Façon Bobin, moins les anges...

[Raoulraoul]

Façon Bobin, moins les anges…

Dans mon enfance, après les repas, on passait le ramasse miettes sur la table. Tout ce qui tombe du pain n’est pas perdu, pensais-je.

Qui aimerait être dans la poche de la femme de ménage de l’immeuble, avec ses balaies et ses serpillères, mais aussi ses rêves et son paradis qui la maintiennent sur terre ?

Et si pour les oiseaux on vidait nos ramasse miettes ?

L’enfant marche derrière sa mère, à petits pas, si petits qu’elle s’arrête, elle attend que sa mère se retourne, pour que le soleil de ses yeux à nouveau l’illumine. Une autre fois, ce sera l’enfant qui court devant sa mère, puis elle s’arrêtera, subitement émerveillée par un brin d’herbe gorgé de rosé. La mère continuera avec la certitude droite des adultes.

Sur le parking d’une autoroute, un homme joue du violoncelle. Il n’y a personne pour le voir. Sauf ma mémoire qui ne peut plus se passer de lui.

L’écriture m’empêche de vivre, mais c’est un hiver éternel qu’elle m’assure pour demain.

Des sous-vêtements oubliés dans la salle de bain. Des épluchures de mon corps dont j’aurais honte, si l’amour n’était là. Même lui pardonne nos petitesses.

Chaque jour faudrait regarder son patron avec l’oeil du scanner qui nous rend égaux tous devant Dieu.

Il marche toujours en sifflotant, le visage tourné vers le ciel. Il escorte le sillage de son chien. Evidemment la cause de sa joie est insondable.

L’écriture est mauvaise guérisseuse. De l’inexprimé elle fait œuvre. A la mine de plomb elle noircit la neige en nous.

Quand je croise un philosophe, je suis réduit à néant. Même plus une rose devant laquelle m’étourdir.

Souvent l’ombre des arbres dessine des voyages qu’on n’a pas faits dans des pays pas encore nés.

Il est incommensurable le rêve poreux d’une peau.

Il y a une excavation dans le jardin, sous mes fenêtres. C’est EDF qui passe des câbles pour relier les gens entre eux. J’ai l’impression que c’est ma tombe, creusée. Seule la terre caillouteuse me paraît aimable, avec ses habitants vermiculaires.

Aux murs violets du restaurant, ta robe violette se marie. Heureusement que ton visage me parle. Si tes yeux reflètent le violet des murs, à l’escalader, je me sens prêt pour te rejoindre.

Autour de la grande table les élèves écrivent. Les stylos comme des phares les guident sur l’océan bleu de leur imagination. Combien de stylos pour éclairer leur nuit sur la page blanche ?

On s’étonne parfois de la bonté qui sommeillait en nous. Il n’aura suffit qu’un regard de détresse pour que ce cheval de lumière bondisse hors de notre cage d’égoïsme. Nous ne sommes pas toujours les cavaliers de nos sentiments.

En passant sur le pont qui enjambe l’Adour, tu aperçois un trois-mâts amarré au quai. Ce n’est pas un rêve. Mais en roulant vite en voiture, c’est comme un rêve sur lequel on ne peut jamais revenir, pourtant là toujours. Les voiliers sont des rêves vivant.

Les mimosas rattrapent le temps perdu. L’hiver tardif clôturait leurs boutons. Rien ne peut interdire au temps ses fleurs.

Est-ce une misère ou une chance que l’homme recouvre son corps ? La connaissance a obscurci les feuilles. La petite lampe du poète ne s’embarrasse pas des ténèbres, puisque l’homme danse nu sous sa parure.

Ecoutons le chant silencieux des stylos, leur danse sur la page où les mots seraient inutiles.

[Invité]

Oh oui, que ça y ressemble !
Pas mal lu Bobin à un moment, avec un certain intérêt mais aussi toujours avec circonspection - l'irritant côté chrétien à tous crins, goodie two shoes - sauf La Folle Allure que j'ai aimé sans restriction.
De toute façon, j'ai toujours du mal avec les fragments, l'attention dont ils font l'objet étant autant arbitraire qu'éparpillée.
Quand même, je retiens celui-ci : "Sur le parking d’une autoroute, un homme joue du violoncelle. Il n’y a personne pour le voir. Sauf ma mémoire qui ne peut plus se passer de lui." Parce que, sous une forme très jumelle, c'est une certitude qui me colle à la peau, une pensée qui ne me quitte jamais.

[midnightrambler]

Bonjour,

Ouiche ... vingt et une "pensées" dont on comprend au bout de la quatre ou cinquième qu'elles n'ont entre elles que le lien qu'un infirmier en psychiatrie du Creusot ... en Saône-et-Loire, porté sur la religion catholique aurait pu leur donner ... C'est lourd ...

Amicalement,
midnightrambler

[Invité]

J'aime bien les miettes.
Vraiment.

[Ba]

"
On s’étonne parfois de la bonté qui sommeillait en nous. Il n’aura suffit qu’un regard de détresse pour que ce cheval de lumière bondisse hors de notre cage d’égoïsme. Nous ne sommes pas toujours les cavaliers de nos sentiments. "

Sans commentaire mais...+++

[Contenu sponsorisé]