Pour le plaisir de la chute

[Hue]

Entre les montagnes, pelées jusqu'à l'os, fières d'être des montagnes
Et les cages en béton où les familles se mêlent et se déchirent,
Entre les pages
Et toi
Entre les mers rongées par l'absence
Et toi
Entre les crânes fendus par la chute
Entre la bile, la rouille, l'écume, les murmures
Et toi
Il reste un peu de place
Un peu de place pour la folie
Comme quelque chose qui pousse d'entre les pierres
Entre les capucines et les douleurs que l'on donne à ronger au chien, à celui qui passe par là
Entre les friches, les aurores, et les trous d'obus
Entre deux inspirations, quand la fatigue devient trop lourde
Entre les mers qui s'agrippent à tes lèvres
et tes lèvres tachées par le vin
Entre l'élan et toi
Il restera un peu de place pour ceux qui se perdent
Quand tu iras
Là
Là où les souffles ne se touchent pas
Quand tu iras là - là
Tu ne sentiras ni la crampe ni le dégel
Tu ne verras ni la brume ni la peau qui se tend
Tu n'oublieras pas
Ni le vert de ses yeux
Ni l'envie de rester
Tu n'oublieras pas l'enfant qui se tord d'impatience au fond du puits, et qu'importe
Qu'importe la pluie
Si l'enfant se noie, un autre viendra y jeter des cailloux
pour le plaisir de la chute
Mais qu'importe
Qu'importent les mécaniques
Les rouages se meurent quand le bouffon a trop dansé
Tu n'oublieras rien
Et à ces hommes que tu délaisses,
Tu leur donneras ton nom, pour le plaisir et pour la chute.

[Janis]

Depuis que je t'ai découvert(e?) grâce à Jha, j'ai plaisir à te lire, Hue.
Ton écriture poétique, imagée, qui se déroule anxieusement, me touche beaucoup.

Un cliché cependant : Et les cages en béton où les familles se mêlent et se déchirent me chagrine un peu, car en général il n'y a rien de convenu dans ta façon.
J'aime bien que se mêlent les friches, les aurores, les trous d'obus, le vin, le puits, l'oubli, la mer. Cela crée des images, et des émotions.

[Phylisse]

Pas mieux que Janis qui exprime bien ce que je ressens.

A chaque fois que je te lis je pars en voyage dans des endroits encore inexplorés. Ici entre chairs blessées et corps qui se perdent, néant abreuvé de troubles infinis, c'est l'émotion qui en surgit dont je me remplis.

[Invité]

j'aime beaucoup l'univers poétique de cette écriture libre et instinctive,
un peu comme un cheval qui s'ébroue,
il y a une certaine tension un peu fiévreuse, et en même temps qu'une certaine rondeur qui s'y épanouit.
une interface entre le barrage qui retient l'eau, et la crue.

je dis là simplement les mots qui me viennent après les images, sans volonté de lyrisme.

pas dans l'écriture elle même mais dans l'émotion qu'elle procure, cela me rappelle également quelque chose des textes de Louis!-Calvin.

[Raoulraoul]

Superbe lâcher-prise littéraire. Ecrit d'un bloc, d'un souffle, du premier jet ? Entre automatisme et maîtrise. Ecriture qui fait du bien pour son auteur et pour ses lecteurs. Tant mieux. La chute. Quelle chute ? Toute question est superflue quand il s'agit de la chute. Dans la chute la conscience chute-t-elle ? Mais chuttt.... on tombe.

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