Ancien texte que j'ai repêché :)

Elle est assise, sur la petite chaise de mon bureau, juste en face du lit. De notre lit. Elle me regarde dormir, mon corps qui se soulève à intervalles réguliers, puis retombe avec douceur sur les draps blancs, fraîchement repassés mais qui exhalent une odeur un peu âcre, relents de naphtaline mal nettoyée. Je ne dors pas, non, même si elle semble le croire, avec ce sourire un peu attendri qui traîne sur ses lèvres, ce sourire qui disparaît dès qu’elle me voit, d’habitude, qui s’efface tout doucement pour laisser place à un visage fermé, indifférent, presque…amorphe. Elle se réveille tous les matins un peu plus tôt que moi, et elle s’assoit, là, juste en face du lit, 5 minutes. Et c’est le seul moment d’intimité qu’on a dans la journée. Ca me suffit, de la voir me voir.

C’est étrange. Quand je lui ai proposé de venir vivre avec moi il y a 2 ans, elle a tout de suite accepté. Peut-être par paresse, peut-être par langueur. Je n’en sais rien. Mais en tous cas, je sais aussi qu’elle a compris, implicitement, que ma proposition n’était pas innocente.
Les hommes, c’était son rayon. Surtout depuis que la mort de sa mère l’avait mise sur le trottoir à 20 ans, elle était devenue un peu une chose, un bibelot. Ce genre de trucs qui décore une maison, un lit, que l’on prend, que l’on dépose, que l’on jette et qui ne proteste pas. Jamais .
Je ne sais pas bien ce qui m’a plu chez elle, peut-être ce côté poupée fanée avant l’âge, ces fards qui essayaient de cacher des yeux morts, désespérément bleus et vides. Vides de toute émotion.

Elle vit avec moi depuis 2 ans, pourtant ses valises sont toujours là. Elles ne sont pas défaites, l’armoire que je lui ai réservée est restée vide, elle se sert et elle remet soigneusement ses habits en place, et chacun de ses petits gestes maniaques m’écorche vif, m’arrache la peau par petits bouts.

Peut-être que je devrais la laisser s’en aller, la laisser se détruire toute seule au lieu de m’entraîner dans sa chute, la laisser prendre ces saloperies qui lui ont ôté l’humanité mais lui ont conservé la vie. Peut-être alors, qu ‘elle me manifesterait de la reconnaissance, qu’elle ne me montrerait pas tous les matins les stigmates du manque indélébilement marqués dans sa chair, qui la consument de l’intérieur. Peut-être que j’aurais l’assurance que jamais elle ne me quitterait .
Parce que je sais que demain, la semaine prochaine, dans 2 ans, elle trouvera un homme qui l’arrachera à moi, et qui l’enfoncera un peu plus loin, un peu plus profondément. Mais je ne veux pas être cet homme. Juste pour voir, les matins, à l’aube, une lueur de reconnaissance dans ses yeux qui déchire le voile du manque et de l’indifférence et qui vient se nicher juste là, dans mon cœur.

La tendresse accrochée à l'instant et en même temps arrachée à cet instant. C'est fort et beau comme texte. Quelques phrases un peu longues surtout au début. Bien que pour cette tonalité mieux valent des phrases un peu longues que trop brèves et saccadées. Il y aurait une superbe photo à faire pour illustrer cette scène et ces sentiments que tu décris très bien.

Ce texte porte en lui quelque chose d’assez puissant. Tu sais manier les émotions de tes personnages, t’en servir comme support pour raconter une histoire. Je regrette juste un peu la fin qui dit plus, suggère moins, me semble un peu faible par rapport au reste. Et puis d’une manière générale je trouve que certains mots sont maladroits, tombent un peu à plat dans tes phrases qui, du coup, perdent en force (« lui ont conservé la vie », « je sais aussi qu’elle a compris, implicitement.. », « qu ‘elle me manifesterait de la reconnaissance… »).
Et faudrait que tu lui trouves un vrai titre à ce texte!

Aegis a raison, il y a moyen de tirer une superbe photo de ce texte, qui est très évocateur.
J'aime l'émotion qui s'en dégage, les nombreux non-dits, la fragilité, l'impuissance... j'aime tout ça, mais je regrette juste un peu que tu en dises trop. Il y a des éléments qui auraient gagné à n'être que suggérés, et non énoncés comme tu le fais. Cela donne un ton un tout petit peu trop narratif à certaines parties.

Hum... quelques maladresses je trouve aussi, des phrases qui heurtent et sonnent moins bien que d'autres, font moins sens. Mais il y a une atmosphère particulière, quelque chose de noir, qui me plait, et j'aurais aimé qu'on le ressente encore plus.
Je suis d'accord pour en faire une photo :0)