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Démangeaisons

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Message  Yugoski Ven 23 Mar 2012 - 17:53

Fixée au-dessus de la porte d'entrée, l'horloge digitale indiquait 18h58.

Le docteur Cronenberg remit de l'ordre sur son bureau. Il souhaitait que chaque chose se trouve à la bonne place, au bon moment. Il ne laissait jamais rien à la portée du hasard. A 19h59, il enfila son duffle-coat et roula son écharpe en laine autour de son cou : fin de service. Il se dirigea vers la porte et, main sur la poignée, il se retourna, comme tous les soirs, pour apprécier son espace de travail une dernière fois. Cronenberg était un homme plus ou moins comblé, qui aimait apprécier sa réussite professionnelle et matérielle, sa plus grande fierté. Derrière son siège de bureau à inclinaison, la bibliothèque boisée et ses double-portes vitrées donnaient un accent noble et rassurant à son cabinet. Il n'avait pas lu la totalité des ouvrages qui s'y trouvaient, se limitant le plus souvent à une lecture en diagonale de la quatrième de couverture, exception faîtes à l’œuvre Freudienne, qu'il avait dévoré durant ses études, à la faculté de médecine. Son bureau était de marbre, massif et impénétrable. Pour Cronenberg, il constituait en quelque sorte sa carte d'identité et faisait partie de lui, à un tel point qu'il ne savait plus si son bureau lui ressemblait ou si au contraire il s'efforçait de ressembler à son bureau.

Et chaque soir, il se posait cette question, comme le type borné qu'il était vraiment. Sa folle obstination lui avait déjà coûté trois ulcères à l'estomac, à quarante-trois ans. Dépassé par ses propres lubies, il soupira et actionna la poignée plaquée. Là, une force inconnue lui fit opposition et le jeta au sol. Quelqu'un, de l'autre côté de la porte, l'avait devancé dans son entreprise. Il s'agissait d'un homme, assez maigre et mal arrangé, un peu puant, pensa Cronenberg en se relevant.

« Il est 19h01, dit-il en laissant transpirer son irritation. J'allais rentrer chez moi.
-Vous êtes attendus ? »

Non, personne n'attendait Cronenberg depuis que sa femme l'avait quitté, dix années auparavant. Étonné par cette question incongrue, il dégaina son étui à cigarillo, en alluma un, le huitième de sa journée, ça commençait à faire beaucoup, pensa-t-il.

« Oui monsieur, je suis attendu, veuillez sortir de mon cabinet, s'il vous plaît. Rapidement, si possible. »

Rien ne se passa. L'homme portait un plaid noir sur les épaules, recouvrant son corps jusqu'aux genoux. Ses traits étaient creusées et sa peau, terriblement grasse. Il n'avait vraiment pas l'air d'aller bien, mais, passé 19h00, Cronenberg estimait avoir le droit de s'en foutre. Déterminé, l'homme continua d'insister.

« Docteur, je vous en prie, j'ai quelque chose de grave, je crois. S'il vous plaît, je vous en supplie.
-Il est 19h02, » rétorqua le médecin.

Ce dernier refus compta en trop pour l'infortuné visiteur qui laissa glisser son plaid sur le carrelage du cabinet, découvrant son avant-bras droit. Il était très mal en point, rongé et suintant d'un liquide aussi visqueux et épais que la sève d'un arbre. A la vue de cette blessure, Cronenberg pensa à un gigantesque aileron de poulet préalablement grignoté n'importe comment par une tribu entière de loups affamés. Aussi, l'odeur qui en émanait lui procurait un puissant haut-le-cœur et lui fit penser à une tranche de saumon périmée, maintenue à une température dépassant les vingt-cinq degrés et conditionnée dans une boîte tenue clause pendant plus de trois semaines.

« Depuis combien de temps ?
-Depuis ce matin, enfin, depuis cette nuit. Je ne sais pas exactement. C'était là quand je me suis réveillé ce matin, enfin, cette après-midi, je travaille de nuit. »

Alerté, Cronenberg incita son patient à recouvrir sa blessure, pour l'odeur, puis retourna à son bureau. Il posa son cigare dans le cendrier et débuta une prise de note sur son ordinateur. Il était le témoin -le premier, il l'espérait- d'une curiosité médicale tout à fait atypique, jamais rencontrée, où du moins jamais décrite. Ces chairs rongées pouvaient être le symptôme de diverses maladies de peau, mais le liquide blanchâtre qui en découlait ne se rapportait à rien de commun. Il fallait absolument tout noter et tout décrire. Ses doigts agiles battaient frénétiquement le clavier tandis qu'il notifiait sporadiquement toutes les caractéristiques de ce mal mystérieux qu'il nomma la Maladie Mangeuse de Chair, à défaut de trouver mieux. Pour le moment, ce n'était pas le plus important. Une fois qu'il eut établit une première description, il tira une autre bouffée sur le cigarillo. Cela le fit tousser et le patient ne cessait de frotter sa blessure.

« Ça vous gratte ?
-Ça me démange. Docteur, faîtes quelques chose, je vous en prie. »

Cronenberg se pencha à nouveau sur son clavier, inscrivit le mot démangeaison et le surligna en caractère gras. Sans dissimuler son agacement, il demanda au type de s'allonger sur le banc d’auscultation, qu'il recouvrit d'un film protecteur afin de garantir la non-contamination des lieux. Il attrapa trois tubes complets de pommade à la cortisone. Devant l'ampleur de cette pathologie, il se devait prendre des mesures drastiques. Après s'être munit de gants et d'un masque hygiènique, il vit que la blessure s'était étendue, en l'espace de quelques minutes seulement, jusqu'au-dessus du coude, envahissant à présent les tissus du biceps, en direction de l'épaule et du cou. Il comprit alors que la maladie évoluait par poussée et qu'un grattage de la peau contribuait à sur-infecter la plaie suintante. Non sans gêne, il étala le contenu des trois tubes, recouvrant le bras du malade d'une couche protectrice crémeuse. Pour éviter les grattements intempestifs, au cas où la pommade serait inefficace, il lia les poignets du patient dévoré aux structures métalliques du banc d’auscultation. Il retourna s'enfoncer dans son siège et diagnostiqua une prolifération bactériennes, de type staphylocoques, sans aucune certitude. Il l'inscrivit sur sa fiche de note digitale tandis que son patient indiquait l'inefficacité de la pommade par des cris grinçants. Cronenberg déplora ce fait car il n'avait rien d'autre pour tempérer les démangeaisons, surtout pas celle de cet acabit. Il décida donc de passer outre les complaintes, afin de poursuivre sa prise de note sous les meilleurs hospices. Il était un homme de sang froid, réputé pour sa logique et son pragmatisme. Selon lui, les émotions humaines n’apparaissaient qu'au second plan, tant dans sa manière de pensée que d'agir. Il fit craquer ses doigts et débuta un interrogatoire, cigarillo au bord des lèvres.

« Comment vous appelez-vous ?
-Clery. Richard Clery.
-Avez-vous déjà été sujet à des allergies, où à d'autres manifestations de type urticantes ?
-Je suis allergique aux chats et aux aubergines. J'ai déjà eu des crises d'urticaires, il y a longtemps, mais j'ai été traité.
-Avez-vous été en contact avec l'un des deux éléments cités durant ces dernières vingt-quatre heures ?
-Docteur, j'ai mal, c'est horrible.
-S'il vous plaît, monsieur Clery, dit Cronenberg en haussant le ton. Si vous ne vous calmez pas, on arrivera à rien.
-Venez voir, je crois que ça empire...
-Je n'ai pas terminé mes questions. »

Un lambeau de chair fumant dégoulina sur le sol et s'étala sur le carrelage, enroulé d'une fumée plus opaque que celle de son cigarillo. Il lâcha son clavier et constata non sans effroi les nouvelles évolutions de la plaie. Elle s'était encore aggravée : à travers le rouge sanguinolent de la peau fondue, il aperçut l'ivoire de l'os, toutes les couches de peau avaient été traversé, impitoyablement. Le lambeau gluant, en pleine ébullition, lui fit penser à un œuf à l'agonie sur une plaque chauffante réglée au maximum de sa puissance.

« Mon carrelage ! Vous pourriez pas faire attention ? »

Clery ne pouvait pas répondre. Son visage, figé dans une grimace crispée, ne transmettait rien d'autre que l'horreur et la souffrance, qu'il endurait courageusement depuis plusieurs heures. Dépassé, Cronenberg se mit à faire les cent pas. Ce visiteur inopiné parvenait à lui faire perdre son calme et il se rongeait les ongles, mauvaise habitude pourtant gommée depuis le lycée. Pendant ce temps, la chair se détachait par lamelle et bientôt le docteur composa le numéro d'une ambulance. Il n'aimait pas se dérober à son métier, mais l'horloge indiquait déjà 19h18 et l'idée de voir son cabinet entièrement retapissé ne lui plaisait que très moyennement.

« Docteur, je vais crever, docteur ? Je le sens pas trop, là, pitié, faîtes quelques choses.»

Cronenberg, pessimiste de nature, préféra ne rien dire. Il se contenta de tousser, confession de son impuissance face à de tels symptômes. Secoué, il prit la décision de suspendre la conscience et la sensibilité douloureuse du malade en lui injectant une dose de Propofol, hypnotique puissant qui nécessitait le maintien artificiel des voies respiratoires. Il n'était pas vraiment autorisé à exécuter ce genre de pratique, mais on ne lui laissait pas le choix. Les ambulanciers intervinrent assez rapidement. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le cabinet, l'odeur leur sauta aux narines.

****

Le docteur retrouva son foyer à 19h56. Il frappa trois fois dans ses mains ; Une fois pour allumer la lumière, et deux fois pour lui donner l'intensité désirée. Il déposa son jeu de clef dans le bol en céramique prévu à cet effet, lança le disque de John Lee Hooker dans sa chaîne hi-fi. Pour lui, cette journée s'inscrivait dans la liste de celles qu'il valait mieux oublier. Il retira son pantalon et le balança sur son canapé, déboutonna sa chemise Lacoste en sifflant l'air de Love is a burning thing. Il alluma un autre cigarillo et vérifia ses mails ainsi que ses messages privés sur Meetic. Après une longue journée de travail comme celle-ci, il appréciait le fait de déambuler en caleçon dans sa résidence pavillonnaire, ça lui procurait un plaisir quasi-orgasmique. A la télévision, c'était déjà l'heure des informations nationale et Cronenberg pesta une fois de plus sur ce patient de dernière minutes qui avait perturbé tout son planning ; il avait encore raté Ruquier. « Heureusement que j'ai une femme de ménage », pensa-t-il en plaçant son assiette de pot-au-feu dans le micro-onde. Sa femme de ménage, Sandrine, il la sautait de temps en temps, elle n'était pas marié et pas très séduisante non plus, mais ça permettait au médecin de se vidanger un peu. Sinon, il composait plutôt habilement avec son célibat, même si une présence féminine lui manquait, pour repasser ses chemises et servir le dîner, par exemple. Soit. Il avait régulièrement recours aux services tarifés d'une professionnelle, une femme douce et à l'écoute. Elle se prénommait Svetlana et représentait pour lui la quintessence de ce que pouvait être une relation amoureuse. Il parlait, elle se taisait, il la sodomisait. Les problèmes rencontrés lors de son précédent mariage l'avait vacciné contre toute relation suivie.

Après avoir dégusté son os à moelle sur du pain de seigle, il fuma un dernier cigarillo, prit une douche brûlante en réglant les jets massant au maximum de leur puissance, plongea dans son peignoir, s'installa dans son lit et lu quelques pages du Voyage au bout de la nuit de Céline avec la chevauchée des Walkyries de Wagner en fond sonore : La définition même du plaisir. Pour lire, il avait une technique très particulière : Armé d'un feutre fluorescent, il parcourait les pages en diagonal, à l’affût de phrases percutantes. Lorsqu'il en repérait une, il la surlignait et la conciliait dans un petit carnet, pour la ressortir à l'occasion, lors d'un dîner mondain par exemple, à supposer que quelqu'un l'invite un jour.

Il ouvrit les yeux à trois heures du matin. Il venait de faire un horrible cauchemar, dans lequel il s'était endormi, terrassé par la fatigue du quotidien. Ses muscles s'étaient relâchés et son cigarillo était tombé dans les draps. Ceux-ci s'étaient enflammés, jusqu'à transformer son lit en un grand brasier. Il mourut, brûlé, carbonisé par des flammes dansantes et rieuses. Secoué, il rinça sa gorge avec de l'eau fraîche et changea de tee-shirt car celui qu'il portait était trempé. Ce cauchemar avait été si réel que l'impression d'une brûlure vivace sur sa peau ne s'atténuait pas, elle chauffait même de plus en plus, surtout au niveau de ses cuisses. A cause de cela, il ne parvint pas à se rendormir. Inquiet, il frappa une fois dans ses mains, et la lumière fut. Il observa ses jambes et l'impression d'être encore dans un rêve le rassura presque : Ses deux cuisses étaient écarlates, comme après une exposition abusive aux rayons du soleil. Il étala de la crème apaisante sur les parties brûlantes, avala deux aspegics et se borna à ne pas trop penser pour le moment.

Sous les coups de cinq heures, il se réveilla encore, avec la désagréable sensation que des dizaines de frelons furieux avaient prit ses jambes pour un stand de tir. Il se grattait, de plus en plus, il ne pouvait pas s'en empêcher et personne n'était là pour attacher ses mains aux barreaux du lit. Il jeta un œil et découvrit avec horreur que les plaques rouges de ses cuisses étaient agrémentées de petites papules brunes d'environ deux centimètres de diamètre. Il fit un bond, son cœur accéléra brutalement. Il se sentait fiévreux, la vision trouble, son corps trempé d'une sueur abondante. Il flaira dans l'air ambiant une odeur tout à fait désagréable, pire encore que celle du patient rencontré la veille au soir. La vérité lui sauta aux yeux, elle explosa subitement, comme un pétard à la mèche que l'on croit éteinte. C'était ce type qui l'avait contaminé. Il l'avait à peine touché, certes, il avait prit toutes les précautions, mais ça ne suffisait pas. Suant à grosses gouttes, il ne cessait de se répéter qu'il n'aurait pas dû laisser entrer ce puant dans son cabinet, qu'il aurait dû être aussi intraitable que d'habitude, il tournait en rond sans savoir trop quoi faire, alors que les papules poursuivaient leur mutation à une vitesse ahurissante. Elles grossissaient de plus en plus et formaient de petites bulles pleines à craquer ; la douleur s'intensifiait. Cronenberg chercha une aiguille mais son anxiété grandissante ne lui permettait pas de faire les choses calmement : Il renversa tout dans sa salle de bain, en trouva une seule, au fond d'une trousse de toilette qu'il utilisait pour voyager. Il alluma ensuite sa plaque chauffante et procéda à la stérilisation de l'aiguille par la chaleur. Puis il s'installa sur une chaise de sa cuisine, plaça un sceau à côté de sa jambe afin d'éviter que l'explosion des bubons ne retapissent sa demeure. Il serra courageusement les dents, enfonça la pointe acérée et la retira presque aussitôt. Ses yeux s'emplissaient de larmes en même temps qu'un liquide blanchâtre s'écoulait de la poche infectée. En tout, il y avait six bubons. Il venait de percer le premier, et l'idée qu'il lui en restait cinq autres ne le satisfaisait pas. Il alluma un cigarillo qui le fit tousser. Une cendre dégringola sur la plaie et il hurla de douleur. Le liquide qui s'échappait des blessures parfumait l'air d'une senteur infecte, entre l'urine de chat et le choux avarié, c'était insupportable. Cronenberg eut la nausée et vomit son pot-au-feu, il rata même le sceau. A bout de souffle, les nerfs à vifs et ivre de douleur, il renonça. La maladie progressait à vue d’œil et rongeait à présent les os de son genou gauche. C'était un virus foudroyant et instable, il ne possédait pas les connaissances nécessaires pour le stopper seul. Mais qui pouvait l'aider ? Il était livré à lui-même, à ce moment là. Sa peau continuait de se disloquer par petites crevasses, des tâches vertes coloraient l'intérieur de ses mains et la plante de ses pieds. Lorsqu'il entreprit de gratter -tant les démangeaisons étaient devenues intenses- la peau s'arracha et se ficha sous ses ongles. Il composa alors le numéro d'une ambulance, priant pour se réveiller, pour que cette destruction démesurée de son corps cesse et que tout redevienne normal, comme avant. Il tenait à la vie. Il avait eu un fils, il fallait le mettre au courant. Il tenta de le joindre.

« Le numéro que vous demandez n'est plus attribué... »

Il raccrocha, dépité. Son fils ne lui parlait plus depuis des lustres. Ils ne se souhaitaient ni leurs anniversaires, ni les fêtes de fin d'années, ni aucune réjouissance d'aucune sorte et en plus, il avait changé de numéro sans l'avertir. Tant pis. Il composa celui de son ex-femme et celle-ci décrocha après trois sonneries, parce qu'elle était occupée et que cet appel l'importunait.

« Qu'est-ce que tu veux ?
-Annie, c'est moi, je souffre, aide-moi.
-Écoute Michel, je suis au restaurant, là, je n'ai pas vraiment le temps pour tes histoires d'accord ? Rappelle-moi plus tard, bisous. »

Il resta bouche bée. Il n'avait même pas eut le temps de justifier son appel. Il recommença et tomba sur un répondeur. Amer, il se tourna vers l'armoire du salon, là ou d'anciennes photographies trônaient, seuls vestiges de sa vie passer à accepter les autres. Sur l'une d'elle, on le voyait entouré par Annie, resplendissante dans une robe en soie brodée et son fils, très jeune à cette époque, très souriant lui aussi. Ils se tenaient droits, regroupés devant une mer aux reflets roses, à cause du soleil couchant. C'était en Turquie, il y a longtemps. Le photographe l'avait arnaqué de cinquante billets. Désespéré, il fit rapidement le tour de son répertoire. Il n'y avait plus que Svetlana pour le soutenir dans cet enfer.

« Allô ?
-Svet, c'est Michel l'appareil, ça va ?
-Ça va et toi, bébé ?
-Ça pourrait aller mieux. Tu as deux minutes ?
-Désolé bébé, je ne travaille pas ce soir, repos.
-Non, c'est autre chose, c'est plus grave. S'il te plaît, écoute moi, c'est très important, je vais peut-être mourir !
-Quoi ? »

Svetlana étant d'origine bulgare, elle éprouvait parfois quelques difficultés à comprendre la langue française. Elle l'apprenait, mais l'insaisissable débit de son client ne lui permettait pas de décomposer chaque syllabes. Elle était dans son bain moussant et cela la consternait.

« Désolé bébé mais, si tu veux prendre rendez-vous, c'est quarante-huit heures avant, tu le sais.
-Svetlana je suis en train de crever, merde ! »

Elle avait déjà raccroché.

« SALOPE ! »

Réduit à néant par la solitude, il s'effondra, emportant dans son sillon le sceau de pus visqueux qui se renversa sur lui. La sirène de l'ambulance se mit à chanter dans la rue, ça lui donnait une vague raison d'y croire encore. Il cessa de se débattre, prit au piège dans un mélange compact de pus et de vomi. Des croûtes jaunes orangées recouvraient la sérosité sanguinolente de ses cuisses et un liquide infectieux, trouvant sa racine aux paumes de ses mains, dégoulinait le long de ses avant-bras. Lorsqu'il tenta de se relever en agrippant la rambarde de l'escalier, celle-ci céda. Il dégringola en arrière et s'enfonça dans le meuble, renversant les cadres photographique qui s'y trouvaient.

****

« Monsieur Cronenberg, vous m'entendez ? »

Oui, il entendait parfaitement ce type basané. Il voulait répondre, mais sa langue refusa d'obéir. A l'intérieur de sa bouche, elle semblait molle et en plusieurs morceaux, ce qui expliquait son incapacité à parler. Ses lèvres étaient soudées entre elles. Il essaya de les décoller, en vain et dans la douleur. Alors, acceptant sa condition de légume décomposé, il concentra ses forces et hocha la tête d'une façon positive. Cela fit presque sourire le médecin, dont les deux sourcils se rejoignaient pour n'en former qu'un seul. Il portait un scaphandre et une combinaison lourde, qui réduisait le contact avec l'air ambiant à zéro.

« Il nous entends, fit-il parvenir à son assistante. Monsieur Cronenberg, je suis le docteur Zerbib, chirurgien. j'imagine à quel point il est difficile pour vous de se retrouver dans une telle situation, surtout en tant que médecin. Malheureusement, nous avons été contraint d'amputer vos quatre membres, c'était le seul moyen d'empêcher la prolifération de ce virus. L’anesthésique qui vous a été administré sera actif pendant environ cinq heures, après quoi les douleurs se réveilleront. Il faudra être courageux, monsieur Cronenberg, très courageux. Nous mettons tout en œuvre pour découvrir l'origine de cette infection, vous êtes le seizième cas que nous recensons, le seizième cas en moins de deux heures d'intervalles. Il semblerait que la contamination s'effectue par l'air et nous craignons une vague d'infection, ça pourrait être les prémices d'une véritable catastrophe sanitaire. Afin de réduire les risques, nous avons été contraint de vous placer dans une zone de quarantaine improvisée.»

Une violente lumière aveugla le médecin infecté, qui ferma les yeux à défaut de pouvoir les protéger ; Un infirmier venait d'ouvrir la porte, sans douceur. Il pénétra dans la pièce, arborant la même combinaison isolante que le chirurgien et son assistante. Animé par un dynamisme qui en disait long sur son état de stress, il poussait un brancard sur lequel gisait un homme à la peau calcinée et enduite par le liquide visqueux. Le Dr. Zerbib eut du mal à cacher son écœurement, au même titre que la jeune assistante qui fit mine de regarder ailleurs en effectuant un bref signe de croix. La situation était décourageante, voire foutue. Cronenberg avait beau chercher, il ne trouvait plus assez de larme pour se mettre à pleurer. Des plaques de peaux brûlées s'étalaient sur le sol, fumantes comme du magma en fusion. L'infirmier se tourna vers Zerbib, défiguré par l'anxiété.

« Docteur, la situation est plus grave que prévue. Les malades nous arrivent par dizaines et nos structures ne peuvent pas supporter autant de monde.
- Martin, pour le moment, le seul moyen qu'on a trouvé, c'est l'amputation. Alors, vous coupez. On a réussit à sauver celui-là, enfin, pour l'instant, son état reste stationnaire. Occupez-vous de lui (en pointant Cronenberg du doigt) on ne peut pas le laisser ici, il risquerait d'être contaminé encore. Helena, restez-ici avec notre nouvel arrivant et administrez-lui une dose anesthésique, on ne peut plus rien pour lui. »

L’intéressé zozotait des phrases incompréhensible parce qu'une gigantesque boule frémissante avait poussé sur sa langue, gênant son élocution d'une façon considérable. Ses yeux semblaient fondre, dévalant ses joues dépecées et les os de ses bras apparaissaient au grand jour, dépourvus de toute enveloppe corporelle. Voyant cela, Cronenberg se dit qu'il avait évité le pire, même s'il n'était pas plus qu'une loque humaine. La maladie mangeuse de chair l'avait certes transformé en un légume, en un fantôme éclopé et errant, incapable de parler, incapable du moindre mouvement, avec personne autour de lui pour le supporter dans sa déchéance physique, mais au moins, il était encore en vie. Zerbib tourna les talons, sans une once de sympathie dans le regard où les mots. L'infirmier débloqua les roues du brancard et entreprit de déplacer Cronenberg dans une salle de soin mieux adaptée. Les couloirs de l’hôpital étaient blancs et encombrés, en proie à la panique générale. Ce virus prenait des proportions invraisemblables et Martin pilotait comme un chef, évitant chaque obstacle qui s'opposait à leurs parcours. Immobile dans son lit, Cronenberg assistait à cette émeute en tant que spectateur. Visiblement, on avait contraint chaque membre du personnel à se vêtir d'une combinaison et il eut l'impression stupide de circuler dans un vaisseau spatial, la gravité et le chahut en plus. En face de lui, un autre brancard, poussé par un autre infirmier, entra en collision avec le sien. Les deux victimes s'étalèrent au sol. Martin s'occupa de ramasser Cronenberg tandis que l'autre éprouvait certaine difficulté : son malade était en état de décomposition accélérée et il tentait tant bien que mal de le décoller du sol. Poussé par la bonne volonté, Martin s'empressa de supporter son collègue et Cronenberg pesta intérieurement, il avait hâte de retrouver la parole pour pouvoir gueuler un bon coup.

« Pourquoi on s'arrête ? On a pas assez de problème comme ça ? Dépêche-toi, enfoiré, dépêche-toi ! Je n'accepte pas de rester dans ce merdier une seconde de plus ! Laissez-le, ce trou du cul, il est cuit ! Sauve ce que tu peux encore sauver, merde ! »

Martin et son collègue conjuguèrent leur forces pour replacer le patient sur sa couche, sans remarquer ses dents qui tombaient et rebondissaient sur le sol encrassé par les chaires gluantes de l'infecté. Avec du recul, le médecin infirme admira la dévotion de ces hommes, sans approuver leur stupidité pour autant. Arrivé dans la seconde salle, Cronenberg reconnu Richard Clery, l'homme qu'il avait ausculté avant de se trouver lui-même rongé par le fléau. Il prononça un nombre incalculable de jurons qui ne voulaient pas sortir et rêvait le moment où on lui grefferait des prothèses intelligentes capable d'étrangler cet empaffé une bonne foi pour toute. Martin reprit son souffle, son front perlait d'une fine pellicule de sueur.

« Ne vous inquiétez pas, docteur, on va tout faire pour vous remettre sur pied, le plus rapidement possible. On vous demandera juste un peu de patience parce que, comme vous avez pu le voir, c'est vraiment la merde, ce soir, on est complètement dépassé, on pouvait pas prévoir ça. Quand vos douleurs se réveilleront, vous n'aurez qu'à appuyer sur ce bouton... »

Il lui présenta un boîtier rectangulaire relié à un terminal général avant de comprendre son erreur : Son patient ne possédait ni bras, ni rien qui puisse l'aider à appuyer sur le bouton. Il se confondit en excuse et Cronenberg aurait préféré qu'on lui écrase les testicules à coup de marteau plutôt que de devoir subir ce genre d'erreur. Les rôles avaient été inversé, il trouva cela terrible, ironique et cruel, aussi.

Il comprit qu'on pouvait réussir sa vie et rater sa mort.

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Message  Janis Ven 23 Mar 2012 - 18:08

j'y reviendrai plus longuement mais je suis encore et toujours intéressée par cette écriture et cet univers déjanté. C'est plus posé, le style, que d'habitude, j'ai craint un moment de commencer à m'ennuyer quand les plaies dégueulasses se sont fort heureusement présentées.
Je coche et je reviens plus tard.
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Message  Remus Ven 23 Mar 2012 - 22:00

Bonsoir,
J'y reviendrais aussi, pour le moment, beaucoup de trop de clichés (la femme de ménage, la prostituée s'appelant Svetlana (il existe plein d'autres noms à consonance Est très sympas) qui m'ont gêné dans ma lecture et découragé. J'ai eu l'impression de phrases parfois écrites à la va-vite, de références forcées placées ici et là comme si une liste avait été faite au préalable : " placer Hooker, placer Wagner, placer Céline ". Peut-être était-ce fait exprès, mais on peut "faire exprès" de manière plus subtile, j'ai l'impression d'un bloc d'argile, plutôt que d'une sculpture. Un avis peut-être un peu dur, mais parce que vous nous avez habitué à mieux, j'ai beaucoup aimé vos autres textes. Surtout Natation.
J'y reviendrais, donc, parce que le sujet m'intéresse beaucoup. Mais la forme, ce soir, m'agace un peu. :-)
Bien à vous,
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Message  Invité Sam 24 Mar 2012 - 12:35

"L'imagination" du texte est intéressante, lointainement du Lautréamont dans l'inspiration, ou du Kafka pour rester prosaïque.

Mais attention aux longueurs qui arrivent à distraire (surtout dans le format internet).

C'est du bon boulot, même si le "gore" est un peu trop aseptisé.


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Message  ubikmagic Sam 24 Mar 2012 - 23:14

A mon avis, très inégal. Un texte qui aurait pu être meilleur.

Il y a de la matière, l'idée du médecin malade à son tour est intéressante, celle de l'épidémie galopante aussi, d'autant que ça "ronge" à toute vitesse... Comme dans je ne sais plus quelle mouture des films "Cube" où on voyait un personnage se desquamer en accéléré... Intéressant de comparer l'incapacité du docteur à la moindre empathie, au vu de la situation de son malade. Puis de montrer sa détresse quand enfin il se sent concerné. Oui, souvent les grands pontes font cet effet, on les dirait sur quelque planète lointaine. Les hommes de l'art... Le patient n'étant, à la limite, que l'occasion d'exercer cet art.

Des longueurs, quand même. Un je ne sais quoi qui donne l'impression qu'on aurait pu tout condenser.

Et puis des bourdes, gênantes pour moi, certaines graves, d'autres légères :

Yugoski a écrit:Et chaque soir, il se posait cette question, comme le type borné qu'il était vraiment.
... Point n'est besoin de dire, juste de faire comprendre. Or, le délire sur les minutes en lui-même est suffisant.

Yugoski a écrit:Cronenberg se pencha à nouveau sur son clavier, inscrivit le mot démangeaison et le surligna en caractère gras
... S'agit-il d'une seule opération ou deux distinctes ? Cela fait étrange en tous cas. En général, on surligne d'une couleur, on met en gras. Là...
Du reste, on surligne beaucoup dans ce texte. Mais bon, pourquoi pas... Ensuite :

Curieux effet quand il arrive chez lui, et qu'on énumère ses petites manies, la marque de la chemise, le nom du disque, celui de la boîte à rencontres, etc. Fait penser à American Psycho qui au début concentre aussi ce déluge de pubs. Quel intérêt ? J'ai compris chez Easton Ellis bien que ça m'aie prodigieusement saoulé. Mais là, voulu, fortuit ? Et si voulu, dans quel but ? Enfin, remarque juste en passant.

Après, on tombe des des erreurs qui à mon avis sont imputables à un manque de relecture, mais restent nombreuses et donnent, à force, l'impression d'un boulot bâclé :

Yugoski a écrit:Sa femme de ménage, Sandrine, il la sautait de temps en temps, elle n'était pas marié et pas très séduisante non plus,
... prit une douche brûlante en réglant les jets massant au maximum...
Armé d'un feutre fluorescent, il parcourait les pages en diagonal...
... il se tourna vers l'armoire du salon, là ou d'anciennes photographies trônaient,
... mais l'insaisissable débit de son client ne lui permettait pas de décomposer chaque syllabes...
L’intéressé zozotait des phrases incompréhensible...
Zerbib tourna les talons, sans une once de sympathie dans le regard où les mots.
Il prononça un nombre incalculable de jurons qui ne voulaient pas sortir et rêvait le moment où on lui grefferait des prothèses intelligentes...
... c'est vraiment la merde, ce soir, on est complètement dépassé, on pouvait pas prévoir ça.
... Suis pas sûr d'avoir tout recensé, mais rien que ça, c'est bien dommage car ç'aurait pu être évité. Après, nettement plus ennuyeux quand même :

Yugoski a écrit:La maladie progressait à vue d’œil et rongeait à présent les os de son genou gauche. C'était un virus foudroyant et instable, il ne possédait pas les connaissances nécessaires pour le stopper seul. Mais qui pouvait l'aider ? Il était livré à lui-même, à ce moment là. Sa peau continuait de se disloquer par petites crevasses, des tâches vertes coloraient l'intérieur de ses mains et la plante de ses pieds.
Il est debout, en train de vouloir piquer ses boutons. Quand constate-t-il pour la plante des pieds ? Qu'il sente une douleur, une démangeaison, mais la couleur des taches ? ?
Si l'os est atteint, il devrait s'effondrer rapidement, ne pas pouvoir tenir debout. Enfin, en toute logique, non ?
Plus loin :

Yugoski a écrit:Lorsqu'il en repérait une, il la surlignait et la conciliait dans un petit carnet
On consigne une phrase ou une citation. Concilier, le verbe existe. Mais on est "conciliant" quand on ne fait pas d'histoires, quand on cherche à aplanir les difficultés, ce qui n'est hélas pas le cas de tout le monde, ici ou dans la vraie vie. Il est même rare de rencontrer des gens "conciliants". Si la majorité des humains l'était, ça se saurait.

Yugoski a écrit:L’intéressé zozotait des phrases incompréhensible parce qu'une gigantesque boule frémissante avait poussé sur sa langue, gênant son élocution d'une façon considérable. Ses yeux semblaient fondre, dévalant ses joues dépecées et les os de ses bras apparaissaient au grand jour, dépourvus de toute enveloppe corporelle. Voyant cela, Cronenberg se dit qu'il avait évité le pire, même s'il n'était pas plus qu'une loque humaine. La maladie mangeuse de chair l'avait certes transformé en un légume, en un fantôme éclopé et errant, incapable de parler, incapable du moindre mouvement, avec personne autour de lui pour le supporter dans sa déchéance physique, mais au moins, il était encore en vie.
Le personnage se compare à quelqu'un en vie, qui zozote, etc. Puis en déduit qu'il a évité le pire, lui au moins est vivant. Mais l'autre aussi ! Bref, ça marcherait mieux si on venait de décrire un mort...

Yugoski a écrit:Arrivé dans la seconde salle, Cronenberg reconnu Richard Clery, l'homme qu'il avait ausculté avant de se trouver lui-même rongé par le fléau.
Voilà, lui ferait un mort parfait ! Parce qu'à la vitesse où évolue le mal, en toute logique, celui qu'on a perdu de vue depuis la veille a largement eu le temps d'y passer. Surtout si, comme il est dit plus haut, les os aussi sont attaqués. A mon avis, passé un certain seuil, les organes vitaux sont touchés et le cœur lâche, les poumons s'effondrent, etc. Vu la virulence des symptômes décrits, il est logique que les gens meurent très rapidement. A tout le moins, si les membres perdent toute chair et qu'on voit les os, à ce stade des choses il y a au minimum perte de conscience à cause de la douleur.

Enfin, me gêne beaucoup cette phrase :

Yugoski a écrit:On vous demandera juste un peu de patience parce que, comme vous avez pu le voir, c'est vraiment la merde, ce soir, on est complètement dépassé, on pouvait pas prévoir ça.
Indépendamment du fait que "on" renvoie ici à un "nous", donc un pluriel, et que "dépassé" reste au singulier, je dis que cette phrase ne ressemble pas à ce que dirait un membre d'une équipe soignante, s'adressant à un médecin, quand bien même ce médecin ferait partie des malades. Même dans des circonstances exceptionnelles, j'ai du mal à y croire.

Reste que j'aime bien la dernière phrase. Mais on a l'impression que tout est là que pour n'amener cette phrase.

Trop, beaucoup trop d'erreurs viennent ternir la qualité de ce texte qui par ailleurs avait pour idée de base ce super virus, au potentiel intéressant, et le retournement de situation, du médecin qui devient malade. Dommage, c'est vraiment gâcher ce matériel, et un bon coup de nettoyage serait salutaire. Le texte est nerveux, presque hystérique, mais la qualité en est gâchée. C'est comme si on faisait déclamer un poème par un bègue.

En fait, ce texte est comme la peau des malades. Il pourrait être parfait, mais toutes ces bourdes sont comme autant de boutons partout.

Voilà ce que j'en pense après une lecture attentive. J'espère avoir été utile.

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Message  Yugoski Dim 25 Mar 2012 - 12:40

Bonjour et merci à tous.

Ubik,

c'est vrai que "le type borné qu'il était vraiment" est en trop.

le surlignement en caractère gras se fait par ordinateur...

le déluge de pub et de marques, c'est pour encrer le personnage dans une réalité bien précise, celle de la consommation et de la caractérisation par les goûts. J'ai trouvé cela excellent chez BEE (en particulier dans American Psycho).

"Yugoski a écrit:
Sa femme de ménage, Sandrine, il la sautait de temps en temps, elle n'était pas marié et pas très séduisante non plus,
... prit une douche brûlante en réglant les jets massant au maximum...
Armé d'un feutre fluorescent, il parcourait les pages en diagonal...
... il se tourna vers l'armoire du salon, là ou d'anciennes photographies trônaient,
... mais l'insaisissable débit de son client ne lui permettait pas de décomposer chaque syllabes...
L’intéressé zozotait des phrases incompréhensible...
Zerbib tourna les talons, sans une once de sympathie dans le regard où les mots.
Il prononça un nombre incalculable de jurons qui ne voulaient pas sortir et rêvait le moment où on lui grefferait des prothèses intelligentes...
... c'est vraiment la merde, ce soir, on est complètement dépassé, on pouvait pas prévoir ça."

je ne comprends pas ce relevé.

Pour la couleur de la plante des pieds il se réfère à la couleur des paumes de sa main, même douleur et même sensation (exemple typique de ce que je trouve être une remarque de type inutile). Le narrateur est externe au récit, il peut donc tout voir.

"On consigne une phrase ou une citation. Concilier, le verbe existe. Mais on est "conciliant" quand on ne fait pas d'histoires, quand on cherche à aplanir les difficultés, ce qui n'est hélas pas le cas de tout le monde, ici ou dans la vraie vie. Il est même rare de rencontrer des gens "conciliants". Si la majorité des humains l'était, ça se saurait"

Ok, je corrige, sans trop saisir la divagation sur le terme "conciliant"

Yugoski a écrit:
L’intéressé zozotait des phrases incompréhensible parce qu'une gigantesque boule frémissante avait poussé sur sa langue, gênant son élocution d'une façon considérable. Ses yeux semblaient fondre, dévalant ses joues dépecées et les os de ses bras apparaissaient au grand jour, dépourvus de toute enveloppe corporelle. Voyant cela, Cronenberg se dit qu'il avait évité le pire, même s'il n'était pas plus qu'une loque humaine. La maladie mangeuse de chair l'avait certes transformé en un légume, en un fantôme éclopé et errant, incapable de parler, incapable du moindre mouvement, avec personne autour de lui pour le supporter dans sa déchéance physique, mais au moins, il était encore en vie.

Le personnage se compare à quelqu'un en vie, qui zozote, etc. Puis en déduit qu'il a évité le pire, lui au moins est vivant. Mais l'autre aussi ! Bref, ça marcherait mieux si on venait de décrire un mort...

On peut comprendre que le type à la peau calciné qui zozote à cause d'un énorme bubon sur la langue ne va pas survivre très longtemps au rythme où progresse la maladie. Cronenberg, froid comme la glace, le catalogue directement chez les morts.


Yugoski a écrit:
"On vous demandera juste un peu de patience parce que, comme vous avez pu le voir, c'est vraiment la merde, ce soir, on est complètement dépassé, on pouvait pas prévoir ça."

Indépendamment du fait que "on" renvoie ici à un "nous", donc un pluriel, et que "dépassé" reste au singulier, je dis que cette phrase ne ressemble pas à ce que dirait un membre d'une équipe soignante, s'adressant à un médecin, quand bien même ce médecin ferait partie des malades. Même dans des circonstances exceptionnelles, j'ai du mal à y croire.

L'infirmier s'appelle Martin, issu d'un milieu populaire, avec des factures à payer, il perd le contrôle de lui-même et par cette phrase j'insiste également sur le fait que Cronenberg n'est plus Dr. Cronenberg, juste un patient anonyme.

Merci pour ton implication et pour cet attentif relevé.



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Message  AliceAlasmartise. Dim 25 Mar 2012 - 13:29

J'ai bien aimé ce texte, peut-être quelques éléments prévisibles, comme la contamination du médecin, mais sans lesquels on se serait sûrement ennuyés.
Je crois qu'Ubik a très largement tout dit. Le relevé que tu ne comprends pas montre des fautes d'accord, soulignées.

Il prononça un nombre incalculable de jurons qui ne voulaient pas sortir et rêvait le moment où on lui grefferait des prothèses intelligentes...
Ici aucune faute d'accord, c'est lui qui rêve, et non les jurons :^)
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