Scène intime

[roro]

Avertissement : contenu adulte.



Le foutre a éclaté par hasard dans la chambre salissant tout sur son passage. Nous avons éjaculé ensemble et à la couleur de son sperme j'ai compris qu'il ne m'aimait pas. Tandis qu'il cherchait un mouchoir dans cette pièce qu'il conaissait mal, je retenais ma respiration, ne voulant pas sentir cette odeur de pastèque si caractéristique de la chose. Je n'avais qu'une seule envie, me lever au plus vite et prendre une douche, un bain chaud, me débarbouiller, me décrasser, oublier ce qui venait de se passer. Il est revenu en brandissant un kleenex. Je l'ai pris, j'ai essuyé les morceaux de lui qu'il venait d'éjecter sur moi, il a pris cet air de satisfaction si détestable chez l'homme qui ne sait pas donner plaisir, j'ai souhaité lui fermer toutes les portes de ma maison au nez en une seule fois. Cela n'arrivera pas bien sûr, ou alors plus tard, beaucoup plus tard. Je me suis enfoncée dans les pénombres de ma maison que je connaissais bien, nue sous la lumière de la lune qui filtrait, romantique. Pas grave si les voisins mataient. De toute façon, à une heure si tardive, seuls les gens qui font l'amour ont la chance d'être encore éveillés. Faire l'amour... Une expression qui ne s'applique plus, depuis longtemps, à nos ébats. Je suis rentrée, beaucoup plus tard, parfumée et fraîche, il était devant mon ordinateur, il matait des filles sur le site. Il écoutait de la musique. Je me suis mise sur le lit, il a voulu me rejoindre, j'ai voulu me rendormir, il a voulu me contraindre, je l'ai repoussé, il m'a tirée par les cheveux, et j'ai hurlé, j'ai crié, je lui ai martelé la figure, j'ai craché, éructé à mon tour, versé du liquide en un jet condensé de haine, qu'en pense-t-il, hein, de mes liquides à moi, qu'en pense-t-il de ma haine, de ma patience, de tout ça, j'ai voulu lui montrer une fois pour toutes ma force, le contraindre à fléchir, il ne s'est pas démonté ça l'a au contraire excité, je me suis executée. Et ma colère retombée d'un coup, nous nous sommes étendus l'un à côté de l'autre. Sans amour et sans haine, sans se toucher. En respirant ensemble. Et j'ai souhaité que le jour vienne bien vite, que son corps libère au plus tôt mon lit. J'ai ajusté mon alarme, j'ai éteint la lumière. J'ai regardé la lune, j'avais les yeux secs, l'âme sèche, le bas-ventre aussi. Il ronflait à côté de moi, me tournant le dos, aucune fenêtre n'ouvrait sur son intérieur, il était fermé à triple tour et moi je séchais de mon côté, comme à la sortie de la mer, j'imaginais que j'avais du sel sur le corps, j'imaginais que le soleil me caressait, j'essayais de passer le temps, d'oublier la respiration cadencée de cet homme que je détestais probablement sans le savoir. Ou plutôt, cet homme que je souhaitais de tout mon coeur détester, car mon corps le haissait déjà.

[ubikmagic]

Salut,
Le "nous avons éjaculé ensemble" m'a induit en erreur. J'ai cru qu'il s'agissait de deux hommes.
Sur le reste... Drôles de relations. Un peu SM sur les bords, si j'ai bien suivi. Ou en tous cas, décrites comme un moindre mal, ou un mal nécessaire.
Suis pas à l'aise pour parler sur le fond. Je ne sais pas si j'ai saisi ce qui se joue.
Sur la forme, à part ce que j'ai signalé au début, rien ne m'a chagriné. Tout semble se dérouler avec aisance.
A voir si suite il y a. Pour moi, ça reste un peu en suspens, c'est trop court. Disons : ça plante trop bien le décor pour ne pas l'exploiter plus après.
Mais bon...

A voir, quoi.

Ubik.

[scarolle82]

Pareil que Ubik, j'ai cru que le 'je' était aussi un homme.

Petite chose amusante : l'odeur de pastèque. Je ne comprend pas bien si 'la chose' c'est le sperme ou le résultat de l'acte sexuel (odeurs mélangées), mais en tout cas je ne peux m'empêcher de sourire: si seulement ça pouvait sentir vraiment la pastèque... .
Evidemment tu peux dire que ça sent la pastèque, on accepte, c'est juste qu'avec les 3 premières lignes, j'ai cru que le texte allait être plus 'léger'. Il y a un imaginaire au début : pastèque, couleur du sperme qui signifie qu'il ne t'aime pas. Et après ça devient très sérieux, sombre.
Un univers n'est pas meilleur qu'un autre, mais personnellement soit l'atmosphère est raccord sur tout le texte, soit il faut un passage ou un paragraphe qui passe d'une atmosphère à une autre.
Dans l'ensemble pour ce texte : toutes les informations, tout ce que tu nous racontes, c'est collé, tout à la suite. Du coup tout est au même niveau, alors que tu pourrais faire ressortir ce que la femme ressent; autre paragraphe : les actions de l'homme, etc.. . Sauf si c'est un monologue déversatif ( je ne sais pas si ce mot existe) de la femme et que tu fais exprès de tout mettre en bloc.

C'est juste des petites choses, mais ça se suit très bien et l'écriture est fluide.

Y a t il une suite?

[AleK]

Bien écrit,
impudique
Ca aurait sa place dans tous ces romans de jeunes écrivaines qui parlent de sexualité pour vendre.
pas ma came, mais ça plait.

[Invité]

Suis assez d'accord avec ce que dit Scarolle ; c'est monocorde, tout écrit sur le même ton, sans rupture de rythme. Ce n'est pas désagréable mais ça pourrait être rendu plus vivant, plus chargé d'émotion avec une mise en relief de quelques passages. Maintenant, ce n'est peut-être pas du goût de la narratrice.

[midnightrambler]

Bonsoir,

C'est un tout, c'est un constat, c'est un cri aussi ...
A mon avis il n'y a rien qui précède et il n'y aura pas de suite ... on ne peut pas avoir, auparavant, décrit les petits oiseaux qui chantent dans le pommier du jardin et se dire qu'ensuite, après avoir été à la ligne, en avoir même passé une peut-être, on va décrire le motif floral des doubles-rideaux que la brise fait frissonner par l'entrebâillement de la porte-fenêtre ... Ce serait comme croquer une olive que l'on pensait dénoyautée !
Un beau cri néammoins ...

Amicalement,
midnightrambler

[Yves]

Bien écrit selon moi, d'une verdeur à la mode.

[Sahkti]

Le format me fait souci, ce texte me paraît trop long ou trop court mais pas efficacement dosé au niveau de sa longueur et donc de son rythme. Par moments, c'est trop explicatif, il y a des détails dont on se passerait volontiers, ça pourrait être raccourci. A d'autres, c'est l'inverse, des instants sont trop rapidement esquissés. Bref, cela crée un déséquilibre. Perso, je ne pense pas que plus long siérait mieux au texte, au contraire. C'est davantage la carte de la sobriété qu'il faudrait jouer.
Et puis casser cette impression que tout est récité sur un même ton (mais là encore, le format inadapté conforte-t-il sans doute cette impression).

[suzannelanson]

Bonjour,

Hum... J'ai un tout petit soucis de compréhension. Si je lis la première phrase les 2 personnages jouissent ensemble, mais ensuite il est évident que la femme n'a ressenti aucun plaisir. Comment a-t-elle pu jouir dans ce cas? Cela m'a perturbé tout du long.

J'ai trouvé la première répétition de "maison" assez maladroite aussi même si j'ai bien aimé la métaphore ensuite entre la maison et l'univers des 2 protagonistes.

Au plaisir de te lire à nouveau,

[lol47]

Si j'étais salace, je dirais que ça été écrit d'un seul jet...quant à l'odeur de pastèque, le dîner presque parfait c'est à 18h sur M6...

Plus sérieusement, le propos est intéressant bien que mal maîtrisé.
Le texte fonctionne pour toi mais dans l'esprit du lecteur que je suis, quelques incohérences font que je ne parviens pas à entrer totalement dans le propos.
La purification du début aussi, le bain, le décrassage, assez banal d'un point de vue psychologique.
Mis à part le fait d'évoquer un type de sale macho gros con, ça ne va guère plus loin.
Je le redis, le point de départ est intéressant mais traité en surface.

aucune fenêtre n'ouvrait sur son intérieur, il était fermé à triple tour Très évocateur, poétique.

Et tu aurais pu écrire aussi: au lieu de j'ai ajusté mon alarme, j'ai éteint la lumière
J'ai éteint mon chagrin puis ajusté mon alarme.Une piste comme une autre. Puis, ce n'est pas mon texte. Désolé de me mêler de ce qui ne me regarde pas.

[jfmoods]

"... qu'il connaissait mal..."
"... je me suis exécutée."
"... le haïssait déjà."

"Es-tu ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent ?" demande René Char quelque part dans ses écrits. Question primordiale s'il en est. Ici, le présent du couple est introuvable. Il est inidentifiable, en zone blanche, indéfini, quelque part entre "depuis longtemps" et "beaucoup plus tard". Bien au-delà du naufrage et bien en deça du sauvetage. Là où le désir n'est plus que la caricature désemparée de lui-même, l'acte sexuel un sinistre et éruptif simulacre (gradation : "me débarbouiller, me décrasser, oublier" ; hyperboles : "Le foutre a éclaté par hasard dans la chambre salissant tout sur son passage",  "... les morceaux de lui qu'il venait d'éjecter sur moi..."). Une première anaphore ("ai voulu" x 2, "a voulu" x 2) signale le rapport de force constant des partenaires ; une seconde ("Sans amour et sans haine, sans se toucher."), la distance irrémédiable qui sépare ces derniers. Le zeugma ("... l'âme sèche, le bas-ventre aussi. ") traduit avec force l'étendue de la frustration de la locutrice. La formulation du début ("Nous avons éjaculé ensemble..."), déroutante, ne saurait s'envisager que comme la déflagration violente d'une antiphrase, le recours hélas trop prévisible au laborieux substitut à une véritable étreinte amoureuse. Dans un contexte aussi délabré, les supports à la sensualité mentionnés ("... le sel..." , "... le soleil...") ne peuvent que tracer une ligne d'horizon utopique ("... j'imaginais..."). Un verbe utilisé à deux reprises ("... ai souhaité...", "... souhaitais...") ainsi que deux adverbes ("... bien sûr...", "... probablement...") mettent en évidence la grande difficulté, sinon l'incapacité de mettre fin dans l'instant à cette histoire mortifère, à ce piège dans lequel corps et coeur se sont fourvoyés.

Le passage le plus marquant de cette lecture demeure sans nul doute...

"... je me suis exécutée."

… qui manifeste autant la reddition qu'une forme de suicide personnel de la locutrice.

[gaspard]

Avertissement : contenu adulte.

Je dirais plutôt : contenu violent.
C'est le premier texte que je lis et ça commence fort.
Bravo pour la permissivité.
Personnellement, j'ai toujours trouvé que ce qui est tellement excitant dans l'intimité (les odeurs, les sécrétions, les poils…) devient instantanément répugnant lorsqu'il est montré par des inconnus à des inconnus.
Mais bien entendu je mens : la pornographie agit sur mes hormones. Mais c'est une autre histoire car il ne s'agit pas ici de pornographie.
Je sens que ce n'est pas la relation sexuelle qui est en jeu, peut-être un peu plus d'exhibitionnisme, et encore : c'est de dégoût que l'on me parle justement.
Et ça je l'entend bien.  C'est l'acceptation par la protagoniste d'une situation de violence (qu'elle a probablement elle même préparée dans ce cas précis) pour cause de traumatisme antérieur. La représentation, le fantasme originel s'est fait dans la violence : c'est ce que cherche à nous expliquer roro.
Elle veut exorciser un démon. Vu sous cet angle, la mièvrerie de son avatar est d'un humour macabre frôlant la “pornographie intellectuelle“.
J'aimerai bien qu'elle me le confirme ou me l'infirme. Je suis presque certain de ce que j'avance.
C'est cette histoire antérieure qui est en filigrane derrière le texte qui me frappe.
J'ai l'impression d'assister à quelque chose de l'ordre du sacrificiel. Ça a une force incontestable pour moi ; même si je déteste cette description, cette situation répugnante.
Je ne sais pas pourquoi, mais cela me fait vaguement penser (le thème) au Vampire de Baudelaire, et plus encore aux Métamorphoses du Vampire (je n'ai pas le droit de mettre des liens ???). Bon, allez voir vous même. Mais dans une version inversée (vaginocrate au lieu de phallocrate) et plus prosaïque; si je puis dire.

[roro]

Oui, je crois que dans ce texte il ne s'agit ni de sexe, ni d'émotions ni d'amour. C'est un rapport de force, une domination consentie. Une forme de capitulation totale, une soumission qui consiste à tout accepter de la part de l'autre.

Patauger tellement dans la boue qu'à la fin on ne pense même plus qu'il y a moyen d'en sortir. Je crois que cette scène est malsaine et aussi exhibitionniste. C'est un texte assez extrême et dérangeant. Je l'ai mis car ces sentiments existent aussi, car les relations comme celles que je décris font partie aussi de la vie.

Heureusement, le lecteur a la possibilité de rejeter, de condamner, de ressentir du dégoût et de prendre de la distance. C'est à dire, le lecteur est capable de mettre les limites qui manquent. Je reconnais cependant que je n'aime pas moi-même ce texte, mais il est intéressant parfois d'essayer de nouvelles choses en écriture...

[gaspard]

(…) une situation de violence (qu'elle a probablement elle même préparée dans ce cas précis) pour cause de traumatisme antérieur. La représentation, le fantasme originel s'est fait dans la violence : c'est ce que cherche à nous expliquer roro.
Elle veut exorciser un démon. Vu sous cet angle, la mièvrerie de son avatar est d'un humour macabre frôlant la “pornographie intellectuelle“.
J'aimerai bien qu'elle me le confirme ou me l'infirme. Je suis presque certain de ce que j'avance.

Ne botte pas en touche : est-ce autobiographique ? Est-ce de tes démons personnels que tu parles ?

(…) mais il est intéressant parfois d'essayer de nouvelles choses en écriture...

C'est un peu court comme explication. Pourquoi faire ça ? Je me pose toujours cette question : pourquoi Kundera éprouve-til le besoin de raconter des partouses? Pourquoi Houellebecq raconte-t-il ses sorties (impuissantes) en boite sado maso ? Pourtant, depuis Sade, rien de neuf dans ce domaine ! Mais j'ai obligatoirement tord puisque le phénomène est universel : Brad Easton Ellis, etc. Mais, personnellement, je ne parviens pas à y voir autre chose qu'une terrible expression de désespoir.

[roro]

La question est un quelque peu directe, mais je vais essayer d'y répondre. En littérature on peut tout remodeler; un même événement peut être vu et revu sous différents angles au fur et à mesure qu'on évolue. C'est très plastique tout cela. Ce qui est important, à mon sens, c'est le point de vue.

Ici je décris un homme centré sur lui-même et une femme qui s'accroche quand-même à la relation. Après on peut forcer le trait, rajouter des éléments, en enlever d'autres. Ma réponse c'est celle que la plupart des gens qui écrivent diront: il y a une part de vérité et une part de fiction... C'est le point de vue qui prime. Une partouze peut être décrite de mille façons différentes, et chaque écrivain aura sa motivation propre. Ce n'est qu'un avis...

[gaspard]

Ce n'est qu'un avis...

Bon, nous avons, je crois, atteint la limite. Et je serais inconvenant de vouloir la forcer. Je laisse aussi tomber la question sur l'avatar pendant que j'y suis. Quand accepterais-je d'abandonner cette incoercible désir de comprendre le mystère féminin ? Merci pour ta patience.

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