Crisis

[Jano]

- Père ! Père !
- Que se passe t-il mon enfant ?
- Quels sont ces cris qui retentissent au loin ?!
- Ce sont les plaintes d'un pays qu'on enchaîne.
- Mais pourquoi ?
- Fourberie, cupidité sont les ferments de l'âme humaine. Maintenant il faut rendre des comptes.
- C'est tellement injuste.
- Injuste ? Oui, mais ne t'inquiète pas. Un jour viendra où les humbles crèveront la panse des félons. Alors les puissants trembleront comme les feuilles d'un peuplier secouées par le vent.
- Père, il faut les aider !
- Tu as raison, nous devons beaucoup aux fils d'Homère. Mais, tu sais, l'écho de leur souffrance nous atteindra bientôt. Nous saignerons nous aussi, nous courberons la tête comme eux.
- Ensuite père, ensuite ?
- Nous atteindrons un point de non-retour. Le désespoir deviendra insupportable et les nations plongeront dans le feu et le sang. C'est écrit.
- Oh non, assez de violence ! Père je vous en prie, n'y a t-il rien d'autre à faire ?
- Mon enfant, mon cher petit, l'homme est un prédateur féroce comme la Terre tourne autour du soleil. La justice ne s'imposera que par la force.

[Invité]

Percutant ! La transposition me paraît intelligente, fine, révélatrice, quoiqu'un peu sentencieuse à mon goût. Mais c'est sujet.

Une seule remarque : pour introduire des lignes de dialogue, il est d'usage d'employer le tiret cadratin « — », ou, à la rigueur, son ami le demi « – ». Vous pourrez les copier à partir de mon profil ou en réalisant les combinaisons clavier Alt + 0151 et Alt + 0150 respectivement.

[elea]

Pourquoi pas. Une manière originale d’aborder l’actualité.
Dans l’idée donc rien à redire.
Dans la forme, comme c’est court, chaque phrase est importante et certaines passent mal pour moi. Dans deux passages notamment, parce que je les trouve un peu communes, et que j’aurais préféré un peu plus de surprise ou un peu moins de grandiloquence.
Les deux passages :
- Un jour viendra où les humbles crèveront la panse des félons. Alors les puissants trembleront comme les feuilles d'un peuplier secouées par le vent
- l'homme est un prédateur féroce comme la Terre tourne autour du soleil

[Invité]

La démonstration est sans appel et ça me gêne ; l'emploi du futur simple, le dialogue lapidaire annulent le droit de réponse, la possibilité d'argumenter.

[RICHARD2]

Il y a tout de même de belles images :

"Ce sont les plaintes d'un pays qu'on enchaîne "

"Alors les puissants trembleront comme les feuilles d'un peuplier secouées par le vent."

[Marine]

Je n'ai pas aimé l'image du pays qu'on enchaîne, personnellement.
Ça fait vraiment cliché, et l'image a perdu de sa force, finalement, je la préfère dans le chant des partisans "les cris sourds du pays qu'on enchaîne" et l'image depuis me paraît difficile à réutiliser de façon littéraire, j'ai toujours l'impression que c'est de la politique à deux balles sans vocation littéraire, sans envie de chercher une autre image pour mieux faire passer ses mots. C'est un peu comme ces politiciens qui utilisent "devoir de mémoire" n'importe comment, l'habitude et la répétition finissent par enlever le caractère exceptionnel et donc percurtant de la chose : elle ne marque plus les esprits.

Je n'ai pas accroché, Jano. J'ai l'impression que c'est trop facile, ce dialogue entre un père et son fils pour mettre des choses en lumière, et il y a quelque chose de caricatural, de "philosophie de comptoir" dans ton écrit : "Le désespoir deviendra insupportable et les nations plongeront dans le feu et le sang." Ça manque de nuance, c'est exagéré, à la limite je préfère un plaidoyer qui s'assume, un texte de révolte pur et dur sous forme de lettre ouverte que cette esquisse de révolte qui prend tremplin sur le support littéraire sans vraiment aller au bout de sa démarche. Sur le fond je suis totalement d'accord avec vous, sur les idées, etc, ce n'est pas ça que je récuse.

"Fourberie, cupidité sont les ferments de l'âme humaine."
C'est cette sorte de simplification qui m'énerve, surtout d'un père à son enfant. Plutôt que de lui sortir des répliques toutes faites en essayant vainement de simplifier des choses très complexes, j'aurais aimé que ça s'insère dans un texte plus long, où le lecteur aurait trouvé de la nuance. Ici vous revenez à un sentiment bestial qu'on éprouve tous en ce moment, un cri de révolte qui manque d'assurance et de réflexion, enfin, je ne sais pas, il manque quelque chose. Si je vous le dis aussi franchement c'est que j'ai tendance moi-aussi à me réfugier dans ces facilités de raisonnement qui me semblent au final être dangereuses.

Cela dit, peut-être que le texte, dans une deuxième lecture, avait pour but, justement, de les dénoncer ?
Je ne sais pas trop dans quelle optique il a été fait.
Voilà, encore une fois, ce n'est pas le fond qui me gène, et la révolte est louable, même si elle fait un peu "gauchiste qui au final ne propose pas tellement de solutions pour sortir de la merde".

Marine.

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