Exo "j'attendrai" : Les sentiers rouges

[Janis]

J'attendrai
des prairies qui filent vers la mer
des nuits bleues que le matin déroule
des sentiers rouges qui zigzaguent
jusqu'à mon petit cœur malade
des horizons carmins où ton rire
inépuisable souvenir
me cueillera pour me déposer dans l'herbe

Je patienterai, j'attendrai,

que l'ombre hideuse s'éloigne
que mes poumons respirent un peu
que mes cheveux repoussent plus beaux
que mes vendredis soient jolis
mes samedis, océans tranquilles
et mes dimanches îles en Bretagne

J'attendrai, tu verras
je serai folle je serai sage
j'aurai peur et je serai brave
j'attendrai, j'attendrai pied ferme
avec une bûche dans chaque main

J'attendrai, j'attendrai pas
tu viendras tu viendras pas
j'ai mes quais de gare, mes fenêtres
mes grands lits bleus, mes tempêtes
mes salles aux pas perdus

Je fume tous les mégots assise sous le tilleul
je finis les boutanches
j'arpente les salles d'attentes

Parfois tip top elle arrive
celle qui me ressemblera un jour
vaincue morte fourbue
avec
ses trous dans la tête
ses petits os à sucer,
son air de défaite
ses dents qui creusent dans ma chair
un long sillon d'insomnie
celle qui me ressemblera un jour

La route est longue, sauvage
jusqu'à l'abattoir
et le chemin bordé de fleurs
qui ont goût de sel et de sang

Si je trébuche si je m'arrête
si la lassitude me guette
j'entends la voix douce et poivrée
de ceux qui me suivent sans bruit :
t'inquiète, ça va aller

Je me bats avec des sorcières
je mange couleuvres et poisons
je m'endors dans des fossés noirs

pourtant

la vie je l'avale toute
et je suis ivre de bonheur

[Invité]

Janis, il me faut consulter le dico des superlatifs afin de trouver le plus apte à qualifier ce poème.
C'est tellement beau, tellement empathique que j'ai du retenir une larmichette (pourtant ce n'est pas le genre de la maison)
La progression est remarquable, musicale et... météorologique.
La chute jaillit comme un arc-en-ciel
C'est sublime (ça y est j'ai trouvé)

[Polixène]

Respect.

[Rebecca]

Superbe !
Une superbe ballade dans un paysage ocré de noirs et de lumières, dans un petit train qui monte et qui descend et fait vibrer un coeur de lecteur à l'unisson, qu un rien écoeure qu'un rien réjouit, les soubresauts de la vie et ses insolences, ses indolences et ses révoltes, la vie cette camarade qu'on avale sans attendre tandis que l'autre la camarde nous guette la gueule grande ouverte...
Une sorte de trip écrit avec les tripes.
Finalement cet exo serait il un test : dis moi ce que tu attends ou pas, je te dirai ce que tu es (en option, ce que tu hais )
Il y a quelque chose dans ce texte, une cruauté sans fards sans doute, qui me fait penser, à cette chanson en apparence joyeuse et pleine de fantaisie mais qui en réalité parle des trains de la mort.
Sauf que toi tu nous embarques dans le train de l'amor.

[Invité]

Magistral. Et symphonique.

C'est à peine si j'ose tant cela est vibrant et boule dense d'émotion...

- peut être que le "je patienterai, j'attendrai," pourrait simplement être un
"je patienterai,"
- et peut être que "ses dents qui creusent dans ma chair
un long sillon d'insomnie", pourrait être
"ses dents qui creusent dans ma chair le long sillon de l'insomnie"

Mais c'est tellement peut être, et puis ces choses là se corrigent-elles...?

[Invité]

Je me suis laissé guider sur ces sentiers colorés, escarpés, je me suis laissé broyer et j'ai lu une leçon de vie.

[Invité]

Si je trébuche si je m'arrête
si la lassitude me guette
j'entends la voix douce et poivrée
de ceux qui me suivent sans bruit :
t'inquiète, ça va aller
Janis, tu me donnes envie d'attendre avec toi, près de toi, avec des poignées de main tendres et des sourires échangés...
J'ai la gorge nouée.
Merci de savoir si bien traduire ce que tu ressens.
Merci pour les deux derniers vers magnifiques.

[lol47]

Avec toi la critique est malaisée. On manque de superlatifs.

Cette citation de Luis Cernuda t'habillerait bien, je crois.
"Nous ne ferons rien d'autre que poignarder la vie."

[Lizzie]

Lu, et rien à ajouter aux commentaires précédents;
sauf, si, moi, j'ai aimé aussi sourire à "une bûche dans chaque main", parce que c'est toi.

[Invité]

Janis, en poésie je t'aime ! (en prose aussi d'ailleurs... pourquoi je dis ça ?)
J'ai lu d'un souffle, à voix haute, quasi en apnée, tant tes mots éveillent d'échos en moi. Bravo !

[Invité]

Bon 1565, on va pas chipoter, mais qu'est-ce que ce superbe poème fait dans cette sous-section "prose" !!!

T'as pas honte d'écrire si vraiment beau (volontairement désordonné) !

"J'attendrai, j'attendrai pas
tu viendras tu viendras pas
j'ai mes quais de gare, mes fenêtres
mes grands lits bleus, mes tempêtes
mes salles aux pas perdus

Je fume tous les mégots assise sous le tilleul
je finis les boutanches
j'arpente les salles d'attentes"

[bertrand-môgendre]

Bon.

[polgara]

oh 'tain.....
voilà....
une gifle, une claque, un soufflet, une torgnole, un coup à l'estomac, l'air s'en est enfui. Je ne le rattraperai pas.

Magique.

[Invité]

Je suis époustouflée.
Tant de force, dans tes mots ! Tant de beauté ! Je n'exagère pas, vraiment. Mais je ne peux en dire plus.

[Sahkti]

C'est superbe Janis, tout simplement.

[Phylisse]

J'ai du mal à écrire quelque chose, il y a de si jolis commentaires ci-dessus qui expriment ce que je ressens. Alors voilà ce que je dirais si on me demandait...

Je t'attendais sur le trottoir.

Et te voici au loin marchant vers moi, ton sourire illuminant ton visage... Et dans ma tête, à cet instant, il y a toute l'ivresse de ces mots-là qui me reviennent à la mémoire avec une belle émotion.

[Chako Noir]

Wow.
Chapeau bas.

[Pussicat]

pouce, c'est possible ?
ou : je passe mon tour.... ;-)

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