Entre deux eaux

Narbah Lun 3 Fév 2020 - 13:56

Je suis dans le paradoxal
Des nappes de brouillard jaunes flottent dans un espace sidérant
Dans ce magma fangeux s'agitent de fantomatiques présences
Mon existence s'y glisse comme un vaisseau
Écrivant un poème obscur et lourd
Pierre massive qui s'enfonce
Lente dans les profondeurs noires de l'oubli
Descente apathique et huileuse
Accablante chute en spirales de silence
Me serais-je endormi ?
Aurais-je gardé conscience dans un sommeil de plomb ?
Est-ce un rêve abyssal ?
Qui suis-je ?
Où suis-je ?
je me regarde du bord d'un bathyscaphe
Ombre spectrale coulissante
Monstre déformé de reflets
A la fois observant ; et présence scrutée
Je ne sais plus si c'est la mer d'acier qui fait le ciel
Ou des nuées fumantes
Qui s'agitent en remous sous la coque
Je ne sais plus ni le haut ni le bas
Ni le chaud ni le froid
Et les points cardinaux
Sont cônes et cylindres
Mon point ego nodal
Cet œil qui se contemple
Ce nombril flottant
Se fondant à son tour
Un peu effervescent
Évanescent
Dissipé
Dilué
Subtil.

seyne Mar 4 Fév 2020 - 16:53

Très impressionnant, je trouve. Il n’y a pas tant de poèmes qui explorent ainsi un pur état, avec ce mélange de détachement et d’intensité. La forme (ce dessin d’un engloutissement vertical) si parfaitement reliée au sens engloutit le lecteur lui-même, sans rien d’angoissant, plutôt comme une aventure de bathyscaphe.

Yoni Wolf Mer 5 Fév 2020 - 12:31

"Je ne sais plus ni le haut ni le bas
Ni le chaud ni le froid
Et les points cardinaux
Sont cônes et cylindres"

Ca sonne si bien... oui, franchement, c'est béton. Un grand poème, un rythme parfait, une fin très "subtile", tout fonctionne. Je le répète: c'est un poème important.

Polixène Mar 25 Fév 2020 - 21:56

Bien trouvé, et comme le remarque Seyne, c'est le détachement qui est la star de ce système: péripéties d'un dédoublement, jeu du "je" qui s'observe observant, reflets infinis jusqu'au délitement de l'image. Jusqu'au lâcher-prise: sommeil? mort? nul ne sait. Avec une ambiance étouffante comme tu les affectionnes!

'toM Jeu 27 Fév 2020 - 15:30

Surrealistic ... pillow.
Nonobstant, nonobstant.
J'ai un peu de mal avec le surréalisme,
et les épithètes.

danie Sam 29 Fév 2020 - 13:56

Vaisseau ivre ?
"[As-tu] vu quelquefois ce que l'homme a cru voir" ?

coline dé Sam 7 Mar 2020 - 12:32

Hmmm... c'est de la bonne !

Narbah Lun 9 Mar 2020 - 11:04

Yoni Wolf a écrit:"Je ne sais plus ni le haut ni le bas
Ni le chaud ni le froid
Et les points cardinaux
Sont cônes et cylindres"

Ca sonne si bien... oui, franchement, c'est béton. Un grand poème, un rythme parfait, une fin très "subtile", tout fonctionne. Je le répète: c'est un poème important.

Yoni, je n'ai pas assez le temps de venir ici et le temps fuit comme l'eau qui déborde… mais je t'aime bien, parce que tu m'aimes toi aussi. Mais je suis obligé de te contredire : ce n'est pas un poème “important“. Rien n'est important…

Narbah Lun 9 Mar 2020 - 11:07

Polixène a écrit:Bien trouvé, et comme le remarque Seyne, c'est le détachement qui est la star de ce système: péripéties d'un dédoublement, jeu du "je" qui s'observe observant, reflets infinis jusqu'au délitement de l'image. Jusqu'au lâcher-prise: sommeil? mort? nul ne sait. Avec une ambiance étouffante comme tu les affectionnes!

Si un jour tu es malade, tu sauras : mais je ne te le souhaite pas. Il y a une sorte d'héroïsme lumineux qui ne se révèle qu'à l'approche de la mort. Je suis quand même content de ne plus être capable d'écrire ce genre de truc.

Narbah Lun 9 Mar 2020 - 11:08

coline dé a écrit:Hmmm... c'est de la bonne !

Moi, j'ai plutôt trouvé ça mauvais à l'époque, et je suis content d'en être sorti.

Narbah Lun 9 Mar 2020 - 11:11

'toM a écrit:Surrealistic ... pillow.
Nonobstant, nonobstant.
J'ai un peu de mal avec le surréalisme,
et les épithètes.

Surréalisme ? Mais c'est exactement le contraire : maîtrise de l'inconscient pour tente de se raccrocher au bord du monde.

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