Exo La Grande Rencontre : Panique sur le Net

[Gobu]

EXO LA GRANDE RENCONTRE :

Panique sur le Net

La première fois que je me suis connecté sur VE, mon PC, dégoûté, m’a glavioté à la figure. « Adresse URL malveillante détectée » et hop, poubelle la connec ! Porca miseria, ai-je pesté in petto et en italien dans le texte, v’là aut’chose ! J’ai l’indignation polyglotte.

J’avais pourtant lu monts et merveilles à propos de cette institution, et ce dans des publications d’une aussi haute tenue morale et intellectuelle que le Bulletin Paroissial de Clamezy-sur-L’Estoit, la Gazette des Potins du Rouergue, l’Almanach Raisonné des Végétaux à Vertus Euphorisantes, Le Journal des Ebats ou encore la très confidentielle mais très élitiste revue Points de Vulve et Images Immondes, dont le sérieux, l’honorabilité et la qualité de l’iconographie font les délices des connaisseurs les plus avertis. C’est vous dire.

Désireux d’en apprendre davantage, je décidai de consulter d’autres sources documentaires, qui, sans posséder la notoriété ni les hautes exigences spirituelles des précédentes, n’en touchent pas moins un public aussi varié qu’estimable. C’est ainsi que dans Le Figaro, sous la plume du célèbre éditorialiste Eric Zemmour, unanimement respecté pour sa généreuse tolérance et son sens inné de la formule-choc, on pouvait lire : « VE, c’est de la balle ». Dans Paris-Match, Stéphane Bern, pourtant réputé pour son sens critique et son absence de flagornerie écrivait : « VE est à la littérature en ligne ce que Sa Majesté la Reine Elizabeth II est à l’industrie chapelière : incontournable » Dans Marianne, l’illustre penseur néo-althussérien Nicolas Bedos notait avec le sens de l’à-peu-près qui fait le sel de sa prose : « VEni, VEdi, VEci et je t’emmerde en latin », formulation qui résume bien les choses. Poursuivant ma flânerie entre les titres, je tombais, dans National-Hebdo, sur ces lignes inoubliables du célèbre philanthrope Bruno Gollnish : « VE, c’est Jeanne d’Arc plus les Nouvelles Technologies face à l’invasion de la culture métèque », propos qui n’engagent naturellement que lui et son éditeur. Enfin, last but not least, dans Rouge, l’irrésistible ironiste Daniel Ben Saïd n’hésitait pas à proclamer avec la concision qui caractérise son œuvre : « Non au monoïdéisme discriminatoire dans le monde polysémique de l’Internet. ! Non à la dysharmonie ethnicide à l’ère de la globalisation de l’humain. Non à la confusion idéologique asservie à la reproduction des structures socioéducatives aliénantes. Vive VE, espace de liberté au service de l’émancipation culturelle des masses opprimées. » Fermez le ban.

Et n’en jetez plus. Fort du soutien moral de ces hautes instances intellectuelles, je retournai au clavier de ma sacrée bon dieu de machine avec au bout des doigts le feu sacré qui consume celui qui s’est voué à une noble tâche. Las. Passés les tâtonnements et les fausses manœuvres de rigueur, l’écran m’afficha sèchement : « Fatal Error. Reset full system » ce qui bien que formulé en anglais de cambuse, n’en était pas moins fort clair. On n’était pas plus avancé. Ayant soumis sans succès le démoniaque engin à une drastique révision système – à coups de santiague et de clef anglaise dans le buffet – je dus me résoudre à contacter d’urgence mon vieux pote de régiment Bill – pas celui du calumet de la paix avec Monica, non l’autre, çui-là des $ 45 000 000 000 et du micro pas si soft que ça – pour qu’il dépêche un team de choc pour débugger fissa tout le sacré bazar. Ca aide, les souvenirs de régiment – surtout quand on fait miroiter l’idée de les distiller au compte-goutte sur Facebook, et hocus pocus, en vingt-quatre heures, tout baignait. Je pouvais enfin me connecter sans incident technique majeur sur le forum littéraire de mes rêves.

Naturellement, c’est là que ça a tourné vinaigre. Le rêve, c’est un cauchemar qui s’avance masqué. D’abord, m’a fallu me trouver un pseudo. Pour quelqu’un qui a mis un plus d’un demi-siècle à se faire un nom, même aussi peu connu que le mien, c’est un peu dur de devoir se dissimuler sous un nom d’emprunt, surtout que l’emprunt, de nos jours, on sait ce que ça coûte, et c’est pas le gouvernement grec qui me démentira. Enfin bref, après trois jours d’intense brain-storming avec moi-même soutenu par trois casiers de Chimay bleue, cinq tubes de guronzan et un bon mètre de ligne de poudre à canon dans les naseaux, j’ai fini par trouver le pseudo sous lequel on me connaît désormais en ces lieux. Ouf voilà une bonne chose de faite et passons aux choses sérieuses, me suis-je dit.

C’était compter sans l’implacable rigueur des rites d’initiation en vigueur sur VE. Passe encore sur le bizutage léger de coutume pour tout arrivant. Que représentent en effet un brossage de gencives à la soude caustique, cinq kilomètres à cloche-pied nu sur terrain caillouteux avec un sac de galets sur les épaules et l’absorption cul-sec d’une pinte d’huile de ricin en comparaison de l’insigne honneur d’être admis dans un cénacle aussi prestigieux ? Peanuts. C’est après que les choses se sont gâtées. Qui n’a pas dû composer en une heure une ballade résumant de façon exhaustive le kama-sutra en français du quatorzième siècle ou bien rédiger au pied levé un pastiche du discours de réception à l’Académie Française de Guillaume Musso ne sait pas ce que c’est un examen de passage.

Je me suis soumis à toutes les fantaisies d’un aréopage de grosses têtes aussi pointilleux sur la forme que sourcilleux sur le fond. Il m’a fallu maîtriser les subtilités du tiret cadratin, me souvenir de l’inadéquation de l’imparfait du subjonctif avec la locution « après que », me fourrer dans la caboche la nécessité de l’alternance des rimes féminines et masculines dans un sonnet, que sais-je encore, apprendre à orthographier les vocables les plus rébarbatifs et les plus inusités du dictionnaire. On m’y a aidé. A coup de doc martens dans le fion, d’accord, mais c’est comme ça que ça rentre. Alors merci à Loup Bleu pour ses morsures, au Chef Panda pour ses précieuses fricassées de mots, à mon Mentor pour sa pédagogie de terrain, à Yali pour sa morgue, à Coline pour son humour caustique, à Rebbeca la féroce, à Zou l’impavide, et puis j’y passerais la nuit à les citer tous et faut savoir dire stop.

Alors merci à tous et salut VE. Gobu is back again et c’est pas demain la veille que ça va s’arrêter. Si ce bon veux Bill ne me trahit pas de nouveau.

Hau !

Gobu

[AleK]

jolie ! un peu dur a lire sur écran tout de même

J'ai appris 2 mots.
"cénacle" qui horreur a bien plus de point commun avec moi que je ne le pensais !!
et
"tiret-cadratin" qui pointe du doigt mon manque d'éducation scolaire et mon erreur dans tout mes écrits. Bêtement j'aborde le dialogue avec un vulgaire trait d'union.

[Hop-Frog]

Humour avec une pointe de gras, un soupçon de piquant, juste de quoi rendre le texte appétissant.

On peut difficilement vous reprocher de n'être point versé dans l'informatique quand on voit la connaissance remarquable que vous avez pour le gotha de la revue et du magazine.

Un ami me demandait encore ce matin : à quoi bon l'internet quand on a Le journal des Ébats sous la main ? (Notez qu'il n'a pas dit entre les mains, car il ne le lit que d'une main...)

Salutations à vous donc, et au plaisir de vous lire encore !

[Rebecca]

Rebecca la féroce, ben mon fieu j'aimerai bien avoir quelque chose sur quoi l'aiguiser ma férocité....Une fois de plus ta verve me met en joie. Tu as l'incroyable don de pouvoir enfiler l'imper de n'importe quel quidam tout en adoptant immédiatement ses postures ses tics de langage sa langue de bois, tu sosifies à qui mieux mieux, tu pastiches et c'est toujours marrant à lire.
Quand à ça
"Il m’a fallu maîtriser les subtilités du tiret cadratin, me souvenir de l’inadéquation de l’imparfait du subjonctif avec la locution « après que », me fourrer dans la caboche la nécessité de l’alternance des rimes féminines et masculines dans un sonnet, que sais-je encore, apprendre à orthographier les vocables les plus rébarbatifs et les plus inusités du dictionnaire."
c'est pas moi qui vais te faire la leçon, j'suis encore en apprentissage et pis je crois que je le resterai toute ma vie.
Quand même pour te lire faut avoir une vie culturelle intense. Sinon bernique pour les références :-)))
Bon t'as pas trop foiré ton retour

[Pascal-Claude Perrault]

Je reviens voir ça plus tard (train à prendre)

[Invité]

La revue de presse est savoureuse. Le lecteur se tient les côtes et se croit intelligent. C'est une sensation délicieuse.
Mais du coup il en devient exigeant et commence à bailler lorsque, en seconde parte) l'humour descend de quelques degrés sur l'échelle de machinchouette (peut-être la mauvaise influence de Devos junior)
Dés la première ligne, on est sur VE. Ou presque. Dés lors il eut été judicieux de faire court et percutant.
Mais je me suis quand même bien marré.

[Janis]

moi aussi ! je me suis même très bien marrée
et puis super bien écrit et mené

[AliceAlasmartise.]

Bon retour!
Je crois qu'on aura tous ri en lisant ça
:-)

[Pascal-Claude Perrault]

C'est bien Gobu, très bien.
Je te connais si peu (même absolument pas),
nous ne nous sommes même pas embrassés sur la bouche une seule fois !

Je rejoins Tizef, spécialiste de la concision humoristique, pour dire que, ben, j'ai commencé à bâiller dès la deuxième partie.

de : « La première fois que je me suis connecté sur VE " jusqu'à « Fermez le ban " j'étais en alerte, puis ensuite ça s'écroule un peu. En fait, je ne remets pas en cause l'humour ici, et ces traits d'esprit dont tu nous inondes, mais juste le rythme. Si j'avais besoin d'un trublion pour intervenir en tant que chroniqueur humoristique dans une émission radiophonique ou audiovisuelle, je ferais certainement appel à toi, mais on élaguerait grave ; il faut que ça percute !

En tout cas Gobu, je doute fort que tu aies ramé plus de cinq secondes pour trouver ton pseudo de nazbroc, qui est par ailleurs fort plaisant quoique ridicule. En cinq ans, tu as effectivement dû en vivre des trucs avec tes copains et copines ici. Trop cool.

Allez, je t'embrasse, tu as de l'avenir devant toi,
et ainsi que disait mon grand-père,
ça vaut mieux que d'avoir le passé derrière soi.

[Jano]

J'adore cette phrase : « je retournai au clavier de ma sacrée bon dieu de machine avec au bout des doigts le feu sacré qui consume celui qui s’est voué à une noble tâche. » C'est tout à fait mon état d'esprit quand j'ai un sujet qui m'enflamme.
Malgré sa longueur, ton texte a une pêche d'enfer qui fait qu'on ne décroche pas.

[Invité]

Gobu, c'est du Cabu ! C'est dire.

[Remus]

J'ai ri tout le long pour ma part : le début pour les références aux chroniqueurs, la fin pour le tiret cadratin, erreur que j'ai fait moi-même, c'est vrai qu'il y a une espèce de bizutage et rituels pour les nouveaux sur VE ; mais c'est ça qui y est bon ... !

[Pussicat]

je prends un tel plaisir à te lire, que je te relis... il y a un tel foisonnement, tes phrases ressemblent à des lianes fortes et solides qui n'en finissent pas et font une jungle, je me perds, tu me rattrapes au dernier moment pour me remettre dans le bain, et c'est reparti pour un tour, et cette p... de langue !
bravo !

[Pussicat]

Et pis tiens, je reviens, un cadeau, rien que pour toi :

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