Amertume

[Jano]

Aux jours déclinants d'un âge incertain,
Quand les ombres d'avant traversent mes nuits,
Sentinelles évanescentes des chemins écoulés,
Je prends mon enfant tout contre moi,
Et dans ses yeux je vois demain,
Et dans ses mains je me sens vieux.

Ils sont bien morts, les temps fougueux
Où je courais, farouche, avec la meute.
Les ruelles scintillaient de verres brisés,
Et dans les chambres éparses, à l'aube,
Flottaient le parfum d'étranges inconnues,
Comme l'odeur âcre du tabac refroidi.

Emportées par le soupir des saisons,
Les chimères se sont enfuies, loin,
Rejoignant le cortège des rêves détruits.
Autant de ruines, de lourdes défaites,
Sacrifiées sur l'autel du quotidien.
L'archange a perdu ses ailes.

Alors je serre l'enfant dans mes bras,
Respire ses boucles blondes,
« - Papa, à quoi tu penses ?
- À rien mon petit, à rien... »
Et dans ses yeux je vois demain,
Et dans ses mains je me sens vieux.

[Arielle]

Une amertume et des regrets parmi lesquels j'aurais bien aimé voir glisser un soupçon d'espoir, ne serait-ce que dans les yeux de l'enfant.
Mais ce "demain" ne me semble pas plus encourageant que ces "hiers" partagés avec la meute farouche, parsemés de "verres brisés" dans "l'odeur âcre du tabac refroidi". La réalité a-t-elle jamais été à la hauteur des rêves et des chimères caressées ?
Un bilan bien morose en somme. Si c'est ce que ton narrateur a voulu nous conter, Jano, c'est vraiment réussi !

[Marvejols]

....Il y a parfois des mystères dans un forum. Comment en effet s'expliquer -voire admettre- qu'un tel texte en reste à 29 lectures quand des "déserts" ou des "desserts", ces sortes de poésies culinaires, aimantent des foules. Certains auraient-ils un truc pour "pré-visionner" les textes et ne pas ouvrir ceux qui secouent, impressionnent ou parfois dérangent? Une main magique ferait-elle pop-uper des écrits qui fermerait les autres à double tour? Un forum, quelqu'il soit, et même s'il prend quelques dispositions, serait-il enfin impuissant à contrer les effets de notoriété et certaine réalité d'un culte du moi qui veut que les textes de l'un et de l'une soient toujours attendus, qu'ils soient lus et surlus quand les poèmes d'un autre peuvent demeurer inaperçus, inlus et sombrer dans l'ombre des pages arrière?

....Ce texte est dur mais solide et bien mené. Il vous regarde droit dans les yeux comme la vérité de l'existence.
Un bémol ou deux toutefois:
- je ne suis pas certain que le style direct du "« - Papa, à quoi tu penses ? - À rien mon petit, à rien... » soit approprié. Je pense même le contraire : cet "actuel" choque dans un texte crépusculaire aux accents baudelairiens et en tout cas d'essence très XIXè
- je n'aime pas les "chambres éparses" qui font cliché (prostitution XIXè) et tuent d'un mot l'amour qu'il y avait dans jeunesse folle qui courait les ruelles
- enfin, "Sacrifiées sur l'autel du quotidien" me semble trop convenu et mériterait d'être formulé autrement.

Un texte digne d'être remonté quelqu'heure à notre attention.

[Jano]

Vous m'avez touché Marvejols, c'est pourquoi je n'attendrai pas plus pour répondre. Je suis heureux que ce texte vous plaise ainsi qu'à Arielle, alors que je le voyais s'enfoncer inexorablement dans les limbes du forum.
Bon, pas bon ? Je laisse le lecteur juger. Mais il est certain qu'avec deux commentaires ce n'est pas évident de se faire une opinion. Je me dis parfois que je paie mes appréciations sans langue de bois.
J'ai remarqué moi aussi la dérive insidieuse de Vosécrits qui tombe de plus en plus dans du copinage mielleux au détriment de l'analyse objective et du regard vers l'autre.
Se rajoute le problème de la surabondance des oeuvres de certains qui trépignent d'impatience pour poster un texte. Se mettre toujours sous les projecteurs, voilà une belle preuve de narcissisme.
Gageons, mon cher Marvejols, que nous serons bientôt taxés de toutes les infamies.

[Frédéric Prunier]

à lire ce texte
la deuxième strophe décrivant un passé semble-t-il nostalgique

j'aurai envie de dire à l'auteur de cette vie de merde que
pusqu'il a la chance aujourd'hui d'aider son enfant à apprendre à marcher
alors qu'il a brulé son passé à zoner avec la meute dans de faux lendemains qui déchantent
il pourrait au moins avoir le sourire

.... et jusque votre commentaire d'après texte semble quelque peu aigres...
dommage
l'écriture a de la poésie
et qu'importe les autres, c'est de soi qu'il s'agit

amicalement et sincèrement, même si vous n'en avez pas envie..

[Frédéric Prunier]

en suite du commentaire de Marvejol

... persoje, j'avais lu ce texte
mais le côté aigri de la vie ne me donnait pas envie d'aller y chercher du génie


(ça, c'est pas de la langue de bois )

[Marvejols]

je le voyais s'enfoncer inexorablement dans les limbes du forum.

Je fais toujours attention aux textes qui font de petits scores. J'ai remarqué que la corrélation avec la qualité est mauvaise. Il faut donc en déduire que parfois c'est la faute à pas de chance, quand par exemple une avalanche de postages suit un texte et donc le "descend". Et puis on remarque également que souvent le lecteur -et cela m'arrive également- ne serait-ce que parce qu'il passe en coup de vent, ne considère guère que le haut du tableau, les 8 ou 10 du dessus du panier. Il y a sans doute aussi dans cette indifférence aux profondeurs un formatage issu de 50 ans d'imprégnation médiatique: on ne va plus chercher on attend que cela vienne à nous. Je me fais donc une discipline (et parfois un honneur...) d'aller pêcher plus loin que la surface et il m'arrive que l'on me repêche également.

Dans ce remuage des eaux déjà obscurcies je suis attentif au nom (un texte de Jano c'est étrange qu'il soit ignoré, en général ce n'est pas trop mauvais - ma fille me reproche souvent cette formule du "pas trop") et attentif à l'âge (observer les jeunes sinon les encourager c'est le premier acte poétique). Par ailleurs je hais (certes surtout celle des autres...) la notoriété, souvent factice et déconnectée du talent fût-il modeste. On sait (si on ne sait pas on l'apprend vite, généralement à ses dépens) que la notoriété est sur un forum (et cela n'est donc pas propre à VE) très bien proportionnée à la fréquence des posts (vous pouvez le vérifier par exemple en étant absent trois mois: si vos textes étaient à une moyenne de 156 lectures sur une semaine, à votre retour ils auront nettement baissé et vous travaillerez, si si, à reconstruire votre notoriété, tout cela fabriquant de la fidélité et étant bon pour les annonceurs de pub..). Le second process qui crée de la notoriété est effectivement les échanges de type tchat (le style "coucou bisou ça va toi") qui crée de la communauté, du groupe, de l'entre soi : si c'est factice cela n'en fonctionne pas moins et j'ai ici même payé plusieurs fois mon franc-parler à ce sujet. Au moins pouvons-nous remarquer que VosE ne met pas trop en avant la fonction tchat dans sa structure. Pour ma part je remarque toutefois que le nombre de posts brefs voir très brefs (genre "coucou je t'ai lu" ou "bon", "pas aimé") augmente dangereusement, traduisant un processus d'apprauvrissement littéraire ou d'entresoimisme un peu préoccupant si je ne savais que ces choses fluctuent en cycles généralement (pas toujours) réversibles.

Pour en revenir au texte, il est bon Jano. Mais c'est vrai qu'il est dur (il regarde en face). Ou plutôt, "c'est vrai qu'il est dur, mais il est bon".

Alors l'ami Prunier (à qui il faut reconnaître une certaine habileté à jongler avec mots et sons, peut-être un divertissement pascalien qui sait...) se trompe sans doute lorsqu'il ramène un texte à une centpourcence autobiographique. J'ai ainsi par exemple écrit un texte sur Jésus en croix, de plus à la première personne (d'ailleurs directement inspiré par la Mater Dolorosa de Jano) or je ne suis pas chrétien et même assez anti-religion... J'ai récemment publié un texte d'énivrement sur l'amphore et je ne suis pas alcoolique (en revanche en bon gaulois j'aime le vin), je viens également de publier un texte à dessein ridicule et lourd d'une seule rime mais je ne crois pas être d'une écriture complètement ridicule...

Je partage avec Prunier sans doute de préférer la poésie où coule la vie et je fuis devant le pathos, le trash, le grunge, les humeurs qui s'écoulent, la violence noire. Ceci dit une petite dose ne nuit pas qui va parfois nous "chercher" dans des zones que l'on fuirait. M'intéresserais-je enfin à la poésie sans avoir au collège au lycée avalé du Baudelaire noir? Les films tristes sont parfois (pas toujours) ceux qui vous font le plus aimer le soleil...

[Janis]

Ce que je lis ici me donne envie de me connecter, malgré une certaine lassitude (physique, celle-là) !

Je suis d'accord avec l'idée que la noirceur d'un propos ne doit pas voiler la qualité d'un texte, je ne vois d'ailleurs pas trop ce que je lirais si j'écartais les textes sombres.

De plus en effet, le Je qu'on écrit n'est pas soi tout entier, heureusement.

J'ai bien aimé les ombres qui planent sur ce poème, la mélancolie des choses perdues est bien rendue, mais c'est la fin qui me gâche un peu, en fait juste le "à rien, mon petit, à rien", qui tout d'un coup fait très solennel, très "le temps qui passe expliqué à mon fils" et en effet un retour au ici et maintenant qui fait retomber.

Et puis, l'archange a perdu ses ailes, c'est une formule toute faite, je trouve.

je dois dire que je lis toujours les textes de jano, parfois ils m'agacent - les textes comme les commentaires - (et il me le rend bien), parfois je n'ai rien à dire, parfois si. Je suis d'ailleurs allée lire de "vieux" textes et j'en ai apprécié plusieurs ! Notamment l'étrange Hurlante Nova.

[Damy]

Excusez-moi, Jano, mais je ne vois pas la valeur poétique de ce texte. Je le vois sous forme de court récit, en phrases alignées, et je pense même que sous cette forme il gagnerait dans l'intensité du désespoir.

[Marvejols]

Occuli habent et non...

[Terrains Vagues]

J'aime sans voir encore une fois le coté poétique.

Pour ce qui est de Marvejols...

uote]Occuli habent et non...

]Ma pollution ici[/url]

[Terrains Vagues]

Oups, quoi c'est passé?

Ma pollution ici

[Jean Lê]

J'ai toujours du mal avec "évanescente" et "archange", trop cliché. Note : "flottait le parfum" ou "flottaient les parfums". Cette deuxième strophe est ma préférée, toute une ambiance en connivence.

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