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En quête d'inspiration

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En quête d'inspiration Empty En quête d'inspiration

Message  Invité Dim 26 Fév 2012 - 23:14

J’ouvrais les fenêtres de mon appartement, mais il aurait fallu abattre un mur entier pour purifier l’air ambiant. Je ne savais pas qui, de l’atmosphère ou de mon cerveau, était le plus à aérer. Il faut dire qu’à bientôt midi, mon bureau commençait à disparaitre sous les tasses de café à moitié vides, les cendriers à moitié pleins et les feuilles A4 entièrement blanches. Certaines pages étaient griffonnées de quelques mots, qui avaient muté en hiéroglyphes énigmatiques. D’autres s’exerçaient aux arts graphiques, en devenant objets, animaux, visages…celui-ci je le connaissais, oui c’était celui de ma voisine. Des lignes s’arrondissaient en spirales infinies autant de fois que mon cerveau avait du tourner sur lui même dans sa boite crânienne. C’était sans doute pour cette raison que j’avais ce putain de mal de crane. Il fallait que je me reprenne et ça n’allait pas traîner.

Dans un sursaut de vitalité je me lavais les dents, j’avais déjà constaté que l’hygiène buccale est un bon début lorsque l’on veut redémarrer du bon pied. Tant qu’à me scruter dans le miroir, je me tirais quelques poils dépassant du nez, rien de tel pour réveiller des neurones endormis. Je fis un détour par les toilettes, inspection des lieux, par satisfaction de prévoyance, je changeais le rouleau hygiénique, ce sera toujours ça de fait. Content de moi, je sifflotais tout en passant en revue l’appartement à l’affut du détail qui cloche. Et si j’améliorais le rangement des livres sur leurs étagères ? Comment n’y avais je pas pensé avant ? J’entreprenais de les classer suivant l’ordre alphabétique de leurs auteurs. Après avoir érigé un peu partout des piles chancelantes de livres, j’abandonnais l’idée qui me paru fastidieuse. J’avais en fait suffisamment fait diversion et me postais droit comme un i à mon bureau. Un vrai président, en attente de parler à ses concitoyens, devant un prompteur. J’étalais mes deux bras sur la table pour y aligner les stylos, puis j’en pris un. Je scrutais au loin, un point invisible, sans doute mon inspiration qui se faisait la malle. J’étais désemparé autant que si j’avais triché sur mon voisin afin de recopier sa rédaction, sauf que j’étais seul. Le stylo s’égara de nouveau au bout de mes doigts car le problème était que je ne connaissais toujours pas le sujet de cette putain de prose. Je mis un coup de pied dans la poubelle, ce qui envoya valdinguer des feuilles, où l’on y voyait dessiné en autre la tête de ma voisine.

Trouver l’inspiration était une mission aussi urgente qu’elle m’était vitale. Je devais accoucher de mon inspiration en gestation depuis plus de 9 mois. Cette grossesse me procurait des contractions cardiaques, à moins que ce ne soit mon tabagisme qui me détraque le palpitant. J’en avais des nausées, de cette prose à l’état de bouillie, qui me pesait sur l’estomac. Si au moins à l’échographie on avait pu me dire s’il se préparait un chef d’œuvre ou un navet. Il fallait que j’écrive n’importe quoi mais que j’écrive, la suite viendrait d’elle-même. S’immerger partout au plus près de la vie grouillante d’idées. Je pris alors juste le temps de passer une veste et de caler quelques feuilles sous mon bras. J’étais tellement absorbé par ma mission, que sur le palier, j’eus peur à l’approche de ma voisine. Ses gros yeux globuleux m’observaient depuis tellement longtemps sur le papier que je fuyais à grandes enjambées paranoïaques.

Et c’est ainsi que j’étais assis, un dimanche matin, sur un banc, au beau milieu du brouhaha de la place du marché. Bon choix me dis-je, ça ne manque pas d’animations, de couleurs et d’odeurs. Ca s’agite, ça soupèse, ça gueule, derrière les étals. En face, ça palpe, ça scrute et ça compare les produits. Je n’ai qu’à observer et n’importe quelle scène fera l’affaire pour libérer mon stylo.
« Aujourd’hui le marché est vraiment très animé, c’est un joli spectacle. Les badauds admirent les marchandises si colorées : les carottes en bottes bien alignées, la rondeur des tomates si rouges et les pommes aussi vertes que le gilet de ce vieux monsieur qui…»

Merde, pauvre mec, c’est vraiment moi la pauvre pomme ! En relisant ces quelques lignes c’est ma face qui devenait rouge de colère. Tu es con ou quoi ? tu as déjà vu un marché sans animation ? et tu crois que les pèlerins sont venus jusque là pour admirer la couleur des tomates et l’alignement des carottes ! Merde quel scoop : les tomates sont rouges et les pommes sont vertes, en effet ça valait le coup de venir. Puisque tu es là, fais tes courses, rentre chez toi, prépare une ratatouille et mange des pommes.

Sans vouloir faire de jeu de mot crétin, le marché n’avait pas porté ses fruits. Je partais alors en quête d’autres lieux que j’espérais plus propices à l’inspiration et me décidais pour un quai de gare. Joli trouvaille, il fallait y penser. D’ailleurs comment n’y avais-je pas pensé avant ? Moi qui avais si souvent contenu mes larmes en regardant les scènes filmées au départ d’un train. Si classiquement romanesque certes, mais toujours efficace. Et dans l’état actuel des choses, la fin justifiait n’importe quel moyen. J’allais me délecter de retrouvailles, de séparations, d’embrassades, de sanglots et de baisers envoyés au bout des doigts des amoureux. Rien de mieux pour faire tourner à plein régime le moteur de mes émotions, dérouler la bobine de mon cinéma intérieur bref pour révéler toute ma sensibilité. Je choisissais le train en provenance de Paris de 19 h 35. A cette heure, il sera bondé, autant de voyageurs, autant de tranches de vies et de possibilités d’émotions indéniables. J’étais un peu en avance, assis sur un banc du quai, qui à cette heure était en proie aux courants d’air glacés. Autour de moi, attendaient des impatients, qui portaient leur regard aussi loin qu’ils pouvaient en direction des rails, dans l’espoir d’y voir pointer ce train. En effet, son entrée en gare ne tarda pas à être annoncé dans les hauts parleurs.


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En quête d'inspiration Empty Brillant.

Message  ubikmagic Dim 26 Fév 2012 - 23:32

Beaucoup d'humour, de justesse, des idées brillantes. Et une mise en abyme de l'écrivain, avec toutes les interrogations, parfois traitées sur un mode ironique, que cela suppose.

Bravo !

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Message  Invité Lun 27 Fév 2012 - 11:30

Désolée, j'ai trouvé ça long, poussif et bien trop contraint.
J'ai continué ma lecture en espérant qu'elle mène quelque part, pour le moment je n'ai rien trouvé qui comble ce souhait.
De plus, c'est bête je sais mais j'ai été franchement gênée par l'utilisation erronée de la conjugaison des verbes au passé simple, tous ici déclinés à l'imparfait (en d'autre mots : "je me lavai les dents", " je me tirai", "j'étalai mes deux bras", etc., etc. Sans parler du "je fuyais" au lieu de "je fuis").

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Message  Invité Lun 27 Fév 2012 - 14:49

Je m’essayais dans l’urgence en improvisant quelques lignes :
« Dans la brume, à l’horizon
Arrive le train de ma déraison
Mon cœur bat de tant d’espoirs
D’oublier la foule et enfin te voir »

C’était bête mais j’avais le cœur qui battait la chamade alors que je n’attendais absolument personne. J’étais fébrile car j’avais rendez-vous avec mon inspiration. Le train arriva en gare, je me levais d’un bond, pour être au premier rang des retrouvailles et si l’occasion se présentait j’irais jusqu’à ramasser les mouchoirs tombés. Le train s’arrêta lentement, je ne mettais pas trompé d’horaire, il était bondé. J’avais le temps de repérer mes proies, quelques têtes plus romanesques que d’autres. Un sourire angéliquement béat d’attendre des embrassades imminentes. Un regard accablé par la tristesse d’annoncer sans doute une terrible nouvelle. Les passagers attendaient debouts, serrés, l’ouverture des portes comme des vannes laissant s’échapper des flots de voyageurs. Une marée humaine se déversa sur le quai devenu grouillant de monde. Je ne savais plus où donner de la tête. J’essayais de retrouver mes acteurs dramatiques mais j’étais noyé sous la vague. Rien ne servait d’aller à contre courant. La marée qui remontait vers le hall de la gare m’emmena avec elle. Dans la cohue je perdais quelques feuilles de papier A4. Je captais de furtives embrassades aussi fraîches que les courants d’air glacés du quai. D’ailleurs beaucoup sortaient leur mouchoir non pas dans un élan mélodramatique mais tout simplement pour se moucher. De toute évidence ils étaient pressés de rentrer chez eux après le boulot. La plupart parlaient dans un micro miniature relié à des oreillettes tandis qu’ils tiraient la valise de leur labeur. Je marchais également vite pour ne pas me faire happer par une armée de valises à roulettes, en clair je courrais devant le rouleau compresseur. Puis en moins de cinq minutes la gare se vida, j’étais seul au milieu du hall, avec quelques feuillets au bout du bras. Je lisais le survivant :

« Dans la brume, à l’horizon »
J’avais du me croire un instant dans la gare Saint Lazare peint par Monet parce que dans le cas présent, même en regardant très au loin, il n’y avait aucune brume à l’horizon.

« Arrive le train de ma déraison »
Ah oui ça c’est sur je n’avais pas toute ma raison, et même j’étais complètement cintré du ciboulot. Qu’est ce que je foutais là, seul, dans cette gare, entrain de tomber malade dans des courants d’air.

« Mon cœur bat de tant d’espoirs »
« D’oublier la foule et enfin te voir »
Mon cœur battait surtout de l’espoir de m’en tirer sain et sauf car j’ai toujours eut peur des mouvements de foule. Par conséquent même si j’avais voulu rencontrer une inconnue, je ne vois vraiment pas comment j’aurais pu l’apercevoir.

Après ces échecs humiliants, j’aurais pu faire une table définitivement rase de mon bureau et y déposer quelques cadres et photos en guise de décoration. Pourtant je ne me démotivais pas et errais de nouveau en quête de mon inspiration. Je devais accoucher coute que coute, quitte à pondre une œuvre née sous X, une prose inconnue et anonyme.
J’écumais tous les endroits bouillonnants de vie où je me postais tel un voyeur de scènes conviviales. J’assistais à des rencontres amicales où j’essayais d’intercepter des bribes de conversations. Au cinéma, j’improvisais le film que j’allais visionner en fonction des spectateurs qui achetaient leur billet. Mais il faut bien dire qu’une fois entré dans la salle, il ne se passait plus grand-chose mise à part le craquement des pop cornes et les écrans lumineux de portables. Les lumières se rallumaient et voilà chacun repartait de son coté sans savoir si son voisin avait aimé le film et pour tout dire s’en fichait royalement.
Au jardin public, je contemplais la végétation pour me nourrir de la poésie des saisons. A force de concentration, j’aurais bien versé une larme devant le bourgeonnement printanier des bulbes de narcisses et tulipes. A l’automne, j’entrais en mélancolie profonde, en regardant virevolter les feuilles rousses qui tombaient des châtaigniers. J’avais pris mes habitudes sur les bancs de la ville à tel point que je connaissais de mieux en mieux les clodos. Leur compagnie alcoolisée n’aidait pas ma poésie à éclore.
Je me rabattais alors sur le square d’enfants, rien de mieux me disais-je que la candeur enfantine pour susciter quelques émotions sincères. J’étais à coup sûr l’unique père sans enfant soucieux de la progéniture de ses écrits. Les mères papotaient tout en ne lâchant pas du regard leurs mômes qui s’essayaient au toboggan et au tourniquet. Il est vrai qu’en observant plus attentivement les chérubins, ça castagnait sévère dans les bacs à sable. Un coup de pelle était vite arrivé sur le coin des nez angéliques. Le niveau sonore était tel que je ne savais plus qui des mères ou des enfants criaient le plus fort. Je remerciais intérieurement ma compagne de m’avoir quitté avant d’avoir procréé. Puis je quittais le parc, avant d’endosser le rôle du pédophile, qui aurait pu être suspecté de dessiner je ne sais quelle anatomie enfantine, papier et crayon à la main.

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Message  Invité Lun 27 Fév 2012 - 23:02

iCilou, t'es vraiment fâchée avec la concordance des temps ! Ces imparfaits le sont vraiment !!! Tu ne sens pas la nécessité du passé simple presque partout ?
Dommage, il y a de bonnes choses, mais cette uniformisation du temps gâche vraiment le texte...
Le train arriva passé simple en gare, je me levais imparfait d’un bond,
La règle, je crois que c'est : lorsque l'action est ponctuelle c'est le passé simple qui s'impose, alors que lorsqu'il s'agit de quelque chose qui dure, on met l'imparfait

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Message  midnightrambler Lun 27 Fév 2012 - 23:29

Bonsoir,

Le manque d'inspiration est un sujet d'écriture, ce n'est pas nouveau !
Il est traité ici d'une manière originale, très picturale, avec ces scènes de la vie courante - le marché, la gare et le square Saint-Roch - comme sources supposées d'inspiration à l'image de celles que recherche le peintre.

Amicalement,
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Message  Invité Mar 28 Fév 2012 - 7:13

coline Dé a écrit:
La règle, je crois que c'est : lorsque l'action est ponctuelle c'est le passé simple qui s'impose, alors que lorsqu'il s'agit de quelque chose qui dure, on met l'imparfait

Pas exactement (je me permets, parce que je suis justement en train de donnner ça en cours à mes élèves)

La vraie séparation imparfait / passé simple (ou composé) tient à ce que l'on appelle "l'aspect" -> inachevé / achevé.

Achevé, cela veut dire que l'on sait qu'à la phrase suivante, l'action antérieure est déjà accomplie. Cela nous sert donc pour faire avancer un récit, pour une succession d'actions dans le temps.
(Exemple -> il se leva, prit son petit déjeuner, se doucha, et partit
Chaque action au passé simple "annule" l'antérieure, on sait qu'il prend son petit déjeuner une fois levé)

Tandis que dans l'autre cas, l'action n'est pas accomplie, elle est donc imparfaite : c'est valable pour contextualiser (il faisait froid), décrire (il avait environ 12 ans), mais aussi énoncer des faits répétés dans le temps (l'année dernière, tous les jours, je mangeais à la cantine)... Cela nous sert donc pour "l'arrière-plan" des récits, mais pas pour faire évoluer l'action.

Un exemple pour comprendre la différence entre les deux "aspects" :
"Il est allé à l'école, et il a vu son copain" -> là, il voit son copain à l'école.
"il allait à l'école, il a vu son copain..." -> on comprend qu'il voit son copain sur le chemin de l'école.

Alors, souvent, le passé simple rejoint cette idée "d'action ponctuelle" que nous indique Coline, mais pas forcément.

"les années 20 furent tragiques" - "Les Egyptiens furent les premiers à utiliser des papyrus"
-> l'emploi du passé simple ici n'est pas dû à l'idée d'un fait ponctuel, mais pour indiquer qu'il s'agit d'un fait révolu et qu'après, on va parler d'une autre époque qui annule les éléments que l'on vient d'énoncer


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Message  Marine Mar 28 Fév 2012 - 12:34

Les textes sur l'écriture peuvent me plaire, mais ici tu réexploites justement les clichés qu'il aurait fallu éviter : la gare, le marché, les lieux communs tels que le coup de pied dans la poubelle, le petit dessin de la tête de la voisine sur les feuilles où l'on ne parvient rien à pondre, la comparaison de l'écriture à un enfant qu'on porte et dont on doit accoucher... Bref, pas de surprise, c'est dommage.

"Je scrutais au loin, un point invisible, sans doute mon inspiration qui se faisait la malle.
Il y a également ces formules qui voudraient sonner comme de l'oralité mais détonnent justement du cliché et de la maladresse.
Les réflexions sur ce qui semble avoir été écrit sur le marché m'ont fait sourire, on cette sincérité attristée de l'auteur qui tente de tourner en dérision le fait qu'il ne parvienne plus à dire les choses avec originalité et poésie. Le texte est peut-être trop proche de toi justement, il me semble qu'il y manque un recul, ou que tu l'aies écrit dans cette période de fausse inspiration qui est celle où on court après en s'essouflant sans l'atteindre réellement.
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Message  Invité Jeu 1 Mar 2012 - 0:11

Merci pour vos commentaires instructifs. Si le texte n'est pas bon, il ne le sera jamais. J'ai essayé cependant d'appliquer vos conseils, j'ai alors repris le texte en utilisant davantage le passé simple et j'ai allégé des passages. J'en profite pour le terminer malgré tout en y ajoutant les derniers paragraphes. Cela ne changera sans doute pas grand chose à l'affaire mais c'était justement pour le vérifier.
J’ouvris les fenêtres de mon appartement, mais il aurait fallu abattre un mur entier pour purifier l’air ambiant. Je ne savais pas qui, de l’atmosphère ou de mon cerveau, était le plus à aérer. Il faut dire qu’à bientôt midi, mon bureau commença à disparaitre sous les tasses de café à moitié vides, les cendriers à moitié pleins et les feuilles A4 entièrement blanches. Certaines pages étaient griffonnées de quelques mots, qui avaient muté en hiéroglyphes énigmatiques. D’autres s’exerçaient aux arts graphiques, en devenant objets, animaux, visages…celui-ci je le connaissais, c’était celui de ma voisine. Des lignes s’arrondissaient en spirales infinies autant de fois que mon cerveau avait du tourner dans sa boite crânienne. C’était sans doute pour cette raison que j’avais ce putain de mal de crane. Il fallait que je me reprenne et ça n’allait pas traîner.

Dans un sursaut de vitalité je me lavai les dents, j’avais déjà constaté que l’hygiène buccale est un bon début lorsque l’on veut redémarrer du bon pied. Tant qu’à me scruter dans le miroir, je me tirai quelques poils dépassant du nez, rien de tel pour réveiller des neurones endormis. Je fis un détour par les toilettes, inspection des lieux, par satisfaction de prévoyance, je changeai le rouleau hygiénique, ce sera toujours ça de fait. Content de moi, je sifflotai tout en passant en revue l’appartement à l’affut du détail qui cloche. J’entrepris le rangement des livres sur leurs étagères suivant l’ordre alphabétique de leurs auteurs. Comment n’y avais je pas pensé avant ? Après avoir érigé un peu partout des piles chancelantes de livres, j’abandonnai l’idée qui me paru fastidieuse. J’avais en fait suffisamment fait diversion et me postai droit comme un i à mon bureau. Un vrai président, en attente de parler à ses concitoyens, devant un prompteur. J’étalai mes deux bras sur la table pour y aligner les stylos, puis j’en pris un. Je scrutai au loin, un point invisible, sans doute mon inspiration qui se faisait la malle. J’étais désemparé autant que si j’avais triché sur mon voisin afin de recopier sa rédaction, sauf que j’étais seul. Le stylo s’égara de nouveau au bout de mes doigts car le problème était que je ne connaissais toujours pas le sujet de cette putain de prose. Je mis un coup de pied dans la poubelle, ce qui envoya valdinguer des feuilles, où l’on y voyait dessiné en autre la tête de ma voisine.

Trouver l’inspiration était une mission aussi urgente qu’elle m’était vitale. Je devais accoucher de mon inspiration en gestation depuis plus de 9 mois. Cette grossesse me procurait des contractions cardiaques, à moins que ce ne soit mon tabagisme qui me détraquait le palpitant. J’en avais des nausées, de cette prose à l’état de bouillie, qui me pesait sur l’estomac. Si au moins à l’échographie on avait pu me dire s’il se préparait un chef d’œuvre ou un navet. Il fallait que j’écrive n’importe quoi mais que j’écrive, la suite viendrait d’elle-même. S’immerger partout au plus près de la vie grouillante d’idées. Je pris alors juste le temps de passer une veste et de caler quelques feuilles sous mon bras. J’étais tellement absorbé par ma mission, que sur le palier, j’eus peur à l’approche de ma voisine. Ses gros yeux globuleux m’observaient depuis tellement longtemps sur le papier que je fuis à grandes enjambées paranoïaques.

Et c’est ainsi que j’étais assis, un dimanche matin, sur un banc, au beau milieu du brouhaha de la place du marché. Bon choix me dis-je, ça ne manque pas d’animations, de couleurs et d’odeurs. Ca s’agite, ça soupèse, ça gueule, derrière les étals. En face, ça palpe, ça scrute et ça compare les produits. Je n’ai qu’à observer et n’importe quelle scène fera l’affaire pour libérer mon stylo.
« Aujourd’hui le marché est vraiment très animé, c’est un joli spectacle. Les badauds admirent les marchandises si colorées : les carottes en bottes bien alignées, la rondeur des tomates si rouges et les pommes aussi vertes que le gilet de ce vieux monsieur qui…»

Merde, pauvre mec, c’est moi la pomme ! En relisant ces quelques lignes c’est ma face qui devenait rouge de colère. Tu es con ou quoi ? as-tu déjà vu un marché sans animation ? tu crois que les pèlerins sont venus jusque là pour admirer la couleur des tomates et l’alignement des carottes ! Quel scoop : les tomates sont rouges et les pommes sont vertes, en effet ça valait le coup de venir. Puisque tu es là, fais tes courses, rentre chez toi, prépare une ratatouille et mange des pommes.

Sans vouloir faire de jeu de mot crétin, le marché n’avait pas porté ses fruits. Je partis alors en quête d’autres lieux que j’espérais plus propices à l’inspiration. Je me décidai pour un quai de gare, joli trouvaille, il fallait y penser. Moi qui avais si souvent contenu mes larmes en regardant les scènes filmées au départ d’un train. Classiquement romanesque certes, mais toujours efficace. Dans l’état actuel des choses, la fin justifiait n’importe quel moyen. J’allais me délecter de retrouvailles, séparations, d’embrassades, sanglots et baisers envoyés au bout des doigts des amoureux. Rien de mieux pour faire tourner à plein régime le moteur de mes émotions, dérouler la bobine de mon cinéma intérieur bref révéler toute ma sensibilité. Je choisis le train en provenance de Paris de 19 h 35, à cette heure, il sera bondé. J’étais un peu en avance, assis sur un banc du quai, qui à cette heure était en proie aux courants d’air glacés. Autour de moi, attendaient des impatients, qui portaient leur regard aussi loin qu’ils pouvaient en direction des rails, dans l’espoir d’y voir pointer ce train. En effet, son entrée en gare ne tarda pas à être annoncé dans les hauts parleurs.

Je m’assis dans l’urgence en improvisant quelques lignes :
« Dans la brume, à l’horizon
Arrive le train de ma déraison
Mon cœur bat de tant d’espoirs
D’oublier la foule et enfin te voir »

C’était bête mais j’avais le cœur qui battait la chamade alors que je n’attendais absolument personne. J’étais fébrile car j’avais rendez-vous avec mon inspiration. Le train arriva en gare, je me levai d’un bond, afin d’être mêlé aux retrouvailles et si l’occasion se présentait j’irai jusqu’à ramasser les mouchoirs tombés. Le train s’arrêta lentement, je ne mettais pas trompé d’horaire, il était bondé. J’avais le temps de repérer mes proies, quelques visages plus romanesques que d’autres. Un sourire angéliquement béat dans l’attente d’embrassades imminentes. Un regard accablé par la tristesse d’annoncer sans doute une terrible nouvelle. Les passagers attendaient debouts, serrés, l’ouverture des portes comme des vannes laissant s’échapper des flots de voyageurs. Une marée humaine se déversa sur le quai devenu grouillant de monde. J’essayai de retrouver mes acteurs dramatiques mais je fus noyé sous la vague. Rien ne servait d’aller à contre courant. La marée qui remonta vers le hall de la gare m’emmena avec elle. Dans la cohue je perdis quelques feuilles de papier A4. Je captai de furtives embrassades aussi fraîches que les courants d’air glacés du quai. D’ailleurs beaucoup sortirent leur mouchoir non pas dans un élan mélodramatique mais tout simplement pour se moucher. De toute évidence ils étaient pressés de rentrer chez eux après le boulot. La plupart parlaient dans un micro miniature relié à des oreillettes tandis qu’ils tiraient la valise de leur labeur. Je marchai vite pour ne pas me faire happer par une armée de valises à roulettes, en clair je courrai devant le rouleau compresseur. Puis en moins de cinq minutes la gare se vida, j’étais seul au milieu du hall, avec quelques feuillets au bout du bras. Je lus le survivant :

« Dans la brume, à l’horizon »
J’avais du me croire un instant dans la gare Saint Lazare peint par Monet parce que dans le cas présent, même en regardant très au loin, il n’y avait aucune brume à l’horizon.

« Arrive le train de ma déraison »
C’est sur je n’avais pas toute ma raison, et j’étais même complètement cintré du ciboulot. Qu’est ce que je foutais là, seul, dans cette gare, entrain de tomber malade dans des courants d’air.

« Mon cœur bat de tant d’espoirs »
« D’oublier la foule et enfin te voir »
Mon cœur battait surtout de l’espoir de m’en tirer sain et sauf car j’ai toujours eut peur des mouvements de foule.

Après ces échecs humiliants, j’aurais pu faire une table définitivement rase de mon bureau et y déposer quelques cadres et photos en guise de décoration. Pourtant j’errai de nouveau en quête de mon inspiration. Je devais accoucher, quitte à pondre une œuvre née sous X, une prose inconnue et anonyme.
J’écumai tous les endroits bouillonnants de vie et me postai tel un voyeur de scènes conviviales. En assistant à des rencontres amicales, j’essayai d’intercepter des bribes de conversations. Au cinéma, j’improvisai le film visionné en fonction des spectateurs qui achetaient leur billet. Mais il faut bien dire qu’une fois entré dans la salle, il ne se passa plus grand-chose mise à part le craquement des pop cornes et les écrans lumineux de portables. Les lumières se rallumèrent et voilà chacun repartit sans savoir si son voisin avait aimé le film et pour tout dire en s’en foutant royalement.
Au jardin public, je contemplai la végétation pour me nourrir de la poésie des saisons. A force de concentration, j’aurais bien versé une larme devant le bourgeonnement printanier des bulbes de narcisses et tulipes. A l’automne, j’entrai en mélancolie profonde, en regardant virevolter les feuilles rousses qui tombaient des châtaigniers. J’avais pris mes habitudes sur les bancs de la ville à tel point que je connus de mieux en mieux les clodos. Leur compagnie alcoolisée n’aida pas ma poésie à éclore.
Je me rabattis alors sur le square d’enfants, rien de mieux me dis-je que la candeur enfantine pour susciter quelques émotions sincères. J’étais à coup sûr l’unique père sans enfant soucieux de la progéniture de ses écrits. Les mères papotaient tout en ne lâchant pas du regard leurs mômes qui s’essayaient au toboggan et au tourniquet. Il est vrai qu’en observant plus attentivement les chérubins, ça castagnait sévère dans les bacs à sable. Un coup de pelle était vite arrivé sur le coin des nez angéliques. Le niveau sonore était tel que je ne savais plus qui des mères ou des enfants criaient le plus fort. Je remerciai intérieurement ma compagne de m’avoir quitté avant d’avoir procréé. Puis je quittai le parc, avant d’endosser le rôle du pédophile, qui aurait pu être suspecté de dessiner je ne sais quelle anatomie enfantine, papier et crayon à la main.

Les mois passaient comme passent les bateaux au large, lentement et sans faire de bruit. J’aurais aimé faire du boucan, donner un coup d’accélérateur, changer d’itinéraires en tenant d’une seule main le volant pour mieux profiter de l’aventure. La vie ne pouvait pas se vivre toujours par procuration alors que je voulais avoir un premier rôle. Je me sentais aussi vide que mes feuilles blanches. L’aventure se résumait à quelques scènes mythiques sur grand écran. Si j’avais pu vivre une seule de ces scènes et en être bouleversé pour le restant de ma vie. Du pur concentré d’émotions insufflé dans l’écriture.
Je repris le chemin du travail, tous les matins dans mon TER, je me laissais conduire dans l’express de ma réalité. Le paysage traversé n’était pas déplaisant, une vallée qui s’étalait en méandres paresseux dont je suivais du regard les courbes molles. Précisément je crois que je n’en pouvais plus de toute cette paresse. J’avais l’impression d’étaler ma vie en courbes sinueuses, en pattes de guimauve qui me collaient aux doigts, je me perdais dans les détours inutiles.
C’est comme cela qu’un matin, je me laissai tombé sur la banquette de mon TER, toujours près de la vitre pour voir le paysage. On était en été et le plastique de l’habitacle dégageait de la chaleur. Ma voisine respirait fort, essoufflée, d’avoir hissé jusqu’ici son cabas à roulettes. En découvrant ses mains potelées, j’imaginai combien elle devait souffrir de la chaleur. Je me tassai un peu plus près de la fenêtre. Un rapide coup d’œil circulaire me permis de constater combien les passagers apathiques étaient rouges et transpirants. Des auréoles apparurent un peu partout sur les tee-shirt moulants. Il n’y avait plus qu’à attendre que ça passe en regardant droit devant soi, le vide.
En effet en un quart de seconde, le vide me happa, inodore, silencieux, je devins aveugle à tout ce qui m’entourait. Le train fut réduit aux quelques centimètres qui me séparait de la banquette devant moi. Je découvris la blancheur d’une nuque dont les courbes s’imprimaient définitivement sur ma rétine. Je la parcourus de haut en bas, hypnotisé par ce qui s’en dégageait. Est-ce cela que l’on nomme un port altier ? Elle tourna légèrement la tête vers la vitre et je devinais son visage comme une caresse. Une perle de transpiration libérée à la naissance de ses cheveux sinua lentement le long de sa nuque, une huile essentielle de sensualité.
Des images poétiques me bombardèrent l’esprit. Des mots se posèrent sur le dossier de la banquette et j’aurais pu lui souffler au creux de la nuque, tant de prose, oui une sacrée belle prose.

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Message  Janis Jeu 1 Mar 2012 - 8:59

c'est long pour moi ce matin
je le garde au chaud pour plus tard
Janis
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