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Cathédrale

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Message  Invité Dim 5 Fév 2012 - 15:43

Malgré ses airs de novice redoublant, il était le port d'où étaient partis les navires de la stylistique gothique. Il en parlait avec une vivacité véhémente née de la fierté de l'œuvre réalisée. De cet homme perclus par les siècles traversés, qui avait initié et participé à tant de projets, émanait une énergie incommensurable. À l'instar de ses réalisations, ses propos ne pouvaient qu'élever l'esprit. Et c'était bien vrai ! Il avait secoué un monde ténébreux qui ne demandait qu'à dormir, révélé un mur couvert de clameurs qui montaient jusques aux cieux. Avec l'élan téméraire des personnes âgées qui ne mesurent plus leurs limites, il m'entraina à l'extérieur. Nous avancions à contretemps, tout proches l'un de l'autre.

Si j'en jugeais par la maîtrise que j'avais de sa langue, je trouvais qu'il s'exprimait d'une manière quelque peu désuète. C'est ainsi que, me montrant l'édifice, il me dit :

- Les hommes ont construit ce gigantesque vaisseau de pierre et les fondations à dix mètres sous terre enterrées. Il est la quintessence de tous ceux qui l'ont précédé.

Un brusque découragement cassant sa voix, il ajouta :

- Elles ne sont pas éternelles contrairement au Dieu qui les habite.

Et en effet, leurs pierres érodées étaient une invitation à la décadence.

Il me fallut un moment pour m'aviser que ce préambule n'était pas l'expression de la nostalgie, mais une incitation à reprendre et perpétuer son œuvre, une simple et délicate manœuvre d'approche. Nous longions alors un bras du transept, abrités du vent par une haie de buis. Bien qu'étant au fait des délires architecturaux des temps terriens, mes perceptions sensorielles furent quelque peu bouleversées à la vue des sculptures et ornements qui agrémentaient le portail ; un peu comme quelqu'un qui, descendant l'escalier en caracol d'une tour nous prenant dans le ciel pour nous jeter au sol, pose avec circonspection le pied à terre et hésite à lever les yeux par peur du vertige. Le sol sous mes pas prit alors une consistance spongieuse. Élevant lentement mon regard je me mis à détailler ce grand livre de pierre. Seuls quelques ocelles de lumière éclairaient les sculptures auréolant les scènes d'un caractère onirique.

Un ample escalier, vague de briques venant à nous, invitait à s'élever vers la baie centrale. Poursuivant son soliloque péripatéticien il n'avait pas perçu mon intérêt soudain ; mais, probablement guidé par quelque habitude, d'une gracieuse volte revint vers moi réalisant pour lors que je ne l'écoutais plus et, semblant suivre mon regard, il se mit céans à interpréter les mystères dans la pierre sculptés :

- Pour les hommes de mon époque et des siècles passés les cathédrales sont... et furent des livres que l'on déchiffre me dit-il en guise d'exorde ; de fabuleux livres d'images dont les sculptures et les vitraux illustrent les enseignements de notre Église...

S'interrompant un instant, semblant chercher on ne sait quoi, il ajouta :

- Des gisements contre l'oubli en quelque sorte. La plupart des hommes du Moyen Âge ne savaient pas lire. Mais, contrairement à une idée communément répandue, les gens se déplaçaient, n'étaient pas rattachés à la terre d'un seigneur avec comme simple ligne d'horizon l'oraison et le rêve, diffusant ainsi les savoirs et les techniques. Pour la théologie catholique, ce caractère d'homme en marche, un homo viator pour ainsi dire, était comme une définition de sa condition. On cheminait ainsi le long de voies qui pouvaient conduire à la damnation ou au salut. La relique et la statuaire avaient aussi leur importance parce qu'on ne distinguait pas la dévotion attachée à un saint ou à la personne divine de sa représentation ou du fragment rappelant son existence humaine. L'exemple achevé est celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, saccagé par Al-Mansur, reconstruit, et censé abriter le tombeau du saint.

Me regardant à nouveau :

- Du plus discret des oculi percés dans les hauteurs de la grande nef au plus difforme des personnages sculptés dans les replis des archivoltes, chaque image a un sens. Nous avons codifié et expliqué cela dans un traité que nous vous transmettrons.

Puis hésitant, complétant son propos :

- Mais notre symbolique n'est pas seulement biblique, elle est également géométrique et arithmétique... Mon maître disait : « un essaim de paroles à l'architecture organisée. »

- Pouvez-vous m'expliquer cela ?

Éludant ma question par un signe de tête agacé et une expression quelque peu effarée - n'étais-je pas après tout un spécialiste, même si... -, indiquant l'intérieur de l'édifice puis reprenant son propos en me désignant la baie centrale du portail :

- Sous les voussures et le tympan, sur le linteau en fait, les sculptures sont consacrées à l'assomption de Marie. Les trois scènes, ajouta-t-il avec un sourire quelque peu ironique et espiègle sont inspirées de textes apocryphes.

Puis, après un profond soupir :

- À gauche vous pouvez voir la dormition de Marie entourée de disciples tandis que le Christ dont le visage a disparu, mais reconnaissable à la croix dans son auréole recueille l'âme de sa mère ; à droite les anges soulèvent délicatement le corps pour le porter jusqu'au ciel.

S'interrompant et me regardant :

- Savez-vous ce qu'est la dormition ? Car je présume que ce mot et l'état qu'il suppose doivent vous être étrangers ?

Mon air perplexe reflétait mon interrogation. Il ne me regarda pas et reprit son monologue :

- Il s'agit ni plus ni moins que de la mort, un état indiquant que la dépouille terrestre a cessé de vivre ; seule reste l'âme, ce principe spirituel de création divine, transcendant à l'homme auquel il est uni pendant la vie terrestre comme foyer de sa vie religieuse où s'affrontent le Bien et le Mal et opposé au corps soumis aux instincts et instrument de corruption. Nous préférons utiliser le mot dormition... C'est un euphémisme plus rassurant et plus touchant.

Ex abrupto il me demanda :

- Vous ne prenez pas de notes ?

- Non ! je suis parfaitement capable de vous répéter mot pour mot vos propos.

Son air incrédule indiquait clairement qu'il n'en croyait rien ; puis, haussant les épaules, continuant la tâche irréalisable d'inventorier son monde, il reprit :

- Au tympan, Marie figure à la droite de son fils...

Il s'interrompit et je sus ; comment ne l'avais-je perçu plus tôt ? Sa vision avait rendu éthéré le monde qui était le sien, mais la parfaite connaissance qu'il en avait lui permettait de s'y mouvoir aisément. Cet irrévocable effacement du monde, cet adieu progressif à la lumière le lui rendait probablement encore plus vivant, moins elliptique.

Et en effet, au fil de son long monologue, un monument s'élevait sous mes yeux. Pendant qu'il parlait, le temps semblait figé et vivant à la fois ; et le dôme, d'un corps lourd, tournait ses pages de pierre ouvertes au couteau de la mémoire. Au crépuscule qui descendait sur sa voix, je perçus une profonde affliction. On eût dit que sa parole devenue monotone, sa psalmodie en quelque sorte, était un requiem pour une civilisation perdue.

En vérité, il s'agissait bien là d'un enterrement, celui du temps parti que les mots jamais ne reprendront, un adieu progressif à la lumière accentué par une pénombre tiède et ambrée, une fluctuation de l'obscurité éclairant les travées d'outre-tombe d'un hypogée secret.

Montant dans mon vaisseau pour revenir sur la planète Sylphe, là où les mots sont des parenthèses du silence, avec enlacée d'une bulle l'image plasmatique de la dernière nef de pierre, je savais que nous l'exposerions au musée des civilisations disparues, que tour à tour elle se métamorphoserait reproduisant ainsi les multiples images de ce désir d'idéalité humaine ; me vint alors à l'esprit la bribe lancinante et funeste d'un poème :

Les arcboutants sur des culées
Font contrepoids à la poussée,
Des cathédrales élevées
Ces gigantesques araignées
Font des squelettes évidés.

Je vis alors défiler les ombres et sus que cette civilisation s'était éteinte, qu'Il les avait assassinés.

Mais... qui peut porter plainte contre Dieu ?



< Bienvenue sur VOS ECRITS.
Une courte présentation ICI serait tout à fait sympathique.
Merci.
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Message  Invité Mar 7 Fév 2012 - 15:19

Un texte assurément bien écrit... oserai-je dire "trop" ?
Dommage !
Il y a de la finesse et de l'érudition dans cette écriture.
Je l'avais lu depuis deux jours et j'attendais un peu pour voir les commentaires. Qui ne sont pas venus...
Je ne sais pas ce qui manque à ce texte pour nous accrocher. Peut-être se présente-t-il un peu comme un monument ?
Indiscutable... ?

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Message  Invité Mar 7 Fév 2012 - 16:53

J'ai commencé l'autre jour puis laissé en cours de route. Une belle écriture classique, certes. Dont le revers, en ce qui me concerne, est sa densité ; je mets en cause une lourdeur, voire une pesanteur rédhibitoire, j'ai perdu le goût (et la patience) de ces choses. Et pourtant, dieu sait que le sujet en soi m'intéresse. Voilà en fait le genre de démonstration qui me ravirait si on m'en entretenait de vive voix, plutôt que d'avoir à lire ce qui me fait l'effet d'un pavé trop indigeste.

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Message  Invité Sam 11 Fév 2012 - 20:58

Une possibilité de correction orthotypographique :
– « il m'entraina à l'extérieur » : traditionnellement, « entraîna » ;
– « - Les hommes » : il convient d'employer le tiret cadratin « — » (Alt + 0151) pour les dialogues. Si vous ne parvenez pas à le faire à partir de la combinaison, vous pouvez le copier à partir de mon profil ;
– « à dix mètres sous terre enterrées » : pléonasme ? ;
– « - Elles ne sont pas » : tiret cadratin ;
– « contrairement au Dieu » : « à Dieu » ou « au dieu » ? ;
– « - Pour les hommes » : tiret cadratin ;
– « les cathédrales sont... » : « … » (Alt + 0133) ;
– « que l'on déchiffre me dit-il » : virgule après « déchiffre » ;
– « de notre Église... » : « … » ;
– « - Des gisements » : tiret cadratin ;
– « un homo viator pour ainsi dire » : « homo viator (ou « uiator ») » en italique ;
– « - Du plus discret » : tiret cadratin ;
– « - Mais notre symbolique » : idem ;
– « et arithmétique... » : « … » ;
– « mon maître disait : « un essaim » : majuscule à « un » ;
– « - Pouvez-vous » : tiret cadratin ;
– « - n'étais-je pas après tout un spécialiste, même si... - » : le tiret d'incise est un demi-cadratin « – » (Alt + 0150) ou un cadratin « — » (Alt + 0151) ;
– « même si... » : « … » ;
– « - Sous les voussures » : tiret cadratin ;
– « un sourire quelque peu ironique et espiègle » : vous employez trop souvent le modalisateur « quelque peu » ;
– « quelque peu ironique et espiègle sont inspirées » : virgule après « espiègle » ;
– « - À gauche » : tiret cadratin ;
– « mais reconnaissable à la croix dans son auréole recueille » : virgule après « auréole » ;
– « - Savez-vous » : tiret cadratin ;
– « - Il s'agit » : tiret cadratin ;
– « ni plus ni moins que de la mort » : vous me l'apprenez ;
– « le mot dormition... » : « … ». En outre, pour indiquer la modalité autonymique, il serait de bon temps de mettre « dormition » en italique ou de l'encadrer de guillemets ;
– « Ex abrupto il me demanda » : « Ex abrupto » en italique (locution latine non lexicalisée) ;
– « - Vous ne prenez » : tiret cadratin ;
– « - Non ! je suis » : idem ;
– « - Au tympan » : idem ;
– « de son fils... » : « … » ;
– « celui du temps parti que les mots jamais ne reprendront » : plutôt « ne reprendraient » (concordance des temps : nous avons « il s'agissait » au début de la phrase) ;
– « Les arcboutants » : « arc-boutants » (trait d'union) ;
– « qu'Il les avait assassinés » : « assassinées » ? ;
– « Mais... » : « … ».

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Message  Invité Dim 12 Fév 2012 - 11:07

luluberlu a écrit:
Malgré ses airs de novice redoublant, il était le port d'où étaient partis les navires de la stylistique gothique. Il en parlait avec une vivacité véhémente née de la fierté de l'œuvre réalisée. De cet homme perclus par les siècles traversés, qui avait initié et participé à tant de projets, émanait une énergie incommensurable. À l'instar de ses réalisations, ses propos ne pouvaient qu'élever l'esprit. Et c'était bien vrai ! Il avait secoué un monde ténébreux qui ne demandait qu'à dormir, révélé un mur couvert de clameurs qui montaient jusques aux cieux. Avec l'élan téméraire des personnes âgées qui ne mesurent plus leurs limites, il m'entraîna à l'extérieur. Nous avancions à contretemps, tout proches l'un de l'autre.

Si j'en jugeais par la maîtrise que j'avais de sa langue, je trouvais qu'il s'exprimait d'une manière quelque peu désuète. C'est ainsi que, me montrant l'édifice, il me dit :

— Les hommes ont construit ce gigantesque vaisseau de pierre et les fondations à dix mètres sous terre enterrées. Il est la quintessence de tous ceux qui l'ont précédé.

Un brusque découragement cassant sa voix, il ajouta :

— Elles ne sont pas éternelles contrairement à Dieu qui les habite.

Et en effet, leurs pierres érodées étaient une invitation à la décadence.

Il me fallut un moment pour m'aviser que ce préambule n'était pas l'expression de la nostalgie, mais une incitation à reprendre et perpétuer son œuvre, une simple et délicate manœuvre d'approche. Nous longions alors un bras du transept, abrités du vent par une haie de buis. Bien qu'étant au fait des délires architecturaux des temps terriens, mes perceptions sensorielles furent quelque peu bouleversées à la vue des sculptures et ornements qui agrémentaient le portail ; un peu comme quelqu'un qui, descendant l'escalier en caracol d'une tour nous prenant dans le ciel pour nous jeter au sol, pose avec circonspection le pied à terre et hésite à lever les yeux par peur du vertige. Le sol sous mes pas prit alors une consistance spongieuse. Élevant lentement mon regard je me mis à détailler ce grand livre de pierre. Seuls quelques ocelles de lumière éclairaient les sculptures auréolant les scènes d'un caractère onirique.

Un ample escalier, vague de briques venant à nous, invitait à s'élever vers la baie centrale. Poursuivant son soliloque péripatéticien il n'avait pas perçu mon intérêt soudain ; mais, probablement guidé par quelque habitude, d'une gracieuse volte revint vers moi réalisant pour lors que je ne l'écoutais plus et, semblant suivre mon regard, il se mit céans à interpréter les mystères dans la pierre sculptés :

— Pour les hommes de mon époque et des siècles passés les cathédrales sont… et furent des livres que l'on déchiffre, me dit-il en guise d'exorde ; de fabuleux livres d'images dont les sculptures et les vitraux illustrent les enseignements de notre Église…

S'interrompant un instant, semblant chercher on ne sait quoi, il ajouta :

— Des gisements contre l'oubli en quelque sorte. La plupart des hommes du Moyen Âge ne savaient pas lire. Mais, contrairement à une idée communément répandue, les gens se déplaçaient, n'étaient pas rattachés à la terre d'un seigneur avec comme simple ligne d'horizon l'oraison et le rêve, diffusant ainsi les savoirs et les techniques. Pour la théologie catholique, ce caractère d'homme en marche, un homo viator pour ainsi dire, était comme une définition de sa condition. On cheminait ainsi le long de voies qui pouvaient conduire à la damnation ou au salut. La relique et la statuaire avaient aussi leur importance parce qu'on ne distinguait pas la dévotion attachée à un saint ou à la personne divine de sa représentation ou du fragment rappelant son existence humaine. L'exemple achevé est celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, saccagé par Al-Mansur, reconstruit, et censé abriter le tombeau du saint.

Me regardant à nouveau :

— Du plus discret des oculi percés dans les hauteurs de la grande nef au plus difforme des personnages sculptés dans les replis des archivoltes, chaque image a un sens. Nous avons codifié et expliqué cela dans un traité que nous vous transmettrons.

Puis hésitant, complétant son propos :

— Mais notre symbolique n'est pas seulement biblique, elle est également géométrique et arithmétique… Mon maître disait : « Un essaim de paroles à l'architecture organisée. »

— Pouvez-vous m'expliquer cela ?

Éludant ma question par un signe de tête agacé et une expression quelque peu effarée – n'étais-je pas après tout un spécialiste, même si… -, indiquant l'intérieur de l'édifice puis reprenant son propos en me désignant la baie centrale du portail :

— Sous les voussures et le tympan, sur le linteau en fait, les sculptures sont consacrées à l'assomption de Marie. Les trois scènes, ajouta-t-il avec un sourire un peu ironique et espiègle, sont inspirées de textes apocryphes.

Puis, après un profond soupir :

— À gauche vous pouvez voir la dormition de Marie entourée de disciples tandis que le Christ dont le visage a disparu, mais reconnaissable à la croix dans son auréole, recueille l'âme de sa mère ; à droite les anges soulèvent délicatement le corps pour le porter jusqu'au ciel.

S'interrompant et me regardant :

— Savez-vous ce qu'est la dormition ? Car je présume que ce mot et l'état qu'il suppose doivent vous être étrangers ?

Mon air perplexe reflétait mon interrogation. Il ne me regarda pas et reprit son monologue :

— Il s'agit ni plus ni moins que de la mort, un état indiquant que la dépouille terrestre a cessé de vivre ; seule reste l'âme, ce principe spirituel de création divine, transcendant à l'homme auquel il est uni pendant la vie terrestre comme foyer de sa vie religieuse où s'affrontent le Bien et le Mal et opposé au corps soumis aux instincts et instrument de corruption. Nous préférons utiliser le mot dormition… C'est un euphémisme plus rassurant et plus touchant.

Ex abrupto il me demanda :

— Vous ne prenez pas de notes ?

— Non ! je suis parfaitement capable de vous répéter mot pour mot vos propos.

Son air incrédule indiquait clairement qu'il n'en croyait rien ; puis, haussant les épaules, continuant la tâche irréalisable d'inventorier son monde, il reprit :

— Au tympan, Marie figure à la droite de son fils…

Il s'interrompit et je sus ; comment ne l'avais-je perçu plus tôt ? Sa vision avait rendu éthéré le monde qui était le sien, mais la parfaite connaissance qu'il en avait lui permettait de s'y mouvoir aisément. Cet irrévocable effacement du monde, cet adieu progressif à la lumière le lui rendait probablement encore plus vivant, moins elliptique.

Et en effet, au fil de son long monologue, un monument s'élevait sous mes yeux. Pendant qu'il parlait, le temps semblait figé et vivant à la fois ; et le dôme, d'un corps lourd, tournait ses pages de pierre ouvertes au couteau de la mémoire. Au crépuscule qui descendait sur sa voix, je perçus une profonde affliction. On eût dit que sa parole devenue monotone, sa psalmodie en quelque sorte, était un requiem pour une civilisation perdue.

En vérité, il s'agissait bien là d'un enterrement, celui du temps parti que les mots jamais ne reprendraient, un adieu progressif à la lumière accentué par une pénombre tiède et ambrée, une fluctuation de l'obscurité éclairant les travées d'outre-tombe d'un hypogée secret.

Montant dans mon vaisseau pour revenir sur la planète Sylphe, là où les mots sont des parenthèses du silence, avec enlacée d'une bulle l'image plasmatique de la dernière nef de pierre, je savais que nous l'exposerions au musée des civilisations disparues, que tour à tour elle se métamorphoserait reproduisant ainsi les multiples images de ce désir d'idéalité humaine ; me vint alors à l'esprit la bribe lancinante et funeste d'un poème :

Les arc-boutants sur des culées
Font contrepoids à la poussée,
Des cathédrales élevées
Ces gigantesques araignées
Font des squelettes évidés.

Je vis alors défiler les ombres et sus que cette civilisation s'était éteinte, qu'Il les avait assassinés.

Mais… qui peut porter plainte contre Dieu ?



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Message  hi wen Dim 12 Fév 2012 - 11:13

Savez-vous ce qu'est la dormition ? Car je présume que ce mot et l'état qu'il suppose doivent vous être étrangers ?

Mon air perplexe reflétait mon interrogation. Il ne me regarda pas et reprit son monologue :

- Il s'agit ni plus ni moins que de la mort
le contraire m'eut étonné.
j'arrête là ma lecture.

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