouvait surgir l’odieux gardien dispensateur de coups de pieds. L’homme assis sur le banc tendait la main vers sa tête pour le caresser, mais l’animal repoussait ses avances d’un grognement dissuasif. Le quidam n’avait pas l’air bien méchant, mais on ne sait jamais, avec les hommes. Tel qui vous nourrit vendredi dimanche vous rossera.
A la fenêtre d’une roulotte échouée contre la grille, une forte femme aux cheveux enserrés dans un fichu écarlate tendait une face couperosée en levant le poing vers le ciel d’asphalte. Elle hurlait dans une langue improbable des malédictions ancestrales. Une main masculine, fortement velue et garnie de bagues scintillantes, la tirait vers l’intérieur par le col de son peignoir de taffetas râpé pour que ses imprécations ne courroucent pas le voisinage.
L’homme assis sur le banc frissonnait. Il relevait le col de sa redingote et enfouissait ses mains dans ses poches. Son regard s’attardait sur la statue, dont la barbe de bronze avait autrement plus fière allure que la sienne, désormais clairsemée par l’âge et déteinte par le souci. La banderole continuait de claquer sous l’aigre bourrasque. La plaque de marbre scellée dans le piédestal du monument proclamait : « A Hégésippe Simon, Précurseur, la Patrie reconnaissante ». L’homme soupirait en rentrant la tête dans les épaules. A Poil, on ne l’avait pas reconnu.
GOBU
Un homme est assis sur un banc. Il y a un arbre. Et aussi un chien, assis près de l'arbre. Derrière l'homme, l'arbre et le chien, une statue.
Et puis des cris, puissants, qui sortent d'une fenêtre. C'est une voix de femme
C’était le matin du lundi suivant l’érection de la statue d’Hégésippe Simon, l’illustre Précurseur. Dans le square municipal de la commune de Poil, département de la Nièvre. Des confettis piétinés parsemaient d’une rosée multicolore le gravier de l’allée. Aux branches du platane, telles des toiles d’araignées schizophrènes déchiquetées par l’aile d’une chauve-souris, des serpentins déroulés se balançaient . Cà et là, des tubes de carton noircis pleuraient le souvenir de leur fulgurante ascension vers la voûte céleste et leur chute accompagnée d’une pluie d’étoiles. Une grande banderole tricolore à demi décrochée de son portique faseyait sous la gifle du vent d’automne. La pluie avait délavé toutes choses et la brume de l’aube s’effilochait en lambeaux de barbe à papa contre la grille à la peinture squameuse.
Assis au pied de l’arbre, un corniaud d’un roux incertain, au poil détrempé, grattait d’une patte fiévreuse l’abcès qui enflammait son flanc droit, tout en louchant du blanc de l’œil vers le portail du square, par lequel à chaque instant pouvait surgir l’odieux gardien dispensateur de coups de pieds. L’homme assis sur le banc tendait la main vers sa tête pour le caresser, mais l’animal repoussait ses avances d’un grognement dissuasif. Le quidam n’avait pas l’air bien méchant, mais on ne sait jamais, avec les hommes. Tel qui vous nourrit vendredi dimanche vous rossera.
A la fenêtre d’une roulotte échouée contre la grille, une forte femme aux cheveux enserrés dans un fichu écarlate tendait une face couperosée en levant le poing vers le ciel d’asphalte. Elle hurlait dans une langue improbable des malédictions ancestrales. Une main masculine, fortement velue et garnie de bagues scintillantes, la tirait vers l’intérieur par le col de son peignoir de taffetas râpé pour que ses imprécations ne courroucent pas le voisinage.
L’homme assis sur le banc frissonnait. Il relevait le col de sa redingote et enfouissait ses mains dans ses poches. Son regard s’attardait sur la statue, dont la barbe de bronze avait autrement plus fière allure que la sienne, désormais clairsemée par l’âge et déteinte par le souci. La banderole continuait de claquer sous l’aigre bourrasque. La plaque de marbre scellée dans le piédestal du monument proclamait : « A Hégésippe Simon, Précurseur, la Patrie reconnaissante ». L’homme soupirait en rentrant la tête dans les épaules. A Poil, on ne l’avait pas reconnu.
GOBU
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 69
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Le précurseur
Ce texte est du grand art, maître Gobu ! ;-))
Saint Jean-Baptiste- Nombre de messages : 440
Localisation : Ottignies Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Le précurseur
bonjour Gobu,
texte plaisant, chute poilante.
je conduis désormais une recherche approfondie sur la schizophrénie des toiles d'araignées. J'ai pris celle du plafond, c'est la plus proche.
amities.
Pw
texte plaisant, chute poilante.
je conduis désormais une recherche approfondie sur la schizophrénie des toiles d'araignées. J'ai pris celle du plafond, c'est la plus proche.
amities.
Pw
Invité- Invité
Re: Le précurseur
Haaa... j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton texte Gobu! A partir d'une simple hypothèse formulée dans un exercice éphémère, tu crées une situation toute en finesse et en réalisme, avec pas mal de détails qui ont tous leur importance et des personnages palpables.
J'aime bien le côté quelque peu mélancolique qui se dégage de l'ensemble, avec ce petit air désabusé qui a aussi son charme.
J'aime bien le côté quelque peu mélancolique qui se dégage de l'ensemble, avec ce petit air désabusé qui a aussi son charme.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Le précurseur
Et hop !
Il me plaît moins que le reste, mais j'aime à minauder.
Je n'aime pas les langues improbables ; elles ne sont parlées que par les femmes, qui en redéfinissent les règles suivant les leurs.
Sans dec', toi, habibi, laisser cette scorie, comme le premier peigne-cul plumitif venu ? C'est improbable : un malfaisant te l'aura greffée, dans sa verte jalousie. Puisque, comme dit Honoré, jaune, c'est comme le rire d'un ami devant un succès.
Le khayim
Il me plaît moins que le reste, mais j'aime à minauder.
Je n'aime pas les langues improbables ; elles ne sont parlées que par les femmes, qui en redéfinissent les règles suivant les leurs.
Sans dec', toi, habibi, laisser cette scorie, comme le premier peigne-cul plumitif venu ? C'est improbable : un malfaisant te l'aura greffée, dans sa verte jalousie. Puisque, comme dit Honoré, jaune, c'est comme le rire d'un ami devant un succès.
Le khayim
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Le précurseur
Un texte que j'ai trouvé agréable à lire.Très cinématographique je trouve.
Découpé plan par plan et empreint d'une étrange mélancolie .
Découpé plan par plan et empreint d'une étrange mélancolie .
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Le précurseur
Je dois avouer que je n'ai rien compris, mais ce n'est pas de ta faute, je n'ai pas une assez grande maitrise de mon langage pour te suivre ! Par contre, je relirai demain quand j'aurai la tête plus reposé, le dictionnaire en main ! ;-)
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