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La lecture nuit à la santé

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La lecture nuit à la santé Empty La lecture nuit à la santé

Message  Raoulraoul Dim 2 Déc 2012 - 10:40

La lecture nuit à la santé
Lu.
Beaucoup lu ce soir, cette nuit.
Il se regarde dans la glace. Ses yeux rouges entourés de papillons. La dégaine d’un amant de Duras. Le geste lézardé de Zarathoustra. Les cheveux ras d’un innocent d’Henry James. La barque tranquille dans un paysage blanc de Targei Vesaas.
Il se regarde sans se toucher. Attouchement ignoré. Au travers du miroir son bras caresse la nuit. Un glouglou dans la tuyauterie. Tiens les voisins ne dorment pas ! Raclement d’une chaise. Alors il continue son roman le lecteur.
Quels fantômes tiennent en éveil les voisins ? L’activité nocturne de ces invisibles. Leur insomnie comme un grand livre ouvert.
Mais trop lu ce soir.
Où en est-il dans le fatras des mots ? Lui pesant son silence. 76 kgs sur la balance. Il se pince, mais ce n’est que chair. Chair de pensées. Pensées des autres. Sans les autres, le lecteur pèse rien. Que lui-même. Une volonté de vouloir qui s’étiole. Les autres donnent à lire au lecteur. Apodictique tandem.
Les objets sont juste à leur place, comme les êtres à la place de leur vie. Des personnages de papier appellent le lecteur d’une voix basse. Même si des femmes viennent rouler dans son lit. Des femmes seules. Une femme est toujours seule, c’est le tourment de la femme. Sa solitude. Et lui de ne pas être là. Lui en pyjama, prisonnier de ses rayures. Lui, absout d’avance de n’importe quelle tendresse. Celle qui fait défaut.
La barque de Tarjei Vesaas glisse sur la neige. Ce voyage infaisable il le fait. Dans le souterrain des choses. Il se taillade. Se morcelle en phrases. Des concrétions qu’il suce en langue. Rien que fragments. N’est plus que fragments en lui-même. Si la femme se lève du lit, elle ne ramasse que fragments. Zarathoustra, James, fragments de l’amant sans odeur. Si elle sanglote, son sanglot est boomerang.
Un matin une guerre s’est déclarée. Ordinairement. Sous leurs fenêtres. La femme, le lecteur. Il a fallu tout de suite piétiner des cadavres. Des soldats ont conduit les gens dans des lieux de honte. Aux hommes furent demandé de renier leurs idées, trahir des amis. Les femmes devinrent vite Messaline malgré elles. Le lecteur fut lobotomisé. Sans plus rien. Sauf devoir lire la haine. Lire des livres de haine, qu’il lut avec piété. A leurs auteurs, il montra les pages, au milieu des seaux remplis de sang et des corps déjà en cendres. Il montra les pages et tous les écrivains de la haine furent pris d’une nausée, à cause que la nausée se nourrissait d’un regard d’amour du lecteur.
Ils furent électrisés par lui. Tant d’amour. Cette paix attentive comme une barque au milieu des roseaux. Chacun des mots que le lecteur absolu renvoie à son auteur. Les écrivains sont des tyrans sans réel pouvoir. On lit leurs livres. On efface leurs pages. On fait rentrer la vie dans leurs lignes. C’est le lecteur le maître.
Il révèle tout cela aux écrivains, aussi aux poètes de la haine, aujourd’hui toujours dans leur guerre. Aves des conflits substantiels. Personne d’entre eux n’ose plus écrire, de ceux qui volent, tuent, assassinent, torturent. Et jusqu’à la barrière de leurs mensonges. Pourtant, même dans un camp d’horreur, le livre n’est absent. Dans les flaques d’eau et de sang, c’est toujours une histoire écrite qui se reflète. L’eau amplifie l’esprit.
Lui alors s’est libéré. Revenu dans la chambre, une maison froide. Avec la femme que la honte a écartelée, elle ne dit plus mot. Sur le grand lit, gisent Zarathoustra, Duras, un peu de Cicéron. Lui est vibrant impatient. Sa femme recluse. Les papiers rongés. Dans le drap humide leurs gestes attendent.
Puis la femme hurle :
« Tu ne vas pas recommencer ! ».
Le lecteur répond. Il dialogue. Lecteur et femme dialoguent. C’est une possibilité. Jusque très tard. La lune entrant. Ils dialoguent plus fort que les bombes. La tuyauterie colporte les mots. Fini le temps des glouglous obscènes. La tuyauterie est cette écriture nouvelle qu’on partage en immeuble.
La femme regarde son lecteur dans les yeux. Mais comment lire dans les yeux de la femme ? Nuages. Tombeaux. Brassée de fleurs…
Une barque passe. Celle de Vessas encore. Dans un paysage moral. Elle passe. On la laisse passer. Lors du prochain crépuscule, on verra.
La femme hurle :
« Tu arrêtes de me feuilleter ! Déchire-moi ! ».
Lui s’exécute forcément. Dans la page blanche du lit. Sous la couverture. Il déchire en elle ce besoin d’exister.
Prudence à toi, lecteur, qui lira cette histoire, un jour vacillant de décembre. Veille à ce que la solitude te suffise.

Raoulraoul
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Message  Invité Dim 2 Déc 2012 - 10:54

Hmmmm... Une réflexion touffue autant que poussée sur le binôme écrivain/lecteur avec tout ce que cela implique de tension, de fusion, d'osmose, d'incompréhension, de rapport de force aussi.
J'ai bien peur que outre quelques passages, l'ensemble de la démonstration m'ait laissée sur la touche, une fois encore parce que sans doute trop abstraite.
De la solitude du lecteur...

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Message  Polixène Dim 2 Déc 2012 - 21:56

Pour l'effet maelstrom, c'est réussi! Tu as voulu nous administrer la preuve que la lecture tourneboule quelque peu les têtes!!!
La densité du texte rend palpable la complexité de l'acte de lire. Beaucoup de passages sont très pertinents, de ce point de vue:
*Chair de pensées. Pensées des autres. Sans les autres, le lecteur pèse rien. Que lui-même. Une volonté de vouloir qui s’étiole. Les autres donnent à lire au lecteur. Apodictique tandem.
Les objets sont juste à leur place, comme les êtres à la place de leur vie. Des personnages de papier appellent le lecteur d’une voix basse
.
ou:
*Un matin une guerre s’est déclarée. Ordinairement. Sous leurs fenêtres. La femme, le lecteur. Il a fallu tout de suite piétiner des cadavres. Des soldats ont conduit les gens dans des lieux de honte. Aux hommes furent demandé de renier leurs idées, trahir des amis. Les femmes devinrent vite Messaline malgré elles. Le lecteur fut lobotomisé. Sans plus rien. Sauf devoir lire la haine. Lire des livres de haine, qu’il lut avec piété. A leurs auteurs, il montra les pages, au milieu des seaux remplis de sang et des corps déjà en cendres. Il montra les pages et tous les écrivains de la haine furent pris d’une nausée, parceque la nausée se nourrissait d’un regard d’amour du lecteur.
ou:*
La tuyauterie colporte les mots. Fini le temps des glouglous obscènes. La tuyauterie est cette écriture nouvelle qu’on partage en immeuble.

Mais la menée du texte semble hasardeuse, en tout cas produit une sorte de malaise car on ne sait jamais si tu privilégies l'analyse illustrée du lire/écrire ou l'image poétique que tu développes à ce sujet. Donc le "personnage"/lecteur au début est incarné, puis se désincarne, s'explose, s'atomise, se multiplie, etc...et pour "La Femme" cette instabilité de point de vue confine au vertige.(et d'ailleurs deux fois le hurlement, c'est caricatural...)
C'est dommage, il suffirait de pas grand chose pour apporter un peu d'aisance au lecteur, un peu de lumière, d'air frais.
J'ai bien aimé quand même.
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Message  Sahkti Mer 5 Déc 2012 - 15:10

Peut-être un brin trop explicatif par moments, tendant à faire dire au lecteur ce qu'il ne tient pas forcément à exprimer à haute voix; l'imaginaire s'en trouve quelque peu bousculé.
Sinon, belle cacophonie d'auteurs et de thèmes qui se téléscopent dans l'esprit de tout lecteur gourmand, gourmet de préférence. Sur ce point, c'est bien rendu, on ne sait où donner de la tête mais cette confusion, justement, se passe de démonstration. Parce que le lecteur ne sait pas toujours très bien pourquoi lui-même, il devient fou. et, pire, pourquoi il aime ça, en redemande une fois la dernière page tournée.
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