Le Bonheur, À Un Poète suivi de Une Madeleine

[Nathanaël Zenou]

"Si un homme vivait deux mille ans, sans vivre un jour de bonheur,
cela ne lui servirait de rien."
Salomon.

LE BONHEUR

C’est un piano à queue qu’on accorde sans cesse
Autrement il serait impossible de jouer
La romance d’amour dont on s’est fait promesse
De répéter les sons et les rythmes enjoués.

C’est un tableau à peindre, il faut compter des heures,
Il faut compter des jours et parfois des années.
Pour qu’apparaissent les traits si chers qu’on effleure,
Il faut bien des brouillons, et des essais ratés.

Prendre des risques vrais pour l’avenir rêvé,
Se souder, travailler : ainsi seront sauvées
La beauté d’être un homme et sa noblesse aussi.

Bâtir à deux, à trois, ce qui sera nos vies,
Ne plus aller le cœur triste et inassouvi,
Aimer : c’est le secret de la vie réussie.


A UN POETE QUI ME PARLAIT D'ECRIRE

Pour que la magie du poème s’accomplisse,
Il te faut découvrir la voix qui est en toi.
Cithare ou violon, coquelicot ou lys,
Dans chaque être sommeille un don que l’Art tutoie.

Que le lecteur retrouve en te lisant l’envie
D’embrasser l’étendue, cette envie souveraine.
Qu’il puisse aussi, malgré les revers de la vie,
Rêver sans ses regrets et survivre à sa peine.

Révèle en tes écrits ce qu’est l’homme en lui-même ;
Dans ses entrailles, là où siège l’âme humaine,
C’est ici le champ seul où ta main doit semer.

Mets donc le nez dehors, plutôt que dans tes livres !
—N’écris rien sur le vin avant qu’il ne t’enivre,
Ni rien sur une femme, avant d’avoir aimé !—


UNE MADELEINE

C’est un film ancien, saccadé, modelé
Par le travail du temps, dont la pellicule est
Usée, ternie, noircie, mais qui offre pourtant
L’image sublimée des souvenirs d’antan.

Madeleine de Proust, gourmandise enchantée,
Révèle à nos esprits ce qu'est l'éternité,
Et rappelle à nos coeurs le meilleur et le pire,
Léger doigt négligeant voyageant sur la lyre.

Sois le vieux vinyle, et sur le phonographe
Livre-nous ta chanson ! Sois le fier autographe
Qui paraphe la page ou le bouquet séché...

Les boucles de cheveux cachées dans un tiroir
Retrouvent leur pendant au creux de nos mémoires
Comme flotte un reflet au fond d'une psyché.

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[Frédéric Prunier]

si belle et travaillée
cette écriture mérite
à juste temps remonter

[Pascal-Claude Perrault]

—N’écris rien sur le vin avant qu’il ne t’enivre,
Ni rien sur une femme, avant d’avoir aimé !

Superbe.

[Frédéric Prunier]

mérite un double saut périlleux, ctruclà... hop...

[Nathanaël Zenou]

La madeleine

Le poème est le cœur d’un buste de porphyre.
Comme un doigt rend la vie aux cordes d’une lyre,
Il faut vibrer en nous un bout d’éternité,
Madeleine de Proust, il trempe dans le thé.

C’est un film ancien, saccadé, morcelé
Par le travail du temps, et sa pellicule est
Usée, rayée, ternie. Mais il offre pourtant
Une image chérie des aïeuls d’antan.

C’est le fameux vinyle au tour du phonographe,
Il joue Notre Chanson ! C’est l’ami qui paraphe
Avec un mot d’amour le verso d’un cliché !

Et la mèche enrubannée cachée dans la coiffeuse
A gardé le parfum de la belle chanteuse
Dont le reflet flottait hier dans sa psyché.

Maël GEORGES

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