Les mots cassés

Certains cassent la voix, d'autres cassent les prix, dans ce poème tu casses les mots.

Enfin pas tant que ça. Ces élisions du sujet, voire du verbe comme dans la strophe 2, ne les cassent pas, même si l'inversion des épithètes et les renvois de prépositions en fin de strophe disloquent la syntaxe.

En fait et c'est ce qui me gêne principalement dans ce poème, tout se passe comme si la forme avait quelque peu pris le dessus sur le fond pour le phagocyter.

D'autant plus que la forme, qui se veut résolument moderne, ne rend pas nécessairement justice au fond, beaucoup plus classique - et ce n'est nullement une critique - impuissance des mots, fragilité des souvenirs, découragement et lassitude envers la fuite du temps, bref toute l'imagerie poétique traditionnelle qui se déploie ici avec force et élégance.

M'ont frappé et beaucoup plu les "ombres muettes", l'oxymore "crier muet à s'assourdir" et "voir s'amuir..." Par contre j'ai moyennement kiffé sur "Expectorer sans queue ni tête" qui me paraît un peu...sans queue ni tête, précisément.

Bref, j'ai dû un peu ramer avant de rentrer dedans, mais j'ai fini par trouver ça intéressant et assez fort. Même si je préfère ceux que j'avais commentés auparavant mais c'est uniquement affaire de goût.

A+

Gobu

PS : je profite du passage pour ne pas faire remonter mon texte et te dire que j'ai apprécié tes deux commentaires même si le second est quelque peu abrupt (snif). A propos de "Déserte, la rue" il s'est passé quelque chose d'étrange. Je l'ai écrit suite à une promenade dans le petit bourg frontalier de Belgique où je réside, et il se trouve que les rues étaient vides, qu'il faisait beau et que je pensais à quelqu'un de particulier en marchant, mais sans nulle mélancolie ni intention dramatique. Ce n'est qu'en le relisant et surtout en lisant ton commentaire et celui de So-Back que je me suis rendu compte que cette notion de rue déserte pouvait renvoyer à la désertification des campagnes, la fuite des emplois, l'incommunicabilité, en un mot comme en cent la Crise.

Les poèmes, une fois écrits, sont comme les enfants qui ont grandi : ils nous échappent et vont vivre leur vie...