Fusains

[Nathanaël Zenou]

À Hérutha, ma femme, ce poème.


« Gorge, delta où s’échoue ton collier,
Flot impétueux où, comme des coupes
Qui tendent un vin parfumé
Tout à coup surgissent des navires oubliés. »

« Cou, tourelle au port altier,
Au bas de tes remparts
Poussent les cheveux les plus fins,
Tu me procures une ivresse sans fin. »

« Ta nuque est une porcelaine choisie
Plus précieuse que les vases des Dynasties
Ming, Qing ou Yuan,
Objets de la jalousie des grandes civilisations. »

« Joues, jardin fertile, jardin de délices,
Joues des jeux de mes lèvres complices,
Jardin arrosés de quatre fleuves, bel Éden
Rouge, que tu te donnes ou ne le daignes. »

« Cheveux, ondes noires d’une cascade de soie
Troublées par la forme d’une fleur parfois,
Feu au grand éclat, comme les cheminées d’antan,
Ouvrez-moi la porte de Destinations Idylliques. »

«Lèvres, ruban rouge, beau fruit, sceau de cire,
Sèves, sucs, miels, vins et laits sont vos titres,
Vous êtes les duchesses de l’amour,
Vous régnez sur moi en quelque sorte. »

« Sourcils, vous êtes l’arche d’un pont
Où passe inexorable l’onde du regard,
L’arche d’un pont où je trouve fraîcheur,
L’arche d’un pont au point du jour. »

« Yeux, berceaux noirs, serrures de l’âme, îles Fjord,
Des algues la lumière et de l’azur la flamme
Se disputent vos prunelles d’agate
Dans lesquelles le monde a son reflet. »

« Nez, voile, réceptacle du souffle de vies,
Ouvert et blanc, retroussé et expressif,
Nez, tu vogues, léger esquif
Pêcher les parfums et les étoiles sont dans tes filets. »

« Bras nus, pour les jours chômés
Comme pour les jours de labeur,
Vous êtes un champ d’épeautre avant la moisson,
Ma main est le vent qui couche ses épis. »

« Aisselles dont l’ombre est celle
D’une terre brûlée, d’un désert salé,
Vous montrer c’est être offerte,
Grilles qui grincent dans mon inconscient. »

« Mains, quelle est cette eau que vous m’offrez ?
Vous m’êtes un refuge calme et frais,
Passez doucement sur mon front,
Faites-moi oublier les choses souffertes. »

« Seins, vallées d’ombre et de secret,
Vergers odorants, vignes fécondes à flanc de colline,
Je surveille amoureusement votre œillade féline
Dans le lit noir, dans le val clair. »

« Ventre, mystérieuse crypte
A la part d’ombre, à la peau blanche,
Sable du sablier qu’est le contour de tes hanches,
Énigmes de la vie, creuset de la vie. »

« Qui a pris le nombril pour symboliser l’égoïsme ?
Par ton attachement à tes parents,
Et ton désir de fonder un foyer,
Il m’est l’image d’une vie dévouée. »

« Et ici le calice des calices au fort du porphyre,
Coffre nocturne que nul n’a fracturé,
Entrée vivante, porte du fief dont j’ai la clef,
Mes pensées t’entourent de pudeur et de respect. »

« Fesses, vous êtes les anses d’une jarre parfaite,
M’approchant par derrière pour l’étreinte
Je sens monter en moi la rumeur d’une fête,
Au velouté laiteux et au léger carmin. »

« Jambes, légères coursières, ciseaux
De couturière rapides sous la jupe,
Dites, dites où courrez-vous ?
J’espère, j’espère à notre rendez-vous. »

« Pieds roses, vous êtes faits pour fouler les nuages
Mais par les cailloux des chemins
Et la poussière des routes
Vous portez patiemment le poids des jours. »

« Oreille, amphore de chair charriant les sons,
Déclenchant le frisson de tes pendeloques
Je parle dans ton creux, je te dis des mystères
Et mes mots demeurent au-dedans. »

« Qui dira le charme de la voix,
Elle est ruche et remplie de miel,
Elle est tonneau pleine de vin,
Elle est roulis des rivières de mes souvenirs d’enfance. »

[Maryse]

Nathanaël! Si ce n'est pas un poème ça!!!! mais qu'est-ce que c'est?
Passages sublimes! Des images de toutes beauté.

[Evelyne1]

Je trouve qu’il en faut du talent… Pour faire de ce qui pourrait être un genre d’inventaire - s’il ne s’agissait pas de sentiments et de personne – un si beau poème, où la sensualité est subtile, et l’amour dans toutes ses dimensions est sublimé.

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