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Si le succès arrive, comment faire ?

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Message  Raoulraoul Dim 25 Nov 2012 - 9:41

Si le succès arrive, comment faire ?
Enfin elle est venue un soir de septembre, dans une somptueuse villa de Palladio, avec des senteurs de jasmins et de lauriers-roses. Ils sont tous réunis ici fiévreux. Elle est venue enfin, la récompense !
Mickael Poweroo, sous les lustres et les lambris, embrasse des femmes estimées, serre des mains, remercie le discours des petits enfants. Une récompense à Mickael Poweroo, pour ses œuvres, sa pensée, des années de renoncement.
Mickael Poweroo, on lui tend micros, ouvre caméras, rédige une hagiographie époustouflante. Silence, solitude cèdent le pas à la tempête du succès.
« Sous les feux de la renommée, suis-je moi encore, dans la sonorité nouvelle de Mickael Poweroo, la photographie nouvelle de mon image, sur les placards des aficionados d’un jour ? »
Sous les coupoles, il était temps d’honorer Mickael Poweroo.
« Dans les jardins, mon cœur s’épanche pour une limace, un charançon, la coccinelle seulement si la fatigue me prend » pense Mickael.
L’œuvre de Mickael Poweroo parle à tous. Suffit de l’interroger. Gardiennes d’immeuble, diplomates, ingénieurs, exilés, mannequins, se reconstruisent dans l’œuvre de Mickael Poweroo, coureur automobile sans auto, coureur dans les bas-fonds, ce soir sur la crête des célébrités, dans une villa de Palladio, devant une tapisserie aux jeux de fêtes galantes.
Ils se sont précipités. Ils se sont fendus. Ils se sont concertés. Ils ont votés. Qui décide de reconnaître, d’exhumer de l’oubli, de s’oxygéner la conscience en portant au pinacle untel plutôt qu’untel ?
Madame la ministre prononce un toast. La fondation machin reconduit son mécénat. Le jardinier roule sa clope.
Et Mickael Poweroo glisse une œillade vers madame Poweroo, elle, l’ouvrier de la ruche sans laquelle le miel n’aurait coulé. Elle le regarde son double illustrissime.
Dans la forêt des chemins permettent de sortir. Une petite goélette vogue dans les bassins de la villa de Palladio. Mickael Poweroo, à plein poumons, souffle, mais la goélette ne répond pas. La goélette suit les rides de l’eau. La goélette est sourde aux efforts du moment. Elle dérive, file mou ou se maintient, godillante, à fleur de patience. C’est le mouvement du temps. Mickael Poweroo laisse s’écouler ce temps.
Puis quelques perruques s’affolent dans la villa Palladio. Des jabots se rengorgent. Cela on le savait. Mais les maquillages fondent sur les joues couperosées. L’information circule. Traînée de poudre sous les escarpins. Mickael Poweroo, oui, Mickael Poweroo, lui, est atteint !
Les bulles de champagne refusent de buller, composant un limon de frayeur.
Ouf, il était temps !
Les résultats sont sans appel. Madame Poweroo le savait. Tout le monde le savait. Sauf peut-être la gardienne d’immeuble et l’ingénieur toujours absorbé par son génie.
Mickael Poweroo termine son arlequinade sur les tapis cramoisis de la villa Palladio.
Mais le lendemain, dans l’aube tiède de septembre, une femme de ménage, sur les tapis dans le cramoisi, découvre une tache sombre, une de celles qui résistent. Tache malade dans un curriculum de vie.
Il était temps.
Mickael Poweroo entre alors à l’hôpital, comme à l’académie, reconnu. L’habit vert devient celui de sa peau verdâtre. A son flanc se balance une épée, trancheuse de destin.
Mickael Poweroo meurt très vite, délibérément, par respect pour la gloire, les récompenses convenant mieux aux mémoires.
Sur son lit de mort, Mickael Poweroo a juste pris le temps de chuchoter à l’ouvrière de sa ruche : « Mon amour, tu sais bien que toutes les œuvres, doivent être créés pour elles-mêmes et rien d’autre. Rien d’autre ».
Mickael Poweroo fut enterré.
Qui se souvient de lui. Son œuvre ? Recouverte par d’autres œuvres elle se disperse. En chacun de nous. Anonyme. Inconsciente.
Seule madame Poweroo dans sa chambre, entend les mots, touche les phrases, met un visage, donne des bras à l’ouvrage quotidien de feu monsieur Poweroo. Dans son corps maintenant vide palpitent des pensées. Des pensées comme des fleurs de plastique dont elle remplit la maison, pour au silence opposer une image.
Une image.
Dictionnaires ou livres d’écoles avaient préféré celle d’un autre homme, à bout de souffle, avec moustache et col blanc, aux initiales semblables, mais dans un Temps Retrouvé.


Raoulraoul
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Message  Invité Dim 25 Nov 2012 - 10:40

Une fois encore, que de choses dans ce texte que je trouve très bon : grandeur et oubli, l'éphémère du succès, de la vie, la force de la mémoire amoureuse contre la fugacité publique...

J'ai relevé deux phrases : "Madame la ministre prononce un toast. La fondation machin reconduit son mécénat. Le jardinier roule sa clope.", celle-ci, pour le pur plaisir stylistique ;

: « Mon amour, tu sais bien que toutes les œuvres, doivent être créés pour elles-mêmes et rien d’autre. Rien d’autre »., celle-là, pour la vérité, la portée philosophique.





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Message  Invité Dim 25 Nov 2012 - 10:42

J'oubliais ce passage pivot, qui me ravit par le choix des mots et la façon d'annoncer : "Mickael Poweroo termine son arlequinade sur les tapis cramoisis de la villa Palladio.
Mais le lendemain, dans l’aube tiède de septembre, une femme de ménage, sur les tapis dans le cramoisi, découvre une tache sombre, une de celles qui résistent. Tache malade dans un curriculum de vie.
Il était temps."


A revoir :
Ils ont votés.
Dictionnaires ou livres d’écoles

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Message  Invité Mar 27 Nov 2012 - 8:29

Le projecteur de la renommée se braque soudain sur un artiste. On ne sait trop pourquoi sur celui-là, plutôt qu'un autre. Un engouement collectif fait s'emballer critiques et avis positifs, comme le raz de marée d'une mode qui fabrique des idoles. Fragile situation.
L'artiste se demande si c'est bien de lui, dont on parle. Il est là, lucide, pas dupe. Cette notoriété le transforme. Il ne se reconnaît plus. Il est devenu le jouet des faiseurs de succés.
Triste arlequinade. Bulle qui éclate, aussi vite qu'elle est née, et qui laisse l'élu brisé.

Pardon pour ces quelques lignes inspirées par ton texte dont j'ai apprécié la lecture.

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Message  Janis Mar 27 Nov 2012 - 12:11


le titre ne me plaisait pas trop mais je suis venue voir
vraiment bien, réjouissant

je viens de lire le mot jasmin en poésie, je le retrouve ici
et l'image de la forêt, les sentiers pour sortir, j'aime beaucoup
limace, charançon, coccinelles aussi

un texte sylvestre, en quelque sorte

et c'est drôle, en plus
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Message  Lizzie Mar 27 Nov 2012 - 12:47

J'ai bien aimé le thème, un peu moins le traitement.
Les répétitions du nom de ce brave homme (avec le jeu de mot sur power ?) Mickael Poweroo me paraissent, à la longue, trop appuyées. Idem pour la répétition de "la villa de Palladio" , je crois qu'une fois pour situer l'action aurait suffit, quitte à nommer ensuite la villa (il y en a plus d'une trentaine, il me semble...).
"Mickael Poweroo, on lui tend micros, ouvre caméras, rédige une hagiographie époustouflante.": j'ai du mal avec la construction de cette phrase, qui veut mettre le personnage en relief en masquant les autres, les "on", mais me parait peu harmonieuse. Ou alors, recherchez-vous l'overdose ? Dans ce cas, ça marche bien avec moi.
J'aime bien la suite, à partir de " Sous les feux de la renommée, suis-je moi encore..."
"Mickael Poweroo fut enterré.": amusant, le passé simple à cet endroit. Bien aimé.

Ah, contrairement à Janis, j'ai trouvé le titre attirant.

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Message  Raoulraoul Jeu 29 Nov 2012 - 15:26

Je vois que le "succès" n'est pas un sujet très populaire ou consensuel... Pourtant je le pensais mais dans un sens c'est rassurant. Peut-être aussi que je n'apporte pas les réponses souhaitées à la question de "Comment faire ?".
Je remercie donc Easter, Janis, Lizzie, que le sujet a intrigué, jusqu'à en faire lecture et commentaire... A plus tard.
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Message  Louis Sam 1 Déc 2012 - 9:47

Une récompense littéraire venue comme une femme, à la fin de l’été, à la fin de la vie, en septembre.
Venue avec des « senteurs » : parfum de femme, parfum de renommée.
Dans ses bras, M. Poweroo, auteur récompensé, ne se laisse pas enivrer, il s’interroge sur lui-même.
« Sous les feux de la renommée, suis-je moi encore… ? » Le succès ne transforme-t-il pas un homme ? Livré aux autres, livré aux « aficionados » d’un jour, reste-t-il lui-même ? M. Poweroo prend conscience qu’il n’a plus la maîtrise de son image, ni celle de son nom. Se reconnaîtra-t-il dans ce simulacre qui se détache de lui ? Dans cette idole que l’on a forgée avec son nom ? M. Poweroo ne sombre pas dans le narcissisme.

Sans aveuglement, avec lucidité, il continue à se questionner, cette fois sur les raisons de son succès, et celles de la désignation des élus, cénacle des privilégiés auquel il appartient désormais, promis à la gloire et la célébrité.
S’épanche-t-on sur son nom, comme il s’épanche sur les misérables limaces du jardin, par « fatigue » ?
Son succès est-il mérité ? Réside-t-il dans son œuvre qui « parle à tous » ? S’est-il élevé à l’universel ? Chacun peut-il trouver dans ses écrits les éléments pour « se reconstruire » ?
Qui a le pouvoir de porter « au pinacle » tel ou tel artiste, tel écrivain plutôt que tel autre ? Qui décide, et de quel droit ?
Ainsi le succès n’est pas simplement accepté ; M.P. n’est pas tout entier dans la joie simple de la récompense ; il n’a pas la certitude que ce succès signifie une véritable reconnaissance de ses qualités, de son talent, ou de son génie.

Une image rend compte de son état d’esprit :
M. Poweroo souffle, en effet, non dans les trompettes de la renommée, mais sur une goélette. Il ne réussit pas pourtant à créer l’élan qui la pousse vers les rivages de la gloire, ou qui maintient le cap de bonne espérance d’une renommée durable. « La goélette suit les rides de l’eau », elle n’obéit pas « aux efforts du moment », elle obéit à la fortune, bonne ou mauvaise, qui ne dépend pas de soi. Elle fluctue avec le temps.
Et la renommée est précisément venue à temps, juste à temps, « ouf, il était temps ! », juste avant la mort.
Monsieur Poweroo, en effet, « est atteint ». Elle est arrivée à temps, la gloire, chez celui qui est atteint.
La maladie fait tache sur les tapis luxueux de la villa prestigieuse.
Il rentre à l’hôpital en même temps qu’à l’académie, et meurt très vite. Il meurt en devenant Immortel. Il meurt pour vivre dans les mémoires, lieu qui sied à la gloire.

Sur son lit de mort, il déclare que « toutes les œuvres doivent être créés pour elles-mêmes et rien d’autre. » Les œuvres ne sont pas créées pour l’éternité, pour survivre à son passage sur terre, mais pour elles-mêmes, pour l’art, pour le beau.

Et il sait que la gloire éternelle dans la mémoire des hommes est illusoire.
« Son œuvre ? Recouverte par d’autres œuvres elle se disperse. En chacun de nous. »
Non pas que l’œuvre disparaisse, mais elle est « recouverte », enfouie sous la profusion d’autres œuvres, et perd son unité pour se disperser en bribes de souvenirs. La renommée perd son nom, et l’œuvre dispersée devient anonyme, pire « inconsciente », laissant les souvenirs de l’œuvre en miettes n’être plus que réminiscences.

L’œuvre ne se conserve vraiment que dans la mémoire de l’amour, dans la mémoire de Madame Poweroo.
Elle seule redonne corps et vie à l’œuvre, et à son auteur. « Seule madame Poweroo dans sa chambre, entend les mots, touche les phrases, met un visage, donne des bras à l’ouvrage quotidien de feu monsieur Poweroo. »
Les fleurs que l’on a jetées à l’écrivain, comme toutes les fleurs naturelles, se sont fanées.
Remplacées par des fleurs artificielles, en plastique, par Madame Poweroo ; images plastiques des pensées, opposées au « silence ».
Madame Poweroo à l’ombre des mots en fleur.
Et son mari, préféré dans la mémoire « des dictionnaires et des livres d’école » par un autre, avec les mêmes initiales M.P., Marcel Proust, mais avec une autre finale, dans son nom mais surtout dans son œuvre, Le temps retrouvé, qui achève A la recherche du temps perdu.

Pauvre Mickael Poweroo, au nom paradoxal, dans lequel s’entendent à la fois la puissance, le pouvoir, et la misère, l’impuissance, de l’anglo-saxon à l’italien. Il est l’homme capable de créer une œuvre, incapable de vivre son succès.

Le titre interroge : « Si le succès arrive, comment faire ? ». Il y aurait donc quelque chose à faire, resterait à savoir comment. Mais quoi faire ? Faudrait-il comprendre : comment vivre ce succès ? Comment ne pas en mourir ?
Accepter les honneurs ou les refuser ?
Le texte n’offre guère de réponse,
si ce n’est l’allusion finale à Proust : retrouver le temps perdu dans les « années de renoncement » consacrées à la réalisation d’une œuvre ?
Quoi faire ? Cultiver des fleurs en plastique, peut-être.
Sûrement, ne pas perdre l’amour véritable que l’on avait avant le succès ; ne pas tomber dans les bras de la gloire comme dans ceux d’une maîtresse ; ne pas aimer la gloire plus que la vie, plus qu’une madame Poweroo.


Louis

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