Au kilomètre

[Sebastien K]

Toutes les routes tracées roulent pour la solitude. Seuls quelques paysages mordent les chevilles du temps.

Alors je ralentis ; regard posé sur des chemins provisoires, déjà disparus. En quelques secondes, tout repart en fil.

Tu portes des forêts à bout de bras, des villes et des fumées. La vitesse gomine le désordre apparent.

Les vitres fermées gaspillent les rumeurs des feuillages. Le soleil se répand en gaz lacrymogène.

Je veux m'arrêter pour combler ce silence. Une station à trois kilomètres.
Je veux m'arrêter pour combler ce silence. Une station à deux kilomètres.
Je veux m'arrêter pour combler le silence, sans cesser de compter.

Toute route tracée courtise le possible. Un jeu de dupe sur les cartes routières.
Seuls quelques sourires échappent au dessin.

J'en ai sûrement quelques uns, collés au plastique de la boite à gant. Un bon moyen pour te perdre des yeux. Car, après tout, le bonheur c'est l'accident.

[Invité]

Je suis absolument admirative ! Forme et fond, ce poème me touche à chaque mot. La beauté de ces images ! Tout ce que je pourrais dire serait pauvre à côté. donc juste : bravo sincère.

[Janis]

ohlala, c'est carrément super (désolée j'ai juste envie de lire et de dire que ça me plaît)

[hi wen]

le texte jouille de ses effets de style. l'auteur arpente la litterature en dilettante jusqu'à prendre pleine jouissance du lieu, on devine qu'il ne laissera pas une miette.
un bruit de mocassin, net sec et clair.

[Marchevêque]

Bonjour,

Une poésie que j'aime, qui me rapelle un peu celle du Baron Von Lückner!

A voir, lire et relire encore

Marchevêque

[Invité]

Up ! Je trouve qu'on n'a pas rendu justice à ce poème !

[Rêvelin]

Up ! Je trouve aussi ! ^^

Vraiment élégante cette écriture
Et qui aborde subtilement beaucoup de choses ...

Merci

[Arielle]

Le titre m'avait laissée sur le bord de la route mais j'ai bien aimé cette allégorie de la vie traversée pied au plancher.

Toute route tracée courtise le possible ... le bonheur c'est l'accident.

[Annie]

Le voyage sentimental, est un genre littéraire que j'aime beaucoup, l'éponyme, celui de Laurence Sterne, ou bien Le Voyage vers le nord de Karel Capek, ou encore Berlin-Moscou, un voyage à pied de Wolfgang Büscher. sans parler de Rousseau!
Ici c'est le contraire, on tire un trait sur la carte, un trait sur la route... Brrr...
Et si on s'arrêtait à Bagdad café?

[Phylisse]

Troublée par ce texte, que j'ai lu plusieurs fois pour en saisir le sens (l'essence...).

J'en aime le rythme, le tracé original, les images saisissantes, l'arrêt brutal... Et ces carrefours qui nous font face et dont on perd, parfois, la trace dans le rétroviseur.

[loic]

On est plus dans le travail d'écriture mais dans le talent d'écriture...

[Anne Veillac]

J'ai toujours du mal à commenter un poème.
Celui-là m'a beaucoup touchée, sans savoir expliquer pourquoi.
Je le trouve très riche.
J'aime sa forme qui n'est pas empruntée. Du coup, c'est le ressenti qui ressort.

[post scriptum]

Très beau poème qui parvient à faire des va-et-vient subtils entre la trivialité d'une boîte à gant et la complexité d'une conscience.
Dommage que le titre ne rende pas cette profondeur.
Une écriture parfaitement maîtrisée comme en équilibre entre la métaphore "tarte à la crème", et la suggestion inattendue. La première phrase l'illustre bien :
"Toutes les routes tracées roulent pour la solitude."
Tous les dangers de lourdeur sont esquivés, déjoués voire manipulés au profit de la beauté de ce texte. L'anaphore, l'excès de la modalisation ne dérangent pas, au contraire.
Cette vision d'un monde passager, d'un dessin éphémère où les sourires, seuls, permettent une halte est très belle, humaine et universelle.
L'accident final (presque lacanien) est une belle trouvaille. Sort choisi, désiré qui permet comme le dit un célèbre acteur de frôler la vie.

Merci pour ce poème.

[Maryse]

C'est vrai ce texte est riche , original, émouvant.

[Sebastien K]

Merci à tous pour vos commentaires !

[hi wen]

Au kilomètre.
carré, cela va sans dire.

[milo]

Ah, oui ! C'est vraiment très beau, fascinant.
Bravo.

[Artnow]

Je viens mettre qq bémols au milieu des satisfecit.

Comme il figure dans ce texte : «  Un jeu de dupe sur les cartes routières », il y a un peu un jeu de dupe dans ce texte. On croit - colle aux propos ou moins ou pas. Je me situe dans le moins.

Les propos sont élégants, flatteurs, la formulation et écriture efficaces. C'est justement de ce côté que vient mes réserves, car rapidement je me suis dit : « encore un qui veut faire gober son truc et qui pour cela va user des effets, formules « poétiques ».
Cela commence très tôt: « Seuls quelques paysages mordent les chevilles du temps. », s'amplifie ultérieurement : « Le soleil se répand en gaz lacrymogène. ».

Cela m'empêche d'adhérer et d'apprécier pleinement votre texte.

Personnellement je ne retiens que la toute fin: " J'en ai sûrement quelques uns, collés au plastique de la boite à gant. Un bon moyen pour te perdre des yeux. Car, après tout, le bonheur c'est l'accident. » qui ne se perd pas tout en restant dans son originalité d'expression / de regard, et de fond. "

Merci néanmoins pour la lecture, de qualité d'ensemble et d'intérêt certains.

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