Armoriques acides

[loic]

Dans nos champs de misère ne germent que les pierres
Et les charrues de fonte sillonnent ces déserts
Aux moissons de rancœurs.

On y récolte femmes, des machines en somme.
Infantiles vieillardes aux bonheurs austères.

Et le chant des enclumes martèle le licol
De nos hommes trop fiers en coutumes bravaches.

Misères occidentales en ces terres d’ennui,
S'y noie même la pluie

Armoriques acides aux aigreurs de cidre.

[Damy]

Une sombre photographie des paysans du début du XX° siècle. Photographie souvenir ? Beau cadrage en tout cas

[Invité]

Sans réserve, Loïc. Très juste. Et un plus pour "S'y noie même la pluie ".

[Polixène]

Misères occidentales en ces terres d’ennui,
S'y noie même la pluie

Rien que ces deux vers...

Tu es le peintre des paysages pétris de souffrance, des traces et cicatrices : à te lire on en aimerait presque nos malheurs!

[Janis]

toujours de la belle écriture

[Arielle]

J'applaudis à la poésie de ces pierres qui germent, ces moissons de rancoeurs, cette pluie qui se noie mais ... mon bon sens renacle devant les charrues de fonte et le licol martelé sur l'enclume.
Désolée d'être aussi prosaïque !

[loic]

Arielle,

Pour les charrues de fonte cela m’est venu pour évoquer la lourdeur de ce travail dans des terres acides, bien sur elles sont de fer en principe…
La fonte est un métal brut lourd et à peine équarri, dé-carboné devrais- je dire, elle contient dans sa définition quelque chose de frustre

Le licol quand à lui est en principe fait de cuir avec une notion de souplesse, ici il est martelé sur l’enclume, par métaphore il est rendu dur comme un collier de bagnard

Merci de vos lectures et du ressenti plutôt exact que vous avez trouvé à ce texte…

[Maryse]

Loïc, moi, je ne sais plus quoi dire. tout à été dit!
Alors, je vais rabacher, tant pis, je le re-re -re dis
J'aime le choix de tes mots. Ils sont justes et frappent fort.

[Béatrice44]

Lu plusieurs fois...j'aime beaucoup le choix des mots qui s'enchaînent très naturellement.
Ainsi que l'ambiance, les sons qui s'en dégagent.

"De nos hommes trop fiers en coutumes bravaches". sourire et bravo

[Invité]

J'ai renaclé à

On y récolte femmes, des machines en somme.

...mon côté féministe !

[Calvin]

C'est un caillou dans ma main.

"Misères occidentales en ces terres d’ennui,
S'y noie même la pluie"

Et ça c'est lalala

[Marvejols]

Ah... Que ça commence fort et beau

Dans nos champs de misère ne germent que les pierres
Et les charrues de fonte sillonnent ces déserts
Aux moissons de rancœurs.

Et quelle chute:

Misères occidentales en ces terres d’ennui,
S'y noie même la pluie

Armoriques acides aux aigreurs de cidre.

En revanche j'aime nettement moins
"On y récolte femmes, des machines en somme.
Infantiles vieillardes aux bonheurs austères. "
avec ce "récolte femmes" qui n'est pas heureux et laisse l'impression qu'on a cédé devant un écueil de versification. Je suppose que dans " en somme" il y a l'idée de la "bête de somme" mais au total l'image me paraît confuse et le deuxième vers un peu convenu.

Par contre j'aime bien ce passage pour ma part (malgré une hésitation sur "coutumes bravaches"):

"Et le chant des enclumes martèle le licol
De nos hommes trop fiers en coutumes bravaches. "

Le heurt de la tradition (souvent une oublieuse de la misère paysanne) et de la modernité (souvent éventreuse des solidarités) étant une thématique fondamentale chez Loïc, un fondement que nous aimons pour la manière sensible et très bellement imagée dont il la développe.

J'aurais juste une remarque sur la charrue de fonte: il ne peut s'agir pourtant que d'acier (un fer très carburé justement) sinon le coutre ou la pointe se déformeraient sous la pression et les chocs. Mais fonte rend si bien la lourdeur ou plutôt le poids. Pour l'homme ou souvent la femme qui, derrière le baudet malingre, conduit la charrue et doit peser à droite sur elle pour qu'elle tienne le sillon et pour qu'elle verse. Il me resterait à vérifier dans Haudricourt que la Bretagne n'est pas plutôt terre d'araire... Mais la poésie version Loïc me suffit. Et je relis sans m'en lasser

"Dans nos champs de misère ne germent que les pierres
Et les charrues de fonte sillonnent ces déserts"

Que la misère est belle quand elle n'est plus. Quand seuls les mots vous la servent comme un rappel, comme un savoir des tréfonds, comme votre âme. Chacun n'a-t-il pas au coeur, l'immense sentiment de la misère antérieure, celle vécue par tous les hommes?

Marvejols



PS: sillonnent des déserts ou nos déserts, ce ne serait pas encore mieux ?

[Rebecca]

Tout un monde, une époque, qui surgit en quelques mots bien choisis et qui nous parlent sur un mode à la fois sensible et incisif.

[loic]

si vous saviez combien j'aurais envie de digresser verbalement sur vos commentaires, dans un petit bistrot pour vous émouvoir plus encore qu'au travers de ces évocations qui ne sont que des mots...

vous auriez un petit recueil (qui n'existe pas...) et je vous dessinerai les paysages fantasques qui ombrent tous mes textes, des rudesses et des couleurs, les gravités évaporées de ce que j'aime appeler "un récent moyen âge" (ne serait ce pas un bon titre) ou encore "envers industrieux"

mais j'extrapole...

[Marvejols]

"envers industrieux"

Moi je vous vois bien intituler un recueil En vers industrHier...

[loic]

ps : pour les femmes, mais qu'étaient elles donc alors qu'une force de travail, par la tâche et par les enfants travailleurs en devenir, qu'elles portaient sous leurs robes grises..

[loic]

marvejols ma porte t'est ouverte si tu viens par ici...

(il devrait y avoir un tchat ici)

Loïc, le fil où l'on discute de ses textes est celui-ci : http://www.vosecrits.com/t9766-discussions-autour-de-nos-textes-prose-poesie (et non pas Billevesées ! ).
La Modération

[Artnow]

De Loic : « (il devrait y avoir un tchat ici) »

En fait il y en a un, même deux : fil débat ou fil discussion sur nos textes... pour éviter de remonter autant son texte.

J'avais juste une mini remarque personnelle: vous utilisez souvent le mot « rancœur ». Juste de mémoire (approximative et non vérifiée) au moins dans 3 de vos poèmes récemment postés. Sur un poème, personne ne le voit, mais sur plusieurs… cela se voit (pour moi tout du moins). Vous avez sans aucun doute dans votre besace de mots des remplaçants, évitant ces redites entre poèmes, d'autant s'ils sont présentés, pour une circonstance ou pour une autre rapprochés.

[Calvin]

Eh, la rancoeur reste la rancoeur, un chat un chat.

[Carmen P.]

La vie était rude, et souvent je surprends en disant que je n'ai pas la nostalgie de cette époque.
Comme nos grand-mères étaient courageuses en effet, mais elle souriaient si peu sur les photos !
C'est cette condition de vie que je lis dans ta poésie qui porte tout le poids de ce passé (la lecture me fait souffrir parfois).

[Marvejols]

C'est pas Loïc
Qui s'est r'monté
D'un coup d'Alambic
C'est Marve qu'a posté
Avant qu'i' s'couche
Et comme on dit
Chez les forts du Midi:
Qui se sent Marve se mouche

S'il ne coûte rien de conseiller, il rapporte gros d'aller chercher: pour les synonymes de rancoeur c'est là, accès direct pour l'envers.

Moi, souligner rancoeur pour Loïc ça me fait peur. Pour l'auteur.

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