Kerlud Locmariaquer

[loic]

Kerlud / Locmariaquer

On riait pas chez les Moizan
Quand au village de Kerlud
Le père sermonnait en bataille
Le grand valet cette racaille

Quand au village de Kerlud
En grands septembres d’équinoxes
Un vent mauvais avait couché
Un vieux figuier trop harassé

En grands septembres d’équinoxes
Sur les Bouréseaux découverts
Où les marées libèrent la terre
On ne récolte que colère

Sur les Bouréseaux découverts
Je les revois tes grands aïeux
Qui fors de ces temps de misère
Ont donné la vie à ton père

[Marvejols]

....Loïc dépose souvent ses textes à la nuit tombée, quand les tumultes du jour des hommes se sont calmés faisant place au vacarme muet des étoiles. Il nous les dépose là, comme une offrande, avec une quasi timidité, la peur de ne pas si bien faire peut-être. Après plusieurs lectures je reste sous le charme durable de ce texte enraciné (et doublement puisqu'il est en octosyllabes).
....La poésie narrative a encore de beaux jours devant elle. Merci Loïc.
....Et comment ne pas souligner une si belle formule : "En grands septembres d’équinoxes"...


.........Marvejols

[Janis]

Vraiment Loïc, à chaque fois que je te lis je suis sous le charme de cette écriture belle, habitée et colère. Quand en plus, allant sur ton blog, je croise les cévennes en noir et blanc, je suis comblée. Bretagne, cévennes et poésie.

[Arielle]

Superbe ce pantoum "enraciné" comme dit Marvejols, que son propos ancre autant dans l'espace que dans le temps et que sa forme cheville à notre oreille avec beaucoup de naturel.
Oui, ces grands septembres d’équinoxes sont magistraux.

J'aurais juste une petite réserve pour ce vers :
Qui fors de ces temps de misère
dont la construction m'échappe un peu

[loic]

merci a vous c'est vrai qu'essayer d'être bon devient de plus en plus difficile, je reprend d'anciens textes et les retravaille, un peu comme épurer du minerai sorti de la mine de mon imaginaire

pour fors Arielle je l'ai mis au sens: loin (loin de ces temps de misère)

fors fors lointain comme dans Schrek 2 je crois ;)))

[loic]

il y a du vrai ici, le père de ma femme est de Kerlud...

[Arielle]

je reprend d'anciens textes et les retravaille, un peu comme épurer du minerai sorti de la mine de mon imaginaire

Une démarche qui porte ses fruits et dans laquelle on peut juger des progrès qu'on a faits (mon dernier texte "dans un mouchoir" a suivi le même cheminement)

J'avais compris le sens, Loïc mais il me semble que, grammaticalement, la formulation fors ces temps de misère serait plus juste ... D'autres avis parmi les lecteurs ?

[Invité]

je reprend d'anciens textes et les retravaille, un peu comme épurer du minerai sorti de la mine de mon imaginaire

Votre image est plus belle que celle de Boileau (''Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage...'')
Mais le dessein est le même
J'aime cette humilité d'artisan que l'on retrouve dans l'esprit de ce beau texte, très évocateur.

[Marvejols]

[quote="Arielle"]

J'avais compris le sens, Loïc mais il me semble que, grammaticalement, la formulation fors ces temps de misère serait plus juste ... D'autres avis parmi les lecteurs ?

Je suis d'accord avec vous Arielle et j'avais "tiqué" sur le même point en hésitant toutefois avec Fort bien que je sentais qu'il devait s'agir du Fors de François Ier popularisé par l'école républicaine ("Tout est perdu fors l'honneur").
Le TLFi (http://www.cnrtl.fr/definition/fors) n'est pas très disert sur FORS mais il s'agit bien ici du FORS au sens de Hors, Hormis, Sauf, Excepté et tous les exemples qu'il donne sont direct, sans aucun à.
Au Littré (http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?rand=&requete=fors&submit=Rechercher) on trouve un Fors que. Mais ici un Qui fors que ces temps de misère nous tuerait...
Cela impose à Loïc de revoir la construction de ce vers qui dans la bataille (de Pavie) vient de perdre un pied. Dommage mais pas insurmontable.

[loic]

et

au fors de ces temps de misères

[Invité]

Avec un t alors !

J'ai l'impression de radoter, Loïc, lorsque je te commente, tant mon admiration demeure la même de texte en texte !

[Maryse]

Du pur Loïc.
C'est beau.
Moi aussi je radote!!!

[Frédéric Prunier]

j'aime bien vous lire en boitant un peu
aux hémistiches
dans des césures perso
en suiveur d'une charrue à vigne
avec un pied d'appui
qui fait un peu de peine
en fin de journée
j'aime bien

[Marvejols]

"L’octosyllabe n’est pas obligatoirement césuré, et sa césure n’est pas fixe."

http://bouche-a-oreille.pagesperso-orange.fr/grammaire/versification.htm

http://echos-poetiques.net/textes/index.php/La-versification

et bien sûr : http://www.sorgel.com/pages/traite_prosodie.htm

[Frédéric Prunier]

..marvejol... j'ai jamais dit le contraire...
j'ai juste dit que j'aimais bien me promener dans des textes comme cestui-ci
en lecture tranquille, dans le sens des lignes
comme d'entendre les pierres qui raclent à la charrue
doucement, à cause d'un pas d'animal

ceusse qui ont gouter au plaisir de suivre un cheval de trait
comprendront le boitement de mon propos
et dans la lecture je m'appuie aux césures
pour profiter de l'instant
et pour, accessoirement, remettre en ligne la machine

[Invité]

Je bute sur le "fors", loïc et finis pas ne plus voir que lui, ça changerait tout du sens.
"forts" dirons-nous donc.
Et le reste est bien entendu parfait.

[loic]

Kerlud / Locmariaquer

On riait pas chez les Moizan
Quand au village de Kerlud
Le père sermonnait en bataille
Le grand valet cette racaille

Quand au village de Kerlud
En grands septembres d’équinoxes
Un vent mauvais avait couché
Un vieux figuier trop harassé

En grands septembres d’équinoxes
Sur les Bouréseaux découverts
Où les marées libèrent la terre
On ne récolte que colère

Sur les Bouréseaux découverts
Je les revois tes grands aïeux
Au fort de ces temps de misère
Ont donné la vie à ton père

n'en parlons plus ...

[CROISIC]

C'est... c'est... beau et j'aime. Que tu parles des Cévennes ou de la Bretagne, tu m'embarques dés les premiers mots et ces voyages me nourrissent.
Concernant (le Fors) je préférais le premier jus qui sonnait si bien, mais les expertes ont raison, le sens n'est plus le même, dommage.

[Béatrice44]

C'est fort, c'est brut, c'est vrai...j'aime.

[Philippe]

Bonjour

Bien construit, et musical, avec la force et la nostalgie d'une vieille photo sépia.

Amicalement

Philippe

[Sahkti]

fors ou fort, peu m'importe (bien que le fors me paraisse plus "original"), car ce texte me parle, par son ampleur, par cette réussite à rendre le procédé de la répétition si discret, par tout ce qu'il évoque sans trop en dire. J'aime la force qui s'en dégage et l'évocation d'un temps passé qui pèse encore lourdement sur le présent.

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