Marseille-Anvers
+6
Altair
Loupbleu
Sahkti
Krystelle
Charles
Zou
10 participants
Page 1 sur 1
Marseille-Anvers
"En été, tu comprends, elle ouvre sa fenêtre. Elle a le droit, non ?"
Elle relève la tête. Machinalement sa main droite glisse le marque-page à l’endroit où elle vient de d’interrompre sa lecture. A la dernière page.
Le train commence déjà à ralentir et pourtant, il n’y a pas bien longtemps qu’elle a embarqué. Mais la Flandre est aussi peuplée qu’un tableau de Pieter Bruegel. Les gares fleurissent en abondance dans ce plat pays.
La lecture n’a jamais été pour elle qu’une échappatoire. Elle s’est toujours moquée éperdument de ce qu’elle lisait pourvu que ça l’emmène ailleurs. Loin des disputes quotidiennes de ses parents et des braillements des jumeaux. Loin aussi de ses mauvaises notes et du cours de gym qui revenait inexorablement de semaine en semaine avec son lot de chutes, de bleus et de mépris dans les yeux du professeur.
Ainsi, petite, elle s’enfermait des heures durant dans les toilettes avec les réclames qu’elle parcourait à rebours, commençant toujours par la fin. L’annuaire téléphonique eut aussi son heure de gloire. Ca commençait légèrement avec les Zwijsen pour arriver crescendo au plat de résistance des Duyssen et finir en allégresse avec les AA.
Adolescente, elle était passée aux catalogues de vente par correspondance. Ceux que sa mère conservait pour emballer de leurs pages arrachées l’argenterie. Elle se dépêchait de tout dévorer de droite à gauche avant que les jolies tenues d’été, les tailles et les couleurs ne terminent en linceul pour couteaux et pelles à tarte.
Il lui était bien arrivé de recevoir en cadeau de vrais livres. Elle les entreposait alors religieusement sur l’étagère suspendue au-dessus de son lit entre poupées de collections et boules à neige.
Ils se tenaient là-haut comme autant de trophées de ses échecs à en poursuivre la lecture. Elle s’était pourtant aventurée à en commencer un mais comment s’absorber complètement lorsque la fin vous était connue avant même d’arriver à la première page ?
Inutile de préciser que ses études supérieures furent un fiasco complet. «Votre fille manque des bases les plus élémentaires », condamnèrent sans appel ses professeurs. « Elle connaît la solution mais est incapable de l’expliquer. »
Elle trouva finalement un petit boulot de documentaliste. Il n’y avait pas plus rapide qu’elle pour classer les fiches. De Z à A, elle s’affranchit progressivement de ses parents et loua un studio, le premier qu’elle trouva dans les petites annonces tout en bas de la page et au dernier étage d’un immeuble.
Là débutent ses premières vacances seule. Un stage d’écriture arabe au Maroc. Ce fut comme une renaissance lorsque Mustapha, un de ses collègues lui fit découvrir le b.a.-b.a. de la calligraphie arabe.
Elle descendait jusqu’à Marseille et là prendrait le bateau.
Le train se remit doucement en marche.
Un homme entra dans son compartiment. Il lui sembla qu’il venait de lui adresser la parole.
- Pardon ? demanda-t-elle en détachant son regard de la banlieue grise.
- Excusez-moi, Mademoiselle. Je vous demandais si ça ne vous ennuyait pas de voyager en sens contraire, sinon je vous aurait proposé de prendre votre place.
Elle le rassura d’un signe de tête et reprit sa lecture tout au début. Elle allait y arriver cette fois.
"En été, tu comprends, elle ouvre sa fenêtre. Elle a le droit, non ? ».
Elle relève la tête. Machinalement sa main droite glisse le marque-page à l’endroit où elle vient de d’interrompre sa lecture. A la dernière page.
Le train commence déjà à ralentir et pourtant, il n’y a pas bien longtemps qu’elle a embarqué. Mais la Flandre est aussi peuplée qu’un tableau de Pieter Bruegel. Les gares fleurissent en abondance dans ce plat pays.
La lecture n’a jamais été pour elle qu’une échappatoire. Elle s’est toujours moquée éperdument de ce qu’elle lisait pourvu que ça l’emmène ailleurs. Loin des disputes quotidiennes de ses parents et des braillements des jumeaux. Loin aussi de ses mauvaises notes et du cours de gym qui revenait inexorablement de semaine en semaine avec son lot de chutes, de bleus et de mépris dans les yeux du professeur.
Ainsi, petite, elle s’enfermait des heures durant dans les toilettes avec les réclames qu’elle parcourait à rebours, commençant toujours par la fin. L’annuaire téléphonique eut aussi son heure de gloire. Ca commençait légèrement avec les Zwijsen pour arriver crescendo au plat de résistance des Duyssen et finir en allégresse avec les AA.
Adolescente, elle était passée aux catalogues de vente par correspondance. Ceux que sa mère conservait pour emballer de leurs pages arrachées l’argenterie. Elle se dépêchait de tout dévorer de droite à gauche avant que les jolies tenues d’été, les tailles et les couleurs ne terminent en linceul pour couteaux et pelles à tarte.
Il lui était bien arrivé de recevoir en cadeau de vrais livres. Elle les entreposait alors religieusement sur l’étagère suspendue au-dessus de son lit entre poupées de collections et boules à neige.
Ils se tenaient là-haut comme autant de trophées de ses échecs à en poursuivre la lecture. Elle s’était pourtant aventurée à en commencer un mais comment s’absorber complètement lorsque la fin vous était connue avant même d’arriver à la première page ?
Inutile de préciser que ses études supérieures furent un fiasco complet. «Votre fille manque des bases les plus élémentaires », condamnèrent sans appel ses professeurs. « Elle connaît la solution mais est incapable de l’expliquer. »
Elle trouva finalement un petit boulot de documentaliste. Il n’y avait pas plus rapide qu’elle pour classer les fiches. De Z à A, elle s’affranchit progressivement de ses parents et loua un studio, le premier qu’elle trouva dans les petites annonces tout en bas de la page et au dernier étage d’un immeuble.
Là débutent ses premières vacances seule. Un stage d’écriture arabe au Maroc. Ce fut comme une renaissance lorsque Mustapha, un de ses collègues lui fit découvrir le b.a.-b.a. de la calligraphie arabe.
Elle descendait jusqu’à Marseille et là prendrait le bateau.
Le train se remit doucement en marche.
Un homme entra dans son compartiment. Il lui sembla qu’il venait de lui adresser la parole.
- Pardon ? demanda-t-elle en détachant son regard de la banlieue grise.
- Excusez-moi, Mademoiselle. Je vous demandais si ça ne vous ennuyait pas de voyager en sens contraire, sinon je vous aurait proposé de prendre votre place.
Elle le rassura d’un signe de tête et reprit sa lecture tout au début. Elle allait y arriver cette fois.
"En été, tu comprends, elle ouvre sa fenêtre. Elle a le droit, non ? ».
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
On sent une atmosphère, une ambiance bien posée. Ce n'est le ton que tu emploies habituellement mais ça marche bien, j'aime assez mais je le verrais plutôt comme le début de quelque chose de plus long, une nouvelle, un roman ...
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 48
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Marseille-Anvers
La tonailité douce, à l'accent presque mélancolique de ce texte me plait. La narration est maîtrisée, le récit bien construit et j'aime beaucoup l'idée de cette fille qui lit à l'envers. J'aurais par contre aimé que tu nous laisses davantage de place pour qu'on s'immerge réellement dans l'histoire de ton personnage, son trajet; il me semble que tu aurais pu inscrire ce texte dans quelque chose de plus long et plus ambitieux.
Le changement de temps vers la fin m'a un peu perturbée mais pour le reste, un très bon moment de lecture.
Le changement de temps vers la fin m'a un peu perturbée mais pour le reste, un très bon moment de lecture.
Re: Marseille-Anvers
J'aime l'idée de la boucle qui se boucle.
J'aime aussi ce procédé de lire à l'envers et de nous envoyer sur les traces de cette jeune fille que je trouve bien attachante. Au point de déplorer que tu ne t'attardes pas davantage sur elle, j'aurais aimé plus long, histoire de pleinement entrer dans son univers qui semble intéressant mais que tu ne fais qu'éclairer. D'autres histoires, des souvenirs, des anecdotes, bref, de quoi la rendre véritablement là, palpable. Parce que le sujet est intéressant et mérite d'être développé.
J'aime aussi ce procédé de lire à l'envers et de nous envoyer sur les traces de cette jeune fille que je trouve bien attachante. Au point de déplorer que tu ne t'attardes pas davantage sur elle, j'aurais aimé plus long, histoire de pleinement entrer dans son univers qui semble intéressant mais que tu ne fais qu'éclairer. D'autres histoires, des souvenirs, des anecdotes, bref, de quoi la rendre véritablement là, palpable. Parce que le sujet est intéressant et mérite d'être développé.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
Bon je vous dois un mot d'explications. C'est un texte écrit sous contraintes.
Celles-ci étaient :
- la dernière phrase qui était imposée
- le nombre de signes (3000 + 10%)
Cette dernière explique la taille du texte.
Mais je vais peut être le conserver, du moins l'idée et en faire alors puisque vous pensez que ça "pourrait le faire" quelque chose de plus long.
Merci en tout cas.
Celles-ci étaient :
- la dernière phrase qui était imposée
- le nombre de signes (3000 + 10%)
Cette dernière explique la taille du texte.
Mais je vais peut être le conserver, du moins l'idée et en faire alors puisque vous pensez que ça "pourrait le faire" quelque chose de plus long.
Merci en tout cas.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
Je trouve contrairement à certains :-) que ce texte a le bon format. Par ailleurs, je le trouve très réussi. J'ai pensé à du Alphonse Allais (et c'est un compliment) !
Un petit bémol sur la "phrase imposée" qui ne me semble pas coller tout à fait (ou j'ai raté un truc). Ceci dit j'apprécie la façon de cerner le personnage et faire vivre le monde autour d'elle (les noms, les descriptions).
Bref, pour ma part, j'aime vraiment bien ce texte, bravo Zou !
Un petit bémol sur la "phrase imposée" qui ne me semble pas coller tout à fait (ou j'ai raté un truc). Ceci dit j'apprécie la façon de cerner le personnage et faire vivre le monde autour d'elle (les noms, les descriptions).
Bref, pour ma part, j'aime vraiment bien ce texte, bravo Zou !
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
Dommage qu'on aie déjà trouvé quelqu'un finalement, parce que j'aurais bien vu Zou parmi nous. Snif.
Re: Marseille-Anvers
Altair a écrit:Dommage qu'on aie déjà trouvé quelqu'un finalement, parce que j'aurais bien vu Zou parmi nous. Snif.
Non mais oh! Tu croyais pas nous piquer Zou quand même ?! ;-)
Re: Marseille-Anvers
Voilà encore pour la seconde fois de ma vie une carrière d'étoile étouffée dans l'oeuf ;-( ;-))))))
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
Ma petite ZouZou a écrit:Voilà encore pour la seconde fois de ma vie une carrière d'étoile étouffée dans l'oeuf ;-( ;-))))))
Reste parmi nous
Toi et ta purée
Allez nous manquer!
Délaisse ces stars
Au profit des canards
Pense à Vos Ecrits
Et à tous tes amis
Et n'oublie pas Victor!
A Ostende, ton musclor
Et puis, tu sais...
"Carrière tuée dans l'oeuf,
fous-toi de ça, la meuf!"
(sorry, fallait faire rimer...)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
Zou serait donc une fille empruntée? naaaaaaaaaannnnnnn!! :-)Altair a écrit:Maaaiiiis !
C'est pas du vol... Juste un emprunt !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marseille-Anvers
Moi j'ai beaucoup aimé, un petit texte dans une écriture simple qui parle d'une personne simple, juste un brin originale (la personne)... ça me plait!Longueur parfaite pour une lecture à l'écran (j'ai du mal avec les longs textes).
Zou, encore!
Zou, encore!
FéeClo- Nombre de messages : 115
Age : 48
Localisation : Je crois que c'est le Condroz...
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Marseille-Anvers
tu m’excuseras, j’ai commencé à lire la fin. Résultat : on passe par l’enfance avant de revenir dans le présent.
Une difficulté rencontrée : « Là débutent … Ce fut … fit découvrir …Elle descendait jusqu’à Marseille et là prendrait le bateau. Le train se remit doucement en marche ». Ici j’ai sauté une marche.
Une difficulté rencontrée : « Là débutent … Ce fut … fit découvrir …Elle descendait jusqu’à Marseille et là prendrait le bateau. Le train se remit doucement en marche ». Ici j’ai sauté une marche.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Marseille-Anvers
J'ai adoré l'idée, ce personnage si présent, qui sonne si vrai ! Pour la longueur, non, cela me paraît bien ainsi ; pourquoi à toute force vouloir faire "juter" au maximum son écriture ? J'aime ce flash, j'aime qu'on ne sache rien de la suite...
Invité- Invité
Re: Marseille-Anvers
Je trouve la phrase imposée absolument sublime ! Qu'est-ce que j'aurais aimé l'écrire...
Ton texte aussi m'a beaucoup plu, pour sa douceur grave et subliminale, comme une tulipe orange qui aurait des épines blanches. Non vraiment joli texte, je le verrais bien en plus long, du genre nouvelle ou même roman pourquoi pas.
Mais la phrase imposée ! Quelle merveille...
Ton texte aussi m'a beaucoup plu, pour sa douceur grave et subliminale, comme une tulipe orange qui aurait des épines blanches. Non vraiment joli texte, je le verrais bien en plus long, du genre nouvelle ou même roman pourquoi pas.
Mais la phrase imposée ! Quelle merveille...
Re: Marseille-Anvers
C'est joli cette manière douce de prendre la vie à l'envers et c'est raconté avec tant de simplicité! Rien de provocant ni d'agressif, juste un penchant avec lequel on nait...ou pas!
Je ne pense pas qu'on pourrait développer le sujet plus longuement, c'est une sorte de parabole qui dit très bien ce qu'elle a à dire sous ce format
Je n'ai pas compris l'histoire de la phrase imposée à laquelle tu fais allusion Orakei.
Je ne pense pas qu'on pourrait développer le sujet plus longuement, c'est une sorte de parabole qui dit très bien ce qu'elle a à dire sous ce format
Je n'ai pas compris l'histoire de la phrase imposée à laquelle tu fais allusion Orakei.
Re: Marseille-Anvers
Zou a écrit:Bon je vous dois un mot d'explications. C'est un texte écrit sous contraintes.
Celles-ci étaient :
- la dernière phrase qui était imposée
- le nombre de signes (3000 + 10%)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|