La pieuvre
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La pieuvre
La lune renvoyait des échos tristes et argentés. Depuis sa demeure elle nous surveillait, elle regardait avec beaucoup de distance notre quartier désaffecté. Les habitants avaient fui en cette saison. Ils s'étaient réfugiés dans des abris au bord de la mer, au Sud ou bien plus loin encore.
L'air était donc caniculaire et irrespirable, le soir bien avancé. La Pieuvre, comme à son habitude, se tenait sur la minuscule dalle qui lui servait de balcon. Et elle fumait. Cela l'empêchait de se mouvoir, et c'était bien dommage, car j'aimais la regarder se déplacer de sa manière si visqueuse et caractéristique. Ses tentacules disgracieux débordaient de son corps, et elle rejetait la fumée très loin vers les étoiles.
Elle devait se demander à quoi ressemblaient les vacances des riches. Ce qu'on devait éprouver à nager dans les eaux claires, deux fois par an, à des lieues d'ici.
Et elle tirait une autre bouffée. Elle ne pouvait penser à autre chose qu'aux vacances. Un Pieuvre, c'est connu, ça ne travaille pas. Ca se déplace avec difficulté en ville, sur le trottoir, ça conduit rarement des voitures. Ca demande de l'aide à tous les passants. Ce met une plombe à sortir de l'ascensseur.
Une Pieuvre c'est rarement beau. Même dans la pénombre. Et celle-là ne devait pas échapper à la règle, elle n'avait pas le visage angélique, ses traits ne devaient pas être fins. On se demandait pourquoi telle créature était venue, qui l'avait déposée ainsi, parmi nous, ce qui l'avait amenée ici, dans notre rue, dans notre quartier, sur cette terre, dans cette vie, qui était déjà assez difficile sans tentacules.
Comment s'est-elle débrouillée pour avoir une espèce de gelée à la place des jambes ?
Elle faisait partie de ces êtres rassurants et lointains, qu'on aimerait rencontrer un soir de déprime, pour se remonter le moral. Une Pieuvre, ça remonte le moral à tout point de vue. Ca n'a pas de petite amie, ca ne part pas en vacances, ça ne gère pas des équipes, ça n'obtient pas des promotions, ça ne prend pas des photos dans des eaux claires à Bali, ça rassure, ça réconforte, c'est souvent pauvre et seul, une Pieuvre.
Et même parfois on la cuisine à l'ail et à la tomate, la pieuvre.
J'ai regardé la mienne, car ça faisait longtemps que je la voyais de loin, depuis le quatrième étage, je la voyais se démener avec sa chaise roulante, ses tentacules, ses jupes, ses bricoles. Ce soir-là elle regardait de mon côté. Sans doute parce que j'étais le seul à ne pas être parti. Elle me fixait d'un oeil dur, j'eus des frissons. J'eus l'impression qu'elle me toisait, quelque chose en moi se glaçait.
- Ce n'est pas ce que tu crois. Je ne suis pas laide. Loin de là. Me siffla-t-elle.
Je fis semblant de ne pas entendre.
- Oui, toi, toi, le RMIste chronique, qui sait rien faire de ses mains à part se b..., c'est bien à toi que je parle ! Sois pas effrayé, je peux pas voler, je sais même pas marcher ! La laideur, c'est pas mon visage, c'est pas mes pieds. Il y a d'autres formes de laideurs, bien plus poignantes que la mienne... Et tu en connais un volet, hein ?
Et elle partit d'un rire atroce, dément, ignoble, qui retentit bien fort dans notre ruelle et notre quartier, un rire énorme qui aurait dérangé toute la voisinée.
L'air était donc caniculaire et irrespirable, le soir bien avancé. La Pieuvre, comme à son habitude, se tenait sur la minuscule dalle qui lui servait de balcon. Et elle fumait. Cela l'empêchait de se mouvoir, et c'était bien dommage, car j'aimais la regarder se déplacer de sa manière si visqueuse et caractéristique. Ses tentacules disgracieux débordaient de son corps, et elle rejetait la fumée très loin vers les étoiles.
Elle devait se demander à quoi ressemblaient les vacances des riches. Ce qu'on devait éprouver à nager dans les eaux claires, deux fois par an, à des lieues d'ici.
Et elle tirait une autre bouffée. Elle ne pouvait penser à autre chose qu'aux vacances. Un Pieuvre, c'est connu, ça ne travaille pas. Ca se déplace avec difficulté en ville, sur le trottoir, ça conduit rarement des voitures. Ca demande de l'aide à tous les passants. Ce met une plombe à sortir de l'ascensseur.
Une Pieuvre c'est rarement beau. Même dans la pénombre. Et celle-là ne devait pas échapper à la règle, elle n'avait pas le visage angélique, ses traits ne devaient pas être fins. On se demandait pourquoi telle créature était venue, qui l'avait déposée ainsi, parmi nous, ce qui l'avait amenée ici, dans notre rue, dans notre quartier, sur cette terre, dans cette vie, qui était déjà assez difficile sans tentacules.
Comment s'est-elle débrouillée pour avoir une espèce de gelée à la place des jambes ?
Elle faisait partie de ces êtres rassurants et lointains, qu'on aimerait rencontrer un soir de déprime, pour se remonter le moral. Une Pieuvre, ça remonte le moral à tout point de vue. Ca n'a pas de petite amie, ca ne part pas en vacances, ça ne gère pas des équipes, ça n'obtient pas des promotions, ça ne prend pas des photos dans des eaux claires à Bali, ça rassure, ça réconforte, c'est souvent pauvre et seul, une Pieuvre.
Et même parfois on la cuisine à l'ail et à la tomate, la pieuvre.
J'ai regardé la mienne, car ça faisait longtemps que je la voyais de loin, depuis le quatrième étage, je la voyais se démener avec sa chaise roulante, ses tentacules, ses jupes, ses bricoles. Ce soir-là elle regardait de mon côté. Sans doute parce que j'étais le seul à ne pas être parti. Elle me fixait d'un oeil dur, j'eus des frissons. J'eus l'impression qu'elle me toisait, quelque chose en moi se glaçait.
- Ce n'est pas ce que tu crois. Je ne suis pas laide. Loin de là. Me siffla-t-elle.
Je fis semblant de ne pas entendre.
- Oui, toi, toi, le RMIste chronique, qui sait rien faire de ses mains à part se b..., c'est bien à toi que je parle ! Sois pas effrayé, je peux pas voler, je sais même pas marcher ! La laideur, c'est pas mon visage, c'est pas mes pieds. Il y a d'autres formes de laideurs, bien plus poignantes que la mienne... Et tu en connais un volet, hein ?
Et elle partit d'un rire atroce, dément, ignoble, qui retentit bien fort dans notre ruelle et notre quartier, un rire énorme qui aurait dérangé toute la voisinée.
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: La pieuvre
Quelle étrange rencontre que celle d'une pieuvre gluante, visqueuse, aux tentacules incapables de la faire marcher. Elle se déplace avec difficulté, elle rampe dans l'air glauque et caniculaire. Tout respire l'accablement.
Et voilà qu'elle se met à toiser l'humain. A lui renvoyer son image de désoeuvré
Et voilà qu'elle se met à toiser l'humain. A lui renvoyer son image de désoeuvré
Invité- Invité
Re: La pieuvre
Pardon, j'ai envoyé le commentaire trop tôt en voulant aller chercher le oe correct dans mon bloc-notes. Tant pis, je garde mon oe détaché.
Je voulais donc rajouter que ce texte traduit bien la torpeur accablante que l'on subit en ce moment.
Je voulais donc rajouter que ce texte traduit bien la torpeur accablante que l'on subit en ce moment.
Invité- Invité
Re: La pieuvre
L'idée est excellente. Même si elle demande ici ou là quelques corrections, l'écriture est souvent aux petits oignons.
Il y a incontestablement du potentiel.
Vous devriez reprendre ce texte pour le fignoler un poil.
Ce céphalopode le vaut bien.
Il y a incontestablement du potentiel.
Vous devriez reprendre ce texte pour le fignoler un poil.
Ce céphalopode le vaut bien.
Invité- Invité
Re: La pieuvre
Oui, ça démarre mollement, après ça devient carrément sympa, par contre la fin est un peu frustrante. J'aurais aimé qu'il se passe quelque chose d'autre. Une suite?
J'adore ce passage:
Elle faisait partie de ces êtres rassurants et lointains, qu'on aimerait rencontrer un soir de déprime, pour se remonter le moral. Une Pieuvre, ça remonte le moral à tout point de vue. Ca n'a pas de petite amie, ca ne part pas en vacances, ça ne gère pas des équipes, ça n'obtient pas des promotions, ça ne prend pas des photos dans des eaux claires à Bali, ça rassure, ça réconforte, c'est souvent pauvre et seul, une Pieuvre.
Et même parfois on la cuisine à l'ail et à la tomate, la pieuvre.
J'adore ce passage:
Elle faisait partie de ces êtres rassurants et lointains, qu'on aimerait rencontrer un soir de déprime, pour se remonter le moral. Une Pieuvre, ça remonte le moral à tout point de vue. Ca n'a pas de petite amie, ca ne part pas en vacances, ça ne gère pas des équipes, ça n'obtient pas des promotions, ça ne prend pas des photos dans des eaux claires à Bali, ça rassure, ça réconforte, c'est souvent pauvre et seul, une Pieuvre.
Et même parfois on la cuisine à l'ail et à la tomate, la pieuvre.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re : la pieuvre
Qui est la pieuvre ? Récit fantastique, mais on cherche un retour dans le réel. Si la pieuvre demeure imaginaire, fantastique, dommage, car perte de force, de crédibilité, de sens commun pour que nous lecteur on se trouve concerné. Détour fantastique soit, mais pour mieux revenir à un sens, une référence qui touche... Donc texte inachevé. Le fantastique (glauque) pour le fantastique, c'est ontologique, ça se mort la queue, reste clos sur soi-même...
Raoulraoul- Nombre de messages : 607
Age : 63
Date d'inscription : 24/06/2011
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