Exo "La fin du monde" : Silence
+3
Gobu
Rebecca
Lizzie
7 participants
Page 1 sur 1
Exo "La fin du monde" : Silence
Derrière la grille, le couloir sombre. Le moine me précède en silence. Ses pas sont assourdis par les semelles de caoutchouc, par l’épaisseur du dallage. Des dalles larges et inégales, des dalles usées en leur centre, usées par les pénitents, les hésitants, les malheureux, les repentis, les colériques et les apaisés, par tous ceux qui ont éprouvé le besoin, l’envie ou l’obligation de franchir ce seuil depuis des siècles. Comme moi. Le moine me précède et son pas ne claque pas, chaque enjambée n’est que le froissement de la soutane contre ses jambes, le son ténu de sa ceinture de corde sur ses hanches, du nœud qui bat le long de sa robe.
Voilà donc ce que je peux percevoir ici, le froissement d’une corde sur un tissu.
Je tends le bras vers le mur, touche de la pulpe des doigts la pierre, froide, rugueuse. J’avance ainsi jusqu’à ce que la peau me brûle. Les murs sont si réels. Ils cernent ce monde et l’isolent des douleurs, des blessures. À l’abri de cette enceinte je serai sauvé.
Nous arrivons au cloitre, à l’air libre. La vie tente une percée, des grincements qui viennent des offices, quelques notes échappées de la chapelle, un moteur par-dessus les murs.
J’avance, je quitte la galerie pour le jardin. Une première allée de graviers crisse douloureusement, puis, très vite, c’est l’épaisseur feutrée de l’herbe. Sous les arcades, le moine m’observe. Il ne fait pas un geste pour me retenir. Au centre du cloître trône une fontaine. De gouttes en gouttes, de filets en jets, l’eau raconte la sérénité et la joie, la rédemption et l’absolution.
Je sais déjà que je passerai de nombreuses heures au pied de cette fontaine, à tenter de t’oublier, à tenter de te pardonner.
Voilà donc ce que je peux percevoir ici, le froissement d’une corde sur un tissu.
Je tends le bras vers le mur, touche de la pulpe des doigts la pierre, froide, rugueuse. J’avance ainsi jusqu’à ce que la peau me brûle. Les murs sont si réels. Ils cernent ce monde et l’isolent des douleurs, des blessures. À l’abri de cette enceinte je serai sauvé.
Nous arrivons au cloitre, à l’air libre. La vie tente une percée, des grincements qui viennent des offices, quelques notes échappées de la chapelle, un moteur par-dessus les murs.
J’avance, je quitte la galerie pour le jardin. Une première allée de graviers crisse douloureusement, puis, très vite, c’est l’épaisseur feutrée de l’herbe. Sous les arcades, le moine m’observe. Il ne fait pas un geste pour me retenir. Au centre du cloître trône une fontaine. De gouttes en gouttes, de filets en jets, l’eau raconte la sérénité et la joie, la rédemption et l’absolution.
Je sais déjà que je passerai de nombreuses heures au pied de cette fontaine, à tenter de t’oublier, à tenter de te pardonner.
Lizzie- Nombre de messages : 1162
Age : 57
Localisation : Face à vous, quelle question !
Date d'inscription : 30/01/2011
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
Trés joli texte fin et sensible.
L'entrée dans les ordres comme l'entrée dans un ordre nouveau, une échappée hors monde, une tentative d'anéantissement du passé.
L'entrée dans les ordres comme l'entrée dans un ordre nouveau, une échappée hors monde, une tentative d'anéantissement du passé.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
Ecriture sensible et efficace. La démarche de renoncement au monde est décrite avec pudeur. Mais j'y vois un contresens. Renoncer au monde c'est entrer dans la vie éternelle. Ce n'est pas la fin du monde, c'est l'accession à un autre Monde. Le vrai, peut-être.
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 69
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
La fin du monde telle qu'elle la connaissais... vers quelque chose de neuf : une renaissance, finalement ? J'aime beaucoup cette description sensible à pas feutrés, tellement délicate que j'ai vécu l'irruption du "tu" à la dernière phrase comme une agression. En l'enlevant, ça rééquilibre plus justement. Après, certes, ça perd le sens, mais se retirer du monde uniquement pour oublier une unique personne je trouve ça un peu triste, là ou oublier et pardonner on ne sait pas qui, on ne sait pas quoi, un, plusieurs, multiple, tout, la vie... démarche beaucoup plus profonde.
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 33
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
J'aime beaucoup aussi
la fin apporte une belle dimension à ce texte
et l'emploi du présent confère de la lenteur
chez lu-k en poésie, on a un couvent, ici un monastère
gosh !
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
Mystique et poétique. J'aime beaucoup cette fin (du ou d'un monde ?).
Invité- Invité
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
Une fin du monde intime, qui concerne davantage l'affectif personnel qu'un embrasement général. J'ai été surpris au début puis finalement charmé par cette atmosphère toute en retenue qui sied bien à un environnement monastique.
Jano- Nombre de messages : 1000
Age : 54
Date d'inscription : 06/01/2009
Re: Exo "La fin du monde" : Silence
Etrangement sensuelle cette entrée dans le monde de la spiritualité.
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|