Exo "La fin du monde" : La fin des fins

[Gobu]

21/12/2012 !!!!!!

Il aurait été surprenant que mes deux lascars ne mettent pas leur groin de sel dans cette histoire de fin du monde. S'ils se sont exprimés en alexandrins, c'est que l'imminence de l'événement ne leur pas laissé le temps de faire de la prose.



HiSTOIRE DE LA FIN DES FINS



Le disciple :

Bonjour Maître

Le Maître :

Bonjour, es-tu frais et dispos ?

Le disciple :

J’ai dormi d’une traite, et

Le Maître :

N’en dis rien de plus

Quand tout va pour le mieux parler est superflu
Ce serait du gâchis qu’ajouter un seul mot.
Pose donc ton séant et ouvre tes oreilles
Aujourd’hui j’aimerais te conter une histoire

Le disciple :

Tu sais bien que je suis ton unique auditoire
Et je suis impatient d’ouïr toutes ces merveilles

Le Maître :

Ouais, n’en rajoutes pas, je te prie mon ami
L’excès de flatterie ressemble à l’insolence !

Le disciple :

Maître pardonne-moi. Je t’écoute en silence.

Le Maître :

Cela m’étonnerait, si tu veux mon avis !
Il était une fois dans un pays perdu
Un mage fort illustre un devin réputé.
Ses oracles faisaient toujours autorité
Et l’on n’osait bouger sans l’avoir entendu

Le disciple :

J’en avais un aussi ; son talent me ruinait
Ses oracles à lui ne valaient pas tripette
Mais il connaissait l’art de remplir sa cassette


Le Maître :

Je ne suis point surpris : tu n’es rien qu’un benêt.
Quoi qu’il en soit ce mage avait d’autres vertus
Son verbe résonnait d’un timbre redoutable
Tout ce qu’il prédisait était inéluctable

Le disciple :

Sans doute criait-il ce que l’on avait tu

Le Maître :

Tu me l’ôtes du bec. Quoi qu’il en soit, un soir
Il affirma tout net que la fin était proche
Et à ceux qui voulaient lui en faire reproche
Il a recommandé d’aller se faire voir
Mais l’homme est ainsi fait : il ne veut point entendre
Surtout quand le propos lui paraît alarmant
Il préfère de loin l‘oracle rassurant

Le disciple :

Quand j’étais au pouvoir, moi je l’aurais fait pendre !
Et j’aurais sûrement

Le Maître :

Fait empaler ses restes

Le disciple :

Oui-da. Pour lui apprendre à vivre, même mort

Le Maître :

Le devin dont je parle connut un autre sort
On se mit à le fuir comme on fuirait la peste
Mais la fuite ne peut arrêter le destin
Et ceux qui s’enfuyaient pas plus n’en réchappèrent
Que ceux qui, moins couards, près de lui demeurèrent
Son oracle annonçait vraiment la fin des fins

Le disciple :

Comment se produisit l’affreuse destruction ?

Le Maître :

Une lame de fond engloutit le pays
Les rares survivants de faim ont tous péri
Et du mage ce fut l’ultime prédiction

Le disciple :

Y a-t-il une morale à cette triste histoire ?

Le Maître :

Il y en a bien une et je vais te la dire :
On ne prend aucun risque à prédire le pire
Sinon celui parfois d’être obligé d’y croire

Gobu

[Pascal-Claude Perrault]

J'aime bien la morale.