Auschwitz, mon amour

[Raoulraoul]

Auschwitz, mon amour

Auschwitz ! Tout le monde descend, c’est terminus !
Auschwitz, le must de la région ! L’aéroport
Propose des taxis. C’est préférable au bus.
Une seule journée en tours-opérateurs.
Auschwitz, deux heures sur place pour vingt euros.
« Muzeum Auschwitz » Dans les boutiques on vend
Des mignonnes statuettes des Juifs du ghetto.
Gros nez, violon dans la main, et le plus souvent,
Un sac de monnaie dans l’autre. Vous aurez droit
A un dîner juif typique. Sont interdits
Les chiens et les maillots de bain, c’est trop grivois,
Et fumer, manger, ou les poussettes aussi.
On paie les toilettes avec un échangeur
De monnaie, puis on va à la cafétéria.
Deux hommes saouls, sacs à dos, riant de frayeur,
Une bière à la main, tombent dans les gravats.
Auschwitz, plus de huit mille visiteurs par jour.
Un couple avec son bébé fait une photo.
« Arbeit macht frei » ça veut dire quoi mon amour ?
« Le travail rend libre », viens, allons à Birkenau,
Pique-niquer sur l’herbe. Un touriste enregistre
Au camescope « Là, c’était le camp des femmes »,
Il dit. Mais une pluie fine et froide persiste.
« Tiens ! on sent ce qu’ils ont souffert. » crie une dame.
Une fois, une anglaise dans la chambre à gaz,
S’était déshabillée pour mieux comprendre un peu
Ce qu’on pouvait ressentir, mais aucune extase.
Un boîte de nuit, ah oui c’est scandaleux,
Près de Birkenau a été fermée. La mode
Aussi voulait faire un défilé à Auschwitz.
Mais les baraques se pourrissent dans le smog.
En ruine sont les chambres à gaz à Auschwitz.
« Respecter ces lieux serait de ne plus s’y rendre »
Dit le philosophe Finkielkraut. La mémoire
Est devenue un temple du macabre en cendre.
Le vivant ne prend guère soin de son histoire.


Raoul



< Votre texte précédent a été publié il y a moins d'une semaine.
Merci de veiller à respecter les intervalles de temps demandés entre deux publications.
La Modération >
.

[Maryse]

D'un réalisme !
Oui ! Le vivant ne prend guère soin de son histoire

[Jano]

Je ne considère pas ce texte comme de la poésie. Il n'y a pas ici d'évocations fines et suggérées des horreurs passées mais plutôt une charge au bulldozer contre le tourisme de masse. Aucune subtilité dans cette critique caricaturale sans parler du titre racoleur.

Je ne suis de plus absolument pas d'accord avec la phrase de ce soi-disant philosophe : « Respecter ces lieux serait de ne plus s’y rendre ».
Que fait-il du devoir de mémoire ? Comment se rendre compte des atrocités commises si on n'a pas vu réellement les chambre à gaz et les fours crématoires ? Il me semble plutôt qu'il ne faut pas laisser ces lieux chargés de souffrance dans l'isolement et l'abandon. Les générations qui suivent doivent savoir ce qui s'est passé, pas seulement dans les livres mais aussi dans la dure et froide réalité.

Et tant pis si quelques touristes ne mesurent pas toute la gravité de ces endroits, la majorité d'entre eux en ressort profondément émue.

[Frédéric Prunier]

votre texte, même s'il est plus dissertant que poétique,
ne peut laisser indifférent, et la petite réflexion ci-dessous... ont vos phrases pour terreau et racines, alors,
je vous remercie

...

petit Proverbe progressiste de l'humanité:
à Saint Barthélémy, Sainte Connerie...

au nom de l'ignorance mon père
de l'intolérence mon fils
tant d'esprits, commandent nos destins
(ainsi de suite,)

[Raoulraoul]

Je ne considère pas ce texte comme de la poésie. Il n'y a pas ici d'évocations fines et suggérées des horreurs passées mais plutôt une charge au bulldozer contre le tourisme de masse. Aucune subtilité dans cette critique caricaturale sans parler du titre racoleur.

Je ne suis de plus absolument pas d'accord avec la phrase de ce soi-disant philosophe : « Respecter ces lieux serait de ne plus s’y rendre ».
Que fait-il du devoir de mémoire ? Comment se rendre compte des atrocités commises si on n'a pas vu réellement les chambre à gaz et les fours crématoires ? Il me semble plutôt qu'il ne faut pas laisser ces lieux chargés de souffrance dans l'isolement et l'abandon. Les générations qui suivent doivent savoir ce qui s'est passé, pas seulement dans les livres mais aussi dans la dure et froide réalité.

Et tant pis si quelques touristes ne mesurent pas toute la gravité de ces endroits, la majorité d'entre eux en ressort profondément émue.

Réponse de Raoul à Jano:
Au moins mon texte-poème aura fait réagir. Ce qui y est dit n'est pas caricatural mais des faits réels... Peut-être justement que la forme métrique et rimée (bien sûr sans métaphore ni autres subtilités stylistiques...) constraste d'avantage avec le propos "révoltant". Effet de contrepoint et décalage. Sinon je ne suis pas contre le tourisme de masse, mais il faut relativiser. Quant à la remarque de Finkielkraut, je ne la partage pas obligatoirement, je la livre à réflexion. Et merci pour ton jugement. Le titre en effet peut paraître un peu racoleur. Pour moi il est en référence à "Hiroshima, mon amour" scénario de Duras où on entend cette fameuse réplique : "Je n'ai rien vu à Hiroshima"... Ainsi, pourait-on dire de Auschwitz, "Je n'ai rien vu à Auschwitz", phrase polémique, étrange, insupportable, mais l'entretien de notre mémoire n'est-il pas à ce prix ; trouver des formes (écrites) de communication pour la réveiller, la secouer, la déranger ?... Je te remercie pour tes commentaires qui m'encouragent.
Raoul

[adrien709]

Rien à dire: J 'ADORE !!

[Rebecca]

« Muzeum Auschwitz »
Rien que ces deux mots accolés ça provoque en moi un sentiment épidermique d'horreur.
Bon "Auschwitz " suffit. Certes . Mais "Museum Auschwitz" recèle quelque chose de l'ordre de la perversité, de l'obscénité.
Que tout le reste de ton texte souligne détaille et explicite.
Perso, je trouve ça épouvantable de transformer un lieu de barbarie en un site touristique. A mes yeux , c'est une souillure et non pas un hommage à la mémoire de ceux qui y ont vécu l'innommable. Une banalisation de ce qui doit rester quelque chose de monstrueux.
Le devoir de mémoire qu'a t il à faire avec ces foules pour qui l'on organise la visite orchestrée des ruines qui en elles mêmes ne disent rien de ce qu'ont vécu et souffert tant de malheureux ?
Après Disneyland , si on allait à "Naziland" chéri ?
Je ne vois là que voyeurisme malsain et stupidité caractéristiques des foules abêties.
Le devoir de mémoire c'est la transmission des faits historiques, des éléments de connaissance et de reflexion, et des valeurs que la culture
doit veiller à faire perdurer de génération en génération, c'est un travail qui passe par l'enseignement sur le plan cognitif et par l'art éventuellement sur un plan sensible, ce n'est pas aller en troupeaux bêlants constater qu'on peut y ressentir quelque émotion!
C'est grave d'avoir besoin d'y aller pour être pénétré et convaincu de l'horreur qui s'est jouée là.
Et qui s'est perpétrée en d'autres époques et continue de se perpétrer en d'autres endroits de la planète; c'est dans le coeur de l'homme que s'édifie la barbarie, dans nos têtes, et c'est là que doivent se construire des murailles pour ne plus avoir d'enfers "à visiter"
Auschwitz ça ne devrait se visiter qu'à l'intérieur de nos consciences. A la lumière de nos expériences de nos convictions. Si Auschwitz n'a pas déjà élu domicile dans nos âmes c'est que nous n'avons rien appris de l'histoire, que nous ne changerons jamais.

Comme tu vois ton texte a ce mérite qu'en effet, en plus de réveiller des émotions , il soulève bien des questions , et qui ne concernent pas que Paul et Mick :-)
J'aime beaucoup le titre , indépendamment du fait que je suis une ex fan de Marguerite.

[Jano]

Je ne partage pas ton opinion Rebecca. Je vais essayer d'expliquer pourquoi.

«Je trouve ça épouvantable de transformer un lieu de barbarie en un site touristique.»
Ne confondons pas tout. Il n'a jamais été question de faire un site touristique à visée ludique ou récréative du camp d'auschitz mais d'ouvrir au public un endroit où sont conservés les vestiges de l'horreur. Il n'est pas possible de ressentir toute la dimension du génocide uniquement à travers les films ou les livres d'histoire. Je trouve très vague et franchement insuffisante ta proposition du devoir de mémoire par « l'enseignement sur le plan cognitif et par l'art éventuellement sur un plan sensible ». Comme le site d'Oradour sur Glane, rien ne remplacera la vision directe des lieux de massacre.

Permet moi de trouver ta vision «des foules abêties» habitée d'un «voyeurisme malsain» réductrice et assez méprisante. C'est justement par ce type de musée à ciel ouvert que les foules peuvent apprendre des faits qu'elles ne sont pas censées connaître aussi bien que toi. Tout le monde n'a pas le même niveau de culture.
Le museum d'Auschwitz a d'abord un rôle éducatif où le voyeurisme malsain, s'il existe, reste à mon avis marginal. Je te rappelle qu'il y a beaucoup de groupes scolaires qui vont visiter ces cicatrices de l'humanité.

[Pierre Morati]

Moi j'aime beaucoup ce texte et son ton. Et d'abord, ça n'est pas parce qu'on raille les touristes qu'on critique le musée en soi, et ça n'est même pas parce qu'on écrit quelque chose qu'on le pense, d'ailleurs (heureusement, et je n'ai pas peur de le dire).

C'était haut en couleur, grinçant juste ce qu'il faut, et ça m'a beaucoup fait rire. Justement parce que ça n'insiste pas lourdement sur je ne sais pas quelle idée philosophique ou politique, ni non plus sur le pathos : on sent la voix poétique consternée, pas forcément effondrée. C'est la critique de comportements particuliers, du genre humain en général en fait, et non de l'institution de mémoire qu'est le musée d'Auschwitz ! C'est du bon vieux moralisme - un moralisme auquel je donne encore le sens brillant qu'il avait au grand siècle : railler, précisément, sans nécessairement s'étendre, l'hypocrisie du politiquement correct, l'hypocrisie de ce qu'un bonhomme malgré tout peu recommandable a baptisé, avec beaucoup d'esprit, la "pensée unique", l'hypocrisie de la "morale" - qui n'est que du bon ton - mainstream. Hypocrisie ici manifeste : les gens profitent du devoir de mémoire pour voir du pays et se faire un peu mousser la glande du mélodrame.
... Mais on le fait tous plus ou moins ! Non, ce n'est pas non plus l'indice d'un profond mépris du "peuple" !

J'aime beaucoup ce rythme haletant, aussi. L'écriture apparemment simpliste est pourtant très juste, très efficace. C'est cartoonesque, je trouve.

[Invité]

Raoul, Reb, Pierre Morati, je vous aime !

[Invité]

Et merde à ceux qui diraient que ce n'est pas de la critique constructive !

[Jean Lê]

Note : une boite de nuit.
Histoire de laisser un commentaire constructif.

[Invité]

T'as oublié l'accent circonflexe, Jean !

[Jean Lê]

Coline, c’est la nouvelle orthographe.
L'accent circonflexe disparait sur i et u. Sur i et u, l'accent circonflexe ne joue aucun rôle phonétique ; il est l'une des principales causes d'erreurs et son emploi, aléatoire, ne peut être justifié par l'étymologie.
Conformément à la décision de l'Académie française, « aucune des deux graphies [ni l'ancienne ni la nouvelle] ne peut être tenue pour fautive ».
« Il leur manque des ardoises sur le toit ! » dicton de Ðiên Biên Phú (encore un site touristique).

[Invité]

Je ne m'y ferai pas !

[Marvejols]

Ce texte de Raoulraoul est très évocateur. Il parle vrai. Impossible de sortir ça de son imaginaire, il faut avoir vu. C'est effectivement effrayant. Je trouve le débat instauré entre Jano et Rebecca très intéressant et très soutenu.
Je trouve que leurs positions sont loin d'être irréductibles: trop de célébration tue la mémoire, trop de démonstration tue le respect. Pas de lieu: pas de mémoire, mais des lieux surfréquentés, surmédiatisés deviennent usés, inefficaces. Quand vous visitez une grotte préhistorique que personne ou presque n'a depuis "eux" pénétrée, vous savez cela fait une drôle d'impression. Il y a un contact un respect immédiat et fort. Quand vous êtes le 1.004.238è "visiteur", que c'est marqué au compteur etc. ce n'est plus du tout la même chose. Evacué le contact, évacuée la communion. Impossible de "les" voir, de "les" entendre, de "les" imagine, impossible de crier en soi-même, pour eux, pour nous. Le bruit du consumérisme, la rumeur de l'injonction (il "faut" en être, il faut y aller, il faudra bientôt y avoir été vu ou filmé...), ce bruit est impudique. Quand tout le monde va, à la queue leu-leu, en courant toucher la Bouche de la Vérité, quand la Fontaine de Trevi à Rome est submergée de touristes, elle ne parle plus. Elle ne témoigne plus. Elle n'est plus belle. Elle est morte et nous fait fuir.
Je serais presque partisan qu'il soit difficile d'aller sur les lieux de mémoire. Imaginez: se rendre à Stonehenge et y arriver à 4 ou 7, dans la bruine et le vent. Et la même chose avec 18 cars bondés qui débarquent leur flot d'humains, habillés en chaussures US blanches et avec des couleurs criardes en tous sens. Vous êtes brutalement n'importe où. Et les lieux se taisent, écrasés, dominés.

[pachyderme]

Je pense qu'on pourrait tirer de ton texte une réflexion quant à la distance entre compassion et voyeurisme. J'aime le passage où cette femme essaie de resssentir le gazage, j'aurais souhaité que le texte s'ouvre sur ces différents abîmes ouverts autour de l'empathie. C'est un texte courageux et humain, je crois qu'il faut le dire. Même s'il arrive qu'on ai honte d'être humain.

[Marvejols]

Même s'il arrive qu'on ai honte d'être humain.

"Se questo è un uomo" (Primo Levi).

[gaeli]

Ce texte a le mérite de déranger, de faire parler et je crois que c'est ce que l'auteur à voulu. Dernièrement, j'ai écouté et vu un documentaire intitulé: Le coeur d' Auschwitz. Je le recommande à tous. Pour ma part, je crois qu'il serait souhaitable que chaque humain puisse visiter ces camps de concentration afin que plus jamais de pareilles horreurs ne se reproduisent.
Merci Raoul pour ce texte qui à défaut d'être poétique est pour moi profondément significatif.

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