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Chronique de l'oisiveté

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Chronique de l'oisiveté Empty Chronique de l'oisiveté

Message  Gobu Mar 20 Mar 2012 - 22:04

CHRONIQUE DE L’OISIVETE


Après avoir précédemment traité du travail – tant qu’il en était temps, l’espèce est en voie de disparition – nous allons maintenant nous pencher sur son opposé : l’oisiveté. L’oisiveté remonte au moins aussi loin que le travail. Probablement plus loin d’ailleurs ; elle représente en quelque sorte l’état naturel de l’Homme lorsqu’il a satisfait ses besoins vitaux, à savoir pourvoir à sa nourriture, assurer sa descendance et trouver un endroit confortable où poser sa tête pour piquer une petite sieste après cette débauche d’efforts. Les animaux procèdent de la sorte, et il est vraisemblable que notre ancêtre de la Préhistoire, peu au fait du Progrès et de ses épuisantes tentations, n’en usait pas autrement.

Pour la sagesse populaire, qui a souvent le nez creux, l’oisiveté est mère de tous les vices. Alléchante progéniture, ma foi. Entre nous, si l’on désirait réellement en détourner le vulgus pecum, on ferait mieux de taire cette vérité. Les vices, si l’on fait abstraction de toute considération morale, possèdent quand même d’autres attraits que les vertus. L’abstinence a beau être prêchée sans relâche par les prédicateurs, chaudement recommandée par la Faculté et exigée par les prescripteurs de mode, il n’en demeure pas moins qu’un bon gueuleton libéralement humecté de quelque petit cru gouleyant a tout de même plus de charme. De même, la chasteté, si elle fait l’unanimité parmi les bigots, les pisse-vinaigre et les frustrés, ne tient pas la route comparée à la perspective d’une joyeuse partie de jambes en l’air en friponne compagnie. C’est le bon sens même.

N’allons pas croire pourtant que la quête de l’oisiveté soit une tâche de tout repos. Les tentations d’y déroger sont innombrables. Même si l’emploi semble se raréfier en phase avec le gonflement insolent des marges financières et la croissance exponentielle des revenus des grands décideurs – ainsi nommés surtout car ils détiennent le pouvoir discrétionnaire de décider du montant de leur rétribution – les occasions d’en mettre un sacré coup de collier ne manquent pas. Qu’il s’agisse de faire la queue au guichet du Pôle Emploi ou bien de se ruiner la santé et se détraquer la vue en surfant d’un site d’annonces à l’autre sur Internet, les journées d’un sans emploi sont éreintantes. Sans parler des rendez-vous d’embauche – ainsi nommés par antiphrase ! – et des stages de réinsertion non payés, aussi stressants qu’un match au finish avec le champion du monde poids lourd et plus épuisants qu’une finale olympique du marathon.

Il faut bien le reconnaître, fuir le travail est une besogne de forçat. L’oisif authentique est un guerrier, réveillé dès potron-minet pour avoir plus longtemps à ne rien faire de sa journée, tard endormi pour mieux jouir du confort de sa literie, et dans l’intervalle sans cesse sur le qui-vive afin de détecter et le cas échéant repousser manu militari les sournoises tentatives de séduction de la société laborieuse. Qu’on n’aille surtout pas confondre paresse et oisiveté. Le paresseux déteste travailler, l’oisif adore se la couler douce, nuance ! Le premier est un esprit négatif gangrené par l’aigreur, le second une nature optimiste irradiant l’euphorie. Le paresseux, par pure flemme, s’arsouillera chez lui en solitaire de piquette ramenée par jerrycans du supermarché par sa femme. L’oisif, lui, n’hésitera pas à parcourir sans hâte une demi-lieue pedibus cum jambis pour déguster un breuvage civilisé au milieu de la chaude convivialité de son estaminet favori. Le paresseux, que toute dépense d’énergie décourage, se contentera pour tout potage de réchauffer au four à micro-ondes quelque barquette de ragougnasse congelée dont un chien errant ne voudrait pas. L’oisif, que ne rebutent pas les tâches culinaires, pourvu qu’on n’en fasse pas une corvée, saura trouver le temps de mitonner le bourguignon ou le navarin dont l’irrésistible fumet attirera chez lui d’autres gourmets de son acabit. Le paresseux est un égoïste dont l’apathie et les moeurs frustres font fuir toute société, au lieu que l’oisif jouit d’un caractère généreux et d’un raffinement de manières qui font l’unanimité chez les gens de goût.

Résumons-nous : la paresse condamne à la déchéance, l’oisiveté ouvre les portes d’un monde nouveau. Au lieu de brandir en vain banderoles et fanions pour exiger un droit au travail de plus en plus pénible et de moins en moins rétribué, mobilisons-nous pour la seule révolution qui en vaille la peine : l’oisiveté pour tous.

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Message  mentor Mar 20 Mar 2012 - 22:19

que de démagogie, on voit qu'on est en période électorale ! :-))
je te sens bien, toi narrateur, dans la catégorie oisif épicurien
me trompe-je ?
j'aime toujours autant ton style, Gobu

mentor

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Message  Invité Mer 21 Mar 2012 - 17:45

J'aime particulièrement quand tu fais ton Vialatte, de plus, le sujet choisi reste autrement plus tabou sous Le Nain de Jardin, qui prêche pour sa paroisse de sueur de sang et de larmes payés que dalle... tu me diras, Flaub' non plus ne s'y piquait pas :

La luxure, en soupirant, s'assoit sur le cochon et étale dessus sa belle robe à paillettes; la paresse s'endort; la colère ronge ses poings; l'avarice, se baissant, fouille à terre; l'envie met sa main devant ses yeux et regarde au loin; la gourmandise s'accouve. L'orgueil reste debout.
La Tentation de Saint Antoine

oubliée... tabou je te dis.

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Message  Jano Mer 21 Mar 2012 - 17:49

En cette période de recrudescence du chômage c'est amusant de lire un texte qui prône le rien-foutre. Une petite provocation bienvenue, j'aurais même davantage forcé le trait. Le style est bon mais pas assez caustique.
Le travail est aujourd'hui érigé en valeur suprême alors qu'il reste fondamentalement une contrainte dont on se passerait bien. J'ai appris que les Suisses avaient refusé par referendum deux semaines de congé supplémentaire. J'en suis tombé sur le c.. !
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Message  Invité Mer 21 Mar 2012 - 20:51

J'abonde, j'applaudis, je plébiscite, je converge sur le fond !
Mais c'est trop débonnaire : j'eusse préféré un manifeste musclé, virulent... ah ben oui, c'est sur l'oisiveté, d'où l'économie de moyens !

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Message  Invité Mer 21 Mar 2012 - 21:13

Sacré culot que celui qui consiste à démontrer la nuance entre paresse et oisiveté.
En tout cas, impeccablement écrit, d’une fine ironie, une démonstration amusante et qui sait rester légère. Il va sans dire que le texte prêche à une convertie de longue date.

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Message  polgara Jeu 22 Mar 2012 - 11:48

j'aime, j'aime, j'aime ! GOBU président !
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Message  Invité Jeu 22 Mar 2012 - 13:01

polgara a écrit:j'aime, j'aime, j'aime ! GOBU président !
Voilà qui me tirerait de ma perplexité concernant une date proche...

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Message  Gobu Jeu 22 Mar 2012 - 13:41

coline Dé a écrit:
polgara a écrit:j'aime, j'aime, j'aime ! GOBU président !
Voilà qui me tirerait de ma perplexité concernant une date proche...
C'est très gentil à vous...mais sans façons. C'est trop de souci.
Gobu
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