L'enfant pleure sur le chemin de l'école
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seyne
So-Back
Jand
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L'enfant pleure sur le chemin de l'école
La route qu’un enfant prend pour aller à l’école est sans doute celle de la vieillesse. Linéaire et pavée de pierres pâles.
Les enfants saturent leurs yeux de larmes, désigne dans leur cœur l’ordre des choses, et avancent péniblement. A vingt ans, ils prennent un train de ces souvenirs, dirigent des sentiments d’amertume contre leurs parents, mais parviennent à trouver dans ce travail d’illusion une raison d’aimer leur destin. Ils retiennent la souffrance pour estimer une victoire, ils consacrent la laideur pour donner du goût aux drames. Le banc d’une cour de récréation est en pierre d’argent public, il est partagé par tous, il ne discrimine pas, il ne rend aucune image favorable, il est planté là, et si les enfants veulent s’assoir, ils s’assoient sur ce banc. Il faut donc en général que suffisamment de graisse sépare les os du froid paysage, suffisamment d’amour pour que les peaux tranchées par un polissage incertain reçoivent la potion maternelle, suffisamment de tricherie pour qu’il n’y ait rien d’autre que le fruit du voisin à déguster en famille.
Quand on grandit, toujours bercé de ces étapes d’enfer souriant, il y a binairement le choix de l’autre ou le choix de soi. Si l’on croit tenir dans chaque main les vêtements de l’un et de l’autre, à la première chute, le bras le plus raisonnable lâchera la valise la plus lourde et relèvera l’adulte redevenu jeune et fragile. Et c’est toujours le choix de l’autre que l’on croit pouvoir préférer, le couple, les amis, la famille, l'ennui. On y trouve un bonheur certain et agile, qui confère à chaque pas un sentiment de gloire et de finition civilisationnelle. Dans les territoires souterrains qui d’en bas regardent les passages empruntés par les enfants qui vont à l’école, grondent d’interminables appels à la douleur.
Alors l’enfant, croyez-le ou non, qui était vous et moi, il enjambe les filets d’herbe jusqu’au portail, il écoute les petits pas de ses petits souliers fatigués par d’autres enfants moins sourds et plus tristes encore, il renouvelle l’échouement de l’humanité, il décide de sombrer et d’écouter le silence de la mer.
Le silence est beau mais il ne dit pas la vie, il sillonne dans les têtes les souvenirs pénibles, mais il ne dit rien des engueulades, des adultères, des mensonges, des meurtres, des tortures, de la fatigue. Il signifie une fois un destin radieux, et s’échappe à la seconde où de son soulier perdu au milieu des vagues, apercevant murir au loin la robe des abricots morts, l’enfant foule son existence.
Des enfants, il y en a partout qui fonctionnent ainsi, élevés à la voix grave de l’aîné, confiants dans le positif, mordant les plaisirs du corps et de l’esprit, sauvagement arrachés à leurs douceurs d’enfants, ils renonceront tous à considérer leur enfance comme le biscuit trempé dans le lait, ils ne verront pas, s’ils jugent avec honnêteté, ce temps comme un temps béni, mais comme la rupture avec la bénédiction de l’humanité, avec toute chose vivante et aimable sur terre.
Si ce pessimisme relate l’insuffisance de l’auteur, elle donne au moins une place à la course de l’enfant dans les champs, libre, éparpillé dans le monde, radicalement lui-même, et heureux dans cette victoire tout à fait véritable du naturel sur les chemins de pierres pâles.
Les enfants saturent leurs yeux de larmes, désigne dans leur cœur l’ordre des choses, et avancent péniblement. A vingt ans, ils prennent un train de ces souvenirs, dirigent des sentiments d’amertume contre leurs parents, mais parviennent à trouver dans ce travail d’illusion une raison d’aimer leur destin. Ils retiennent la souffrance pour estimer une victoire, ils consacrent la laideur pour donner du goût aux drames. Le banc d’une cour de récréation est en pierre d’argent public, il est partagé par tous, il ne discrimine pas, il ne rend aucune image favorable, il est planté là, et si les enfants veulent s’assoir, ils s’assoient sur ce banc. Il faut donc en général que suffisamment de graisse sépare les os du froid paysage, suffisamment d’amour pour que les peaux tranchées par un polissage incertain reçoivent la potion maternelle, suffisamment de tricherie pour qu’il n’y ait rien d’autre que le fruit du voisin à déguster en famille.
Quand on grandit, toujours bercé de ces étapes d’enfer souriant, il y a binairement le choix de l’autre ou le choix de soi. Si l’on croit tenir dans chaque main les vêtements de l’un et de l’autre, à la première chute, le bras le plus raisonnable lâchera la valise la plus lourde et relèvera l’adulte redevenu jeune et fragile. Et c’est toujours le choix de l’autre que l’on croit pouvoir préférer, le couple, les amis, la famille, l'ennui. On y trouve un bonheur certain et agile, qui confère à chaque pas un sentiment de gloire et de finition civilisationnelle. Dans les territoires souterrains qui d’en bas regardent les passages empruntés par les enfants qui vont à l’école, grondent d’interminables appels à la douleur.
Alors l’enfant, croyez-le ou non, qui était vous et moi, il enjambe les filets d’herbe jusqu’au portail, il écoute les petits pas de ses petits souliers fatigués par d’autres enfants moins sourds et plus tristes encore, il renouvelle l’échouement de l’humanité, il décide de sombrer et d’écouter le silence de la mer.
Le silence est beau mais il ne dit pas la vie, il sillonne dans les têtes les souvenirs pénibles, mais il ne dit rien des engueulades, des adultères, des mensonges, des meurtres, des tortures, de la fatigue. Il signifie une fois un destin radieux, et s’échappe à la seconde où de son soulier perdu au milieu des vagues, apercevant murir au loin la robe des abricots morts, l’enfant foule son existence.
Des enfants, il y en a partout qui fonctionnent ainsi, élevés à la voix grave de l’aîné, confiants dans le positif, mordant les plaisirs du corps et de l’esprit, sauvagement arrachés à leurs douceurs d’enfants, ils renonceront tous à considérer leur enfance comme le biscuit trempé dans le lait, ils ne verront pas, s’ils jugent avec honnêteté, ce temps comme un temps béni, mais comme la rupture avec la bénédiction de l’humanité, avec toute chose vivante et aimable sur terre.
Si ce pessimisme relate l’insuffisance de l’auteur, elle donne au moins une place à la course de l’enfant dans les champs, libre, éparpillé dans le monde, radicalement lui-même, et heureux dans cette victoire tout à fait véritable du naturel sur les chemins de pierres pâles.
Jand- Nombre de messages : 297
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
l'école de la vie est un chemin incertain mais oh combien jubilatoire
l'enfance période d'insouciance
l'enfance période d'insouciance
So-Back- Nombre de messages : 3652
Age : 100
Date d'inscription : 04/04/2014
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
Il y a beaucoup de beautés dans ce texte, mais je trouve aussi un peu trop d'obscurités, de complications (qui me semblent) inutilement énigmatiques. Il s'en dégage en tout cas un parfum très particulier, un parfum douloureux de renoncement à sa vérité la plus simple, d'exil. C'est prenant.
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
Bonjour So-back, j'a pensé quelque temps que c'était le cas, et à la réflexion cette époque m'a paru beaucoup plus angoissée que je ne l'imaginais. Merci beaucoup pour votre/ton commentaire.
Bonjour Seyne, je suis bien d'accord avec vous, et c'est un gros défaut. Je suis pour cette raison incapable d'écrire des textes plus longs. Je crois qu'il faut que j'essaye d'espacer davantage, laisser plus de légèreté au lecteur, je pense vraiment que je ne me rends pas compte du caractère parfaitement hermétique de ce qui est parfois écrit. Je tâcherai d'y veiller encore plus à l'avenir, j'espère que vous pourrez constater cette évolution. Bonne journée !
Bonjour Seyne, je suis bien d'accord avec vous, et c'est un gros défaut. Je suis pour cette raison incapable d'écrire des textes plus longs. Je crois qu'il faut que j'essaye d'espacer davantage, laisser plus de légèreté au lecteur, je pense vraiment que je ne me rends pas compte du caractère parfaitement hermétique de ce qui est parfois écrit. Je tâcherai d'y veiller encore plus à l'avenir, j'espère que vous pourrez constater cette évolution. Bonne journée !
Jand- Nombre de messages : 297
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
En fait, peut-être il faut tout simplement se relire avec un œil de lecteur, en ayant laissé passer un peu de temps. Souvent, dans cet exercice, on perçoit mieux ce qu’on cherchait à dire, dans sa complexité, et on trouve une façon plus simple de le faire.
Mais ce n’est qu’un défaut mineur, l’essentiel c’est d’etre parvenu à partager le sentiment profond retrouvé dans le souvenir et d’y avoir réfléchi.
Mais ce n’est qu’un défaut mineur, l’essentiel c’est d’etre parvenu à partager le sentiment profond retrouvé dans le souvenir et d’y avoir réfléchi.
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
Dans mon souvenir, je pleurais toute la nuit qui précédait la rentrée de septembre :-)
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
... grondent d'interminables appels à la douleur !
Nous avons tous eu un petit pincement au coeur sur le chemin de l'école ! Mais je crois que cela n'allait pas jusque-là !
Je crois que tu plaques sur le parcours intime de chacun - qui peut certes être semé d'embûches et qui peut comporter bien des épreuves - une fonction d'apprentissage - l'école - qui conduit rarement à de tels paroxismes !
Nous avons tous eu un petit pincement au coeur sur le chemin de l'école ! Mais je crois que cela n'allait pas jusque-là !
Je crois que tu plaques sur le parcours intime de chacun - qui peut certes être semé d'embûches et qui peut comporter bien des épreuves - une fonction d'apprentissage - l'école - qui conduit rarement à de tels paroxismes !
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 70
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
Il y a des images très évocatrices : "donner du goût aux drames", "saturent leurs yeux de larmes"... Mais, pris dans son ensemble, je ne comprends pas le texte.
Marco78- Nombre de messages : 30
Age : 64
Date d'inscription : 26/12/2019
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
Je ne sais pas pourquoi, mais ton texte a fait surgir une vieille blague, celle d'un fou agrippé aux barreaux de l'asile, qui interpelle un passant " vous êtes nombreux là-dedans ?"
Ok, ça n'a peut-être rien à voir. Ou peut-être que si. Ca se joue sur " enfer souriant" : est-ce que l'aspect "enfer" est le ressenti de l'enfant ou celui de l'adulte qui regarde son enfance ?
Toute mémoire est un choix, une recomposition d'éléments...
Cela dit, le texte est d'abord difficile, mais avec de petites pépites (un banc de "pierre d'argent public " où tout le monde peut s'asseoir, "ils retiennent la souffrance pour estimer la victoire" etc... Je crois qure tu peux épurer ( sans simplifier, hein ?) pour rendre plus accessible une réflexion intéressante.
Ok, ça n'a peut-être rien à voir. Ou peut-être que si. Ca se joue sur " enfer souriant" : est-ce que l'aspect "enfer" est le ressenti de l'enfant ou celui de l'adulte qui regarde son enfance ?
Toute mémoire est un choix, une recomposition d'éléments...
Cela dit, le texte est d'abord difficile, mais avec de petites pépites (un banc de "pierre d'argent public " où tout le monde peut s'asseoir, "ils retiennent la souffrance pour estimer la victoire" etc... Je crois qure tu peux épurer ( sans simplifier, hein ?) pour rendre plus accessible une réflexion intéressante.
coline dé- Nombre de messages : 353
Age : 24
Date d'inscription : 24/12/2019
Re: L'enfant pleure sur le chemin de l'école
Voici un texte qui ne me plait qu'à moitié mais que je vais avoir du plaisir à commenter.
Il est fait de beaucoup d'affirmations qui en fait expriment de nombreux doutes et pour ainsi dire une incertitude chronique. Il me déplait à moitié car la sensation que j'ai en le lisant me donne un sentiment d'inaccomplissement. Mais d'un autre côté, j'aime beaucoup voir cet écrivant à l'œuvre, fouillant sans grande méthode dans ses sensations pour essayer de modeler son texte malgré la résistance que lui oppose son inconscient.
C'est beau comme de voir un enfant dessiner.
Je ne dis pas cela péjorativement, bien au contraire.
Le texte date de mars 2016, bientôt 4 ans. Je serais curieux de voir ce qu'est devenu Jand…
Il est fait de beaucoup d'affirmations qui en fait expriment de nombreux doutes et pour ainsi dire une incertitude chronique. Il me déplait à moitié car la sensation que j'ai en le lisant me donne un sentiment d'inaccomplissement. Mais d'un autre côté, j'aime beaucoup voir cet écrivant à l'œuvre, fouillant sans grande méthode dans ses sensations pour essayer de modeler son texte malgré la résistance que lui oppose son inconscient.
C'est beau comme de voir un enfant dessiner.
Je ne dis pas cela péjorativement, bien au contraire.
Le texte date de mars 2016, bientôt 4 ans. Je serais curieux de voir ce qu'est devenu Jand…
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