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Macho II

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Message  Yugoski Lun 27 Aoû 2012 - 15:34

Une petite nouvelle estivale pour clôturer l'été


MACHO II

(yugoski)


Mike appliqua encore un peu plus de gel dans ses cheveux, sans parvenir à plaquer l'épi d'implantation qui surplombait son crâne. Torse nu devant la glace de sa salle de bain, il contracta ses pectoraux mais rien n'y fit, il était mou, très mou. Étant jeune, il s'était pourtant adonné à la musculation et cette pratique l'avait terriblement ennuyé, il préférait nettement la bière et les courses de formule 1 sur la première chaîne le dimanche après-midi. Derrière lui, la tête de son pote Brice apparut, s’immisçant lentement dans l'encadrement de la porte.

« Wahou, s'exclama-t-il, t'es foutrement mou !

- Ça va, ça va. »

Mike fronça les sourcils. Brice représentait son exact contraire : Grand, élancé et parfaitement proportionné, si carré qu'une rumeur courait à son sujet comme quoi il devait passer les portes de profil. C'était qu'une rumeur, personne n'en doutait vraiment, mais elle en disait long sur la carrure de l'apollon.

« Tu pourrais faire des abdos, de temps en temps, c'est pas la mort non plus, tu sais. Enfin j'dis ça, j'dis rien, mais bon, si t'as envie de te retrouver comme une guimauve passé la trentaine, c'est ton souci, mec.

- C'est bon là, je me coiffe, tu vois pas ? J'ai besoin d'être concentré, putain.

- Okay, okay, fit Brice en exposant ses paumes d'un air innocent. Tu veux un autre verre ?

- Léger, alors, je conduis.

- Ouais, bah, chacun son tour, hein.

- Ouais. »

Mike fit la grimace et enfila rapidement son tee-shirt, il ne supportait plus son corps. Marié depuis bientôt dix ans, son activité sexuelle se résumait à une levrette tous les trente-six du mois et bobonne ne s'arrangeait pas, surtout depuis qu'ils avaient eu Wadek. En cela, il détestait Brice autant qu'il l'adorait. Lui, il baisait des nouveaux culs tous les week-ends. Lui, il voyageait, il bougeait, il ne venait pratiquement jamais sur Facebook. Lui, il savait plaire, parler, séduire, fourrer et ne pas rappeler. Mike était trop émotif pour ce genre de vie, il ne fonctionnait pas comme ça. « Au fond, il doit être si triste », se disait-il, tout en sachant très bien que chaque être humain possédait, selon ses gènes, sa propre définition du bonheur. Excédé, il mouilla ses doigts et frotta son crâne dans tous les sens, espérant ainsi que le résultat soit à la hauteur de cette audacieuse technique de dressage capillaire.

Les Doors égayaient le salon tandis que Brice tirait sur son bang fluorescent, précieux artefact acheté lors de son séjour à Amsterdam. Mike se souvenait de cette fois où il n'avait pas pu venir parce que sa femme perdait les eaux. Selon Brice, cette raison n'était pas suffisante il ne lui avait pas adressé la parole pendant trois semaines à cause de ça. Mike avala son verre cul-sec et grimaça de nouveau.

« J'avais dit : Pas trop chargé. J'en ai déjà quelques uns dans le gosier Brice, t'abuses.

- Tu veux tirer ? Demanda Brice en haussant les sourcils pour signifier qu'il s'en foutait.

- Non, j'ai un ami gendarme qui m'a dit que les contrôles de cannabis seraient de plus en plus fréquents dans la région. »

Une moue désespérée se dessina sur le visage de Brice.

« Merde, Mike, tu t'entends ? T'as un « ami gendarme ».

- Hé ben ? Quoi ?

- T'es dans un trou mec, un trou noir et profond.

- Tes réflexions commencent vraiment à me casser les couilles.

- C'est bon, protesta Brice, pète un coup ! »

Mike s’exécuta et les deux explosèrent en un rire sonore qui trahissait leur état d'ébriété avancé. Mike s'installa au volant de sa Dacia, régla le siège, orienta les rétroviseurs et mit sa ceinture pendant que Brice farfouillait dans la boîte à gants, à la recherche d'un CD où d'une canette de bière.

« Manu Chao, dit-il en s'étouffant. Tu écoutes du Manu Chao, toi ?

- Nan, grommela Mike car il sentait venir les représailles, c'est à Nicole.

- C'est à Nicole, répéta Brice en singeant son ami, mais tu t'entends ? Elle t'a mangé les couilles où quoi, la Nicole ?

- Reste poli, enfoiré, dit Mike en insérant le CD dans la fente. C'est très cool, Manu Chao.

- Ouais, génial, surtout avant une soirée en boîte ! Tu me dégoûtes Mike, de plus en plus.

- C'est réciproque. T'es pas content, tu sors. »

Le trajet se passa sans encombre. Brice ne parla pas et resta prostré contre le carreau, songeant sans doute à concevoir un enfant pour ne pas finir totalement seul. Mike bougeait la tête en rythme, sans déconner, il aimait vraiment Manu Chao et regrettait d'avoir raté son concert deux semaines auparavant. Il n'y eut aucun contrôle sur la route qui menait au centre-ville, Mike trouva facilement de la place pour se garer et l'air était plutôt chaud pour cette fin de saison. Arrivés dans la boîte, ils s'installèrent à une table, commandèrent une bouteille de whisky à cent-vingt-cinq euros et se mirent à picoler. Après deux verres, Brice se leva et gagna la piste en se déhanchant d'une manière certes stupide mais très sensuelle, du moins pour son époque. Mike l'observa en souriant. Au fil de son errance spirituelle, il décréta que son ami d'enfance était une sorte de croisement entre Steven Seagal, pour la coupe de cheveux et le regard implacable, et Iceberg Slim, pour le côté maquereau au cœur de glace.

Il se resservit un verre et quand il releva les yeux, une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de dix-huit ans frottait allègrement son postérieur contre le membre reproducteur de Brice, que l'on devinait parfaitement tendu sous son pantalon. Mike le détesta, puis se détesta de le détester. « Tant mieux, se dit-il, ça fera plus de whisky pour moi. ». Il vida son verre et enchaîna directement. Il releva encore les yeux et découvrit la gamine lubrique prise en sandwich entre le mur et Brice qui lui fourrait sa langue sa bouche en lui palpant les fesses et la poitrine. Mike ne parvint pas tout de suite à détacher ses yeux de cette scène quasi-animalière et ne se détourna que lorsqu'il se rendit compte qu'il commençait à bander ; c'était l'heure du quatrième verre, puis du cinquième et dans la bouteille vide se reflétait son propre désespoir. Lui aussi, il voulait baiser ce soir. Il voulait lécher, toucher, fourrer un cul, n'importe où, dans les chiottes, dans sa bagnole, dans l'espace. Rongée par sa timidité maladive, il ne pensait qu'à son image et à son esprit, au détriment de son vit, tout à fait ramolli. Quatre filles bavardaient tranquillement à la table d'en-face, autour d'une bouteille de Vodka. L'une d'entre elles lui plaisait beaucoup. Elle était brune, méditerranéenne et ses seins étaient si fiers qu'ils auraient fait se dresser le plus capricieux des chibres. Il se leva pour aller l'aborder et se ravisa rapidement, quand il comprit qu'il ne pourrait pas lui offrir un verre. Honteux, il se gifla. « Comment faire, alors ? Se demanda-t-il. Elles sont quatre, je peux pas m'incruster comme ça. Et puis, merde, je suis pas encore assez bourré pour faire le clown. ». Il se leva encore avec le bar dans le viseur et cette fois il était sûr de ne pas louper sa cible. Fébrile et apathique, il opta pour une vodka-redbull, qu'il consomma à la paille, d'un seul coup.

« Encore ! »

Il en commanda un autre et deux mains puissantes vinrent presser ses épaules.

« Mon dieu, comme t'es flasque ! »

C'était Brice, rayonnant dans son costume en croco véritable, accompagné par cette jeune garce à la poitrine enthousiasmante. Il la tenait par les hanches et affichait sur son visage le sourire fier du chasseur ramenant au gîte un phacochère bien dodu pour le souper. Mike s'étonna que son ami ne le sermonne pas au sujet de la bouteille vide qu'il venait de terminer seul mais celui-ci gagnait environ quatre mille cinq cent euros par mois, alors ce genre de détail lui importait peu. Il commanda une bouteille de champagne et s'installa dans le carré V.I.P, sa gagneuse sur les genoux. Mike exigea une autre boisson. Cette fille était belle, pulpeuse, jeune. Elle séduisait chaque jour, sans se donner aucun mal. Oh, si, il y avait bien l'épilation, les crèmes, le maquillage, le régime à base de salade et le coiffeur tous les quinze du mois. Injustice. Même avec tous ces soins et autres entretiens, Mike n'arrivait à rien. La seule femme qu'il avait réussit à ramener dans son six mètres carrés de l'époque (il étudiait la biochimie), c'était Nicole et il ne se voilait pas la face à son propos : Elle l'avait probablement choisi par dépit, tout comme lui, ils étaient dans la même promo tous les deux seuls, tous les deux tristes. Brice servait deux coupes tandis que la jeune garce dansait, exécutant des acrobaties subjectives sur une barre de poll-dance. Elle remuait sa croupe, léchait ses lèvres et lançait des œillades brûlantes en direction du mâle alpha qui l'avait prise dans ses filets. Brice s'en délectait. Il avait prit le meilleur champagne et le sirotait lentement, laissant vagabonder ses yeux tout au long des courbes généreuses de sa nouvelle conquête. « Enfoiré, se dit Mike en picolant, comment tu fais, putain, comment tu fais ? ». Puis il répéta cette phrase dans sa tête, encore et encore, à l'infini.

« Monsieur, vous payez maintenant, ordonna le barman.

- Hein, ouais, sursauta Mike en ouvrant les yeux. Ça fait combien ?

- Quarante euros. »

Le barman n'y fit pas attention mais Mike venait de frôler le dérapage cardiaque, il ne pensait pas avoir claqué autant de pognon en si peu de temps, de plus les verres étaient minuscules et blindés de glaçons. Son cœur battait à tout rompre. Il tâta ses poches et ne trouva rien.

« Je vais chercher ma carte, dans ma veste.

- Okay. »

Il n'avait pas prit de veste mais son découvert ne lui permettait pas ce genre de dépenses inconsidérées, au moins par respect pour sa progéniture. Il devait absolument se faire la malle. Il fit mine de marcher vers les banquettes d'un pas nonchalant et dès que le barman tourna les talons pour servir un autre client, il fonça tête baissée vers la sortie, salua le videur et déguerpit de plus belle. Quand il arriva à sa bagnole, il se rendit compte qu'il voyait double, et, n'arrivant pas à insérer la clef dans la serrure, qu'il était trop plein pour conduire. Il entreprit alors de marcher un peu. Il erra dans le vent qui le caressait avec douceur, les bras ballants, sans pouvoir se retenir de saliver comme un toutou affamé, à cause l'alcool. Sa promenade nocturne le porta au bord d'un canal. Il contempla l'eau, plus silencieuse que le silence lui-même et fut comme happé par elle. Il tanguait dangereusement.

« Bonsoir monsieur... » fit une voix derrière lui.

Mike se retourna brusquement, prêt à en découdre. Il découvrit alors un être étrange, grand comme un homme et félin comme une femme.

« Tu veux prendre un peu de bon temps ?

- J'ai pas un rond, dit Mike, non sans déception.

- Je ne te demande pas de fric, Mike.

- Ah, bon, si vous pouvez faire ça gratuitement, alors. »

Mike déboutonna son pantalon et le fit descendre jusqu'à ces genoux. Cependant, un détail le frappa rapidement :

« On se connaît ?

- Je te connais, rectifia l'être en dodelinant de la tête. En fait, je connais presque tout le monde.

- Vous travaillez ici depuis longtemps ?

- Je ne travaille pas ici. Remonte ton pantalon à présent, je te propose bien mieux qu'une pipe bénévole.

- Ah ouais ?

- Je ne suis pas comme les autres, Miky. Les filles ne proposent que des services superficiels. Leurs clients arrivent frustrés et repartent en sifflotant, mais le lendemain, les plaies réapparaissent. Moi, je fais disparaître les plaies à tout jamais.

- A tout jamais ?

- Oui, certifia l'être. Pourquoi es-tu venu ici ce soir ?

- Parce que j'ai trop picolé, enfin, j'ai passé une soirée nulle et je pouvais pas reprendre ma bagnole alors j'ai marché un peu. Vous êtes psy où quoi ?

- Non. Je suis un génie, fit l'être en remuant ses sourcils. Je peux exaucer un vœu, n'importe lequel, sauf s'il nécessite un assassinat. »

Mike eut honte de lui-même : Il pensa tout d'abord à faire disparaître sa femme et son enfant. Puis l'image de la proie de Brice se trémoussant sur la barre de strip-tease lui revint rapidement à l'esprit. L'idée d'être une femme lui procura une sensation étrange, comme si des millions de fourmis galopaient dans son ventre.

« Je voudrais être une bombe atomique. Une garce si sexy qu'on se bousculerait pour venir m'aborder, qu'on s'entre-tuerait pour me payer un verre.

- Pour toujours ?

- Non, juste une journée, ma femme rentre dimanche matin..

- C'est une requête étrange, s'étonna le Génie, d'habitude les gens veulent obtenir l'immortalité où la richesse éternelle.

- Non. Je veux juste plaire.

- Comme tu voudras Miky. »

Le génie claqua des doigts et s'évapora miraculeusement, laissant derrière elle une traînée de poudre multicolore. Aussitôt, l'estomac de Mike fut perturbé par des spasmes et il n'eut d'autres solutions que de se pencher pour vomir. Épuisé, il s'endormit.

****

Ernest était un jeune retraité de soixante-cinq ans. Comme chaque samedi matin, il grimpait sur son vélo et allait se dégourdir les jambes le long du canal, vêtu d'un survêtement bleu électrique. La balade se déroula sans encombre jusqu'à ce qu'il aperçoive une masse informe étendue sur les graviers, en plein milieu du chemin. Intrigué, il intensifia sa cadence de pédalage et se rapprocha de ce qui s'avéra être un corps de femme. Pendant un moment, il resta bouche bée, observant la fente lisse que laissait entrevoir une jupe minuscule. Ça faisait longtemps qu'il n'en avait pas vu une vraie. Il reprit ses esprits et déplaça le corps sur le côté de la route. Son cœur battait encore, c'était un soulagement. Il la secoua timidement par les épaules pour la ranimer, en vain. « Pourquoi pas, se dit-il, elle ne sentira rien. ». Alors il la hissa sur ses frêles épaules et l'emmena dans les profondeurs des bois, encore très humide à cette heure matinale. Il la déposa ensuite sur un lit de feuilles et fit glisser sa petite culotte le long de ses jambes comme un silex. Admiratif, il contempla sa vulve rose et mouilla un doigt pour la lubrifier. Il procéda avec douceur et Mike n'y vit que du feu. Ernest se déshabilla entièrement et flatta sa verge ratatinée tout en pétrissant chaque parcelle du corps de la jeune femme. Enfin, il eut une érection, mais il fallait faire vite ; elles ne duraient jamais très longtemps. Il s'enfonça délicatement et laboura sa victime à pleine puissance pour se soulager le plus vite possible. Mike ne tarda pas à se réveiller et la première chose qu'il vit fut ce visage de vieillard aux yeux exorbités et dont les traits s'étiraient après chaque nouveau coup de boutoir. Lorsqu'il comprit qu'il était entrain de se faire foutre par ce vieux pervers, il lui cracha au visage, l'expulsa violemment et l'acheva avec une dizaine de coups de pieds dans les couilles.

« Espèce d'empaffé, cria-t-il de sa voix aiguë, sale violeur, pervers, t'as de la chance que ça dure que vingt-quatre heures ! Je t'emprunte ton vélo et tes fringues, t'auras qu'à rentrer à pied et à poil. »

Le vieillard voulut dire quelque chose mais Mike était déjà loin. Après un moment d'hésitation, il retrouva le chemin de la Dacia. En consultant son téléphone portable, il remarqua que Brice s'était inquiété durant la nuit. Il lui avait laissé quatre SMS d'insultes en majuscule et deux messages vocaux qu'il jugea préférable de ne pas écouter. Il regagna son domicile et fonça dans la salle de bain. Le premier contact entre lui et sa nouvelle anatomie ne se fit pas sans heurt. Quand il se confronta à son reflet féminin dans le miroir, il hurla et étouffa son cri avec une serviette car les murs étaient très fins et les commérages fusaient dans le quartier ; il ne souhaitait pas que l'on croit qu'il se livrait à quelques violences conjugales avec sa maîtresse pendant l'absence de sa femme.

Enfin, il eut la force de se regarder dans les yeux. C'était le même regard que la veille, à ceci près que ses paupières paraissaient moins lourdes et sa peau, nettement plus lisse. Le gris terne de ses yeux avait été remplacé par un éclat bleu-vert si vif qu'il manqua de s'hypnotiser. Il palpa ses seins, timidement d'abord, puis les pressa jusqu'à éprouver une douleur. Il relativisa et se dit qu'il devait forcément s'habituer à cette nouvelle enveloppe charnelle, après tout, ce n'était que l'affaire d'une journée. Il fit couler l'eau et profita de ce moment d'intimité pour parcourir les recoins de son corps en même temps qu'il se savonnait. Le fait de ne rien avoir entre les jambes le fit frissonner, puis il titilla son clitoris avec son index et son majeur. C'est alors qu'une sensation de plaisir engourdit son bas-ventre. C'était donc ça, le plaisir féminin ? Ces petites joutes qui lui brûlaient les joues et le con ? Convaincu, il s'allongea dans la baignoire et plaça le pommeau de douche entre ses cuisses. Le plaisir était vicieux et se diffusait lentement, crispant ses orteils et les muscles de ses jambes. Il n'avait pas besoin de penser à des actrices pornos, comme lors de ses habituelles séances d'onanisme puisque la simple appréciation visuelle de ses formes femelles suffisait à lui procurer toute la volupté requise pour ce genre d'activité solitaire. L'eau qui giclait sur son corps était semblable à mille mains liquides qui fouettaient sa peau, il tortillait sa croupe dans tout les sens et rebondissait sur les parois étroites de la baignoire en gémissant de bonheur. Pris dans le filet de sa propre lubricité, il ne contrôlait rien et contrairement à d'habitude, il ne pouvait résister à l'explosion interne qui lui parut terrifiante autant qu'inévitable. Il courba l'échine dans un dernier effort pour contenir sa décharge, en vain. L'orgasme qui suivit fut si violent qu'il rugit comme une lionne et arracha le tuyau de la douche. L'eau se mit à pisser dans toute la salle de bain et il se déroula environ trois minutes avant que Mike ne puisse fermer le robinet, tant il était enivré. Puis il ne bougea plus, lascivement étendu dans sa baignoire, les deux mains sur sa chatte, rêvant à la journée qu'il passerait à aguicher tous les mecs de la ville, sans aucune distinction d'âge ou de corpulence.

****

Après s'être pomponné pendant plus de trois quarts d'heure, Mike engloutit trois tartines et prit sa bagnole, direction le centre. C'était encore une très belle journée, il ne regrettait pas d'avoir remit la jupe minuscule que lui avait attribuée le Génie. « Ce génie, d'ailleurs, songea-t-il en prenant un rond-point, faudra que je pense à le remercier. ». Sur la route encombrée qui le menait au centre-ville, plusieurs sentiments occupèrent son esprit, en dents de scie entre l'angoisse et la gaieté. Il avait peur que ça dure toujours, que ça ne s'arrête plus, mais il n'y avait pas de raison. Malgré son physique étrange, le Génie avait l'air d'être honnête, quoique, on a toujours l'air d'être honnête, surtout quand on est un génie. D'un autre côté, il avait conscience de sa chance ; jamais aucun être humain n'avait connu les deux sexes et par conséquent deux points de vues totalement différents et opposés. Au feu rouge avant le parking, une voiture s'arrêta au même niveau que lui avec à l'intérieur quatre mecs en période d'amour. Lorsqu'ils virent Mike, parfaitement moulé dans son décolleté plongeant, ils allièrent langage des signes pornographiques et sourires suggestifs. Le passager baissa entièrement la vitre avant-gauche. Il portait une casquette à carreaux, une cigarette calée sur l'oreille et ses deux dents de devant étaient plombées.

« Hé, t'es trop bonne toi en vrai, ça te dirait un cinq à sept ? »

Mike resta impassible, leva son annulaire et l'agita en exhibant son alliance.

« Hé, j'm'en fous, dit le mec en se touchant les couilles, j'ai un mastard de dingue, chérie, vient tâter»

Flatté, Mike continua de regarder droit devant lui et le feu devint vert. Il coiffa le dragueur au poteau puis se mit en quête d'une place de parking. Son cœur palpitait tellement qu'il éprouva des difficultés à faire son créneau. Personne ne l'avait jamais dragué, jamais une inconnue ne lui avait adressé la parole, surtout pas pour le complimenter et aucune femme autre que la sienne ne lui avait jamais témoigné aucune espèce d'intérêt. Une fois garé, le parcmètre payé, il parada sur les trottoirs pavés et dû rapidement se résoudre à admettre que le fait de marcher avec des talons nécessitait beaucoup d'entraînement, sinon un tutoriel. A plusieurs reprises, il manqua de se péter une cheville, les autres femmes le toisaient avec dédain. Il venait de parcourir deux cents mètres à peine et s''écroula sur un banc public avec l'impression d'avoir crapahuté sur dix kilomètres. Immédiatement, un homme d'une trentaine d'années s'installa à ses côtés en sifflant innocemment. Il portait une chemise rose pâle rentrée dans son jean, un pull léger autour du cou et des chaussures vernies si propre que Mike se voyait dedans. Amusé, il massa ses chevilles endommagées en admirant son propre décolleté. Le mec puait le parfum et l'after-shave, Mike éternua.

« Excusez-moi, dit le type avec une voix faussement sensuelle, auriez-vous du feu, s'il vous plaît ?

- Non, je ne fume pas, désolé.

- Ça tombe bien, moi non plus !»

Intrigué, Mike regarda le comique. Ce genre de boutades plaisait-il vraiment au genre féminin ? Pour ne pas le blesser -il n'aurait pas aimé être à sa place- il se força à rire et le type l'imita, évacuant toute la tension accumulée durant ces dix dernières secondes. Cela signifiait pour lui que Mike acceptait sa tentative d'approche.

« Enchanté, fit-il en lui tendant la main, Basile.

- Je ne m'appelle pas Basile.

- Non, non. Moi, je m'appelle Basile, expliqua le dragueur sans perdre son beau sourire. Et vous ?

- Monica, hasarda Mike en lui serrant la main.

- Enchanté, Monica. Qu'avez-vous prévu de beau, aujourd'hui ?

- J'essaye mes nouvelles chaussures, mentit Mike en se prenant au jeu, mais je pense que je vais aller les rapporter au magasin.

- Vous avez bien raison, vos pieds sont trop jolis, ne les abîmez surtout pas.

- Euh...C'est gentil.

- Vous voudriez m'accompagner, pour boire un verre ? On pourrait se mettre en terrasse.

- Okay. »

Personne ne l'avait jamais invité à boire un verre, sauf Brice qui exigeait toujours un remboursement. Ils y allèrent en voiture. Mike hallucinait. Comment les hommes pouvaient-ils être fourbes à ce point ? A présent, il savait pourquoi les femmes ne s’intéressaient jamais à lui ; parce qu'elles vivaient dans une comédie romantique avec Richard Gere et Julia Roberts ! Il se doutait que toutes n'acceptaient pas si facilement les avances du bel apollon qui s'était présenté à lui, mais nul doute qu'il n'en était pas à son coup d'essai. Et puis, il s’inspirait forcément un peu de Richard Gere : le même regard bienveillant, la même chevelure poivre et sel, la même dégaine, quoi. Arrivé au café, ce dernier commanda un monaco. Mike opta pour une choppe de cinquante centilitres, ce qui étonna fortement son amant potentiel.

« Une femme qui boit de la bière, c'est rare, mais alors une femme qui boit dans une choppe, c'est carrément inédit !

- Vas savoir, répondit Mike sur le même ton rigolard, je suis peut-être un homme !

- Ah non, je ne crois pas ! Éclata Basile, tu as l'air d'être femme jusqu'au bout des seins !

- Merci, c'est très gentil. »

S'en suivit une discussion durant laquelle Mike ne dit pratiquement rien, laissant le dragueur s'empêtrer dans sa propre niaiserie, feignant de trouver un quelconque intérêt à cette cascade de blagues vaseuses. Basile Pugeot était le chef d'une PME spécialisée dans l'import-export. A grand renfort de gestes et de descriptions humoristiques, il détailla le physique et les aspirations de ses employés, sans omettre de préciser à quel point il n'hésitait pas à gueuler un bon coup lorsque l'un deux faisait une connerie. Après avoir exposé sa philosophie de l'entreprise, il se mit à parler politique. Il avait voté à droite et depuis l'élection de François Hollande, les taxes avaient doublé et il projetait de délocaliser ses cinquante salariés, mais cela ne l'empêchait pas de gagner grassement sa vie. N'y tenant plus, Mike simula une diarrhée foudroyante et disparut en vitesse, ses talons en mains. Il voulut dépasser un homme qui semblait planer complètement mais celui-ci fit un pas sur la droite au dernier moment, propulsant Mike à plat-ventre sur le sol.

« Oh ! Je suis désolé ! »

Mike leva la tête : C'était Brice qui lui tendait la main. Leurs regards se croisèrent pendant un dixième de seconde. Mike se releva par lui-même et fit mine de dépoussiérer sa jupe en regardant ses pieds, terrorisé à l'idée que son ami découvre sa véritable identité. Cela semblait impossible mais ils se connaissaient si bien ! Il le remercia donc en bafouillant et reprit son chemin vers nul part, mais Brice le rattrapa en courant.

« On s'est pas déjà vu quelque part, nous deux ?

- Non je crois pas, bredouilla Mike, planqué derrière sa crinière blonde.

- Mais si, mais si, rappelle-toi, ça devait être à l'Alibi, où un truc comme ça ? Tu vois pas ?

- Non, toujours pas non, rétorqua sèchement Mike en pressant le pas.

- Mais si, je traîne toujours avec un blondinet, timide, un peu grassouillet. »

Piqué au vif, Mike stoppa sa course. Si seulement il avait eut assez de force pour lui coller une bonne rouste, là tout de suite, il l'aurait fait volontiers. Cependant, à défaut d'une correction, il se mit en tête de lui donner une bonne leçon.

« Un blondinet timide, tu dis ? Oui, j'ai peut-être un souvenir qui me vient là, maintenant. Mike, c'est ça ?

- Ouais, voilà ! Un peu ventripotent aussi, non ?

- Je ne l'ai pas trouvé si gros que ça, il était même plutôt mignon. Et toi, tu t'appelles comment déjà ?

- Brice, dit-il, un peu vexé. Écoute, c'est ma pause-déjeuner là, tu veux venir manger quelque chose ? Je t'invite pour me faire pardonner.»

Mike prit un certain temps et répondit à l'affirmative, parce qu'il était empoté au point de ne pas savoir faire cuire deux œufs au plat correctement, parce qu'il était ruiné au point de ne plus pouvoir investir dans un mister freeze, parce qu'il avait très faim et aussi parce que le plaisir d'être invité par cette enflure sans devoir lui promettre un remboursement sous vingt-quatre heures le faisait mouiller à mort.

« Okay, fit-il avec un sourire de coquine gênée.

- Cool, tu aimes les kebabs ?

- Euh, pas trop, non, avec tout ce qu'on voit à la télé, je préfère éviter, mentit Mike, pour le faire raquer plus. Tu connais pas un endroit un peu plus...cosy ?

- Bon, un Buffalo Grill, alors ? »

Mike hocha la tête en soupirant, il reconnaissait l'avarice qui caractérisait son ami. Cela le fit sourire. Arrivé au restaurant, Brice commanda deux grandes pintes et un steak tartare. Mike examina la carte, jeta son dévolu sur la pièce de viande la plus chère et sirota la face décrépite de son ami d'enfance à la paille. Mais Brice s’efforça de donner la meilleur impression possible, comme à chaque fois qu'il avait une idée en tête. Au lieu de raconter sa vie, comme l'autre imbécile, il laissa Mike raconter la sienne. C'était moins ennuyeux mais beaucoup plus physique pour Mike qui, bien que doté d'une vulve, n'avait pas encore acquis la capacité d'imagination qui allait de pair. Il dit qu'il s’appelait Delphine, vendeuse de prêt-à-porter, âgée de vingt-huit ans, célibataire depuis trois mois et très fragile depuis cette séparation d'avec l'homme qu'elle pensait être celui de toute sa vie. Au maximum de ses capacités d'acteurs, il parvint même à faire couler une larme. Il joua la panique et se leva pour aller aux toilettes. Par réflexe, il rentra dans le lieu réservé aux hommes, s'enferma dans une cabine et se mit à rire d'une façon incontrôlable. « Quel con, disait-il, mais quel con ! ». Au bout d'un moment, il eut même du mal à respirer. Soudain, son portable vibra. Un message. Un message de Brice :

Put1 mec j'ai rencontré une salope de première catégorie gros sein bouche à pipe ce soir c'est la fête à son cul, c'est sûr !

Outré, Mike passa un peu d'eau sur son visage et remarqua à quel point il était doux, ses traits fins, ses lèvres pulpeuses et son regard pétillant, tout cela sans une once de maquillage. « Quelle ordure, pensa-t-il, quelle raclure ! Il mérite vraiment une bonne correction. ». Avant d'y retourner, il n'omit pas de mettre son téléphone en mode silencieux, au cas où Brice envisagerait d'envoyer son rapport de pré-baise tous les quarts d'heure.

Les plats venaient d'arriver quand Mike se rassit. Il fit comme si de rien n'était et prit une gorgée de bière.

« C'est rare de trouver une femme qui aime la bière, dit Brice en assaisonnant son tartare, mais pour toi, je sais pas, j'ai eu comme un pressentiment.

- Un pressentiment, répéta Mike avec de la mousse aux lèvres, voyez-vous ça.

- Oui, j'ai senti que tu étais...hésita-t-il, différente.

- Différente?»

Ce compliment, et surtout la façon dont il avait été prononcé, avait ému Mike, bien malgré lui. « Putain la honte, il va me séduire, ce con. ». Il eut d'abord l'impression que ses joues étaient devenues deux plaques chauffantes, il bégaya ensuite pour finalement se raviser, ne rien dire et goûter son steak en criant qu'il était délicieux. La viande était délicate, légèrement parfumée et fondante ; il s'en délectait. Voyant sa convive rougir, Brice comprit qu'il touchait au but et espérait que l'addition soit rentabilisée au plus vite.

« Qu'est-ce que tu fais de beau, ce soir ?

- Ce soir, réfléchit Mike, euh, rien de particulier, pourquoi ?

- Tu voudrais venir dîner chez moi ? Lança Brice sur un ton détendu, sans prendre la peine d'avaler sa bouchée, je fais de délicieux spaghettis à la carbonara.

- Ça tombe bien, c'est ce que je préfère.

- Génial ! »

Il avait l'air vraiment content, en plus. « Quel comédien, pensa Mike en finissant sa bière, dire qu'il se met dans des états pareils pour me sauter, le pauvre. Est-ce la faiblesse de tout homme ? Devoir se plier en quatre et ramper sous la table pour tirer un coup ? ». Et cela le rassurait sur sa propre condition masculine. Brice baisait à tout va, certes, mais il dépensait une énergie considérable dans ces entreprises de séductions et puis, ça ne devait pas fonctionner à tous les coups. Mike trempa ses frites dans la sauce au poivre et s'engagea à repousser les avances de son ami coûte que coûte, pensant qu'ainsi il cesserait d'être cette espèce d'animal en rut, irascible et mégalomane. La suite du repas se déroula tranquillement. Brice s'inventa un amour démesuré pour les cinéastes de la nouvelle vague et bien que Mike eut la certitude qu'il n'était pas capable d'en citer un seul, il le laissa faire, sourire en coin ; il enfoncerait le clou du spectacle plus tard. Brice poursuivit son numéro et se présenta comme un type sensible à qui les femmes avaient joué de mauvais tours, « le dindon de la farce », qu'il se surnomma. Mike acquiesçait en le regardant avec empathie. Sa pièce de viande entièrement dévorée, il commanda un café gourmand et Brice, toujours aussi radin, proposa qu'ils le dégustent ensemble. L'addition était assez salée et lorsqu'elle arriva, le faciès de Brice se décomposa littéralement, passant du rose pâle, au verdâtre, puis au jaune foncé. Mike ne rit pas, non sans peine. Au moment de se quitter, il nota l'adresse et le numéro de Brice sur son téléphone.

« Tiens c'est marrant, t'as le même portable que Mike.

- Signe du destin, fit-elle avec un sourire malicieux

- Euh, ouais, répondit Brice sans trop savoir où Mike voulait en venir. Bon, à ce soir, je retourne au boulot. »

Brice resserra sa queue de cheval, mit ses lunettes de soleil et déposa un baiser sur la joue de sa proie. En trente années de drague ininterrompue, il se dit que si Delphine était la plus réceptive à ses signaux, elle était également la plus jolie. Une plastique parfaite, une gorge dont la profondeur semblait tout à fait acceptable, une crinière de lionne et un regard brûlant, cela représentait, selon ses idéaux, la combinaison ultime. Il retourna au bureau en état de semi-érection.

****

Le soir venu, Mike sonna chez son ami. Il était maquillé comme une prostituée, paré d'une robe légère et transparente que sa femme portait souvent avant qu'elle ne tombe enceinte, il y a trois ans. Brice ouvrit la porte et parut subjugué par la beauté de sa monture, si hypnotique qu'il resta bouche bée quelques secondes, sans réagir. Mike s'amusait comme un fou.

« Je peux rentrer ? Fit-il, débordant de malice.

- ...Oui, oui, je t'en prie.»

Il s'écarta de l'encadrement, laissant Mike s'engouffrer dans sa demeure, remise en ordre spécialement pour l'occasion. Le sol brillait comme la poudre magique d'une fée. Brice n'avait pas encore fermé la porte, intrigué par un détail.

« Tiens, c'est marrant, t'as la même voiture que Mike. »

Mike déglutit ; il aurait dû se garer plus loin et éviter ce genre de détails curieux. C'était une bourde lamentable, pire encore que celle du téléphone. « Je suis déjà maladroit en tant qu'homme, se dit-il, comment ça pourrait s'arranger en tant que femme ! ». Suant à grosses gouttes, il gloussa bêtement et avança jusqu'au salon, vivement éclairé par le crépuscule naissant. Brice véhiculait une odeur de gomina et d’auto-bronzant. Vêtu d'un tee-shirt blanc au col plongeant, d'un pantalon d'été remonté aux genoux et d'une paire de savates en osier, il représentait la quintessence du célibataire trentenaire un peu aventureux mais en quête d'une stabilité qu'il ne parvenait pas à trouver malgré de longues et intenses recherches. Delphine trouva qu'il était très sexy et admira même son fessier volumineux lorsqu'il passa devant lui pour le mener à la terrasse. Sur sa table en bois -récemment poncée- une bouteille de champagne dans un seau à glaçon et des coupes très design les attendaient impatiemment. La voix nébuleuse de Jim Morrisson donnait un ton libéral et provocateur à cette soirée qui s'annonçait sous les meilleurs auspices. Brice rechignait à organiser les apéritifs chez lui, mais quand c'était pour fourrer de la dinde, là, il était prêt à demander un arrêt de travail pour avoir le temps de tondre sa pelouse dans les moindres recoins. Brice servit les deux coupes et demanda à Delphine si elle aimait les Doors. Delphine répondit que oui, qu'elle était même une grande amatrice, elle cita sa chanson favorite, Brice jubila : lui aussi, c'était sa préférée et pour de vrai, en plus. Mike la connaissait par cœur, à cause de Brice. Ils chantèrent ensemble. C'était si intense et si drôle qu'au fur et à mesure que les paroles couraient sur la mélodie, Brice se rapprochait de Delphine au point de coller sa bouche contre la sienne. Mais au dernier moment, Mike tendit la joue, brisant toute la beauté du moment.

« On se connaît à peine... »

Brice tentait tant bien que mal de garder la tête haute et son auto-bronzant dissimulait ses joues cramoisies. Toutes les conditions étaient réunies, le champagne haut de gamme, l'alchimie musicale, le look baroudeur et pourtant, elle l'avait repoussé. Assiégé par la honte, il perdit ses moyens et les sujets de conversations qu'il proposait, à savoir la probable guerre en Iran où le complot judéo-chrétien laissèrent Delphine assez dubitative. Dérouté par ce fiasco total, l'un des plus cinglants de sa carrière de baiseur tout terrain, Brice siffla trois coupes et déclara qu'il était temps de passer au plat de résistance. Delphine évoqua la fraîcheur du vent et il se précipita pour lui offrir un châle. Si son légendaire sens du contact l'avait abandonné, ses réflexes répondaient toujours à l'appel. Mike trouva la carbonara délicieuse, voire succulente et il se demanda pourquoi Brice n'avait jamais pensé à la lui faire goûter, alors qu'ils se connaissaient depuis la maternelle. « Il doit vraiment me considérer comme un vaurien, se dit-il. Il va le payer cher, très très cher. ». Brice enclencha la seconde phase de son plan, évoquant sa passion pour l'impressionnisme et son goût prononcé pour la peinture. Conquise, Delphine demanda à voir ses toiles alors il l'emmena dans son atelier, situé à la cave. Tout se passait comme prévu. Plus d'une fois il avait conclu dans cette cave et aujourd'hui encore il allait se faire une toile, il en était persuadé. Dans les escaliers, il tâta ses poches pour vérifier la présence du préservatif extra-large. Delphine était plus coriace que les autres et Brice adorait les défis. Faire hurler cette furie le propulserait au firmament de sa virilité. Il lui montra quelques unes de ses plus belles pièces inspirées par Van Gogh puis il s'arrêta soudain, se retourna vers elle et l'enlaça pour l'embrasser mais Delphine tourna encore la tête.

« Tu me repousses encore ?

- Désolé, je n'ai pas l'habitude de coucher avec des inconnus.

- Mais pourquoi t'es là, alors ? Grogna Brice sans cacher sa frustration.

- Ben... pour la carbonara. »

Vexé, Brice remonta les escaliers en claquant bien les pieds sur les marches, pour faire part de son désarroi. Mike lui emboîta le pas, son plan roulait comme un handicapé en retard à un rendez-vous et sa joie grandissait encore.

« Tu veux que je m'en aille, c'est ça ? Demanda-t-elle.

- Non, non, dit Brice en soupirant, reste pour le dessert, je t'ai préparé une salade de fruits dont tu vas me dire des nouvelles. »

Il n'était pas encore K.O. Sa ténacité impressionna Mike, qui était un pleutre de la pire espèce comparé à lui. Comment, en ayant grandi ensemble, pouvaient-ils être si différents l'un de l'autre ? Le mystère était complet et Mike voulait le voir ramper au sol, terrassé par son incapacité à parvenir à ses fins. Brice retourna dans la cuisine et regarda derrière lui pour s'assurer que Delphine ne le suivait pas. Il servit la salade dans des bols, ouvrit un tiroir, attrapa un petit sachet hermétique, vida la poudre qu'il contenait dans le bol de sa cible et remua vivement. C'était la troisième et dernière phase de son plan ; un vrai fourreur d'élite avait toujours un ou deux plans de secours pour éviter le déshonneur. Il rapporta les bols et les papilles de Delphine s'excitèrent encore.

« Qu'est-ce qu'il y a dedans ?

- Des pommes, des oranges, des framboises.

- Et ça c'est quoi ?

- Des kiwis.

- C'est délicieux ! »

Puis elle se mit à rire. De plus en plus fort.

****

Mike se réveilla avec une sale barre sur le crâne, comme si on lui avait défoncé le crâne à grands coups d'enclume. A côté de lui, étendu sur le lit, le cul à l'air, Brice, ronflant à la manière d'un porc. Voyant ce tableau peu ragoûtant, Mike sursauta et tomba du lit. Il eut un flash et se souvint : le génie, la transformation, la soirée avec Brice, tout cette merde défilait dans sa tête comme un clip en accéléré. Il ne savait ni comment, ni pourquoi, mais quelque chose avait déraillé. « Il y a une couille dans le pâté se dit-il. C'est pas possible.». Il était redevenu homme. Il récupéra sa robe et disparut, aussi discret qu'un papillon noir en pleine nuit. Après avoir regagné son véhicule sous le regard hostile du gros voisin qui arrosait sa pelouse, il démarra au quart de tour. Par chance, le soleil se levait à peine et son épouse n'était pas encore rentrée. Il se sentait souillé, humilié. Autour de son orifice arrière, le foutre avait séché. La douche était cassée, il fut contraint de se laver au robinet.

Puis il pleura.

Yugoski

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