Exo réécriture : Janis pour Coline

[Janis]

Parce que si on colle l'oreille sur le tuyau, on entend la vie, comme un coquillage.

Voilà pourquoi.

J'ai laissé glisser ma main le long du mur, sous mes doigts je sentais les petites crevasses, les craquelures, ça faisait du bien, comme quand on enlève une croûte et que ça ne saigne pas dessous.

Si je ferme les yeux et me concentre bien je l'imagine, l'agent immobilier : un type adipeux qui digère mal sa barquette (avalée vite fait dans la voiture avec une mauvaise bière 5° maximum.), téléphonant à sa femme - grande maigre dotée d'un percing au nombril, je risque de rentrer un peu tard ce soir, ça tombe bien je suis juste avec mon nouveau jules, prends tout ton temps mon chéri, comment vont les gosses, j'en sais rien ils se shootent dans la chambre je crois, ah très bien, bonne soirée mon amour, c'est ça gros lard, bonne bourre, oui ma chérie t'inquiète je n'y manquerai pas.

Moi quand j'étais petit je décapsulais les bières avec les dents.

Elle : jeune, jolie, l'air dégagé, nez pointu, pas dupe de rien, un peu accablée par ce type.

Petite voix où s'entend la fêlure, si je tends l'oreille je peux savoir qu'elle est sur le point de se briser. Dans le très léger crissement, la très légère altération je peux savoir. Juste derrière le rideau des mots, oui je prends, la voix de la défaite, elle capitule entre les murs. Oui je prends. Ton truc pourri avec vue sur la nuit. Juste pour les craquelures. Pour la vue. Et tu peux mater mes jambes, j'ai une bonne droite, aussi. Au besoin un bon coup de genou, avec un x s'il le faut.

Derrière la voix bravache, toute joie anéantie.
"Evidemment, vous ne pourrez pas y faire entrer... un piano à queue ! Ha ha ha !". Comment voulant blaguer et peut-être faire mal cet abruti a fait brusquement surgir, brûlante, éblouissante, l'image de celui qui, amour, enfant, celui qui n'est pas là. Nulle part où le rejoindre. Dans la voix fêlée, fendue de la fille - oui je le prends - il y a un fantôme.

Leurs pas dans l'escalier. Elle portant avec grâce son chagrin, comme une brique au fond de la poche. Lui qui s'attarde et téléphone encore, dites donc on pourra peut-être s'arranger finalement pour le T3, ça vous dirait pas de prendre un verre tranquille pour discuter ? En toute amitié bien sûr. Et la bidoche qui tressaute dans le rire gras.

Si je veux je peux voir la folle du rez-de-chaussée qui caresse la joue et fait monter les larmes, parce qu'elle est comme moi, une omission, une étourderie, un souvenir vague mais entêtant, un fantôme. Elle sait.

Moi ?

moi je suis celui du placard
l'absent
caves et greniers
cachots enfouis
où les monstres
chuchotent aux oubliés
leur petite chanson triste.

[Invité]

Waaaaaaahhhhhhhhhhhhhhh merci Janis !

[Invité]

Tu veux bien que je le mette sur mon blog ?

[Lunatik]

J'applaudis des quatre fers.
C'est une manifestation un peu bruyante d'enthousiasme, j'admets, mais ce texte le mérite et plus encore.

L'incipit est superbe.
Et puis ça :
J'ai laissé glisser ma main le long du mur, sous mes doigts je sentais les petites crevasses, les craquelures, ça faisait du bien, comme quand on enlève une croûte et que ça ne saigne pas dessous.
Et le reste aussi.

[Janis]

voui
mais est-ce qu'il fonctionne sans le tien ?
si tu le mets, avec mon vrai nom stp
très honorée !
j'ai toujours perçu un fantôme dans tes textes, si je puis me permettre

[Lunatik]

On m'a rien demandé mais je réponds quand même : oui, il fonctionne parfaitement tout seul, il se suffit à lui même (largement).

[elea]

J’ai été un peu perdue sur l’identité du narrateur avant que tout s’éclaire mais ce n’est qu’un détail, superbe texte qui fourmille de petites phrases que j’adore, le tuyau-coquillage, les croûtes, le coup de genou avec un x, la brique au fond de la poche.
C'est un plaisir de te lire.

[mentor]

ouh, ça me demande une relecture
pas tout de suite

[Invité]

voui
mais est-ce qu'il fonctionne sans le tien ?
si tu le mets, avec mon vrai nom stp
très honorée !
j'ai toujours perçu un fantôme dans tes textes, si je puis me permettre

Oui, il fonctionne tout à fait tout seul, mais c'est un régal en contrepoint avec Géo !
Ton nom complet prénom+nom ?
Et il va falloir attendre un petit peu : mon neveu vient ce WE arranger un souci que j'ai avec mon blog et je dois aussi poster un texte de Pierre.

[Invité]

C'est plein de fantômes, chez moi !

[Janis]

pierre, comment va-t-il ?
j'ai cru le voir l'autre jour à aix (d'après la photo) mais je ne sais pas
je te donnerai incognito mon nom prénom, viens sur mon mail
c'est pas un secret mais bon

[Invité]

Tu me les as déjà donnés ( t'étais en vrac ?)

[Janis]

it's a possibility

[Janis]

j'avais pensé comme titre : dans les oubliettes ?

[anotherday]

J'ai aimé, parce que j'aime les personnages écorchés, toujours au bord... mais j'oserai quand même un petit bémol, ici :

Comment voulant blaguer et peut-être faire mal cet abruti a fait brusquement surgir, brûlante, éblouissante, l'image de celui qui, amour, enfant, celui qui n'est pas là. Nulle part où le rejoindre. Dans la voix fêlée, fendue de la fille - oui je le prends - il y a un fantôme.

je pense qu'il y a là quelque chose à retravailler, déjà la répétition un peu lourde de "faire" mais au-delà de ça, je sais pas, j'ai l'impression que ce paragraphe a quelque chose de moins coulé, de plus artificiel que le reste, peut-être parce que c'est le moment clé du texte et qu'on y est plus attentif... Mais c'est bien sûr un sentiment personnel, le texte fonctionne très bien.

[anotherday]

Ah si, une dernière chose : il est moche, votre titre ! :-)

[Invité]

À l'évidence, un texte à ne pas mettre au placard. J'ai pris beaucoup de plaisir à le lire.

[Janis]

Ah si, une dernière chose : il est moche, votre titre ! :-)

c'est vrai !
même carrément nul ache

je propose les plombiers zingueurs
ou ce qu'on voudra

Ü

[grieg]

ben, je n'étais par emballé par le point de vue, après première lecture
et puis, comme je t'ai foutu assez de branlées au scrabble, je suis revenu et...
si ce n'est pas le texte de toi que je préfère, je ne peux qu'être épaté par la verve, le rythme, le style

[Janis]

ce culot !
Ü

[Rebecca]

Un ton acide qui franchit le mur du son et fait surgir l'invisible sous la patine des apparences.
Il y a de l'eau dans le gaz à tous les étages et de l'au delà dans tous les états.

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