Dans un mouchoir

[Arielle]

Une vie qui tenait pliée dans un mouchoir
morve et sueur ourlées de carreaux dérisoires
lessives du lundi fanions de corde à linge
Une vie bien rangée lavande dans l'armoire

Dimanches repassés sur leur monnaie de singe
le sermon du curé trébuchant au comptoir
Une vie corvéable entre église et labeur
dévoilant son usure en perdant ses couleurs

Et soudain
frénétique
un matin
la tourmente
tire de la cohue
des larmes écrasées
des baisers bousculés
des paumes qui se tendent
ce mouchoir
agité sur le quai d'une gare
où s'engouffrent
fragiles
des guerriers
dans l'Histoire

Et voilà cette vie froissée dans son mouchoir
qu'on va déchiqueter
cette vie maculée
tablier de boucher
sang et sanies
charpie
de ce corps supplicié
démembré
fracassé
pour l'honneur
pour la gloire
d'un drapeau déployé sur ses trous de mémoire

[Polixène]

J'aurai tendance à dire : magistral !
Mais je dirai : bravo...

(Incapable de commenter pour l'instant, désolée)

[Invité]

Un très beau poème de circonstance.
La mise en page souligne le contraste entre la vie d'avant, bien rangée comme ces deux quatrains (dont les rimes approximatives suggèrent cependant l'austérité) et la vie d'après, déconstruite comme ces alexandrins (ou dodécasyllabes) dont on continue à ressentir le rythme.

[Damy]

Très belle évocation originale de la Grande Guerre élégamment et délicatement condensée dans un mouchoir, recueil des émotions les plus douloureuses.

J'ai beaucoup aimé le contraste d'un style classique bien rangé du temps de la routine quotidienne où le mouchoir remplit ses fonctions ordinaires, avec celui, dérangé, époumoné, où le mouchoir ne se met plus en ordre mais aux ordres des rangs de batailles et des Grands Adieux.

[Invité]

Il a beau avoir servi à tout ce mouchoir, sous ta plume, c'est et cela reste de la dentelle. J'aime beaucoup beaucoup, sur un de mes thèmes de prédilection.

[CROISIC]

Toutes les petites photos en noir et blanc et dentelles de ma famille, toutes les histoires racontées, les dimanches en nappe brodée, tout cela m'est revenue dans une vague immense et salée de larmes, d'où l'utilité des mouchoirs. Merci Arielle.

[Invité]

Je me rallie à tout ce qui a été dit au-dessus.
Très beau poème donnant un émouvant aperçu de tout ce que peut suggérer un simple mouchoir à un être aussi sensible que toi, Arielle.
Poème douloureux qui réveille en moi de vieilles rancœurs contre ceux qui s'octroient le droit d'envoyer ces jeunes au casse-pipe.

[Invité]

Bien aimé. Je fais un noeud pour ne pas oublier toutes ces évocations.

[Ba]

Pour tous les inconnus noués dans ce " mouchoir "...

[Rebecca]

L'art de faire un noeud à son mouchoir en devoir de mémoire...

[Carmen P.]

Une construction qui sert au mieux le thème traité.
Je dis bravo, également !

[Invité]

Grandiose ! Que tu es belle, Arielle.

[Maryse]

Un bien beau et grand mouchoir.

[Arielle]

La mode étant aux mouchoirs à jeter, j'ai eu envie de me souvenir de ceux qu'on agitait au bout d'une hampe ou pas pour saluer ceux qui partaient sur leurs chemins de drames ... Merci à tous ceux et celles qui m'ont accompagnée sur ce quai de gare.
(Alex, je suis touchée, vraiment, mais je ne veux pas d'embrouilles avec Rebecca ... Je tiens à être de la noce, moi !)

[Frédéric Prunier]

su per be

(et pourtant d'habitude,
quand un poème commence comme un inventaire à la prévert
je me lasse assez vite

mais là, votre musique me plait,
de votre début, à votre fin
...
et j'en plonge mes mains dans votre armoire
et vous respire au parfum de votre lavande adoudoucissante .... Arielle (...?...pseudo de circonstance.. arf)

sans rire, vous m'avez imager votre chambre à coucher...
bonne journée

[hi wen]

une sorte de travelling, en fait?
j'applaudis le cinéaste, meme si je suis passé un peu à coté du ressenti.
peut etre le texte eut-il été plus touchant en montrant moins.

[Frédéric Prunier]

complément de mon commentaire d'au-dessus..

ce qu'il vous faut savoir
c'est qu'en tant que broc
j'en ai vidé, des chambres à coucher

avec les armoires à glaces,
de style Louis XV et d'époque 1900

celles qui ont connues les derniers bonheurs
avant que s'ouvre
la lettre du facteur

[Annick SB]

Très très bien écrit cet hommage poétique ... bravo !

[Marine]

J'aime beaucoup
Bien trouvé pour la forme
Jolies images
Bref, tout y est

[hi wen]

Très très bien écrit cet hommage poétique ... bravo !

Oui, mais ce n'est pas parce que c'est "nouveau", sur le plan technique supérieur, avec de meilleurs graphiques, que cela en fait nécessairement un meilleur jeu.

Oupse, me suis trompé de fil.

[Jean Lê]

J'aime bien ces mots Arielle, mais moins leur disposition
Note, aurait-pu être :

Une vie qui tenait pliée dans un mouchoir
Morve et sueur ourlées de carreaux dérisoires
Lessives du lundi fanions de corde à linge
Dimanches repassés sur leur monnaie de singe

Une vie bien rangée lavande dans l'armoire
Le sermon du curé trébuchant au comptoir
Une vie corvéable entre église et labeur
Dévoilant son usure en perdant ses couleurs

Et soudain frénétique un matin la tourmente
Des baisers bousculés des paumes qui se tendent
Ce mouchoir agité sur le quai d'une gare

Où s'engouffrent fragiles des guerriers dans l'Histoire
D'un drapeau déployé pour l'honneur pour la gloire
Et ces trous de mémoire froissés dans les mouchoirs

[hi wen]

J'aime bien ces mots Arielle, mais moins leur disposition
Note, aurait-pu être

mais l'auteur a choisi de ne pas en faire un sonnet et d'imprimer une rupture.
le démembrement du texte est peut-etre voulu par l'auteur.

[Invité]

Et pour moi, c'est bien mieux ainsi, bien plus expressif.
(Arielle, je parie que Rebecca n'y verra aucuuuun inconvénient ! Boh, disons que c'était une formule métaphorique.)

[Lyra will]

De très belles images et de la finesse, comme d'habitude. En fait, c'est le sujet... j'ai toujours beaucoup de mal avec la guerre en poésie, je ne sais pas pourquoi. Je crois que c'est tellement énorme justement, hors de toute mesure, que les mots n'arrivent même plus à le communiquer. Cela dit, je trouve que c'est une bonne idée d'être passé par un objet intime, sensible, et "léger" qu'est le mouchoir pour évoquer tout le reste. Du coup ça prend une dimension humaine et on évite de tomber dans les lieux communs qui courent sur le sujet et qui les vident de toutes histoires pour les noyer dans la grande.

[Invité]

Ah, je suis farouchement pour la disposition que tu as trouvée, beaucoup plus expressive, avec sa rupture !
Le dernier vers est superbe.

Une vie qui tenait pliée dans un mouchoir
Morve et sueur ourlées de carreaux dérisoires
Lessives du lundi fanions de corde à linge
Dimanches repassés sur leur monnaie de singe

J'aime ta façon de picorer le menu d'une vie !

[Rebecca]

(Alex, je suis touchée, vraiment, mais je ne veux pas d'embrouilles avec Rebecca ... Je tiens à être de la noce, moi !)

Arielle, si Alex se mettait à trouver moches les belles personnes, je ne voudrai pas l'épouser, et s'il les trouve belles mais n'ose leur dire à cause de moi, j'espère qu'il ne voudrait pas m'épouser :-)

[Lyra will]

(ah oui j'aime beaucoup la disposition)

[Janis]

ouf, j'ai failli l'oublier celui-là

avec la disposition première
une disposition plus classique enlèverait beaucoup à l'impression de morcellement des vies brisées
ce serait peut-être même presque ennuyeux, convenu
mais là
et on conserve ce rythme qui chante bien

vraiment bien bien bien

[Calvin]

Oui ça chante bien quoi qu'un peu trop sec à mon goût mais bon y'a pas d'images. Enfin j'ai lu d'autres textes de vous plus jolis même si je vous trouve toujours ce côté trop prosaïque de tout dire même amener tout prêt au bout des lèvres le peu de suggéré.
je relève :
"des baisers bousculés" mignons
"d'un drapeau déployé sur ses trous de mémoire" j'aime bien l'idée de cette chose déployée sur la mémoire, la voir jouxter ici le mot "drapeau". mais le fait de ne couvrir que des trous en fait quelque chose de banal, déjà-lu.

[Tollelege]

belle atmosphère en noir et blanc, permets que je complète avec une commémoration:

LE BLEUET DE FRANCE

La sourde mélodie passe dessus les arbres
Et se mêle aux accents du clocher reconstruit.
Le vent fait se coucher dans la plaine qui bruit
L’herbe enrichit du sang de nos héros de marbre.

Tant de temps écoulé, et ce déchirement
De ne savoir comment ces choses là arrivent.
Tant de nos êtres chers dont les guerres nous privent,
Et de bonheurs perdus dans un enterrement.

Puis le clairon se tait. Et le vent nous murmure
L’âpreté des combats, le froid, la faim, les peurs,
Et le rêve brisé d’un jour revoir les leurs…

Sur les croix alignées, l’épitaphe rassure:
- Mort pour la Patrie - Quelle somme de souffrances
Porte là, sur nos cœurs, notre bleuet de France.

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