Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-39%
Le deal à ne pas rater :
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON AVR-X2800H, Enceinte ...
1190 € 1950 €
Voir le deal

Recette d'amour de la cougar

Aller en bas

Recette d'amour de la cougar Empty Recette d'amour de la cougar

Message  Raoulraoul Mer 1 Aoû 2012 - 15:34

Recette d’amour de la cougar *
Nous avons peur. Regardez-les ! Nous avons peur de les voir. La première semaine de novembre chaque année, c’est toujours pareil. Notre petite ville est encerclée de vignobles, rouilles à cette époque. On se barricade. Nous sommes trois sœurs à fermer nos volets, verrouiller notre porte. On redoute l’ivresse autant que la mort.

La cougar était sur le bord de la piste. Elle ne le quittait plus des yeux. Il dansait comme un éphèbe, à l’apogée de son adolescence. Il dansait, les yeux de la cougar avec lui dansaient. Ils descendaient sur le corps du garçon, avec la gourmandise d’une cougar esseulée.

Nous nous appelons Arsippé, Leucippé, et moi Alcithoé. Nous sommes ici par défaut. Nous avons dû émigrer de nos terres du sud pour venir ici travailler, dans une manufacture de textile. Nous vivons mieux, mais chaque première semaine de novembre la manufacture ferme, à cause de la Fête. Moi, je suis la plus hostile à la Fête. Mes sœurs me suivent. Nous faisons aussi des travaux de couture, à notre compte, à la maison. Durant le Fête, dans la lumière électrique de nos lampes, barricadées que nous sommes, nous cousons, nous raccommodons. Pour tuer le temps, je raconte des histoires à mes sœurs.

Elle s’arrangea pour que le prochain slow soit l’occasion d’une rencontre. Le garçon sans doute se précipitera vers une midinette, ces nymphettes en short qui se pressaient au bord de la piste, impatientes d’être choisies. La cougar s’était refaite la coiffure, le maquillage, remonté la jupe serrée, dans les toilettes du night-club. Dès la première mesure langoureuse, le garçon ne put esquiver l’attaque en vrille de la cougar, qui déjà incrustait ses ongles carmins dans la douce chair du cou du gars. Dans le mitan du slow, elle lâcha comme une bombe ;
- Si t’as une copine, une fiancée, quand même on peut prendre du bon temps ce soir !
- Ca va pas non ! répliqua le garçon, quittant la cougar, avant de s’éclipser dans la pénombre bariolée du night-club. La femme resta idiote, au milieu de la piste.

Arsippé écoute Alcithoé. Leucippé oberve du coin de l’œil Arsippé qui rit de bon cœur, imaginant sans doute la cougar dégoulinante d’humiliation, sous les spots de la piste de danse. Sous l’aiguille trépidante de la machine à coudre, elle manque de se transpercer le doigt, ce qui fait dire à Alcithoé ; « Attention Arsippé, si mes histoires te gênent, je vais me taire ! »

On pourrait être cougar en même temps que directrice. Dans notre petite ville, par exemple, diriger le Service des Sports. A une directrice, il serait aisé alors, de se rendre à la piscine municipale à tous moments. Madame Cougar, directrice, y alla retrouver son éphèbe en maillot. La directrice attendit la fermeture de la piscine, et s’autorisa à jouir de la piscine pour elle seule. L’éphèbe qui s’était attardé, s’ébattait dans la belle eau chlorigène du bassin. Du haut de son bureau-mirador, elle le matait à loisir, son corps élastique, d’une grâce et d’une beauté plus académique que jamais. Par-dessus les verres de ses lunettes presbytes, son regard triomphant semblait dire ; « Victoire ! maintenant il est à moi ».
En même pas le temps d’une traversée de longueur de piscine, la cougar échangea sa tenue de directrice contre un affolant mini deux pièces, et plongea gaillardement dans l’onde aquatique, à la recherche de son nageur.

Affairées sont les trois sœurs à leur ouvrage, mais une excitation enfantine les accompagne pas moins quand une histoire les captive, allumant leur regard qui parfois se brouille sur le linge à rapiécer. Dans les rues des gens chantent à tue-tête. Leurs voix égosillées traversent les murs. Des chansons paillardes, des chansons à boire. Leucippé est rouge de honte. Les commerçants offrent des dégustations. De cave en cave des groupes d’ivrognes déambulent dans les venelles de la ville. Pour la Fête, la caserne à donner entière permission à son régiment.

Elle venait de plonger. Elle filait comme une torpille sur le garçon. Elle voyait son anatomie que le flux de l’eau rendait encore plus magique et insaisissable. Ses muscles parfaits, sa virilité certaine, son agilité de champion, même si, là, elle devait servir sa fuite. Mais la cougar était dans son élément. Directrice des Sports, elle cernait le garçon. Plus personne dans l’établissement. Le nageur atteignit une échelle, mais le femme de ses bras aimant le ramena au cœur de l’onde. Le corps de la cougar avait des transformations divines, nymphomanes, dans l’eau qui change toutes les mesures.

Arsippé ne semble plus rien comprendre. Alcithoé rajoute des gestes. Leucippé, s’empourpre, car elle comprend. Elle désigne justement à ce propos le corset pharaonique, d’une femme corpulente, dont elle s’échine à recoudre et réparer les baleines. « Comment aujourd’hui, on peut encore subir des machins pareils ! » grommelle-t-elle.

La cougar touchait la peau lisse du garçon.
Par le claire-voie des persiennes, on entrevoit les militaires ivres, effrayant les filles.
Le garçon bougeait encore, tentant de se libérer de la prise.
Les militaires rotent, pétent sauvagement, vomissent sur la chaussée.
Le garçon, contre le ventre de la femme, découvrit l’eau comme une étrangeté.

On cogne à la porte. « Eteignons les lumières ! » chuchote Leucippé. Les sœurs sont tétanisées. Elles entendent les vomissements des mâles, de l’autre côté de la porte. Des vomis de vin par gerbes. C’est la Fête du Beaujolais Nouveau, à Lozanne.

Ce fut un baiser de tous ses membres qu’elle entreprit la femme, sous l’eau, entravant souverainement la colère du garçon.

Arsippé pousse un cri. On ne sait si c’est l’histoire ou la situation présente qui le produit. La peur des soldats éméchés, éructant, obscènes, se déchainant contre la porte. Quand Arsippé se surprend à froisser entre ses mains un pantalon de mâle, troué, une vêture de la masculanité dégoutante, comme celle qui se répand ici, ignoblement contre la porte. Elle rejette le vêtement, violemment, disant à Alcithoé ; « Tiens, essaie si tu peux de repriser cette saloperie ! ». Dans les interstices des volets, des visions fulgurantes d’hommes, des bidasses avec leur pantalon tendu, maculé, souillé de débauche. Les trois sœurs sont horrifiées. Les odeurs filtrent sous la porte. Arsippé, prise de nausée, se précipite aux toilettes. Les hommes braillent des insanités sous le porche des trois filles, connues dans la ville pour leur réputation de vierges effarouchées. Alcithoé, d’un ton de résistante solennelle, tente de sauver ses sœurs du naufrage ;
- Ecoutez-moi bien, sœurettes. Ce qui me reste à vous dire maintenant, n’aura que la véracité de mes paroles.
- On t’écoute, grande sœur, et nous croyons en tes paroles, répliquent de concert les filles.
- Dans la piscine municipale, il n’y eut aucun témoin de ce qui se passa entre la cougar et son éphèbe…
- Prends pas de précaution. Raconte-nous !
- Je veux dire que ce qui est arrivé, remonte surement aux origines les plus anciennes…
- Ouais ouais, c’est ça… raconte ! Parle plus fort ! Les ivrognes dehors font un boucan d’enfer.
Alcithoé s’enhardit, les mots lui viennent comme sous la dictée de l’Evidence ;
- Dans les tourbillons secrets de l’eau, leur corps se mêlait. On aurait pu penser que la femme profite de la différence de l’homme. Mais plus la femme étreignait le garçon, celui-ci mollissait. Il perdait de sa force sous les caresses, celles de l’eau se confondant à celles de la cougar. La poitrine de l’éphèbe prit des rondeurs radicalement féminines. La directrice les toucha, mais lorsqu’elle glissa le maillot de ses hanches devenues larges et courbes ce fut encore un appendice mâle qui frétilla dans les remous de l’eau.
Arcippé, Lucippé, entendent le récit, médusées, bouche bée, pupilles écarquillées.
- Ne croyez pas, mes chères sœurs, que la directrice fut malheureuse. Au contraire. Un bonheur la gagnait. Dans les profondeurs limpides de la piscine, elle s’abandonna. L’éphèbe et la cougar enfin ne semblaient plus faire qu’un. L’amour les fusionnait. Plus rien ne les séparait. Une réconciliation archaïque les unissait. Si la femme caressait l’homme, c’était elle-même dans l’autre qu’elle trouvait, si l’homme caressait la femme, lui-même se retrouvait.
Les sœurs, subjuguées, lâchent un formidable oh ! d’exclamation, enchanteur, qui s’écrase contre les solives du plafond.
- Mais les reflets de l’eau sont peut-être trompeurs, ajoute prudemment Alcithoé. Enfin réputation fut faite que la directrice cougar ramenait à son image tous les mâles qu’elle voulait séduire. L’amour n’était plus déchirure, mais union.
- Alcithoé adorée, es-tu certaine de la vérité de ton histoire, interroge Arcippé.
Haussement d’épaules. Moue perplexe. Comment répondre des voies du paradis, d’un Eden avant la Chute ?
Elles reprennent leur ouvrage, les sœurs, mais leur patience n’est plus la même, sous le toit perturbé de leur maison. Aux grossièretés avinées de la rue, se joignent dans le ciel de leur conscience, d’autres tourments.
Enfin dimanche soir arrive. La Fête du Vin Nouveau s’achève avec les derniers hoquets fétides des adorateurs de Bacchus. C’est Leucippé la premièr qui entrouvre la porte. La nuit est maintenant tombée. Les trois sœurs, telles des chauves-souris, s’échappent du logis, et s’aventurent dans le dédale de la ville. Douleur, écœurement, révolte, accablent les sombres filles.
Bris de bouteilles, papiers gras, vomis, chiasses, coulées de pisse, recouvrent la chaussée. Des vitrines sont cassées, le mobilier urbain saccagé. Des graffitis obscènes témoignent des monstruosités délirantes sous l’emprise des millésimes et vins primeurs dans la charmante bourgade beaujolaise. Arcippé, Leucippé, Alcithoé, sages soeurettes, racommodeuses appliquées du petit linge, n’en croient plus leurs yeux, leurs narines, leur bouche, asphyxiées qu’elles sont par le spectacle hideux de la déchéance. Leurs mignons souliers plats pataugent dans des marres de pisse, de sang et de vin. Les bagarres d’ivrognes ont laissé bien des nez cassés. Elles se tiennent solidement par le bras les trois sœurs. Dans le noir, elles affrontent tous les excès que leur croyance leur a refusés.
Mais dans le noir, tous les réverbères sont éteints, dans le noir, c’est la plainte faible d’un homme qui surprend la curiosité des filles. Elles s’approchent du cri mourant. Sur un monceau de détritus gît un garçon. Son poitrail est nu, sous un dégueulis vineux bouillonnant de bile. Le garçon a conservé son visage radieux. C’est Leucippé la première, qui lui essuie le visage et le torse. Un trait timide de lune éclaire le corps. Alcithoé est toute tremblante.
« En chacune de nous, il un éphèbe sommeille, à l’image de la beauté parfaite. » murmure-t-elle.
Nous avons peur. Nous voulons fuir, mais nous ne bougeons pas. Nous le regardons. Son cœur bat. Nous devrions le soigner et l’aimer, cet ange tombé dans la boue. Nous nous disputons pour la première fois, nous nous disputons, nous les trois sœurs. Mais le jour point. Nous rentrons vite. La lumière sur les hommes nous effraie. Nous rentrons vite. Nous avons une âme de chauve-souris. Les ténèbres sont désormais notre royaume. On se suspend aux poutrelles des plafonds, le jour nous préférons le regarder à l’envers. Le rêve d’un éphèbe à aimer nous hante, malgré la laideur. Dans le ciel, la nuit, on nous appelle les Vespérines, du nom de cette étoile qui se retire la dernière. Nous aussi nous avons besoin d’étoile, dans le désenchantement, avant que ne se lève l’aube euphorique des cougars.


* Cette nouvelle est une transposition moderne d’un récit dans les « Métamorphoses » d’Ovide.
Je vous laisse le bonheur de retrouver lequel…
Un indice : il se trouve dans le Livre quatrième.
[center]
Raoulraoul
Raoulraoul

Nombre de messages : 607
Age : 63
Date d'inscription : 24/06/2011

Revenir en haut Aller en bas

Recette d'amour de la cougar Empty Re: Recette d'amour de la cougar

Message  Invité Mer 1 Aoû 2012 - 15:54

Bon...
J'ai intérêt à aller me renseigner sur le récit dont il s'agit.
A chaud, je dirais des longueurs ou peut-être une narration qui ne semble pas assez huilée.
Et des coquilles ici et là, qui ont dérangé (un peu) ma lecture.

A ce stade, je ne sais trop que penser. Il faut que je relise.
Mais suis troublée, à juste titre, par Lozanne, dans la vallée de l'Azergues. Qui eût cru que cette petite bourgade beaujolaise sorte un jour de son anonymat ?
Après Clochemerle, Lozanne donc :-)

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Recette d'amour de la cougar Empty Re: Recette d'amour de la cougar

Message  Invité Jeu 2 Aoû 2012 - 8:43

Ok, j'y suis, Ovide, Métamorphoses, IV,285-415 (je ne donne pas le titre pour ne pas tout révéler)
Cela s'éclaire pas mal ainsi, mais alors, je me pose encore une ou deux questions sur le choix du lieu d'une part (Bacchus, oui d'accord, mais encore ?) et le parti pris de la cougar (un contre-pied de l'histoire originale ?).

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Recette d'amour de la cougar Empty Re: Recette d'amour de la cougar

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum