Un jour elle a un vélo

[Kilis]

Un jour elle a un vélo. Elle est libre. Elle va, elle file, elle fend le vent. Elle sillonne, elle grimpe, elle dévale, elle zigzague.
Elle explore.
Elle va jusqu’au bout de la route, jusqu’aux collines, jusqu’au fleuve. Elle va jusqu’au port, jusqu’à la mission, jusqu’au camp militaire, jusqu’à la plaine d’aviation. Elle va jusqu’au contentement, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à la fatigue, jusqu’à l’épuisement.
Apaisée elle revient dans le velours du soir. Elle a allumé la lampe de son vélo. Elle sait, on le lui a dit : c’est elle en pédalant qui produit l’énergie.
« Grr… grr… grr… », elle fait grillotter la sonnette. Pour rien, pour le plaisir, comme ça, pour annoncer son retour.
Marie-Pierre Lemoine possède un vélo elle aussi. Parfois c’est ensemble qu’elles se baladent. Elles vont souvent dans le parc de l’Hôtel Lualaba, rouler sous les flamboyants. Et, quand c’est le moment de l’éclosion des grosses chenilles, ces monstres verts à pois rouges qui pullulent sous les arbres, elles n’en ont cure. Elles roulent dessus même si c’est extrêmement écoeurant de les voir éclater sous les pneus comme des tubes de pommade.

[mentor]

Le bruit de la sonnette me rappelle les contes du Grillot
joli moment de vie, au loin

[Invité]

Oui, c'est poétique et évocateur. J'aime bien cet espèce de zeugma . "jusqu'au bout de la route, jusqu'à l'épuisement". Le détail des chenilles aussi, avec cette fausse naïveté enfantine. Joli tranche de vie, même s'il me manque quelque chose, quand même...

[Invité]

J'aime bien. C'est rythmé, en deux (un !) temps trois mouvements et quelques phrases on fait beaucoup de chemin et l'expérience de l'insouciance, voire de la cruauté consciente.

[Yali]

Ça se lit pas, ça se savoure.

[Invité]

Ça se lit comme on pédale. « Grr… grr… grr… » : ce n'est pas le sonnette mais la chaine ! faut l’huiler !

[Lamarjo]

J'aime bien.
"il manque quelque chose", peut-être la fin est-elle un peu abrupte?
Bien vu pour le zeugma! des connaisseurs en figures de style...

[Lyra will]

Fin un peu abrupte aussi pour moi, sinon très visuel, très instantané et en mouvement à la fois (on dirait que l'on repasse un vieux film de famille avec les couleurs délavées, l'image qui grésille), et puis ce "jusqu'à jusqu'à jusqu'à l'épuisement" que j'aime beaucoup.

[Invité]

Un fichu goût de trop peu, Kilis ! Tu nous fais des portions congrues, façon nouvelle cuisine : délicieux, superbe à voir, mais on reste sur sa faim !
Quelle belle échappée, pourtant !

[Janis]

j'adore ça, surtout la fin qui contraste avec la petite douceur enfantine du début
C'est court et c'est bon !

[grieg]

ton univers
mon plaisir

tu l'avais déjà posté ce texte ?
le vélo et les chenilles m'ont madeleinisé

[Kilis]

oui, je l'avais posté déjà. Dans l'Ancien Testament pré-vélien :-)

[Marchevêque]

Bonjour,

Fouilla!!!! Quel plaisir à la lecture de ce texte!
Tout ce que j'aime, j'ai senti le vent dans mes cheveux, j'ai entendu le crincrin de la sonnette et les avions décoller. Pire, j'ai senti l'odeur amère des chenilles écrasées.
Arf, le bonheur!!!
Encore, encore!

[midnightrambler]

Bonsoir,

Le bref récit sans grand intérêt d'une promenade en vélo qui se termine par un détail grotesque ... Pas beaucoup aimé !

Amicalement,
midnightrambler

[Invité]

Parfois les choses et les mots les plus simples, les situations les plus banales, ont une magie charmante.
Comme ici ...

[anotherday]

euh... oui, mais encore ?
Ce qui me gêne en tant que lecteur, c'est qu'on est vraiment dans l'anecdotique pour moi. Alors oui, on peut y coller toute une symbolique, mais comme on le ferait de n'importe quel souvenir d'enfance, je n'y vois pas une grande portée littéraire (même si on peut me renvoyer à Delerm et ses gorgées de bière) et ça ne remue pas grand-chose en moi, ni véritable émotion, ni évasion, ni réflexion. Maintenant, ça, c'est mon souci de lecteur, je comprends tout à fait que l'auteur, lui, ait une tout autre démarche.

[Raoulraoul]

Très intéressante cette courte chronique. D'abord pour son effet d'épanalepse, figure répétitive qui donne le mouvement du vélo, et celui de l'enthousiasme de la personne. Auto-énergie jusqu'à épuisement. Puis dans la dernière strophe, phrases plus longues, narratives, dans un autre espace/temps sans doute. Mais cette santé et joie vélocipédiques écrasent les malheureuses chenilles sur la route. Il y a du paradoxe. Une énergie naturelle élimine une autre lenteur naturelle, il est vrai menaçante... Court texte, mais dense par son écriture et son contenu.
Véloce mais fort ouvragé !

[mentor]

Le bref récit sans grand intérêt d'une promenade en vélo

Kilis, j'imagine que ce petit fragment fera un jour partie d'un tout ? Une sorte de patchwork de souvenirs ?

[AGANIPPE]

Une belle musique rythmant chaque tour de pédalier, une promenade lumineuse.

[Carmen P.]

Un fragment assez délicieux qui ouvre l'appétit du lecteur (malgré mon allergie aux chenilles).

[Sahkti]

Ça se lit pas, ça se savoure.

je plussoie !
Kilis, tu (me) manques...

[Chako Noir]

Ça se lit pas, ça se savoure.

On y voyage comme dans les virages et les couleurs de tes aquarelles, Kilis.

[Invité]

J'aime ta concision. Un bémol : “elle n'en ont cure“ Trop sophistiqué dans ce contexte je trouve. Le titre, en revanche, est magnifique.

[Janis]

Je relis ça avec grand plaisir, toujours

[polgara]

merci d'avoir remonté ce joli texte ! du grand art ! m'en vais lire du Kilis !

[Janis]

t'as ben raison !
tout un univers, j'adore

[Pussicat]

ben j'aime bien mais... y'a des cailloux, et je suis tombée... à croire que je dois m'acheter une paire de lunettes.

[Pussicat]

Un jour elle a un vélo./ je ne comprends pas la construction mais j'aime bien Elle est libre. Elle va, elle file, elle fend le vent. Elle sillonne, elle grimpe, elle dévale, elle zigzague. / pourquoi tous ces « elle », ces points partout ? « Elle est libre » non ?
Elle explore. / c'est ça ! le terrain est casse-gueule.
Elle va jusqu’au bout de la route, jusqu’aux collines, jusqu’au fleuve. Elle va jusqu’au port, jusqu’à la mission, jusqu’au camp militaire, jusqu’à la plaine d’aviation. Elle va jusqu’au contentement, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à la fatigue, jusqu’à l’épuisement. / Elle va jusqu’au bout de la route... jusqu’à l’épuisement. C'est un exercice sur combien de fois j'emploie « jusque » ?

Apaisée elle revient dans le velours du soir. Ouf ! Elle a allumé la lampe de son vélo. Elle sait, on le lui a dit : c’est elle en pédalant qui produit l’énergie.
« Grr… grr… grr… », elle fait grillotter la sonnette. Pour rien, pour le plaisir, comme ça, pour annoncer son retour. / J'ai un vélo et ma sonnette ne fait pas : « Grr… grr… grr… » mais : gling, gling, gling.
Marie-Pierre Lemoine possède un vélo elle aussi. / Qui est Marie-Pierre Lemoine ? Parfois c’est ensemble qu’elles se baladent. Elles vont souvent dans le parc de l’Hôtel Lualaba, rouler sous les flamboyants./ la virgule n'est pas nécessaire/ . j'aime : rouler sous les flamboyants. Et, quand / virgule pas indispensable / c’est le moment de l’éclosion des grosses chenilles, ces monstres verts à pois rouges qui pullulent sous les arbres, elles n’en ont cure. Elles roulent dessus même si c’est extrêmement écoeurant de les voir éclater sous les pneus comme des tubes de pommade. / Elles roulent dessus et les voient s'éclater sous leurs pneus comme des tubes de pommade.

[Pussicat]

Elle est libre. Elle va, file et fend le vent. Elle sillonne, grimpe, dévale et zigzague.

[Invité]

Un jour elle a un vélo./ je ne comprends pas la construction mais j'aime bien Elle est libre. Elle va, elle file, elle fend le vent. Elle sillonne, elle grimpe, elle dévale, elle zigzague. / pourquoi tous ces « elle », ces points partout ? « Elle est libre » non ?
Elle explore. / c'est ça ! le terrain est casse-gueule.
Elle va jusqu’au bout de la route, jusqu’aux collines, jusqu’au fleuve. Elle va jusqu’au port, jusqu’à la mission, jusqu’au camp militaire, jusqu’à la plaine d’aviation. Elle va jusqu’au contentement, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à la fatigue, jusqu’à l’épuisement. / Elle va jusqu’au bout de la route... jusqu’à l’épuisement. C'est un exercice sur combien de fois j'emploie « jusque » ?

Apaisée elle revient dans le velours du soir. Ouf ! Elle a allumé la lampe de son vélo. Elle sait, on le lui a dit : c’est elle en pédalant qui produit l’énergie.
« Grr… grr… grr… », elle fait grillotter la sonnette. Pour rien, pour le plaisir, comme ça, pour annoncer son retour. / J'ai un vélo et ma sonnette ne fait pas : « Grr… grr… grr… » mais : gling, gling, gling.
Marie-Pierre Lemoine possède un vélo elle aussi. / Qui est Marie-Pierre Lemoine ? Parfois c’est ensemble qu’elles se baladent. Elles vont souvent dans le parc de l’Hôtel Lualaba, rouler sous les flamboyants./ la virgule n'est pas nécessaire/ . j'aime : rouler sous les flamboyants. Et, quand / virgule pas indispensable / c’est le moment de l’éclosion des grosses chenilles, ces monstres verts à pois rouges qui pullulent sous les arbres, elles n’en ont cure. Elles roulent dessus même si c’est extrêmement écoeurant de les voir éclater sous les pneus comme des tubes de pommade. / Elles roulent dessus et les voient s'éclater sous leurs pneus comme des tubes de pommade.

Si je puis me permettre : il est parfois plus intéressant d'essayer de comprendre que d'expliquer pourquoi on ne comprend pas. Ce texte a son style propre, bien affirmé. Les répétitions sont des éléments musicaux, des éléments de rythme. Et la sonnette fait grr grr c'est vrai. Elles ne font jamais dring les sonnettes. Ce sont des sornettes tout ça. C'est comme ça. Je défend cet auteur parce que j'aime son style, et je sais pourquoi. Précisément parce que la sonnette fait grr et non dring ou dling ou gling, ou je ne sais quoi.
Mais tu sais petit chat, c'est comme ça les styles forts : ça perturbe parfois l'entendement.

Pour l'auteur cette fois : j'adore cette phrase de rebondissement : Marie-Pierre Lemoine possède un vélo elle aussi.

[Anne Veillac]

Ça se lit pas, ça se savoure.

Je suis d'accord. Je ne sais pas quoi dire de plus.

[Invité]

Tu es la reine Kilis ! Chaque fois que je relis un de tes textes, je me demande si c'est une question de battements du coeur, si tu joues dans un orchestre de jazz ou si c'est comme ça que tu fais l'amour...! ( et j'envie !)

[Kilis]

Merci à tous et toutes.
Vous me faites rougir... de plaisir, mais n'en jetez plus, la cour est pleine.

Et pour Coline:

Spoiler:

[Arielle]

Merci à tous et toutes.
Vous me faites rougir... de plaisir, mais n'en jetez plus, la cour est pleine.

Je n'en dirai donc pas plus mais je n'en pense pas moins !

Pourrais-tu nous agrandir un peu cet avatar qui m'intrigue, sur le fil adéquat ?

[Raoulraoul]

Bonheur cyclique, avec rythme de l'héroïne, peut-être la narratrice, pour si bien revivre ce mouvement. Etrangement le dernier paragraphe nous conduit à la Cruauté, involontaire sans doute. Insouciance pour le monde rampant. J'aime cet aveu.

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