Jugement sur la poésie classique

[CALIJO]

Tel ce maçon qui dresse un pan d’éternité
Sur son écran, miroir de l’âme qui s’élève,
Avec les idéaux inspirés de son rêve
Il est le bâtisseur de l’inutilité.

Puisant l’architecture à la complexité
Il mêle souvenirs et mirages sans trêve
Aux foudroyants éclairs de l’étincelle brève
Pour que naissent les vers d’une ultime beauté.

Mais outre le crédo qui coule dans sa veine
Il sait que la figure en mètres sera vaine
Détruite par les mœurs et la facilité.

Vestige de nids d’aigle aux cimes de l’Asie
Dont la brume des temps voile la qualité
C’est ainsi qu’Aujourd’hui juge la Poésie.


Mars 92

[Invité]

Sur la forme, je savoure un sonnet Peletier de la plus belle eau.
Nous partageons au moins le goût pour les architectures impeccables.

Sur le fond, je ne serai pas si pessimiste.
certes vous n'avez pas tort. Il est en effet de bon ton de tourner en dérision la poésie classique. Au nom de la modernité... depuis plus d'un siècle ! :o)

Mais Queneau, entre autres a réhabilité les textes à contrainte et grâce en partie à Internet, de plus en plus nombreux sont ceux qui s'y frottent.
Et pas seulement des retraités. lol

[Arielle]

Je suis très sensible aux belles architectures que j'imagine être le fleuron de nos civilisations. Mais si j'apprécie leurs lignes harmonieuses et leurs belles symétries, j'aime les voir fleurir des couleurs et de l'expressivité de notre vocabulaire actuel et de nos préoccupations contemporaines.
Votre sonnet est certes de la plus belle eau mais les "foudroyants éclairs" et la "brume des temps" me font un peu bâiller d'ennui. J'ai l'impression de les avoir rencontrés si souvent au cours de mes lectures !

Ayant parcouru votre planeur, j'ai cru un instant que ses "indomptables ardeurs ... dans l'azur de la voûte estivale" s'apparentaient à de l'humour et que vous alliez, d'une jolie pirouette finale, nous ramener sur terre avec le sourire ... Mais non, nous sommes restés coincés dans "la vénusté vraie" du "dôme illimité" même si je reconnais que l'image de la craie est un plus au tableau.

Ne prenez pas mal cette lecture de vos écrits, ce n'est que la mienne et je suis certaine que vous trouverez beaucoup d'amateurs de ce style ampoulé qui nous repose des tentatives échevelées du neuf à tout prix. Au moins, vous tenez là une valeur sûre et éprouvée.

[Artnow]

Excusez-moi d'emblée de ne faire qu'un petit commentaire, et qui ne concernera que l'écriture et de qq éléments qui m'ont particulièrement heurtés. Il s'agit principalement de l'emploi des « que » « qui », trop présents pour moi (c'est pourquoi je vous le mentionne), d'autres éléments en gras, notamment ce « tel ce » en étame qui ne m'est pas apparu comme une réussite d'accroche.



Tel ce maçon qui dresse un pan d’éternité
Sur son écran, miroir de l’âme qui s’élève,
Avec les idéaux inspirés de son rêve
Il est le bâtisseur de l’inutilité.

Puisant l’architecture à la complexité
Il mêle souvenirs et mirages sans trêve
Aux foudroyants éclairs de l’étincelle brève
Pour que naissent les vers d’une ultime beauté.

Mais outre le crédo qui coule dans sa veine
Il sait que la figure en mètres sera vaine
Détruite par les mœurs et la facilité.

Vestige de nids d’aigle aux cimes de l’Asie
Dont la brume des temps voile la qualité
C’est ainsi qu’Aujourd’hui juge la Poésie.

[Invité]

Pendant combien de temps doit-on refaire les mêmes pyramides ?

[Frédéric Prunier]

les formes oui
mais au service du plaisir
poétique

ou d'autrement dit

mieux vaut un grand pied vigoureux
qu'une cendrillon mal chaussée

ou encore

si on ne prend que son plaisir par douze
pourquoi se priver

[Invité]

Un sonnet bien construit, sans doute désespérant voire agaçant, tant il oppose ou met au" ban des élus du classique" les autres qui souvent aiment et éventuellement écrivent en alexandrin.
essayons de lire, comprendre écrire tous les styles et soyons heureux en poésie.

[CALIJO]

A Tizef : merci de votre passage et de vos justes remarques mais il faut regarder que cet écrit à 20 ans maintenant et que depuis l’avènement d’internet et le fleurissement des divers sites de poésie les formes classiques ont repris du poil de la bête.

A Arielle : avec vous au moins ce qu’il y a de bien c’est que j’ai deux com pour le prix d’un.Pourquoi n’êtes vous point venue critiquer mon modeste planeur à la craie au lieu de m’envoyer cet fable d’albatros ?
C’eût été plus franc mais revenons à nos moutons.
Je serais tenté de dire que vous avez à moitié raison concernant cet écrit.
A moitié parce qu’on lit quelque chose toujours avec un a priori : on sent bien que vous n’aimez pas l’écriture classique donc dans ce genre de lecture vous rechercherez et soulignerez systématiquement toujours ce qui vous déplaira mettant le doigt sur les faiblesses plutôt que l’intérêt.
Comment peut-on avoir le temps de s’ennuyer sur un texte de 14 ligne sans l’a priori d’une aversion pour ce type de lecture ?
On n’aime pas, on oublie mais s’ennuyer, franchement : 14 lignes !!

Raison parce qu’avec tous les poèmes que nous avons derrière nous.
Il est quasiment impossible de se renouveler.
Ne désirant pas être trop long j’arrête ici mais on pourrait en écrire des tonnes.

A Artnow : il est vrai que ce texte possède beaucoup trop de qui et de que (et encore vous en avez oublié un) mais comme je l’ai dit plus haut datant de 1992 je n’ai pas eu le courage de le corriger.

A colinne Dé : à une question je réponds souvent par une autre question :
Les pyramides ont traversé les siècles (20 à l’époque de Napo) combien croyez-vous que nos H.L.M. en traverseront ?

A Prunier : toujours aussi énigmatique et lapidaire dans vos commentaires, que voulez-vous on se chausse et prends son pied comme bon nous semble mais j’aime mieux bien marcher que d’être boiteux chacun son plaisir comme vous dîtes.

A Eclaircie : Il n’est point question ici d’opposer qui que ce soit, chacun trouvera son bonheur dans la forme d’écriture qu’il recherche.
Par contre vous ne m’enlèverez pas de la tête qu’il est plus facile d’écrire en vers libérés ou autres que de respecter la prosodie classique.
Cet écrit voulait simplement signaler ce constat en disant pourquoi se casser la tête à faire compliquer quand simple suffirait.

Cordialement
calijo

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