Violences
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pachyderme
Polixène
Art. Ri
Prospero
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Violences
le jour se décolore
me prête sa couleur
le soleil d'or
dore
celui qui dort
(nonchalamment)
venez vents, venez chants
mon coeur est en vacances
regardez comme on y danse
le ciel chausse son escarpin
(le chiel jausse chon echcarpin)
MON DIEU LES ALLEMANDS ONT PASSE LA MARNE
me prête sa couleur
le soleil d'or
dore
celui qui dort
(nonchalamment)
venez vents, venez chants
mon coeur est en vacances
regardez comme on y danse
le ciel chausse son escarpin
(le chiel jausse chon echcarpin)
MON DIEU LES ALLEMANDS ONT PASSE LA MARNE
Prospero- Nombre de messages : 40
Age : 92
Date d'inscription : 12/04/2012
Re: Violences
Violences : un pluriel de circonstance, tragique par son histoire, par sa fatalité, et tragique pour le destin triste et glorieux qu'il fait peser sur ce morceau de choix; un pluriel donc, à ce substantif qui, assurément, condamne notre lecture au trouble, à l'instabilité, à l'inconfort presque angoissé de ne savoir comment danser sur le fil ténu des vers. Oui, le titre fait d'emblée violence; il est le premier contact que le lecteur entretient avec le poème. Il est force contraignante et force libératrice, orientation désorientée, et négation positive, de l'élan interprétatif. Comment, en effet, ne pas tomber de haut, constatant l'étrange douceur qui émane de ce poème, quand le titre nous promettait une vigueur et une agression toute autre. Nous nous attentions (car tout lecteur est inondé de fantasmes plus ou moins abracadabrantesques) à recevoir de plein fouet les bombardements de première et seconde guerre mondiale, et nous voici face à la poésie du soleil couchant. Poésie plénière : car nous avons la peinture et la musique qui se réfléchissent et s'imbriquent l'une dans l'autre.
"C'est absurde, ce garçon est absurde!" diront les mauvaises langues devant une telle discordance entre promesse du titre et forme du poème. Certes. Mais d'autres, plus réfléchies, plus pénétrantes, y verront la reprise d'un héritage. Un héritage d'abord pictural. N'est-ce pas en effet René Magritte qui s'amusait, à très juste titre, à produire le décalage entre l'objet et sa représentation? A ce propos, j'ai encore en tête La Clairvoyance, peinture à l'huile où le peintre se met en scène dans son acte de peindre. Prenant pour modèle l'oeuf (que j'associe volontiers à ton titre qui modélise notre vision du poème), le peintre modélise à partir de cet objet non encore éclos l'oiseau. Il trahit le modèle réel pour en montrer la fertilité dans l'esprit du créateur. Le peintre ne voit plus, il visionne. Le peintre n'imite plus, il crée. Ici, c'est tout pareil. Le titre, Violences, nous donne à visionner le poème autrement, d'une façon, comme nous le disions un peu au dessus, plus fertile.
D'ailleurs, cette fertilité n'est-elle pas portée par les yeux de l'auteur? Rappelons-nous cet extrait du poème Les Yeux Fertiles de Paul Eluard:
"Tes yeux dans lesquels je voyage
Ont donné aux gestes des routes
Un sens détaché de la terre"
Le regard d'un "je" voyage ici dans les yeux d'un "tu" pour donner au monde un sens plus élevé, détaché de lui-même, abstrait, éthéré. L'objet du regard du poète contamine son existence, tout comme chez toi, le jour, le soleil d'or se décolorent et revêtent le "je"de leur couleur (décolorée, cela s'entend). Contamination que le monde opère vers l'être et que l'on retrouve dans l'architecture même du poème par le jeu des échos sonores et visuels. Notamment, première strophe, avec la dissémination de la voyelle "o" et de la consonne "r" "jour", "décolore", "couleur", "soleil", "d'or", "dort". En somme l'or, symbole de la richesse, se fond dans l'intériorité même de la forme pour lui donner toute sa valeur. Je ne parle pas de la multiplication des sons liquides qui renforcent cette impression de fonte, de glissement, de douceur. Ah, la douceur! cette violence négative...
Violence faite au langage lui même et à la cohérence interne du poème. Je pense ici à la dimension métaphorique de ta deuxième strophe, paradoxalement continue et contiguë de la première. Le jour et le soleil déclinés se changent en ciel, ciel humanisé, et l'on dira même féminisé, qui chausse son escarpin. Et voilà le coeur, la sentimentale rêverie du poète, ravi par cette danse féminine du ciel déclinant.
Pardonnez-moi ces détours, je... euh... :$ enfin, LA VRAIE VIOLENCE EST AILLEURS BORDEL, ELLE DÉPASSE ET DE COMBIEN TOUS NOS DÉTOURS ANALYTIQUES. LES ALLEMANDS ARRIVENT PUTAIN. FUYONS. EMBARQUONS CE POÈME, CE CHEF D'OEUVRE. FUYONS.
Merci Prospero. C’est un texte d’une grande puissance, à la fois suggestive et émotionnelle, il prospérera longtemps dans les anales de mon coeur. Mes artères sont en vacances.
"C'est absurde, ce garçon est absurde!" diront les mauvaises langues devant une telle discordance entre promesse du titre et forme du poème. Certes. Mais d'autres, plus réfléchies, plus pénétrantes, y verront la reprise d'un héritage. Un héritage d'abord pictural. N'est-ce pas en effet René Magritte qui s'amusait, à très juste titre, à produire le décalage entre l'objet et sa représentation? A ce propos, j'ai encore en tête La Clairvoyance, peinture à l'huile où le peintre se met en scène dans son acte de peindre. Prenant pour modèle l'oeuf (que j'associe volontiers à ton titre qui modélise notre vision du poème), le peintre modélise à partir de cet objet non encore éclos l'oiseau. Il trahit le modèle réel pour en montrer la fertilité dans l'esprit du créateur. Le peintre ne voit plus, il visionne. Le peintre n'imite plus, il crée. Ici, c'est tout pareil. Le titre, Violences, nous donne à visionner le poème autrement, d'une façon, comme nous le disions un peu au dessus, plus fertile.
D'ailleurs, cette fertilité n'est-elle pas portée par les yeux de l'auteur? Rappelons-nous cet extrait du poème Les Yeux Fertiles de Paul Eluard:
"Tes yeux dans lesquels je voyage
Ont donné aux gestes des routes
Un sens détaché de la terre"
Le regard d'un "je" voyage ici dans les yeux d'un "tu" pour donner au monde un sens plus élevé, détaché de lui-même, abstrait, éthéré. L'objet du regard du poète contamine son existence, tout comme chez toi, le jour, le soleil d'or se décolorent et revêtent le "je"de leur couleur (décolorée, cela s'entend). Contamination que le monde opère vers l'être et que l'on retrouve dans l'architecture même du poème par le jeu des échos sonores et visuels. Notamment, première strophe, avec la dissémination de la voyelle "o" et de la consonne "r" "jour", "décolore", "couleur", "soleil", "d'or", "dort". En somme l'or, symbole de la richesse, se fond dans l'intériorité même de la forme pour lui donner toute sa valeur. Je ne parle pas de la multiplication des sons liquides qui renforcent cette impression de fonte, de glissement, de douceur. Ah, la douceur! cette violence négative...
Violence faite au langage lui même et à la cohérence interne du poème. Je pense ici à la dimension métaphorique de ta deuxième strophe, paradoxalement continue et contiguë de la première. Le jour et le soleil déclinés se changent en ciel, ciel humanisé, et l'on dira même féminisé, qui chausse son escarpin. Et voilà le coeur, la sentimentale rêverie du poète, ravi par cette danse féminine du ciel déclinant.
Pardonnez-moi ces détours, je... euh... :$ enfin, LA VRAIE VIOLENCE EST AILLEURS BORDEL, ELLE DÉPASSE ET DE COMBIEN TOUS NOS DÉTOURS ANALYTIQUES. LES ALLEMANDS ARRIVENT PUTAIN. FUYONS. EMBARQUONS CE POÈME, CE CHEF D'OEUVRE. FUYONS.
Merci Prospero. C’est un texte d’une grande puissance, à la fois suggestive et émotionnelle, il prospérera longtemps dans les anales de mon coeur. Mes artères sont en vacances.
Art. Ri- Nombre de messages : 314
Age : 25
Date d'inscription : 28/10/2010
Re: Violences
Excellent ! Mon texte préféré de toi/vous .
Il y a tout ce que j'apprécie, la subtilité, l'humour, la gravité.
Il y a tout ce que j'apprécie, la subtilité, l'humour, la gravité.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Violences
ce texte est élégant. l'air de rien, avec quelques jeux sonores simples et enfantins, on voit tout de suite, l'insouciance et qui se brise, la fin des jeux... c'est simple comme un dessin. et puis c'est musicale... le plus fort pour moi c'est ce dormir nonchalamment, je sais pas si c'est le sommeil qui est nonchalant où comme une indication sur la manière dont doit être lu le texte comme un indice sur une partition, et la voix de l'allemand qui arrive ! on dirait une toute petite pièce de théâtre ce texte, holala c'est bien!
pachyderme- Nombre de messages : 72
Age : 37
Date d'inscription : 10/12/2011
Re: Violences
Et oui, en plus ça fonctionne cette fin !
Phoenamandre- Nombre de messages : 2423
Age : 33
Date d'inscription : 08/03/2009
Re: Violences
Je suis moins enthousiaste que mes copains scribes du dessus. En fait je n'ai pas très bien compris... Je pense qu'il me manque quelques références...
P.s : je me dis que le mot "scribe" peut être mal interprété, alors n'y voyez rien de désobligeant, au pire un trait d'humour bancal...
P.s : je me dis que le mot "scribe" peut être mal interprété, alors n'y voyez rien de désobligeant, au pire un trait d'humour bancal...
Re: Violences
J'avoue sans honte que c'est le pseudo de MILO qui m'a conduite ici et j'en suis ravie.
Magnifique, court et percutant, sensible et nonchalant, j'ai aimé et plus... ce bonheur de vivre et puis...
Magnifique, court et percutant, sensible et nonchalant, j'ai aimé et plus... ce bonheur de vivre et puis...
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