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Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge

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Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge Empty Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge

Message  Pascal-Claude Perrault Dim 23 Juin 2013 - 10:06

A toutes et tous : merci de n'utiliser ce fil que pour la publication des passages de l'histoire réécrite à la mode vélienne.

Pour les commentaires, voir le fil annexe:
http://www.vosecrits.com/t13671-exo-tacotac-2-le-retour-de-maintenant-a-quand-on-veut
Merci de votre compréhension.
La Modération

RAPPEL DES RÈGLES


Réécrire à plusieurs plumes un texte d'auteur : Le petit Chaperon rouge d'après les textes de C. Perrault et des frères Grimm.


Chaque intervenant doit traiter trois ou quatre lignes du texte orignal et développer son propre texte à partir de ça (sans faire un roman) soit en prose, soit en poésie.




Le petit Chaperon rouge
Pascal-Claude Perrault
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Message  Arielle Dim 23 Juin 2013 - 11:56

Pascal-Claude Perrault a écrit:
Le petit Chaperon rouge
Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge Le_pet11
Dessin de Passero

Arielle

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Message  AliceAlasmartise. Dim 23 Juin 2013 - 20:09

..
Spoiler:
.
Dans un camp de refugiés, posé sur une colline, vivait une jeune fille, seule adolescente à quelques kilomètres à la ronde. Sa mère, avare de nature, faisait faire tous ses vêtements dans les rideaux rouge pétant de feu la voisine. Sa grand-mère, nulle en couture, lui avait valu le sobriquet de petit Chaperon rouge — il faut dire que son voile avait une forme particulièrement ridicule.
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Message  Arielle Lun 24 Juin 2013 - 6:44

Spoiler:


- Va donc porter à ta mer'grand
un peu de gratin d'aubergine
souffla sa mère à la gamine ;
Prends garde en traversant le camp
que nul ne touche à ton panier,
au marché noir les aubergines 
sont plus prisées que la farine,
ne te les fais pas resquiller ! 

Arielle

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Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge Empty Re: Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge

Message  bertrand-môgendre Lun 24 Juin 2013 - 12:48

Spoiler:
             


— Et hue !...
— … Et hisse !...
—... Et Ha !
Le bûcheron haut de sept pieds, posa sa hache contre le tronc du hêtre bien entamé. Son compagnon, ralenti dans son élan, tenta de le raisonner.
— Et Hue... Garde le rythme mon Jeannot, t’arrête pas... Et Ha !...
— Pff ! J'ai trop chaud. On boit un verre ?
— On aurait pu finir de le couper. Allez Jeannot, encore un effort, on y est presque.
— Faut que je récupère, moi. Si ça se trouve, un p’tit coup de vent et hop, il tombera de lui-même.

Sitôt dit, sitôt fait.
Une rafale de vent se chargea d’achever le travail. L’arbre monstrueux craqua, se pencha puis s’écrasa dans un fracas épouvantable. Il entraîna dans sa chute quelques jeunes plants de la futaie avant de pulvériser le bois taillis en bordure du chemin.

Un loup solitaire, en quête de nourriture, suivait la piste d’une musaraigne qu’il imaginait bien charnue. Au bruit provoqué par la chute de l'arbre, il sursauta et se protégea la tête contre une pluie de branchage tout en invectivant les responsables de ce chambardement.
— Quelle bande de crétins ! Peuvent pas faire attention ? Me voilà tout cochonné à présent. C’est ballot ! Andouilles ! Imbéciles !
— Pourquoi tant de haine monsieur le loup ?
Il se retourna en entendant cette petite voix frêle qui semblait tout juste sortie d’un garde-manger. La surprise fût de taille. Une jeune enfant bien en chair s’adressait à lui. Devant tant de fraîcheur, il oublia les quelques grammes du rongeur, fût pris d'une abondante sécrétion de salive et bredouilla quelques mots d’excuses.
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Message  Invité Lun 24 Juin 2013 - 21:07

Sorry désolée, j'ai pas compris comment ça marche les spoils ! (Réparé)

Spoiler:


Bavant un peu ( mais avec discrétion) le loup se fit chattemite et prenant sa voix sucrée, lui dit
- Whow, jolie demoiselle, avec ce déguisement et ces bottines vernies, je parie que tu vas au bal masqué... et tu vas sûrement gagner le premier prix !
- Pff, t'as tout faux, Monsieur  Loup ! Et d'une, c'est mon chaperon de tous les jours - et pas un déguisement !-
Et de deux, je vais juste porter une petite tortore à ma grand-mère qu'est pas en forme.
Et de trois, la salle des Fêtes, c'est pile à l'opposé ! Ma grand-mère, c'est la dernière maison après le gros orme aux corbeaux, presque en face du moulin du Train d'Enfer...
- Ah, ça doit être un chouette coin dit le loup, j'ai bien envie d'aller y faire un tour, je m'ennuyais, justement... On se retrouve chez ta grand mère ? Tu prends le chemin, moi je passe par les fourrés : ça démêlera ma queue, faut que je sois présentable pour saluer ton aïeule...
-OK dit Cunégonde ( vous comprenez maintenant pourquoi on passe généralement son nom sous silence !) on fait la course. Le dernier arrivé paiera sa tournée !

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Message  Invité Mar 25 Juin 2013 - 8:21

Spoiler:

Les chaperons ça batifole, c’est même à ça qu’on les reconnait. Et puis ça parle aux fleurs.

-        Bonjour la fleur, que votre corolle est jolie

-        C’est pour mieux sentir ma chérie

-        Ah non ça c’est après. Au fait pendant que j’y pense, il faut que j’appelle Mère-Grand.

(les chaperons ça parle aussi tout seul)

Là-dessus le chaperon sort son téléphone portable et appelle Mère-Grand.

-        Allo Mère-Grand, je t’appelle car j’ai rencontré le loup, fort sympathique avec une barbe toute noire et des dents toutes blanches. Il veut absolument te rencontrer, alors je lui ai donné ton adresse. Je crois qu’il ne devrait pas tarder à sonner à ta porte….

Le chaperon avisant des noisettes bien brillantes à croquer fait un pas de danse, et sans attendre la réponse, referme son portable et se met à l’ouvrage.

Pendant ce temps, le loup courait....   

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Message  Invité Mar 25 Juin 2013 - 9:48

Spoiler:

Il n'avait nulle envie de se faire coiffer sur le poteau, il traversa les halliers, moulina tant et plus de ses jarrets puissants et de ses fins biscotos qu'il leva une nuée de corbeaux.
« Ah l'orme!... à poulettes ! se dit-il en jouant les ventriloques. (Il s'entraînait pour la suite, voyez-vous...)
Il souleva le heurtoir qui sonna un gong retentissant.
Silence ! (La queue du loup balance...)

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Message  CROISIC Mar 25 Juin 2013 - 11:48

Spoiler:

_ Mais c'est quoi ce vacarme ? Y'en a marre des colporteurs, passez votre chemin !

_ Mummmmmm ! coucou mamie... c'est moi,  dit Monsieur Loup de sa voix feutrée 
   cé moi ton pitit Saperon Rouze...
   z'ai là, dans ma besace, un p'tit en-cas pour te rebecter la cerise... heu... des douceurs pour te requinquer mamie, 
   cé ma daronne qu' a tout popoté... un bon ragoût de p'tits zoziaux et une tarte aux fraises des bois, tagada....
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Message  Invité Mar 25 Juin 2013 - 18:09

Spoiler:
- Mon pauvre petit, voilà que tu zozotes maintenant? Quelle drôle de voix tu as aujourd'huic!

La queue du loup ne balance plus, il réfléchit...

- Mâ ché à cauge des fraiges tagada...ché cro bon, pas pu régichter...-gloups-
Ayé, tout avalé! Allez, viens vite m'ouvrir mamie!

- C'est malin, pour les tagada! Et moi -hic- alors? J'aurai des rouleaux de réglisse à la place?
Eh mais c'est que non, haha, "vite" je ne peux pas: je suis coincée sous ma bouillotte avec une flasque de -hic-
Paraît que ça guérithihi...mais en fait non pas du tout, et j'ai rêvéhéhé que tu m'appelais: tu me hips'ais que le loup voulait venir me visiter? N'importe quoi!

Loup affamé retient griffes contre porte de bois, et à grand peine rage dans sa voix: trop bavarde, l’ancêtre !

- Et comment je fais pour entrer, si tu es ronde comme une queue de pelle? Mamiiie, allez, ça va! S'il te plaîîît ouvre-moi!

- T'as qu'à passer par la fenêtre, tiens. Ça nous changera! J'ai des problèmes de serrures, en ce moment c'est compl-hic-é…mais on peut toujours essayer, alors écoute moi bien: -glou-glou- tu écoutes?

- Sslluurrpp!?!

- Euh...comment qu'on -hips- fait déjà...hem, alors ce que tu vas faire: tu tires la charrette, et ça s'embobinera tout seul !

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Message  Invité Mar 25 Juin 2013 - 18:43

Spoiler:

- Que je tire sur la charrette ? Hum... elle se voit déjà dans l'ambulance, la mémé. Ce qu'on va faire, Mémé, c'est qu'on va brûler directement cette étape. C'est mieux, se dit le loup à part lui.
Car il n'avait plus de temps à perdre. L'autre jouvencelle n'allait plus tarder. Il chevilla et rechevilla la bobinette qui finit par céder. Il se jeta sur la grand-mère, non sans l'avoir décoiffée de sa charlotte, car il n'aimait pas les charlottes aux fraises.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il trouva la vieille un peu racornie, et pour tout dire, pas très ragoûtante. Mais la faim le tenaillait depuis plusieurs jours, et il ne fit pas le difficile en pensant au dessert croquignolet qui ne tarderait pas à arriver. L'estomac un rien encombré ( quelle vieille carne!), il prit place dans la couche de la mère-grand, et attendit que le tendron se pointe à l'huis.

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Message  Janis Mer 26 Juin 2013 - 7:58

Spoiler:

Il restait plongé dans la pénombre douce de la chambre, au milieu des meubles et des objets désuets dont il devinait les contours. Sous cet édredon moelleux, il fut soudain pris de mélancolie. Car le loup n'était pas mauvais, juste affamé.

Il se revoyait avec ses frères et sœurs, jouant dans les hautes herbes, grignotant quelque morceau de viande déniché par sa mère : qu'elle était loin l'enfance !

Toc toc !

L'image de la jeune fille toute en bottes de cuir et en petit vêtement rouge, se balançant d'un pied sur l'autre avec ses genoux pointus un tout petit peu cagneux, mordillant son pouce, balaya d'un seul coup tout scrupule.

— Qui est-ce ?
Cette voix rauque, malgré lui. Il sentait la peur derrière la porte, la peur et l'innocence.
— C'est moi Cunégonde. Je vous apporte un gratin d'aubergine. C'est maman qui l'a fait au camp.

Oh oh petite fille, sens-tu comme le piège se referme sur toi ?
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Message  Invité Mer 26 Juin 2013 - 15:02

vousm'avez laissé le meilleur morceau, merci:

Oh que oui diable elle le sentait le bon vieux piège jaloux. Oh que oui, elle commençait  à comprendre que cette petite histoire mièvre allait se transformer en une formidable cochonnerie pleine de cochonaille, de ventres éclatés par des banquets sanglants accompagnés de turpitudes polypartenariales avec un quarteron de solide bûcherons tatoués aux muscles durcis par la raideur du bois.

Mais n'anticipons pas et reprenons le cours normal de notre récit.

“Mais enfin Mamie, (je vous fait resouvenir que c'est la petioute qui cause) c'est moi, ta petite fille et je t'apporte à ta porte la fameuse galette du moulin que  nous avons confisqué arme à la main à la caisse centrale de dépôt du CCP régional, et le petit pot de beurre du dernier tango. C'est Manman qui m'a dit d'y faire.“

Le loup —qui n'avait pas saisit du premier coup tout ce que ces propos décousus comme un ventre de grand mère signifiaient et qui croyait ne pas avoir affaire à plus forte partie que —par exemple— à la chèvre de Monsieur Seguin, se résolu néanmoins (et l'on va voir plus loin que le fait de pas avoir de nez aura son importance pour la suite de ce récit et pique et pique et collégram), le loup donc grammophona d'une ton chevrotant qu'il pensait adapté à l'imitation d'une voix de grand'mère, il crachouilla donc :

“Tire la zigounette et la choupinette chiera et viens vite coucher avec moi ma petite chèvre“ (il avait l'accent magrébin étant né dans le neuf trois).

Le petit chaperon rouge ne se le fit pas dire deux fois et il se précipita dans le lit en jetant ici et là ses sous vêtement en dentelle de Murano et ses fripes rouges de honte, comme le font à présent les étudiantes lors des fêtes votives d'intronisation dans les universités américaines, ce qui est très facile à voir si on est un peu curieux en se promenant sur internet.

Elle s'attendait à quelque chose de grand, mais jamais elle n'aurait pensé trouver une telle pilosité odorante sous une robe de grand mère.

Alors ça oui, on peut dire qu'elle était contente !

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Message  obi Jeu 27 Juin 2013 - 15:13

Spoiler:

Le loup, au comble du bonheur, salivait à qui mieux mieux. Après avoir envoyé par la chambre édredon, vêtements, sous-vêtements, poils, fripes et pompons, il referma ses pattes avides sur la dodue demoiselle rougissante. Glissant un ongle délicat sous l'élastique rouge d'une petite culotte aubergine bordée de ruban blanc, il le fit claquer pour s'aiguiser encore l'appétit qu'il avait fort grand. Il se délectait du petit sourire un peu amer de la charmante Cunégonde.

« Tss ! fit l'élastique . Tss...tss ! » Soudain le loup comprit qu'il y avait un hic. Ce fut d'abord celui de la grand-mère saoule qu'il avait avalée et dont les morceaux récalcitrants protestaient ivres et morts à l'intérieur de son estomac encombré. « Hic ! » fit le loup qui, confus, interdit, referma ses pattes sur lui-même, s'égratignant les biceps (car il avait les ongles comme l'appétit:  « Un loup sachant chasser doit toujours affûter ses ongles etc....») Il n'étreignit que le vide. Oui, décidément, il y avait un os. «  Des os, trop d'os, songea-t-il in petto » Les grands yeux bruns du loup, frangés de doux cils, chavirèrent soudain, traversés d'éclairs. Mais que se passait-il ?
       
     D'un geste ample et rageur, repoussant la couverture et le drap à la bordure ajourée, il ouvrit grand le lit pour en vérifier le contenu. « Saperlipopette ! Nom d'une chevillette ! Où était passée la chair fraîche pomponnée de rouge qu'il s'apprêtait à déguster ? Ah, ce sinistre fond d'ossailles de la mère-grand lui déchirait les intestins et l'animal eût certes préféré que la petite lui préparât une bonne tisane de verveine pour le faire digérer, une tisane comme Maman Louve lui en préparait autrefois lorsqu'un mouton plus coriace que les autres ne passait pas. Mais, en bon loup vicieux de Castalie qu'il se targuait d'être – on a beau être du 9.3. ça n'est pas pour autant qu'on n'a pas d'honneur!- il lui fallait, malgré sa lassitude, se livrer à la rituelle petite partie de tagada-tsoin -tsoin( ou la variante crac-crac) qu'on attendait de lui. « On choisit pas son destin, on choisit pas sa famille, se disait le loup, et les trottoirs de Manille  etc... »mais à cet instant, je ne suis pas sûr qu'il n'aurait pas préféré un petit yoghourt à la vanille plutôt qu'un chaperon rouge. A la vérité, le loup n'était pas très dessert mais tu t'impatientes, lecteur : «  Finissons en ! dis-tu. Que le loup dévore la petite fraise tagada, fasse les galipettes qu'il peut, refermons la porte de la chaumière et rentrons à Saïda, manger notre gratin d'aubergines ou au camp de réfugiés près de Baalbeck. Des Syriens ont réussi à nous procurer du savon d'Alep. Cette après-midi, les filles et moi allons pouvoir nous laver, faire la lessive et souffler un peu au lieu de lire des âneries pareilles sous prétexte de maintenir leur niveau de français ! »

Que nenni, lecteur ! Je me dois de t'expliquer par le menu tout ce qu'il advint dans cette terrible histoire dite « du petit chaperon rouge » puisque c'est elle qu 'aujourd'hui encore la tradition transmet, à la veillée, jusqu'au fin fond de la vallée de la Qadisha où l'a entendue ma propre grand-mère.

Le loup donc, salivait toujours, seul dans le lit. Ayant dans sa hâte maladroite envoyé promener couverture, drap, caleçon et pyjama, il se trouva tout bête à grelotter devant l'objet de sa concupiscence qui, loin de s'être faufilé à ses côtés comme il se l'était sottement imaginé, le regardait d'un œil consterné. Car Cunégonde, ayant sagement croisé ses genoux cagneux, s'était assise sur l'unique chaise de la pièce et tapotait à présent d'un air excédé la couverture d'un calepin avec un stylo bille . Pour ménager la pudeur du vieux loup piteux (car même les vieillards salaces et exhibitionnistes ont dû être au moins une fois dans leur vie, les petits enfants chéris de leur maman) autant que pour s'épargner la vue d'une misérable aubergine toute ratatinée, Cunégonde se releva et détournant les yeux, rabattit la couverture. « Quand tu seras prêt, pourras-tu répondre à mon questionnaire ? Je fais une enquête . » Devant la tête ahurie de l'animal, elle s'expliqua. « Inscrite par correspondance en première année de psychologie à Beyrouth, j'ai reçu des tableaux à remplir pour valider une U.V. Et j'ai des entretiens à mener. Puisque mère-grand n'est plus là, tu pourras peut-être m'aider ? Première question : l'envie crée-t-elle votre réalité ?Deuxième:Ah, tiens, je n'avais pas lu mais ça colle bien, dis donc : votre identité sociale et générique est-elle seule à vous définir en tant qu'être vivant ? »

Comme le loup roulait des yeux effarés et tremblait toujours sous son drap Cunégonde précisa : « Le vocabulaire psychologique, c'est pas de la tarte, je te l'accorde, enfin, pas de la galette, au bon beurre qui glisse toute seule . Voilà, en gros, est-ce que tu as vraiment choisi par goût de faire appel aux instincts les plus vils et les plus bas résille, gros bêta, ou bien est-ce pour te vanter plus tard devant tes copains du 9.3.que tu continues à lorgner ma petite culotte  sous ma jupe? Personnellement, j'aurais préféré quelque chose de plus long et de moins voyant mais maman était déjà si contente de trouver les rideaux de la voisine ! »

Ce disant, Cunégonde fit un clin d’œil mutin au loup qui fixait, incrédule, ses adorables  genoux cagneux. Les questionnaires remplis, Cunégonde soupira : « Mon pauvre p'tit loup... » et elle avait l'air si désolé et bienveillant que la bête, qui au fond n'était pas un mauvais bougre, faillit soudain se mettre à pleurer. Le loup dut empêcher sa mâchoire de trembler. Il aurait bien voulu que sa maman fût encore là. Le chaperon avait rangé son calepin et sorti le gratin d'aubergine . «  Inutile de manger la grand-mère, on aurait pu partager dit Cunégonde. Même, regarde, j'ai pour toi des falafels !» Lorsqu'elle sortit enfin de son panier le ragoût de cou d'agneau que sa mère avait mijoté plus d'une heure et demie, le loup fondit en larmes en hoquetant : « Mansaf,... mansaf ! » et il se remit à saliver de plus belle : « Pardon, dit-il, j'avais trop faim ! » Il eut un étourdissement passager où il vit passer des oignons jaunes dorés, des bâtons de cannelle et une nuée de pignons et de pistaches par dessus les cubes fondants de cou d'agneau.

«  J'aimais bien ma grand-mère..., dit tristement Cunégonde . Tant pis ! » Et elle tendit les morceaux d'agneau au loup qui les engloutit. « Je regrette, dit le loup , crois-tu que je sois définitivement mauvais ? » (Il lorgnait encore les falafels à ce moment) «  Je ne sais pas, dit le chaperon. Vraiment, je ne sais pas. Que pouvons-nous faire maintenant ?
- Tous nos efforts, répondit le loup après avoir roté.
- Moi, chuchota Cunégonde qui retenait un bâillement, je suis bien fatiguée. Mais toi, le loup, réfléchis, mets-y du tien. Avec toute ma bonne volonté, je ne peux guère que reprendre l'histoire et m'étonner de te trouver en ce lit. Permets donc  que j'exprime ma surprise car nos lecteurs s'impatientent. »

« Ma mère -grand, que vous avez de grands bras ! »

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Message  Pascal-Claude Perrault Jeu 27 Juin 2013 - 22:12

Spoiler:

« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras, un gros foie, une jolie viole de gambe, de grandes jambes, de grands poils, un beau poêle, de grandes oreilles, pas d’oseille, de grands pieds, un gros nez, une longue queue, de gros yeux, un gros nœud, de grandes narines, des latrines, une grande p... heu, une grosse langue, un boomerang, une belle mangue, quel gros ventre diantre ! Un gros intestin, de beaux reins, pas de seins, des longs ongles, quelle jongle ! une grosse tête la grosse bête, et dedans...

DES GRANDES DENTS !

— Niark niark ! Ouiiiii, c’est ça, de grandes dents, bien sûr ! Des crocs pour te croquer ! »

À ces mots, s’abattant sur le petit Chaperon rouge comme le jugement dernier, le loup la gobe sans lui laisser le temps de faire appel.

À cause de mèr’grand la bien murgée,
Le bon gros pif, Leu dut cuver.

Loup gavé pire que trois oies,
Fit un petit pipi popo,
Voulut fair’ un petit dodo
Avant de retourner au bois.

Hippopotamement, il s’écroula,
Et tel un gros diesel,
À force décibels
Il ronronna...

Non loin de la chaumière, trois inconnus pourchassant la gallinette cendrée jouaient le sketch des chasseurs. Munis de appeaux produisant des sons grotesques, il jetaient leurs cadavres de cannettes de bière dans tous les coins à mesure de leur progression, et cela dans la plus pure tradition de la chasse et de la protection de l’environnement.
Ils crurent alors entendre comme une locomotive à vapeur filant bon train, éventuellement comme un paquebot quittant le port du Havre, avec néanmoins ce petit sifflement caractéristique des réacteurs du Concorde. S’approchant prudemment du logis de mère-grand, ils restèrent un instant interdits, se regardèrent en écoutant ce bruit étrange qui leur évoquait également la scène des envahisseurs lorsque David Vincent est témoin de l’atterrissage d’une soucoupe volante. Croquignol entama alors :

« Z’entendez ça ?
— Pfuii, on dirait un orchestre de marteaux piqueurs, répliqua Ribouldingue
— Ouais ben vous voyez pas que ce soit une bombe à retardement ! enchaîna Filochard, moi je me disperse illico !
— Ce s’rait pas la baraque de la vioque qui se torche au picrate ici ?
— T’as raison Croquignol, j’crois bien
— Hè Ribou, Croqui, et si elle était malade la ridée, moi je dis que la laisser dans un état pareil, ce s’rait pas galant.
— Ça manquerait d’éthique, comme qui dirait.  
— Ouais, comme un crime contre l’humanité en quelque sorte.
— On est des chasseurs ?
— On est des chasseurs !
— Ouaip !
— Alors on fait une formation en quinconce et on avance prudemment.
— Bah on est que trois, quinconce faut être cinq !
— T’inquiète Filochard, Croquignol y veut faire son érudit depuis qu’un légionnaire lui a appris ça ; le mec devait venir dans l’histoire, mais y a un des auteurs qu’a oublié de le mettre.
— ?
— De le m...
— Laisse tomber, y sait plus ce qu’y dit, il est quand même douze cannettes et demie à ma montre. Allez on y va ! »
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Message  Pussicat Ven 28 Juin 2013 - 17:28

Spoiler:

Une sorcière égarée à cheval sur son balai aperçut les trois chasseurs du haut de la futaie. Fondant comme l'éclair le vent d'été dans une plongée assurée la voilà bientôt, en moins de temps qu'il n'en faut pour un chasseur de leur trempe de tirer une Galinette cendrée, lévitant devant nos trois gaillards déjà fort éméchés.

« Loin de moi l'idée de troubler vos projets mais pourriez-vous m'indiquer le sud s'il vous plaît. Il me faut prestement me rendre au départ du Tour de France des Sorcières qui a lieu dans cette belle île de Corse. »

Aucunement perturbés par l'arrivée impromptue de la sorcière, voilà nos amis rebondirent du tac au tac avec l'humour gras qui sied à tout bon chasseur de Galinette cendrée ; seul Ribouldingue semblait s'inquiéter de la situation. Il connaissait bien la force maléfique des sorcières, les sorts et autres sortilèges qu'elles possédaient, et d'un seul geste, d'une formule lancée, faire et défaire le monde et les hommes qui le peuple, sa mère lui lisait ce genre d'histoires le soir après souper.

- Sacré tour de force, commenta Filochar.
- Corsé, renchérit Croquignol.
- Ah, ah, ah... corsé, corsé... ah, ah, ah, sacré Croc, corsé, ah, argh, arch...

Et les deux chasseurs de rire et se taper les cuisses comme des chasseurs.

Vexée, la sorcière sortit une brindille et en tournemain transforma Filochar et  Croquignol en petits cochons roses, talqués et parfumés, chacun enrubannés de son étole en mousseline de soie pivoinée.

Fixant Ribouldingue fiché comme un chêne dans sa terre, elle baissa la tête et lui dit, dépitée.

« Je suis désolée, j'ai deux vices dans la vie : la rancune et l'oisiveté, voyez comme tous les deux sont bien mauvais conseillers. Pouvez-vous m'aider et m'indiquer où se trouve le sud ? »

Pâle, ruisselant, frissonnant de tous ses os, Ribouldingue leva le bras et tendit son index en direction du sud, sans mot dire.

« Vous me rendez un bien beau service, et pour vous en remercier, je puis vous assurer le meilleur dans votre entreprise ; allez sans crainte, entrez, je vous le dis et vous l'assure. » Puis la sorcière disparut aussi prestement qu'elle était arrivée : « on dirait le sud, le temps dure lontemps an... ». Pfuuit !

Malgré les assurances de la bonne sorcière, l'hésitation commandait au chasseur de prendre ses jambes à son coup et de déguerpir fissa. Il faut dire que Ribouldingue n'est pas ce qu'on appelle un vaillant. Oui vrai, il est chasseur, mais un chasseur du dimanche plus prompt à se plomber la tête que le gibier. Aussi, las des couinements de ses deux compères qui se chicanaient à faire les beaux comme deux larrons à la foire de Paris, Ribouldingue finit par se décider à tirer la chevillette pour que la bobinette, pour que la bobinette... euh... la bobinette... il appuya sur la clenche et la porte s'ouvrit.
Il faisait sombre comme une nuit sans lune... Ribouldingue tâtait tant et plus... "mais où donc est donc cet interrupteur... ?"

« Ne cherchez pas il n'y en a pas. EDF a refusé de couvrir le secteur, pas assez d'habitants, pas assez rentable nous a répondu le responsable cantonal. Nous nous éclairons à la bougie, ou à la lumière du jour. Moi je préfère la lune, c'est plus romantique... »

Ribouldingue sortit son Iphone pour éclairer la pièce. Un loup, c'était un loup ! le loup du « Petit Chaperon rouge » que lui lisait sa mère pour l'endormir le soir, le loup était là et bien là cette fois devant lui, là bien là et bien vivant, avec ses grands bras et ses grandes jambes, avec ses grandes oreilles, ses grands yeux jaunes, ses grandes dents blanches !

« Mais, mais, ce n'est pas ce qui était prévu, monsieur Le Loup, ah non ! moi je suis venu à la chasse à la Galinette cendrée quand une sorcière est arrivée sur son balai nous demander la direction du sud, oui je suis venu avec deux copains, ils sont devant chez vous, enfin... gloup's... devant la maison, elle les a, elle les a transformés en petits cochons, et elle, la sorcière, euh, elle, elle participe au Tour de France des sorcières, vous devez connaître, vous qui habitez la région, le départ a lieu en Corse, le sud, la Corse, vous... comprenez ? »

« Des petits cochons ? Etes-vous bien sûr d'être à la bonne place monsieur le... chasseur, dans le bon livre, dans la bonne histoire ? mais c'est un détail ; pourquoi ne pas faire d'une pierre deux coups, avec la mère-grand et le Petit Chaperon rouge, je me verrai bien croquer ces deux petits cochonnets. »

À ces mots, le sang de Ribouldingue ne fit qu'un tour, il n'était certes pas vaillant mais loyal en amitié et l'idée que le loup vienne à manger ses deux copains d'infortune lui donna la force de répondre et d'agir : « Tu vas voir ce que tu vas voir ! ».
Il figea le loup d'un simple clic sur son Iphone. Sidéré, aveuglé par tant de lumières stroboscopiques, prisonnier de la transe musicale, le loup ne vit pas Ribouldingue se saisir du couteau posé sur la table, encore moins la lame entrer dans son plexus et descendre lentement jusqu'à son ventre.
Et c'est dans une joie extatique, gueule ouverte, langue pendante, les yeux exorbités, que le loup accoucha par césarienne d'un Petit Chaperon rouge et d'une vieille grand-mère.

Encore éblouies par les lumières de l'Iphone, toutes deux sautèrent au cou de Ribouldingue : « Papa ! »
- Euh oui, nous verrons cela plus tard, d'accord ?! pour le moment, demandons-nous ce que nous allons faire de ce loup.
- J'aurais bien une idée, lança Petit Chaperon Rouge, mais il faut un étang, vous savez, comme la mafia fait avec les donneuses, les pieds dans le béton.
- Mais comment sais-tu cela ?
- Oh tu sais papa...
- Ribouldingue, je m'appelle Ribouldingue !
- Tu sais papa Ribouldingue, je ne suis plus une enfant, j'en ai vu des choses, et des films aussi, avec l'Ogre nous allons au cinéma tous les mercredis.
- L'Ogre ? Si tu veux m'appeler « papa », va falloir changer tes p'tites habitudes.
Aussi, comme n'avons ni béton ni étang, je propose de lui remplir le ventre de gros cailloux et de le recoudre, comme ça, il ne pourra plus bouger et mourra comme un chien... enfin, comme un loup.
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Message  Sahkti Sam 29 Juin 2013 - 8:47

Spoiler:

La demoiselle ressentit tout d'abord joie et soulagement à l'idée de retrouver sa grand-mère. Il vous a déjà été dit qu'elle aimait beaucoup son aïeule, comme toute bonne petiote à qui on accroche des rubans dans les cheveux. Elle lui chanta une jolie chanson pour célébrer son retour, lui versa un ou deux coups à boire et lui promit de l'emmener faire un tour en ville pour voir sa mère (celle du chaperon, vous l'aurez compris) qui devait s'impatienter.
Sauf que dehors, il tombait des cordes. Des kilomètres de corde. De quoi relier Inishbiggle à Singapour. La faute au réchauffement climatique, avait dit le chasseur pendant qu'il dépeçait le loup.
C'était un fameux travail de découper un loup. Tout d'abord, il y avait la peau à retirer. Puis les entrailles à ôter, la chair à cisailler, réservant les plus beaux morceaux aux grandes occasions et mettant sécher le reste pour le vendre plus tard comme amulettes aux cars de touristes qui s'arrêtaient pour photographier le camp et ses réfugiés.

Pendant que Ribouldingue finissait d'empaqueter les yeux et la langue de feu le croqueur de vieilles, le minuscule chaperon rougeoyant caressait du bout des doigts la délicate fourrure posée sur un dossier de chaise. Que c'était doux. Et si beau. La gamine s'enroula dans la peau, plongeant son visage au creux des poils soyeux.
C'est alors que de drôles de pensées lui vinrent à l'esprit. Du genre de celles qu'un légionnaire assoiffé peut avoir en plein désert quand un mirage fait apparaître une chèvre devant lui (le lecteur nous pardonnera cette pirouette politiquement correcte, ce site étant accessible à des mineures d'âge, dont certaines viennent de très loin).
Cunégonde se surprit à rêver d'elle, dansant dans les bois, nue sous la fourrure, pendant qu'une foule de chasseurs en délire chanterait, applaudirait et glisserait des piécettes dans son bonnet bien rouge, de quoi lui offrir – enfin ! – un nouvel habit digne de ce nom. Au diable les rideaux de la voisine, le gratin d'aubergine et la grand-mère qui pue. A elle le bonheur, le plaisir et la luxure.

Oui mais (sans mais, la vie est moins drôle, vous en conviendrez), sa mère lui avait formellement interdit de quitter les sentiers marqués par les points jaunes pour la balade de trois kilomètres, les points verts pour celle de dix et les points mauves pour la randonnée de 25 bornes.
Vouloir gagner sa propre vie, à défaut de la gagner proprement, signifiait désobéir à l'autorité maternelle, ce qui ne posait pas de réel souci de conscience à la petite mais elle savait qu'il y aurait toujours bien l'un ou l'autre cafteur qui la vendrait contre un Big Mac.
Notre chaperonne renforça son rouge légendaire par la couleur de l'ire légitimement ressentie lorsque des principes disciplinaires ringards et des voisins délateurs barrent inextricablement le long cheminement de votre destinée.
Et quelle destinée… fille de feu dans la forêt pour compte de chasseurs en mal de peau de loup.

Evidemment, vu comme ça, c'est plus sympa que de dire gonze à 10 euros sous une tente de réfugiés, mais il n'empêche, en synthétisant de la sorte la situation, notre Cunégonde réalisa à quel point la promesse d'un futur heureux venait de lui échapper.
Et tout ça à cause d'un loup trop gourmand, d'une vieille poivrote et d'un chasseur mêle-tout, ingrédients pourtant indispensables pour faire une bonne histoire. Si la vieille avait défuncté, au moins la gamine aurait-elle hérité. D'un dentier, de trois bouteilles vides et d'une cabane pourrie qu'elle aurait pu revendre contre un aller simple pour la capitale.

Haaa, si la vieille avait expiré…

Plus de peur à avoir d'offrir son corps à des besogneux aux mains calleuses ou à des loups en manque d'acides gras aminés, plus d'obligation de suivre le droit chemin par crainte de se faire engloutir par les flammes de l'enfer ou observer par l'œil de Prism qui sait tout sur tout le monde tout le temps et en temps réel.
La seule chose qui aurait pu l'avaler, c'était la bouche de la station de métro lorsqu'elle aurait foulé le sol de la grande ville (attention aux cr... de chiens) avec son petit pactole hérité.

Mais la vieille n'avait pas clamsé…
(et dire qu'on encourage le placement de défibrillateurs dans un maximum d'endroits… que de chaperons déçus en puissance !)
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Message  Rebecca Dim 30 Juin 2013 - 8:39

Spoiler:


Et voici donc que l’histoire recommençait avec un autre loup.

Alllait-il encore se louper ?

Il se trouve que depuis sa dernière aventure, Cunégonde avait eu l’occasion de lire « Le deuxième sexe » car Mère-grand sous ses allures compassées était une fervente admiratrice du Castor, et lui en avait fait lecture.

Rouge, mais du coup de honte et de confusion, sa petite fille avait réalisé ce que ses fantasmes de libération échevelée et tarifée révélaient en réalité de soumission et d’asservissement. Admettant qu’on ne nait pas Petit Chaperon Rouge mais qu’on le devient, et que de quelque façon qu'on le devienne, on n'est jamais qu'un personnage conçu par d'autres que soi, elle décida de fermer la porte à un projet d’avenir que d’aucuns  prétendraient écrire à sa place :

Petite fille objet en proie à tous les appétits du monde ? Ado bimbo en proie à tous les diktats d'une société procapitaliste dans laquelle l'homme n'est pas un loup que pour l'homme?  Desesperate housewife et future ménagère détentrice de plus ou moins cinquante balais et d'un nombre incalculable de névroses propres à transformer la clique des psys en loups pour son porte-monnaie ? Et puis quoi encore ?

- Je  ne suis ni pute, ni soumise, hurla-t-elle, à cet instant fatidique qui allait pré-dater  au regard de l’histoire la disparition des prédateurs .

Sur ce, elle jeta au feu son voile rouge feu, son soutien-gorge, et sur ses seins naissants dessina au jus d’aubergines et de courgettes, pris dans un bol, quelques symboles attestant que désormais son corps lui appartiendrait car qu’elle avait enfin changé de camp. Feue Cunégonde devint en une seconde Femen et c’est tout feu, toute femme et toute flamme, qu’elle interrogea Mère-Grand du regard !

Notre deuxième loup, qui ne doutait de rien, le pauvre,   se pointa sur ces entrefaites sans imaginer une seconde sa future défaite.  Il croyait innocemment que ça allait être du gâteau  de rouler dans la farine ses deux supposées naïves proies , car elles étaient panées celles qui prétendraient se rebeller contre leur destin de toute éternité.

Mère Grand toute heureuse de remettre à l’honneur son écrivain préféré, et répondant au regard de sa petite fille préférée lui cria
-« En voiture Simone, il est grand temps de donner un coup d’accélérateur à l’histoire, il ferait beau voir que nous ne soyons nées que pour être très panées ! J’ai un plan B. »

Cependant, pour ménager le futur lecteur et le détendre , nous admettrons qu’une petite pause musique s’impose avant d’en  arriver au chapitre qui signe la faim et la fin du pauvre vieux  loup-garou.

Tiens Nougaro,  puisque tu passes par là  fort opportunément, mets nous  en chanson ce qui va  advenir.

« Ah tu verras tu verras, le loup ne sautera pas sur toi, tu verras tu verras  mais il sautera sur le toit tu verras tu verras il fera plus le con tu verras tu verras apprendra sa leçon tu verras tu verras et dans tes greniers, tu verras tu verras  tes caves et tes toits tu verras tu verras,  tu verras tous les rêves du monde…. »
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Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge Empty Re: Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge

Message  Invité Sam 6 Juil 2013 - 7:02

Spoiler:
– Hier j’ai fait cuire des saucisses. Prends l’eau de cuisson et remplis en l’abreuvoir.
– Le remplir ? Il va en falloir des seaux !
– T’inquiètes, mon petit poussin.

L’aïeule n’avait pas mégoté. L'eau de cuisson suffit en effet à remplir le gigantesque abreuvoir. Elle fleurait bon la saucisse. Pour mieux la renifler, le loup tendit le cou si loin qu’il chut dans l’abreuvoir et s’y noya.

Une vieille pie, familière des lieux, n’avait rien perdu de la scène.

– Quel sot, commenta-t-elle avant de s’envoler pour colporter la nouvelle.


Enrichie par le bec à oreille, celle-ci franchit forêts et collines et parvint au cœur farouche de la montagne : le territoire des loups. Deux spécimens occis en une semaine par une gamine à chaperon rouge, ça commençait à bien faire. D’autant que les rieurs à plumes ou à poils étaient du côté de la fraîche meurtrière.

Akela, le vieux sage décida de rassembler la meute.

– Frères, comme moi, vous avez appris la triste nouvelle. Notre peuple est à nouveau victime de la haine viscérale des humains. On peut, sans se payer de mots, avancer le terme de lupophobie. En effet, nombreux sont les plantigrades sans pelage à vouloir l'éradication de notre espèce.
– HOU ! HOUU ! HOUUU !
– Il faut organiser une grande manif pour tous.
– Une manif ? Tu rigoles, c’est une expédition punitive qu’il convient de mettre sur pied.
– Gaffe, ces salopards ont des fusils.
– HOU ! HOUU ! HOUUU !

On ne s’entendait plus à deux lieues à la ronde.

Le discret Lupus Lambda s’éloigna du groupe. Le jeune loup, qui passait pour un lubin de second ordre, était en fait un super-héros. Mais il tenait à ce que ses pouvoirs restent secrets. Dès qu’il fut à l’abri des regards, des ailes de géants surgirent de ses omoplates. Il devint Superwolf, déploya sa voilure et prit son envol.

Tout en cinglant vers les lieux du drame, il réfléchissait. En effet, si ses ailes de géant l’empêchaient de marcher, elles n’affectaient en rien ses capacités intellectuelles.

– Le plus simple est d’emprunter les couloirs du temps.

Depuis la sortie du film “Les visiteurs”, nul n’ignorait le sésame qui permettait d’y accéder. Superwolf était un des rares à savoir l’utiliser. Et sans doute le seul à n'avoir nul besoin de potion magique.

– Per horus et per rha et per solem invictus duceres.

Instantanément il se retrouva huit jours plus tôt, survolant les chasseurs, au moment même où ceux-ci s’étonnaient de l’intensité des ronflements qu’ils attribuaient encore à la grand-mère.

– Bidochus lasagnus !

En un centième de seconde, les nemrods devinrent un  “minerai” de viande hachée, propre à faire le bonheur des louveteaux. Si tant est que les adultes leur en laissent un chouïa.

– Directus copinus !

Comme un cadeau du ciel, le produit réapparut au centre du grand conseil de la meute. Les loups ne s’embarrassèrent pas de questions métaphysiques et se précipitèrent sur la manne.

Au même instant, mais huit jours plus tôt, Superwolf, son devoir accompli, jeta un petit coup d’œil dans la maison pour s’assurer que son ronfleur de congénère digérait dans de bonnes conditions. C’était le cas. Liquéfiées par un suc gastrique à toute épreuve, le petit chaperon rouge et sa mémé avaient déjà commencé leur progression dans l’intestin grêle. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Du moins celui des loups.

– Backum !

Cette ultime formule ramena le super-héros dans sa meute et en son temps. Il y redevint instantanément le modeste Lupus Lambda, cependant que la meute se disputait ce qu’il restait des chasseurs.

– Eh ! Lambda, où étais-tu passé ? Un énorme bloc de chair humaine nous est tombé du ciel. Elle sent un tantinet le houblon, mais se laisse bouffer. Dépêche-toi si tu veux en profiter.
– Es-tu sûr qu’elle ne contient pas de viande de cheval ?
– ???
– Qu’a décidé le conseil de meute ?
– Décidément, tu débarques. Les rumeurs étaient infondées. Nul chasseur n’a dérangé le croqueur de chaperon rouge dans sa digestion. Qui aurait tout de même duré 48 heures. Ce goinfre a pris 30 kilos ! Mais sur le conseil d’un vieil hibou diététicien, il s’est mis au régime et a vite retrouvé la forme olympique. On l’a vu trainant à proximité d’un pensionnat de jeunes filles. Il paraît qu’un certain Perrault s’apprête à conter ses exploits.
– Charles ou Pascal-Claude ?

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Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge Empty Le petit Chaperon revisité par nos soins

Message  Pascal-Claude Perrault Ven 12 Juil 2013 - 1:25

Exo « Tacotac 2 : le retour » : Le Petit Chaperon rouge Chaper10

Dessin plus ou moins bidon de PCP, avec un hommage à Tex Avery, admirable.

Je signale juste au passage que le petit Chaperon rouge a dans son panier du camembert Président au lait cru (ouais ben j'fais c'que j'veux !)

En plus, je dessine comme un plouc...

Tiens, j'ai oublié de dessiner l'odeur du claquos ! (avec les mouches qui tombent et tout...)

Mais passons aux choses sérieuses : LE TEXTE intégral, Mesdames et Messieurs :


***


Le petit Chaperon rouge


Auteurs :

AliceAlasmartise., Arielle, bertrand-môgendre, Coline Dé, Condremon, chrystie12, Croisic, Igloo, Iris, Janis, Narbah, Obi, Pascal-Claude Perrault, Pussicat, Sahkti, Rebecca, Tizef.



.....


Dans un camp de réfugiés, posé sur une colline, vivait une jeune fille, seule adolescente à quelques kilomètres à la ronde. Sa mère, avare de nature, faisait faire tous ses vêtements dans les rideaux rouge pétants... de feu la voisine. Sa grand-mère, nulle en couture, lui avait valu le sobriquet de petit Chaperon rouge – il faut dire que son voile avait une forme particulièrement ridicule.



« Va donc porter à ta mer' grand
Un peu de gratin d'aubergine
Souffla sa mère à la gamine ;
Prends garde en traversant le camp
Que nul ne touche à ton panier,
Au marché noir les aubergines
Sont plus prisées que la farine,
Ne te les fais pas resquiller ! »



***


« Et hue !...
— … Et hisse !...
—... Et Ha ! »

Le bûcheron haut de sept pieds posa sa hache contre le tronc du hêtre bien entamé. Son compagnon, ralenti dans son élan, tenta de le raisonner :

« Et Hue... Garde le rythme mon Jeannot, t’arrête pas... Et Ha !...
— Pff ! J'ai trop chaud. On boit un verre ?
— On aurait pu finir de le couper. Allez Jeannot, encore un effort, on y est presque.
— Faut que je récupère, moi. Si ça se trouve, un p’tit coup de vent et hop, il tombera de lui-même. »

Sitôt dit, sitôt fait.
Une rafale de vent se chargea d’achever le travail. L’arbre monstrueux craqua, se pencha puis s’écrasa dans un fracas épouvantable. Il entraîna dans sa chute quelques jeunes plants de la futaie avant de pulvériser le bois taillis en bordure du chemin.

Un loup solitaire, en quête de nourriture, suivait la piste d’une musaraigne qu’il imaginait bien charnue. Au bruit provoqué par la chute de l'arbre, il sursauta et se protégea la tête contre une pluie de branchage tout en invectivant les responsables de ce chambardement :

« Quelle bande de crétins ! Peuvent pas faire attention ? Me voilà tout cochonné à présent. C’est ballot ! Andouilles ! Imbéciles !
— Pourquoi tant de haine Monsieur le loup ? »

Il se retourna en entendant cette petite voix frêle qui semblait tout juste sortie d’un garde-manger. La surprise fut de taille. Une jeune enfant bien en chair s’adressait à lui. Devant tant de fraîcheur, il oublia les quelques grammes du rongeur, fut pris d'une abondante sécrétion de salive et bredouilla quelques mots d’excuses.

Bavant un peu (mais avec discrétion), le loup se fit chattemite et, prenant sa voix sucrée, lui dit :

« Whow, jolie demoiselle, avec ce déguisement et ces bottines vernies, je parie que tu vas au bal masqué... Et tu vas sûrement gagner le premier prix !
— Pff, t'as tout faux, Monsieur Loup ! Et d'une, c'est mon chaperon de tous les jours – et pas un déguisement ! –, et de deux, je vais juste porter une petite tortore à ma grand-mère qu'est pas en forme. Et de trois, la salle des Fêtes, c'est pile à l'opposé ! Ma grand-mère, c'est la dernière maison après le gros orme aux corbeaux, presque en face du moulin du Train d'Enfer...
— Ah, ça doit être un chouette coin dit le loup, j'ai bien envie d'aller y faire un tour, je m'ennuyais, justement... On se retrouve chez ta grand-mère ? Tu prends le chemin, moi je passe par les fourrés, ça démêlera ma queue ; faut que je sois présentable pour saluer ton aïeule...
— OK dit Cunégonde (vous comprenez maintenant pourquoi on passe généralement son nom sous silence !), on fait la course. Le dernier arrivé paiera sa tournée ! »

Les chaperons, ça batifole, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Et puis ça parle aux fleurs :

« Bonjour la fleur, que votre corolle est jolie.
— C’est pour mieux sentir ma chérie.
— Ah non ça c’est après. Au fait pendant que j’y pense, il faut que j’appelle mère-grand. »

(Les chaperons, ça parle aussi tout seul).

Là-dessus, le chaperon sort son téléphone portable et appelle mère-grand :

« Allo mère-grand, je t’appelle car j’ai rencontré le loup, fort sympathique avec une barbe toute noire et des dents toutes blanches. Il veut absolument te rencontrer, alors je lui ai donné ton adresse. Je crois qu’il ne devrait pas tarder à sonner à ta porte…. »

Le chaperon avisant des noisettes bien brillantes à croquer fait un pas de danse, et sans attendre la réponse, referme son portable et se met à l’ouvrage.

Pendant ce temps, le loup courait....

Il n'avait nulle envie de se faire coiffer sur le poteau, il traversa les halliers, moulina tant et plus de ses jarrets puissants et de ses fins biscotos qu'il leva une nuée de corbeaux.
« Ah l'orme !... À poulettes ! » se dit-il en jouant les ventriloques. (Il s'entraînait pour la suite, voyez-vous...)
Il souleva le heurtoir qui sonna un gong retentissant. Silence ! (La queue du loup balance...)

« Mais c'est quoi ce vacarme ? Y en a marre des colporteurs, passez votre chemin !
— Mummmmmm ! Coucou mamie... C'est moi,  dit Monsieur Loup de sa voix feutrée, cé moi ton pitit Saperon Rouze... Z'ai là, dans ma besace, un p'tit en-cas pour te rebecter la cerise... Heu... Des douceurs pour te requinquer mamie, cé ma daronne qu' a tout popoté... Un bon ragoût de p'tits zoziaux et une tarte aux fraises des bois, tagada....
— Mon pauvre petit, voilà que tu zozottes maintenant... Quelle drôle de voix tu as aujourd'huic ! »

La queue du loup ne balance plus, il réfléchit... :

« Mâ, ché à cauge des fraiges tagada... Ché cro bon, z'ai pas pu régichter... – Gloups ! – Ayé, tout avalé ! Allez, viens vite m'ouvrir Mamie !
— C'est malin, pour les tagada, et moi – hic – alors ? J'aurai des rouleaux de réglisse à la place ? Et mais c'est que non, ha-ha vite je ne peux pas : je suis coincée sous ma bouillotte avec une flasque de – hic –, paraît  que ça guérithihi...Mais en fait non, pas du tout, et j'ai rêvéhéhé que tu m'appelais : tu me hips'ais que le loup voulait venir me visiter... N'importe quoi ! »

Loup affamé retient ses griffes contre la porte de bois, et à grand peine rage dans sa voix : trop bavarde l’ancêtre.

« Et comment je fais pour entrer, si tu es ronde comme une queue de pelle ? Mamiiie, allez, ça va ! S'il te plaîîît ouvre-moi !
— T'as qu'à passer par la fenêtre, tiens. Ça nous changera, j'ai des problèmes de serrure, en ce moment c'est compliqué... Mais on peut toujours essayer, alors écoute-moi bien... – Glou-Glou – tu écoutes ?
— Sslluurrpp !?!
— Euh... Comment qu'on – hips – fait, déjà... Hem, alors ce que tu vas faire : tu tires la charrette, et ça s'embobinera tout seul !
— Que je tire sur la charrette ? (Hum... Elle se voit déjà dans l'ambulance, la mémé.) Ce qu'on va faire, Mémé, c'est qu'on va brûler directement cette étape. »

C'est mieux, se dit le loup à part lui, car il n'avait plus de temps à perdre. L'autre jouvencelle n'allait plus tarder. Il chevilla et rechevilla la bobinette qui finit par céder. Il se jeta sur la grand-mère, non sans l'avoir décoiffée de sa charlotte, car il n'aimait pas les charlottes aux fraises.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il trouva la vieille un peu racornie, et pour tout dire, pas très ragoûtante. Mais la faim le tenaillait depuis plusieurs jours, et il ne fit pas le difficile en pensant au dessert croquignolet qui ne tarderait pas à arriver. L'estomac un rien encombré (quelle vieille carne !), il prit place dans la couche de la mère-grand, et attendit que le tendron se pointe à l'huis.

Il restait plongé dans la pénombre douce de la chambre, au milieu des meubles et des objets désuets dont il devinait les contours. Sous cet édredon moelleux, il fut soudain pris de mélancolie. Car le loup n'était pas mauvais, juste affamé.

Il se revoyait avec ses frères et sœurs, jouant dans les hautes herbes, grignotant quelque morceau de viande déniché par sa mère : qu'elle était loin l'enfance !

Toc toc !

L'image de la jeune fille toute en bottes de cuir et en petit vêtement rouge, se balançant d'un pied sur l'autre avec ses genoux pointus un tout petit peu cagneux, mordillant son pouce, balaya d'un seul coup tout scrupule.

« Qui est-ce ? »

Cette voix rauque, malgré lui. Il sentait la peur derrière la porte, la peur et l'innocence.

« C'est moi Cunégonde. Je vous apporte un gratin d'aubergine. C'est maman qui l'a fait au camp. »

Oh oh petite fille, sens-tu comme le piège se referme sur toi ?

Oh que oui diable, elle le sentait le bon vieux piège jaloux. Oh que oui, elle commençait à comprendre que cette petite histoire mièvre allait se transformer en une formidable cochonnerie pleine de cochonnaille, de ventres éclatés par des banquets sanglants accompagnés de turpitudes polypartenariales avec un quarteron de solides bûcherons tatoués aux muscles durcis par la raideur du bois.

Mais n'anticipons pas et reprenons le cours normal de notre récit.

« Mais enfin Mamie, (je vous fais ressouvenir que c'est la petioute qui cause) c'est moi, ta petite fille et je t'apporte à ta porte la fameuse galette du moulin que  nous avons confisqué arme à la main à la caisse centrale de dépôt du CCP régional, et le petit pot de beurre du dernier tango. C'est Manman qui m'a dit d'y faire. »

Le loup – qui n'avait pas saisi du premier coup tout ce que ces propos décousus comme un ventre de grand mère signifiaient, et qui croyait ne pas avoir affaire à plus forte partie que, par exemple, la chèvre de Monsieur Seguin –, se résolu néanmoins (et l'on va voir plus loin que le fait de ne pas avoir de nez aura son importance pour la suite de ce récit et pique et pique et colégram), le loup donc gramophona d'un ton chevrotant qu'il pensait adapté à l'imitation d'une voix de grand-mère, il crachouilla donc :

« Tire la zigounette et la choupinette chiera et viens vite coucher avec moi ma petite chèvre » (il avait l'accent maghrébin étant né dans le 9.3).

Le petit chaperon rouge ne se le fit pas dire deux fois et il se précipita dans le lit en jetant ici et là ses sous-vêtements en dentelle de Murano et ses fripes rouges de honte, comme le font à présent les étudiantes lors des fêtes votives d'intronisation dans les universités américaines, ce qui est très facile à voir si on est un peu curieux en se promenant sur Internet.

Elle s'attendait à quelque chose de grand, mais jamais elle n'aurait pensé trouver une telle pilosité odorante sous une robe de grand-mère.

Alors ça oui, on peut dire qu'elle était contente !

Le loup, au comble du bonheur, salivait à qui mieux mieux. Après avoir envoyé par la chambre édredon, vêtements, sous-vêtements, poils, fripes et pompons, il referma ses pattes avides sur la dodue demoiselle rougissante. Glissant un ongle délicat sous l'élastique rouge d'une petite culotte aubergine bordée de ruban blanc, il le fit claquer pour s'aiguiser encore l'appétit qu'il avait fort grand. Il se délectait du petit sourire un peu amer de la charmante Cunégonde.

Tss ! fit l'élastique. Tss... Tss ! Soudain le loup comprit qu'il y avait un hic. Ce fut d'abord celui de la grand-mère saoule qu'il avait avalée et dont les morceaux récalcitrants protestaient ivres et morts à l'intérieur de son estomac encombré.
« Hic ! » fit le loup qui, confus, interdit, referma ses pattes sur lui-même, s'égratignant les biceps (car il avait les ongles comme l'appétit :  « Un loup sachant chasser doit toujours affûter ses ongles etc....») Il n'étreignit que le vide. Oui, décidément, il y avait un os. « Des os, trop d'os, songea-t-il in petto. » Les grands yeux bruns du loup, frangés de doux cils, chavirèrent soudain, traversés d'éclairs. Mais que se passait-il ?
     
D'un geste ample et rageur, repoussant la couverture et le drap à la bordure ajourée, il ouvrit grand le lit pour en vérifier le contenu. « Saperlipopette ! Nom d'une chevillette ! »
Où était passée la chair fraîche pomponnée de rouge qu'il s'apprêtait à déguster ? Ah, ce sinistre fond d'ossailles de la mère-grand lui déchirait les intestins et l'animal eût certes préféré que la petite lui préparât une bonne tisane de verveine pour le faire digérer, une tisane comme Maman Louve lui en préparait autrefois lorsqu'un mouton plus coriace que les autres ne passait pas. Mais, en bon loup vicieux de Castalie qu'il se targuait d'être – on a beau être du 9.3. ça n'est pas pour autant qu'on n'a pas d'honneur ! –, il lui fallait, malgré sa lassitude, se livrer à la rituelle petite partie de tagada-tsoin-tsoin (ou la variante crac-crac) qu'on attendait de lui. « On choisit pas son destin, on choisit pas sa famille, se disait le loup, et les trottoirs de Manille etc... » mais à cet instant, je ne suis pas sûr qu'il n'aurait pas préféré un petit yoghourt à la vanille plutôt qu'un chaperon rouge. À la vérité, le loup n'était pas très dessert, mais tu t'impatientes, lecteur : « Finissons en ! dis-tu. Que le loup dévore la petite fraise tagada, fasse les galipettes qu'il peut, refermons la porte de la chaumière et rentrons à Saïda, manger notre gratin d'aubergines ou au camp de réfugiés près de Baalbeck. Des Syriens ont réussi à nous procurer du savon d'Alep. Cet après-midi, les filles et moi allons pouvoir nous laver, faire la lessive et souffler un peu au lieu de lire des âneries pareilles sous prétexte de maintenir leur niveau de français ! »

Que nenni, lecteur ! Je me dois de t'expliquer par le menu tout ce qu'il advint dans cette terrible histoire dite « du petit Chaperon rouge » puisque c'est elle qu'aujourd'hui encore la tradition transmet, à la veillée, jusqu'au fin fond de la vallée de la Qadisha où l'a entendue ma propre grand-mère.

Le loup, donc, salivait toujours, seul dans le lit. Ayant dans sa hâte maladroite envoyé promener couverture, drap, caleçon et pyjama, il se trouva tout bête à grelotter devant l'objet de sa concupiscence qui, loin de s'être faufilé à ses côtés comme il se l'était sottement imaginé, le regardait d'un œil consterné. Car Cunégonde, ayant sagement croisé ses genoux cagneux, s'était assise sur l'unique chaise de la pièce et tapotait à présent d'un air excédé la couverture d'un calepin avec un stylo bille. Pour ménager la pudeur du vieux loup piteux (car même les vieillards salaces et exhibitionnistes ont dû être, au moins une fois dans leur vie, les petits enfants chéris de leur maman), autant que pour s'épargner la vue d'une misérable aubergine toute ratatinée, Cunégonde se releva et détournant les yeux, rabattit la couverture.

« Quand tu seras prêt, pourras-tu répondre à mon questionnaire ? Je fais une enquête. »

Devant la tête ahurie de l'animal, elle s'expliqua :

« Inscrite par correspondance en première année de psychologie à Beyrouth, j'ai reçu des tableaux à remplir pour valider une U.V. Et j'ai des entretiens à mener. Puisque mère-grand n'est plus là, tu pourras peut-être m'aider ? Première question :
- l'envie crée-t-elle votre réalité ?
- Deuxième (ah, tiens, je n'avais pas lu mais ça colle bien, dis donc) : votre identité sociale et générique est-elle seule à vous définir en tant qu'être vivant ? »

Comme le loup roulait des yeux effarés et tremblait toujours sous son drap, Cunégonde précisa :

« Le vocabulaire psychologique, c'est pas de la tarte, je te l'accorde, enfin, pas de la galette au bon beurre qui glisse toute seule. Voilà, en gros, est-ce que tu as vraiment choisi par goût de faire appel aux instincts les plus vils et les plus bas résille, gros bêta, ou bien est-ce pour te vanter plus tard devant tes copains du 9.3 que tu continues à lorgner ma petite culotte sous ma jupe ? Personnellement, j'aurais préféré quelque chose de plus long et de moins voyant, mais maman était déjà si contente de trouver les rideaux de la voisine ! »

Ce disant, Cunégonde fit un clin d’œil mutin au loup qui fixait, incrédule, ses adorables  genoux cagneux. Les questionnaires remplis, Cunégonde soupira : « Mon pauvre p'tit loup... » Et elle avait l'air si désolé et bienveillant que la bête, qui au fond n'était pas un mauvais bougre, faillit soudain se mettre à pleurer. Le loup dut empêcher sa mâchoire de trembler. Il aurait bien voulu que sa maman fût encore là. Le chaperon avait rangé son calepin et sorti le gratin d'aubergine.

« Inutile de manger la grand-mère, on aurait pu partager dit Cunégonde. Même, regarde, j'ai pour toi des falafels ! »

Lorsqu'elle sortit enfin de son panier le ragoût de cou d'agneau que sa mère avait mijoté plus d'une heure et demie, le loup fondit en larmes en hoquetant : « Mansaf,... mansaf ! » et il se remit à saliver de plus belle : « Pardon, dit-il, j'avais trop faim ! » Il eut un étourdissement passager où il vit passer des oignons jaunes dorés, des bâtons de cannelle et une nuée de pignons et de pistaches par-dessus les cubes fondants de cou d'agneau.

« J'aimais bien ma grand-mère..., dit tristement Cunégonde. Tant pis ! » Et elle tendit les morceaux d'agneau au loup qui les engloutit.

« Je regrette, dit le loup, crois-tu que je sois définitivement mauvais ? (Il lorgnait encore les falafels à ce moment).
— Je ne sais pas, dit le chaperon. Vraiment, je ne sais pas. Que pouvons-nous faire maintenant ?
— Tous nos efforts, répondit le loup après avoir roté.
— Moi, chuchota Cunégonde qui retenait un bâillement, je suis bien fatiguée. Mais toi, le loup, réfléchis, mets-y du tien. Avec toute ma bonne volonté, je ne peux guère que reprendre l'histoire et m'étonner de te trouver en ce lit. Permets donc que j'exprime ma surprise car nos lecteurs s'impatientent » :

« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras, un gros foie, une jolie viole de gambe, de grandes jambes, de grands poils, un beau poêle, de grandes oreilles, pas d’oseille, de grands pieds, un gros nez, une longue queue, de gros yeux, un gros nœud, de grandes narines, des latrines, une grande p... heu, une grosse langue, un boomerang, une belle mangue, quel gros ventre diantre ! Un gros intestin, de beaux reins, pas de seins, des longs ongles, quelle jongle ! Une grosse tête la grosse bête, et dedans...

DES GRANDES DENTS !

— Niark niark ! Ouiiiii, c’est ça, de grandes dents, bien sûr ! Des crocs pour te croquer ! »

À ces mots, s’abattant sur le petit Chaperon rouge comme le jugement dernier, le loup la gobe sans lui laisser le temps de faire appel.



À cause de mèr’grand la bien murgée,
Le bon gros pif, Leu dut cuver.

Loup gavé pire que trois oies,
Fit un petit pipi popo,
Voulut fair’ un petit dodo
Avant de retourner au bois.

Hippopotamement, il s’écroula,
Et tel un gros diesel,
À force décibels
Il ronronna...



Non loin de la chaumière, trois inconnus pourchassant la gallinette cendrée jouaient le sketch des chasseurs. Munis de appeaux produisant des sons grotesques, il jetaient leurs cadavres de cannettes de bière dans tous les coins à mesure de leur progression, et cela dans la plus pure tradition de la chasse et de la protection de l’environnement.
Ils crurent alors entendre comme une locomotive à vapeur filant bon train, éventuellement comme un paquebot quittant le port du Havre, avec néanmoins ce petit sifflement caractéristique des réacteurs du Concorde. S’approchant prudemment du logis de mère-grand, ils restèrent un instant interdits, se regardèrent en écoutant ce bruit étrange qui leur évoquait également la scène des envahisseurs lorsque David Vincent est témoin de l’atterrissage d’une soucoupe volante. Croquignol entama alors :

« Z’entendez ça ?
— Pfuii, on dirait un orchestre de marteaux piqueurs, répliqua Ribouldingue
— Ouais ben vous voyez pas que ce soit une bombe à retardement ! enchaîna Filochard, moi je me disperse illico !
— Ce s’rait pas la baraque de la vioque qui se torche au picrate ici ?
— T’as raison Croquignol, j’crois bien
— Hè Ribou, Croqui, et si elle était malade la ridée, moi je dis que la laisser dans un état pareil, ce s’rait pas galant.
— Ça manquerait d’éthique, comme qui dirait.  
— Ouais, comme un crime contre l’humanité en quelque sorte.
— On est des chasseurs ?
— On est des chasseurs !
— Ouaip !
— Alors on fait une formation en quinconce et on avance prudemment.
— Bah on est que trois, quinconce faut être cinq !
— T’inquiète Filochard, Croquignol y veut faire son érudit depuis qu’un légionnaire lui a appris ça ; le mec devait venir dans l’histoire, mais y a un des auteurs qu’a oublié de le mettre.
— ?
— De le m...
— Laisse tomber, y sait plus ce qu’y dit, il est quand même douze cannettes et demie à ma montre. Allez on y va ! »

Une sorcière égarée à cheval sur son balai aperçut les trois chasseurs du haut de la futaie. Fondant comme l'éclair le vent d'été dans une plongée assurée, la voilà bientôt, en moins de temps qu'il n'en faut pour un chasseur de leur trempe de tirer une Gallinette cendrée, lévitant devant nos trois gaillards déjà fort éméchés.

« Loin de moi l'idée de troubler vos projets mais pourriez-vous m'indiquer le sud s'il vous plaît. Il me faut prestement me rendre au départ du Tour de France des Sorcières qui a lieu dans cette belle île de Corse. »

Aucunement perturbés par l'arrivée impromptue de la sorcière, voilà que nos amis rebondirent du tac au tac avec l'humour gras qui sied à tout bon chasseur de Gallinette cendrée ; seul Ribouldingue semblait s'inquiéter de la situation. Il connaissait bien la force maléfique des sorcières, les sorts et autres sortilèges qu'elles possédaient, et d'un seul geste, d'une formule lancée, faire et défaire le monde et les hommes qui le peuple ; sa mère lui lisait ce genre d'histoires le soir après le souper.

« Sacré tour de force, commenta Filochard.
— Corsé, renchérit Croquignol.
— Ha ha, Ha ha !... Corsé, corsé... Ha Ha Ha ! Sacré Croq, corsé ! Ah, argh, arch... »

Et les deux chasseurs de rire et de se taper les cuisses comme des chasseurs.

Vexée, la sorcière sortit une brindille et en tournemain transforma Filochard et  Croquignol en petits cochons roses, talqués et parfumés, chacun enrubanné de son étole en mousseline de soie pivoinée.

Fixant Ribouldingue fiché comme un chêne dans sa terre, elle baissa la tête et lui dit, dépitée :

« Je suis désolée, j'ai deux vices dans la vie : la rancune et l'oisiveté, voyez comme tous les deux sont bien mauvais conseillers. Pouvez-vous m'aider et m'indiquer où se trouve le sud ? »

Pâle, ruisselant, frissonnant de tous ses os, Ribouldingue leva le bras et tendit son index en direction du sud, sans mot dire.

« Vous me rendez un bien beau service, et pour vous en remercier, je puis vous assurer le meilleur dans votre entreprise ; allez sans crainte, entrez, je vous le dis et vous l'assure. » Puis la sorcière disparut aussi prestement qu'elle était arrivée : on dirait le Sud, le temps dure lontemps an... » Pfuuit !

Malgré les assurances de la bonne sorcière, l'hésitation commandait au chasseur de prendre ses jambes à son coup et de déguerpir fissa. Il faut dire que Ribouldingue n'est pas ce qu'on appelle un vaillant. Oui vrai, il est chasseur, mais un chasseur du dimanche plus prompt à se plomber la tête que le gibier. Aussi, las des couinements de ses deux compères qui se chicanaient à faire les beaux comme deux larrons à la foire de Paris, Ribouldingue finit par se décider à tirer la chevillette pour que la bobinette, pour que la bobinette... Euh... La bobinette... Il appuya sur la clenche et la porte s'ouvrit.
Il faisait sombre comme une nuit sans lune... Ribouldingue tâtait tant et plus...
« Mais où donc est donc cet interrupteur ?...
— Ne cherchez pas il n'y en a pas. EDF a refusé de couvrir le secteur, pas assez d'habitants, pas assez rentable nous a répondu le responsable cantonal. Nous nous éclairons à la bougie, ou à la lumière du jour. Moi je préfère la lune, c'est plus romantique... »

Ribouldingue sortit son Iphone pour éclairer la pièce. Un loup, c'était un loup ! Le loup du « petit Chaperon rouge » que lui lisait sa mère pour l'endormir le soir, le loup était là et bien là cette fois devant lui, là bien là et bien vivant, avec ses grands bras et ses grandes jambes, avec ses grandes oreilles, ses grands yeux jaunes, ses grandes dents blanches !

« Mais, mais, ce n'est pas ce qui était prévu, Monsieur le Loup, ah non ! Moi je suis venu à la chasse à la Gallinette cendrée quand une sorcière est arrivée sur son balai nous demander la direction du sud, oui je suis venu avec deux copains, ils sont devant chez vous, enfin... Gloup's... Devant la maison, elle les a, elle les a transformés en petits cochons, et elle, la sorcière, euh, elle, elle participe au Tour de France des sorcières, vous devez connaître, vous qui habitez la région, le départ a lieu en Corse, le Sud, la Corse, vous... comprenez ?
— Des petits cochons ? Êtes-vous bien sûr d'être à la bonne place Monsieur le... Chasseur, dans le bon livre, dans la bonne histoire ? Mais c'est un détail ; pourquoi ne pas faire d'une pierre deux coups, avec la mère-grand et le petit Chaperon rouge, je me verrai bien croquer ces deux petits cochonnets. »

À ces mots, le sang de Ribouldingue ne fit qu'un tour, il n'était certes pas vaillant mais loyal en amitié et l'idée que le loup vienne à manger ses deux copains d'infortune lui donna la force de répondre et d'agir :

« Tu vas voir ce que tu vas voir ! ».

Il figea le loup d'un simple clic sur son Iphone. Sidéré, aveuglé par tant de lumières stroboscopiques, prisonnier de la transe musicale, le loup ne vit pas Ribouldingue se saisir du couteau posé sur la table, encore moins la lame entrer dans son plexus et descendre lentement jusqu'à son ventre.
Et c'est dans une joie extatique, gueule ouverte, langue pendante, les yeux exorbités, que le loup accoucha par césarienne d'un petit Chaperon rouge et d'une vieille grand-mère.

Encore éblouies par les lumières de l'Iphone, toutes deux sautèrent au cou de Ribouldingue :

« Papa !
— Euh oui, nous verrons cela plus tard, d'accord ?! Pour le moment, demandons-nous ce que nous allons faire de ce loup.
— J'aurais bien une idée, lança petit Chaperon Rouge, mais il faut un étang, vous savez, comme la mafia fait avec les donneuses, les pieds dans le béton.
— Mais comment sais-tu cela ?
— Oh tu sais papa...
— Ribouldingue, je m'appelle Ribouldingue !
— Tu sais papa Ribouldingue, je ne suis plus une enfant, j'en ai vu des choses, et des films aussi, avec l'Ogre nous allons au cinéma tous les mercredis.
— L'Ogre ? Si tu veux m'appeler « papa », va falloir changer tes p'tites habitudes. Aussi, comme n'avons ni béton ni étang, je propose de lui remplir le ventre de gros cailloux et de le recoudre, comme ça, il ne pourra plus bouger et mourra comme un chien... enfin, comme un loup.

La demoiselle ressentit tout d'abord joie et soulagement à l'idée de retrouver sa grand-mère. Il vous a déjà été dit qu'elle aimait beaucoup son aïeule, comme toute bonne petiote à qui on accroche des rubans dans les cheveux. Elle lui chanta une jolie chanson pour célébrer son retour, lui versa un ou deux coups à boire et lui promit de l'emmener faire un tour en ville pour voir sa mère (celle du chaperon, vous l'aurez compris) qui devait s'impatienter.
Sauf que dehors, il tombait des cordes. Des kilomètres de corde. De quoi relier Inishbiggle à Singapour. La faute au réchauffement climatique, avait dit le chasseur pendant qu'il dépeçait le loup.
C'était un fameux travail de découper un loup. Tout d'abord, il y avait la peau à retirer. Puis les entrailles à ôter, la chair à cisailler, réservant les plus beaux morceaux aux grandes occasions et mettant à sécher le reste pour le vendre plus tard comme amulettes aux cars de touristes qui s'arrêtaient pour photographier le camp et ses réfugiés.

Pendant que Ribouldingue finissait d'empaqueter les yeux et la langue de feu le croqueur de vieilles, le minuscule chaperon rougeoyant caressait du bout des doigts la délicate fourrure posée sur un dossier de chaise. Que c'était doux. Et si beau. La gamine s'enroula dans la peau, plongeant son visage au creux des poils soyeux.
C'est alors que de drôles de pensées lui vinrent à l'esprit. Du genre de celles qu'un légionnaire assoiffé peut avoir en plein désert quand un mirage fait apparaître une chèvre devant lui (le lecteur nous pardonnera cette pirouette politiquement correcte, ce site étant accessible à des mineures d'âge, dont certaines viennent de très loin).
Cunégonde se surprit à rêver d'elle, dansant dans les bois, nue sous la fourrure, pendant qu'une foule de chasseurs en délire chanterait, applaudirait et glisserait des piécettes dans son bonnet bien rouge, de quoi lui offrir – enfin ! – un nouvel habit digne de ce nom. Au diable les rideaux de la voisine, le gratin d'aubergine et la grand-mère qui pue. À elle le bonheur, le plaisir et la luxure.

Oui mais (sans mais, la vie est moins drôle, vous en conviendrez), sa mère lui avait formellement interdit de quitter les sentiers marqués par les points jaunes pour la balade de trois kilomètres, les points verts pour celle de dix et les points mauves pour la randonnée de 25 bornes.
Vouloir gagner sa propre vie, à défaut de la gagner proprement, signifiait désobéir à l'autorité maternelle, ce qui ne posait pas de réel souci de conscience à la petite, mais elle savait qu'il y aurait toujours bien l'un ou l'autre cafteur qui la vendrait contre un Big Mac.
Notre chaperonne renforça son rouge légendaire par la couleur de l'ire légitimement ressentie lorsque des principes disciplinaires ringards et des voisins délateurs barrent inextricablement le long cheminement de votre destinée.
Et quelle destinée… Fille de feu dans la forêt pour compte de chasseurs en mal de peau de loup.

Évidemment, vu comme ça, c'est plus sympa que de dire gonze à 10 euros sous une tente de réfugiés, mais il n'empêche, en synthétisant de la sorte la situation, notre Cunégonde réalisa à quel point la promesse d'un futur heureux venait de lui échapper.
Et tout ça à cause d'un loup trop gourmand, d'une vieille poivrote et d'un chasseur mêle-tout, ingrédients pourtant indispensables pour faire une bonne histoire. Si la vieille avait défuncté, au moins la gamine aurait-elle hérité. D'un dentier, de trois bouteilles vides et d'une cabane pourrie qu'elle aurait pu revendre contre un aller simple pour la capitale.

Aaah, si la vieille avait expiré…

Plus de peur à avoir d'offrir son corps à des besogneux aux mains calleuses ou à des loups en manque d'acides gras aminés, plus d'obligation de suivre le droit chemin par crainte de se faire engloutir par les flammes de l'enfer ou observer par l'œil de Prism qui sait tout sur tout le monde tout le temps et en temps réel.
La seule chose qui aurait pu l'avaler, c'était la bouche de la station de métro lorsqu'elle aurait foulé le sol de la grande ville (attention aux cr... de chiens) avec son petit pactole hérité.

Mais la vieille n'avait pas clamsé…
(Et dire qu'on encourage le placement de défibrillateurs dans un maximum d'endroits… Que de chaperons déçus en puissance !)

Et voici donc que l’histoire recommençait avec un autre loup.

Allait-il encore se louper ?

Il se trouve que depuis sa dernière aventure, Cunégonde avait eu l’occasion de lire « Le deuxième sexe » car mère-grand sous ses allures compassées était une fervente admiratrice du Castor, et lui en avait fait lecture.

Rouge, mais du coup de honte et de confusion, sa petite fille avait réalisé ce que ses fantasmes de libération échevelée et tarifée révélaient en réalité de soumission et d’asservissement. Admettant qu’on ne naît pas petit Chaperon rouge mais qu’on le devient, et que de quelque façon qu'on le devienne, on n'est jamais qu'un personnage conçu par d'autres que soi, elle décida de fermer la porte à un projet d’avenir que d’aucuns prétendraient écrire à sa place :

Petite fille objet en proie à tous les appétits du monde ? Ado bimbo en proie à tous les diktats d'une société procapitaliste dans laquelle l'homme n'est pas un loup que pour l'homme ?  Desesperate housewife et future ménagère détentrice de plus ou moins cinquante balais et d'un nombre incalculable de névroses propres à transformer la clique des psys en loups pour son porte-monnaie ? Et puis quoi encore ?

« Je ne suis ni pute, ni soumise ! », hurla-t-elle, à cet instant fatidique qui allait pré-dater au regard de l’histoire la disparition des prédateurs .

Sur ce, elle jeta au feu son voile rouge feu, son soutien-gorge, et sur ses seins naissants dessina au jus d’aubergine et de courgette, pris dans un bol, quelques symboles attestant que désormais son corps lui appartiendrait car elle avait enfin changé de camp. Feu Cunégonde devint en une seconde Femen et c’est tout feu, toute femme et toute flamme, qu’elle interrogea mère-grand du regard !

Notre deuxième loup, qui ne doutait de rien, le pauvre, se pointa sur ces entrefaites sans imaginer une seconde sa future défaite. Il croyait innocemment que ça allait être du gâteau de rouler dans la farine ses deux supposées naïves proies, car elles étaient panées celles qui prétendraient se rebeller contre leur destin de toute éternité.

Mère-grand, toute heureuse de remettre à l’honneur son écrivain préféré, et répondant au regard de sa petite fille préférée lui cria :

« En voiture Simone, il est grand temps de donner un coup d’accélérateur à l’histoire, il ferait beau voir que nous ne soyons nées que pour être très panées ! J’ai un plan B. »

Cependant, pour ménager le futur lecteur et le détendre, nous admettrons qu’une petite pause musique s’impose avant d’en arriver au chapitre qui signe la faim et la fin du pauvre vieux  loup-garou.

Tiens Nougaro, puisque tu passes par là fort opportunément, mets nous en chanson ce qui va  advenir.

« Ah tu verras tu verras, le loup ne sautera pas sur toi tu verras tu verras, mais il sautera sur le toit tu verras tu verras, il fera plus le con tu verras tu verras, apprendra sa leçon tu verras tu verras, et dans tes greniers tu verras tu verras, tes caves et tes toits tu verras tu verras, tu verras tous les rêves du monde… »


« Hier j’ai fait cuire des saucisses. Prends l’eau de cuisson et remplis en l’abreuvoir.
— Le remplir ? Il va en falloir des seaux !
— T’inquiète, mon petit poussin. »

L’aïeule n’avait pas mégoté. L'eau de cuisson suffit en effet à remplir le gigantesque abreuvoir. Elle fleurait bon la saucisse. Pour mieux la renifler, le loup tendit le cou si loin qu’il chut dans l’abreuvoir et s’y noya.

Une vieille pie, familière des lieux, n’avait rien perdu de la scène.

« Quel sot », commenta-t-elle avant de s’envoler pour colporter la nouvelle.


Enrichie par le bec à oreille, celle-ci franchit forêts et collines et parvint au cœur farouche de la montagne : le territoire des loups. Deux spécimens occis en une semaine par une gamine à chaperon rouge, ça commençait à bien faire. D’autant que les rieurs à plumes ou à poils étaient du côté de la fraîche meurtrière.

Akela, le vieux sage décida de rassembler la meute :

« Frères, comme moi, vous avez appris la triste nouvelle. Notre peuple est à nouveau victime de la haine viscérale des humains. On peut, sans se payer de mots, avancer le terme de lupophobie. En effet, nombreux sont les plantigrades sans pelage à vouloir l'éradication de notre espèce.
— HOU ! HOUU ! HOUUU !
— Il faut organiser une grande manif pour tous.
— Une manif ? Tu rigoles, c’est une expédition punitive qu’il convient de mettre sur pied.
— Gaffe, ces salopards ont des fusils.
— HOU ! HOUU ! HOUUU ! »

On ne s’entendait plus à deux lieues à la ronde.

Le discret Lupus Lambda s’éloigna du groupe. Le jeune loup, qui passait pour un lubin de second ordre, était en fait un super-héros. Mais il tenait à ce que ses pouvoirs restent secrets. Dès qu’il fut à l’abri des regards, des ailes de géants surgirent de ses omoplates. Il devint Superwolf, déploya sa voilure et prit son envol.

Tout en cinglant vers les lieux du drame, il réfléchissait. En effet, si ses ailes de géant l’empêchaient de marcher, elles n’affectaient en rien ses capacités intellectuelles.

« Le plus simple est d’emprunter les couloirs du temps. »

Depuis la sortie du film « Les visiteurs », nul n’ignorait le sésame qui permettait d’y accéder. Superwolf était un des rares à savoir l’utiliser. Et sans doute le seul à n'avoir nul besoin de potion magique.

« Per horus et per rha et per solem invictus duceres. »

Instantanément il se retrouva huit jours plus tôt, survolant les chasseurs, au moment même où ceux-ci s’étonnaient de l’intensité des ronflements qu’ils attribuaient encore à la grand-mère.

« Bidochus lasagnus ! »

En un centième de seconde, les nemrods devinrent un  « minerai » de viande hachée, propre à faire le bonheur des louveteaux. Si tant est que les adultes leur en laissent un chouïa.

« Directus copinus ! »

Comme un cadeau du ciel, le produit réapparut au centre du grand conseil de la meute. Les loups ne s’embarrassèrent pas de questions métaphysiques et se précipitèrent sur la manne.

Au même instant, mais huit jours plus tôt, Superwolf, son devoir accompli, jeta un petit coup d’œil dans la maison pour s’assurer que son ronfleur de congénère digérait dans de bonnes conditions. C’était le cas. Liquéfiées par un suc gastrique à toute épreuve, le petit chaperon rouge et sa mémé avaient déjà commencé leur progression dans l’intestin grêle. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Du moins celui des loups.

« Backum ! »

Cette ultime formule ramena le super-héros dans sa meute et en son temps. Il y redevint instantanément le modeste Lupus Lambda, cependant que la meute se disputait ce qu’il restait des chasseurs.

« Eh ! Lambda, où étais-tu passé ? Un énorme bloc de chair humaine nous est tombé du ciel. Elle sent un tantinet le houblon, mais se laisse bouffer. Dépêche-toi si tu veux en profiter.
— Es-tu sûr qu’elle ne contient pas de viande de cheval ?
— ???
— Qu’a décidé le conseil de meute ?
— Décidément, tu débarques. Les rumeurs étaient infondées. Nul chasseur n’a dérangé le croqueur de chaperon rouge dans sa digestion. Qui aurait tout de même duré 48 heures. Ce goinfre a pris 30 kilos ! Mais sur le conseil d’un vieil hibou diététicien, il s’est mis au régime et a vite retrouvé la forme olympique. On l’a vu traînant à proximité d’un pensionnat de jeunes filles. Il paraît qu’un certain Perrault s’apprête à conter ses exploits.
— Charles ou Pascal-Claude ? »




FIN




Remerciements :

- À Alice, pour son introduction qui donne le ton d’emblée,
- Arielle pour son mignon poème plein de fantaisie,
- Bertrand pour avoir fait vivre les bûcherons,
- Coline pour nous avoir révélé le vrai prénom du petit Chaperon rouge,
- Condremon qui, le premier, nous présente un chaperon dans le vent avec son portable,
- À Christie pour la queue du loup qui balance,
- Croisic pour son chaperon au langage argotique,
- Igloo pour la mère-grand ivrogne,
- Iris pour son loup au fin palais qui attend que le tendron se pointe à l'huis,
- Janis qui attribue au loup une humanité qu’on ne soupçonnait pas,
- Narbah qui fait prendre au conte un tournant très nettement décalé, avec un loup vaguement obsédé sur les bords,
- Obi qui, à partir de deux petites lignes, propose une tirade qui nous introduit dans l’esprit des protagonistes,
- PCP qui, de toute façon, a toujours un peu de mal avec le sérieux (ça se fait pas de se remercier soi-même hein ?)
- Pussicat qui a su très bien rebondir en nous proposant quelques succulentes trouvailles,
- Sahkti pour sa rédaction précise et son texte au cordeau,
- Rebecca qui nous décale le petit Chaperon rouge en néo Femen, entre autres,
- Et Tizef pour l’originalité des idées, et la judicieuse résolution de ce vieux conte modernisé par nos soins.

Merci à tous.


Gros bisous et tout...
Pascal-Claude Perrault
Pascal-Claude Perrault

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Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
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