En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
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En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
En caleçon imprimé autour du canapé, sur du Whitney.
J'ai dansé toute la nuit, en caleçon imprimé, autour du canapé.
Ma mère m'a traité de fiotte, elle m'a dit que j'étais tout le portrait de mon grand-père, j'ai répondu que j'en étais fier parce que je n'ai jamais aimé mon grand-père. Je dansais sur du Whitney :
« If I should stay
I would only be in your way
So I'll go, but I know
I'll think of you every step of the way »
J'ai dansé encore, pendant longtemps, sur la chaîne des clips, en frappant ma poitrine avec mes poings comme les orangs-outangs, ces enfoirés de primates immondes, ils sont ridicules, j'aimerais tellement être comme eux.
Ma mère m'a traité de malade, elle m'a dit que c'était de sa faute, qu'elle n'aurait pas dû laisser traîner ses boîtes de Prozac sur la table du salon, que sans ça je serais moins con.
Son corps ne bougeait plus et en la regardant, allongée derrière le sofa, j'avais l'impression d'observer un tableau, peut-être un inédit de Van Gogh. Je ressentais vraiment quelque chose, j'étais ému, touché en plein cœur et des petits cure-dents me titillaient l'échine, je pense que je découvrais le sens du mot douleur. C'était presque réel. Non, c'était réel, et les nuances de couleurs ajoutaient un semblant de vérité à cette réalité carrément fictive. Une complainte s'échappait des enfers ; même haut dans le ciel, elle m'insultait encore.
« I hope life treats you kind
And I hope you have all you've dreamed of
And I wish to you joy and happiness
But above all this I wish you love... »
Le sofa était vraiment ignoble, j'aimais tellement ce sofa. De jolis petits motifs fleurs, des tulipes de toutes les couleurs, c'était super gai, ça me rendait triste et je pleurais. Mes larmes avaient un goût sucré. La chaîne des clips. Je poussais le volume de la télévision à fond, je me fichais de passer pour un con, elle me haïssait pour de bon et j'en avais plus rien à foutre. Elle ne se plaignait plus, les bras étalés sur le sol, derrière le sofa du salon.
J'ai encore dansé. Je ne mettais jamais ce caleçon mais là c'était une grande occasion. Je savais que ça n'arriverait plus, je savais que ce magnifique tableau était voué à disparaître bientôt, que le jeu de lumière parfaitement dosé allait s'estomper lorsque j'ouvrirais ces foutus volets. Ma chemise était beaucoup trop grande, beaucoup trop terne, c'était ma chemise préférée mais l'écusson cousu m'irritait le téton droit, ça me gênait.
« Bittersweet memories
That is all I'm taking with me
So goodbye, please, don't cry
We both know I'm not what you, you need... »
On sonnait à la porte plusieurs fois, sans arrêt. J'étais condamné à écouter insupportable leitmotiv ; j'aurais voulu qu'il m'accompagne toute la journée, couplé au son grésillant de la télé. Je dansais toujours, gambadant autour du sofa fleuri, j'enjambais le corps meurtri mais parfois je me prenais les pieds dedans, comme on se prend les pieds dans un tapis et je trébuchais, mais je ne désespérais pas, je dansais même par terre, avec les cafards qui s'empressaient d'investir la dépouille démembrée. La télé diffusait tous les clips de Whitney, sur toutes les chaînes, j'adorais cette artiste et je plaquais mes mains sur mes oreilles parce que je détestais entendre braire des truies dans son genre. La sonnerie retentissait encore, bruyante comme la cloche d'une église, je serrais plus fort mes mains sur mes oreilles si bien que mon cerveau se rétractait sur lui-même. Cette douce cacophonie me donnait des envies de massacres à grande échelle, alors j'imaginais ma propre mélodie et ondulais mon bassin en cadence. Parfois le rythme s'emballait trop et j'étais incapable de le suivre encore, à cause de ma mauvaise condition physique. J'immortalisais l'instant avec mon téléphone portable, je captais chaque parcelle de l'endroit afin d'en saisir l'atmosphère. La table basse du salon, en bois abîmé, recouverte de magazine à la con et de confettis. La tapisserie, verte ou grise, assombrie ça et là par de longues traces d'humidité. Le corps mort, décapité par une lame lumineuse que le volet troué ne pouvait plus filtrer. Sa robe, dans les mêmes tons que le sofa. Partout, des confettis.
Je ne mettais jamais ce caleçon parce que c'était mon caleçon préféré. On tapait à la porte, au carreau, on m'ordonnait d'ouvrir. Je dansais encore. Ma chemise était trop courte et ses couleurs trop criarde ; Je la trouvais belle et discrète, c'était celle que j'aimais le moins, je la portais pour faire plaisir à ma mère, elle me l'avait offerte pour mon dix-huitième anniversaire, elle connaissait bien mes goûts.
« And I will always love you
I will always love you
I will always love you
I will always love you
I will always love you
I, I will always love you »
Je portais des chaussettes de foot, jaune, avec deux bandes bleues et on essayait d'ouvrir ma porte. La voix de Whitney, la sonnette de la maison, les sirènes, les grésillements, le larsen continuel qui s'amplifiait à vue d'oreille. Je chantais, faux. J'attrapais une poignée de confettis dans le sachet, ils tourbillonnaient dans l'air et m'emportaient dans cette valse macabre. J'ouvrais la bouche, me délectais du nectar qui dégoulinant du plafond percé. C'était du vin ou du sang, c'était excellent, ça coulait à profusion.
Maintenant, j'ai tout oublié et Whitney l'a finalement fermé.
« I always love you... »
J'ai dansé toute la nuit, en caleçon imprimé, autour du canapé.
Ma mère m'a traité de fiotte, elle m'a dit que j'étais tout le portrait de mon grand-père, j'ai répondu que j'en étais fier parce que je n'ai jamais aimé mon grand-père. Je dansais sur du Whitney :
« If I should stay
I would only be in your way
So I'll go, but I know
I'll think of you every step of the way »
J'ai dansé encore, pendant longtemps, sur la chaîne des clips, en frappant ma poitrine avec mes poings comme les orangs-outangs, ces enfoirés de primates immondes, ils sont ridicules, j'aimerais tellement être comme eux.
Ma mère m'a traité de malade, elle m'a dit que c'était de sa faute, qu'elle n'aurait pas dû laisser traîner ses boîtes de Prozac sur la table du salon, que sans ça je serais moins con.
Son corps ne bougeait plus et en la regardant, allongée derrière le sofa, j'avais l'impression d'observer un tableau, peut-être un inédit de Van Gogh. Je ressentais vraiment quelque chose, j'étais ému, touché en plein cœur et des petits cure-dents me titillaient l'échine, je pense que je découvrais le sens du mot douleur. C'était presque réel. Non, c'était réel, et les nuances de couleurs ajoutaient un semblant de vérité à cette réalité carrément fictive. Une complainte s'échappait des enfers ; même haut dans le ciel, elle m'insultait encore.
« I hope life treats you kind
And I hope you have all you've dreamed of
And I wish to you joy and happiness
But above all this I wish you love... »
Le sofa était vraiment ignoble, j'aimais tellement ce sofa. De jolis petits motifs fleurs, des tulipes de toutes les couleurs, c'était super gai, ça me rendait triste et je pleurais. Mes larmes avaient un goût sucré. La chaîne des clips. Je poussais le volume de la télévision à fond, je me fichais de passer pour un con, elle me haïssait pour de bon et j'en avais plus rien à foutre. Elle ne se plaignait plus, les bras étalés sur le sol, derrière le sofa du salon.
J'ai encore dansé. Je ne mettais jamais ce caleçon mais là c'était une grande occasion. Je savais que ça n'arriverait plus, je savais que ce magnifique tableau était voué à disparaître bientôt, que le jeu de lumière parfaitement dosé allait s'estomper lorsque j'ouvrirais ces foutus volets. Ma chemise était beaucoup trop grande, beaucoup trop terne, c'était ma chemise préférée mais l'écusson cousu m'irritait le téton droit, ça me gênait.
« Bittersweet memories
That is all I'm taking with me
So goodbye, please, don't cry
We both know I'm not what you, you need... »
On sonnait à la porte plusieurs fois, sans arrêt. J'étais condamné à écouter insupportable leitmotiv ; j'aurais voulu qu'il m'accompagne toute la journée, couplé au son grésillant de la télé. Je dansais toujours, gambadant autour du sofa fleuri, j'enjambais le corps meurtri mais parfois je me prenais les pieds dedans, comme on se prend les pieds dans un tapis et je trébuchais, mais je ne désespérais pas, je dansais même par terre, avec les cafards qui s'empressaient d'investir la dépouille démembrée. La télé diffusait tous les clips de Whitney, sur toutes les chaînes, j'adorais cette artiste et je plaquais mes mains sur mes oreilles parce que je détestais entendre braire des truies dans son genre. La sonnerie retentissait encore, bruyante comme la cloche d'une église, je serrais plus fort mes mains sur mes oreilles si bien que mon cerveau se rétractait sur lui-même. Cette douce cacophonie me donnait des envies de massacres à grande échelle, alors j'imaginais ma propre mélodie et ondulais mon bassin en cadence. Parfois le rythme s'emballait trop et j'étais incapable de le suivre encore, à cause de ma mauvaise condition physique. J'immortalisais l'instant avec mon téléphone portable, je captais chaque parcelle de l'endroit afin d'en saisir l'atmosphère. La table basse du salon, en bois abîmé, recouverte de magazine à la con et de confettis. La tapisserie, verte ou grise, assombrie ça et là par de longues traces d'humidité. Le corps mort, décapité par une lame lumineuse que le volet troué ne pouvait plus filtrer. Sa robe, dans les mêmes tons que le sofa. Partout, des confettis.
Je ne mettais jamais ce caleçon parce que c'était mon caleçon préféré. On tapait à la porte, au carreau, on m'ordonnait d'ouvrir. Je dansais encore. Ma chemise était trop courte et ses couleurs trop criarde ; Je la trouvais belle et discrète, c'était celle que j'aimais le moins, je la portais pour faire plaisir à ma mère, elle me l'avait offerte pour mon dix-huitième anniversaire, elle connaissait bien mes goûts.
« And I will always love you
I will always love you
I will always love you
I will always love you
I will always love you
I, I will always love you »
Je portais des chaussettes de foot, jaune, avec deux bandes bleues et on essayait d'ouvrir ma porte. La voix de Whitney, la sonnette de la maison, les sirènes, les grésillements, le larsen continuel qui s'amplifiait à vue d'oreille. Je chantais, faux. J'attrapais une poignée de confettis dans le sachet, ils tourbillonnaient dans l'air et m'emportaient dans cette valse macabre. J'ouvrais la bouche, me délectais du nectar qui dégoulinant du plafond percé. C'était du vin ou du sang, c'était excellent, ça coulait à profusion.
Maintenant, j'ai tout oublié et Whitney l'a finalement fermé.
« I always love you... »
Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
Bonsoir,
L'écriture sert bien ce texte que pour ma part je n'ai pas du tout aimé ...
Amicalement,
midnightrambler
L'écriture sert bien ce texte que pour ma part je n'ai pas du tout aimé ...
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 70
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
Lecture commencée par curiosité : quelle littérature feue W. Huston peut-elle inspirer ?
Je n'aimais pas le personnage, et le texte ne fait rien pour changer mon opinion, mais ça, c'est secondaire
Je suis gênée par le ton, l'humour forcés. Oui, ça frôle le drôle par moments, mais ça ne fait que le frôler. Je reste avec l'impression globale d'un texte miroir, où l'auteur contemplerait son reflet satisfait, comme une auto-congratulation de son talent à produire ce qu'il a produit.
Je n'aimais pas le personnage, et le texte ne fait rien pour changer mon opinion, mais ça, c'est secondaire
Je suis gênée par le ton, l'humour forcés. Oui, ça frôle le drôle par moments, mais ça ne fait que le frôler. Je reste avec l'impression globale d'un texte miroir, où l'auteur contemplerait son reflet satisfait, comme une auto-congratulation de son talent à produire ce qu'il a produit.
Invité- Invité
Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
Intéressant Easter... C'était pour un concours "arrêt sur image", l'image était un caleçon, c'est vrai qu'il n'y a pas vraiment de profondeur. Mais reflet satisfait, non plutôt reflet insatisfait.
< Il vous a déjà été demandé de bien vouloir attendre plusieurs commentaires (+ d'1 ou 2...) avant de répondre, ceci évitera de faire remonter vous-même votre texte en haut de page au détriment des textes des autres auteurs, merci.
La Modération >
.
< Il vous a déjà été demandé de bien vouloir attendre plusieurs commentaires (+ d'1 ou 2...) avant de répondre, ceci évitera de faire remonter vous-même votre texte en haut de page au détriment des textes des autres auteurs, merci.
La Modération >
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Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
ben moi, j'ai bien aimé
pas au point de tout relire pour peaufiner (lu tôt ce matin)
un peu bancal, d'accord mais
j'y vois le pendant du texte de cilou
une sorte de vieille adolescence malade, vue côté ado
je vois très bien le gamin qui déteste ce qu'il aime, ou inversement
la relation un peu glauque et hallucinée
une sorte de truc sous acide
enfin quoi, ça me va comme ça
pas au point de tout relire pour peaufiner (lu tôt ce matin)
un peu bancal, d'accord mais
j'y vois le pendant du texte de cilou
une sorte de vieille adolescence malade, vue côté ado
je vois très bien le gamin qui déteste ce qu'il aime, ou inversement
la relation un peu glauque et hallucinée
une sorte de truc sous acide
enfin quoi, ça me va comme ça
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
c'est "glauque", comme on dit, pas trop aimé parce que pas mon genre de littérature, j'aime pas Buko(wski) ;-)
Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
J’aime bien l’idée de cette danse folle sur un cadavre et tous ces vêtements jamais portés car préférés.
Je me suis laissée porter par le rythme et par une sorte de rage perceptible. Mais pour ça j’ai fait abstraction des paroles de la chanson, inutiles pour moi, le texte irait bien sans, d’autant que je ne suis pas certaine que cela illustre bien le propos, excepté la dernière phrase.
Je me suis laissée porter par le rythme et par une sorte de rage perceptible. Mais pour ça j’ai fait abstraction des paroles de la chanson, inutiles pour moi, le texte irait bien sans, d’autant que je ne suis pas certaine que cela illustre bien le propos, excepté la dernière phrase.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: En caleçon imprimé autour du canapé (sur du Whitney)
Ca fait vraiment trop système, toutes ces contradictions. On dirait que tu essaies d'épuiser la notion d'oxymore !
Invité- Invité
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