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PEUR BLEUE

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Message  Zou Mer 17 Jan 2007 - 10:30

Peur bleue

Il y a quelqu’un qui parle dans la chambre. Antoine entend nettement une voix d’homme, enjouée.
Ca doit être là.

A l’entrée de l’immeuble climatisé, une petite blonde à l’air avisé lui avait indiqué le chemin après qu’il eut décliné son identité et le motif de sa venue. Le sein gauche de la fille aussi prometteur que son jumeau arborait un badge informant tout interlocuteur que sa propriétaire se prénommait Anne. Antoine sentit le regard de la jeune femme le suivre encore longtemps après qu’il l’eut remerciée et alors qu’il s’engageait dans le couloir qu’elle lui avait désigné.
Au bout de celui-ci, il avait emprunté un petit escalier en colimaçon qui débouchait sur une galerie. De grandes baies vitrées invitaient le regard à vagabonder sur la plaine aride dont la couleur paille témoignait de la sécheresse de ces derniers mois.
Maudit soit ce soleil qui avait emporté dans ses flots brûlants la récolte de l’année. Antoine n’avait eu d’autre alternative que de chercher un petit boulot pour lui permettre de survivre jusqu’à la perception des aides allouées aux agriculteurs par le gouvernement. Il s’était alors félicité de son célibat et de n’avoir pas de bouche d’enfants à nourrir. Il avait détourné les yeux de la terre calcinée et poursuivi son chemin.
Parvenu au fond de la galerie, il s’était trouvé face à une porte portant sur plaque en acier brossé le chiffre 7.
Il avait alors sorti de la poche de son jeans la convocation qu’il avait reçue. Histoire de vérifier le numéro du local où il devait se présenter. Chambre 7. C’était bien cela.

Lui, d’habitude si calme, avait senti son pouls s’accélérer. Pourvu qu’il soit pris. Jamais de sa vie, il n’avait eu à quémander le moindre emploi. Très jeune, il avait commencé à travailler à la ferme qu’exploitaient ses parents et c’est naturellement qu’il avait poursuivi au décès de son père puisqu’il était enfant unique. Sans cette calamité climatique, il serait aujourd’hui dans ses champs et demain dimanche il aurait été rendre visite à sa mère qui séjournait en maison de retraite depuis que la raison l’avait quittée. Ne rien devoir à personne était la devise familiale. C’est d’ailleurs la mort dans l’âme qu’il avait signé les documents de demande d’aide de l’état. Mais c’était un cas de force majeure. Ne pas signer signifiait vendre la ferme mais surtout ne plus pouvoir assurer le paiement des frais d’hébergement de sa mère. Alors …

Alors, il était allé en ville et avait acheté le journal. Ca faisait des années qu’il n’y avait plus mis les pieds. Depuis qu’il avait fini l’école en réalité. Tout avait énormément changé. Les maisons s’étaient, comme qui dirait, rapprochées. A moins que ce ne soit les jardins qui aient rétrécis. Il avait à peine reconnu le lycée des filles dont les fenêtres pourtant le captivaient à l’époque. Il passa devant le petit théâtre municipal sans même s’en apercevoir. Celui qui avait connu ses débuts avortés sur les planches à l’occasion de la fête de l’école. Sa mère avait toujours sur sa table de nuit la photo prise ce jour là du petit Antoine en Geronimo. Sa maîtresse avait ensuite beaucoup insisté pour qu’Antoine suive les cours de théâtre le mercredi après-midi mais un saltimbanque dans la famille, ce n’était pas cela qui allait nourrir les bêtes et cultiver la terre. Il avait donc fait ses débuts et ses adieux lors de la même représentation.

A peine remonté dans sa jeep, il avait parcouru les offres d’emploi avec la même avidité qu’un ventre affamé la carte d’un restaurant. De retour à la ferme il avait passé quelques coups de fils, mais sans succès.
Il avait adressé sa candidature par écrit lorsque les annonces ne comportaient pas de coordonnées téléphoniques.
Il n’avait reçu qu’une seule réponse positive, du moins pour un essai.

Et voilà qu’il y était.
Apparemment, ça se présentait plutôt bien, la petite blonde avait été tout sourire et la voix qui parvenait de la chambre était plutôt sympathique.
Antoine s’apprêtait à frapper lorsque la porte s’ouvrit soudain. Un barbu débraillé faillit le bousculer en sortant.
- C’est pas pour moi, j’espère que tu auras plus de chance, man.
Le jeune type s’éloigna en allumant une cigarette.
- Suivant !
Antoine entra timidement.
Il faisait très sombre à l’intérieur si ce n’était la lumière d’un spot mais qui ne lui était d’aucun secours tant elle l’éblouissait.
Il baissa les lieux. Le sol était rouge sang. Ses pupilles commençaient à s’habituer à l’obscurité qui régnait dans la chambre. Il redressa doucement la tête et regarda autour de lui.
Sur les murs, il lui sembla discerner les corps de jeunes femmes égorgées qui pendaient le long de cordes. Pris de nausée, il s’appuya au chambranle de la porte et chercha désespéramment dans sa poche un mouchoir. Ses doigts ne trouvèrent que ses clés qu’il laissa tomber tant ses mains tremblaient. Il se sentit soudain incapable de faire le moindre geste. La peur lui rongeait le ventre et ses cordes vocales vibraient dans le vide.
Le crépitement d’un appareil photo l’arracha à sa paralysie. Fuir. Courir sans se retourner. Retrouver son chemin.
- Parfait ! Tu es parfait pour le rôle, mon gars. Lumière !
Antoine qui était sur le point de prendre ses jambes à son coup, se retourna.
Un gros type s’était levé et ouvrait les rideaux. La clarté inonda la pièce.
Il s’aperçut que les jeunes femmes n’étaient que des mannequins de chiffons, se redressa et tenta de retrouver un peu d’assurance.
- Mais d’où tiens-tu cette barbe aux reflets bleutés, lui demanda le directeur de casting, nous recherchons ça depuis des semaines.
- Ma mère est indienne, balbutia Antoine.
- Ah ! Et comment trouves-tu notre décor de mise en situation ? Pas mal, hein ! poursuivit l’autre, hilare, sans attendre la réponse d’Antoine.
Celui-ci ne comptait d’ailleurs pas répondre, pas encore, pas tant que son pouls n’aurait retrouvé un rythme normal. Il se baissa pour ramasser ses clés sur l’épaisse moquette rouge.

Dehors, le soleil se voilait. Pour sûr l’herbe allait reverdir.
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Message  Krystelle Mer 17 Jan 2007 - 12:22

Ce qui me plait ici, c’est l’atmosphère que tu poses autour de ton personnage, la manière dont tu retraces son histoire, davantage que le dénouement et la « clé » du texte liée à un célèbre conte. Cette partie-là du récit me parait presque superflue.
Il y a un petit coté littérature américaine du milieu du siècle dans le traitement de la narration, j’ai pensé à Steinbeck à certains moments de la lecture. C’est bien mené, bien raconté. La dernière phrase me plait beaucoup.

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Message  mentor Mer 17 Jan 2007 - 18:03

J'ai eu du mal à m'y mettre, à capter ce qui se passait. En fait tout vient de ce mot "chambre" qui m'a beaucoup gêné et me gêne encore, lecture finie. Dommage, je n'ai pas savouré comme j'aurais pu !
Donc hormis ce problème de vocabulaire, le texte est bien mené, assez prenant, pas dans ton registre habituel car je n'y ai pas trouvé un seul grain d'humour.
Ce qui prouve que toi aussi, tu as plusieurs cordes à ton arc d'indienne. ;-)

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Message  Aegis Mer 17 Jan 2007 - 19:17

Le texte prend de l'ampleur personnelle avec le début de l' "entretien"... la fin mériterait suite!!!!
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Message  mya Lun 22 Jan 2007 - 16:43

La fin est surprenante!! je l'ai trouvée peut-être un tout petit peu trop précipitée... en tout cas rien à dire c'est fluide à la lecture
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Message  benedicte Lun 22 Jan 2007 - 20:11

super zou moi j'ai bien aimé tu te doutes que l'agriculteur du début m'a intriguée et je trouve que la fin hyper rapide nous soulage le suspens plus long aurait été trop long et aurait enlevé toute la véracité au texte. Moi qui n'aime pas particulièrement le style thriller ça m'a plu j'ai eu envie d'aller jusqu'au bout et la fin m'a plu. L'idée est bonne et on imagine très bien le personnage sans qu'il soit vraiment décrit. Ma fille qui est à côté de moi me dit ah oui! tu l'imagines tout à fait : grand, maigre et l'air benêt!
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Message  Mutants Anachroniques Lun 29 Jan 2007 - 13:13

Ce n'est pas à Steinbeck que nous avons pensé, mais, en revanche, Fred a lui pas plus tard qu'hier une nouvelle de l'auteur de SF Fredric Brown (auteur de "Martiens Go Home!") qui fauisait allusion au même conte sur le même mode ironique. De plus il s'agit du même genre de textes très courts, qui n'échappent que tout à la fin à leur ancrage dans le quotidien. Une des grandes qualités de ton texte est l'abondance d'éléments visuels. (Trop d'auteurs oublient que l'être humain n'est pas que sentiment, il est aussi sensations, perception!) Quant à ses quelques défauts ils ne sont pas, à notre avis, d'ordre général: plutôt quelques formulations un peu empruntées (type: "Maudit soit", etc.) ou à resserrer...
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Message  Mutants Anachroniques Lun 29 Jan 2007 - 13:19

Zou a écrit:Il s’était alors félicité de son célibat et de n’avoir pas de bouche d’enfants à nourrir.
P.S.: c'est une des phrases qui nous ont conduit à faire notre dernière remarque, laquelle ne change d'ailleurs rien à notre impression globalement positive, exprimée dans le message précédent.
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Message  Sahkti Jeu 8 Fév 2007 - 15:34

Ha j'aime bien ce texte Zou!
Lentement, tout s'installe, le personnage évolue sous nos yeux, tu retraces son histoire, avec gravité mais sans en faire trop. La tension monte au fur et à mesure et la fin, qui justifie les moyens, tombe à point nommé, pas trop longue, juste ce qu'il faut. J'ai bien aimé, une belle atmosphère que tu as installée là!
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Message  Bob Lun 26 Fév 2007 - 18:21

C’est très énervant parce que l’allusion à un conte m’a complètement échappé et, du coup, j’ai le sentiment d’être passé à côté d’une bonne partie du dénouement, voire du texte. (Décidément, moi et les contes…)

Quoi qu’il en soit, la lecture a été très agréable et j’ai même très apprécié les quelques touches d’humour :

Zou a écrit:Il avait à peine reconnu le lycée des filles dont les fenêtres pourtant le captivaient à l’époque.

Il avait donc fait ses débuts et ses adieux lors de la même représentation.

Et j'aime beaucoup cette phrase qui en dit long !
Pour sûr l’herbe allait reverdir.

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Message  Loupbleu Jeu 1 Mar 2007 - 17:41

J'aime bien cette nouvelle : tu prends le temps pour les personnages, tu fais monter la pression. J'ai remarqué que tes phrases étaient denses, plusieurs comportent plusieurs idées, mais elles sont fluides et variées dans la construction. Ca donne du dynamisme. J'aime aussi l'ambiance que tu poses par le détail, détail qui n'est jamais trop purement descriptif.

Il y a peut-êre une ou deux formulations un peu "formatée", mais ça reste marginal.

Pour la fin, (à partir de "lumière"), peut-être pourrais-tu resserrer un peu les phrases, les faire plus directes pour appuyer l'effet de transition, par exemple enlever : "qui était sur le point de prendre ses jambes à son coup", "qui il s'aperçut que", etc.

J'ai vraiment bien aimé ce texte, et apprécié ce style que je ne te connaissais pas encore !
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