D'un sortilège ma princesse...

[Frédéric Prunier]

Ce sonnet fut composé par Molière avec les rimes que lui fournit le prince de Condé.

Que vous m'embarrassez avec votre grenouille
Qui traîne à ses talons le doux mot d' hypocras !
Je hais des bouts-rimés le puéril fatras
Et tiens qu'il vaudrait mieux filer une quenouille.

La gloire du bel air n'a rien qui me chatouille ;
Vous m'assommez l'esprit avec un gros plâtras ;
Et je tiens heureux ceux qui sont morts à Coutras,
Voyant tout le papier qu'en sonnets on barbouille.

M'accable derechef la haine du cagot,
Plus méchant mille fois que n'est un vieux magot,
Plutôt qu'un bout-rimé me fasse entrer en danse !

Je vous le chante clair, comme un chardonneret ;
Au bout de l'univers je fuis dans une manse.
Adieu, grand Prince, adieu ; tenez-vous guilleret.

Au bout de mon échelle tient une grenouille
aurait-elle eu raison de goûter l'hypocras
enivrant de plaisir ses instincts en fatras
confondant le roseau à la droite quenouille

lui tangue sous les pieds l'ivresse qui chatouille
ignorant que gargouille finit en plâtras
elle croyait bien la-haut apercevoir Coutras
coassant des Hé ! Ho ! Son ventre lui barbouille

car elle était bannie, pestiférée, cagot,
ignoble barbarie des grimaçants magots
tous ceux de sa tribu qui jalousaient sa danse

comme enchante au chardon le beau chardonneret
elle arpente si haut mon petit bout de manse
funambule grenouille et moi tout guilleret

[nouga]

les deux me sied Messire Frederique
bravo