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L'Ange Gabriel (1er Chapitre)

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ninananere
Gobu
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Message  Gobu Mer 10 Oct 2007 - 17:57

Genèse : trois petits tours de piste pour les dés du hasard



Premier lancer de dés : les dragons de la Chinoise

Il faut approcher la cuisine et l’amour avec un abandon insouciant (maxime tibétaine)

A toute bonne histoire, il faut sa genèse. Avec une plume il faut le reconnaître éminemment inspirée, la recette a produit le plus gros best-seller de tous les temps, la Bible. Pour ne pas malmener les règles de la tragédie, les calamités ne doivent jamais survenir sans avoir été précédées d’une implacable bordée de coups de semonce. L’ennui est qu’on ne perçoit le caractère prémonitoire de ces événements que trop tard, sinon ce serait pas de jeu (la prédiction après coup constitue néanmoins l’essentiel du fonds de commerce de la plupart des oracles, sacrés ou profanes). C’est dans ce parfum d’inintelligible fatalité que réside tout le charme de la tragédie. Et la fait ressembler furieusement à la comédie, qui n’est au fond que son double persifleur. On peut toujours au moindre doute consulter la gent devineresse, mais ces coupeurs de cheveux en quatre sont rarement d’accord entre eux quant au sens à donner aux présages, et le plus souvent leur diagnostic ne fait qu’envelopper la chose d’un épais linceul de mystère. Sans parler qu’il vous coûtent, ces camelots de la destinée, les yeux de la tête ! On ne va tout de même pas cracher des mille et des cents dans la sébile en fibre de palmier tressée d’un marabout de la Goutte-d’Or ou dans le tiroir-caisse à puce numérique d’une voyante d’immeuble comme il faut simplement parce qu’on a un peu fait des siennes suite à un ou deux verres de trop dans le nez, et que du coup la soirée palpitait de présages.

Ç’aurait pourtant été plus prudent de consulter. Tout a donc commencé ce jour-là, deux ans plus tôt, lorsque son répondeur téléphonique, entre deux suppliques de créanciers, informa Arno que la petite Aline était de retour des USA, qu’elle se trouvait présentement à Paris chez un ami et qu’elle serait ravie de le revoir pour passer une soirée avec lui (Billevesées, tout a commencé le jour où cette Cracheuse de Feu a écrit la première ligne du premier chapitre du premier de Ses romans – ou plutôt de Ses lancinants psaumes illuminés que Son éditeur consterné publie sous l’appellation frauduleuse de romans pour que les gogos les achètent quand même - étincelle n’en finissant pas de mettre le feu à des océans de poudre, mais comment Arno aurait-il pu le savoir ? Il aurait dû, cependant : l’ignorance est l’excuse favorite des impuissants). La rappelant dans la foulée, ils convinrent de se retrouver le soir même, au domicile de l’ami en question.

De la dernière fois qu’il avait croisé l’orbite de la petite Aline, des années auparavant, il gardait l’image clignotante d’une électrique lutine en justaucorps de cuir noir, disparaissant d’un étage à l’autre de la fête parisienne où ils s’étaient retrouvés un peu par hasard, c’est-à-dire beaucoup par nécessité, les coups de dés du hasard ayant force de loi naturelle. Le hasard est la volonté de Dieu. Ou des dieux pour ceux que ce pluriel peut rassurer. Bref, hasard ou bien oukase divin, la sautillante créature – avec qui il avait jadis sautillé trois ans – était présente ce soir-là, le pif scintillant de cristaux de cocaïne, les yeux poudrés de neiges éternelles, le décolleté généreusement échancré sur un soutien-gorge rouge mousseux de broderies (il ne lui connaissait pas, quand ils vivaient ensemble, cette attendrissante faiblesse pour la dentelle et le falbala ; il est vrai qu’à l’époque elle n’avait pas vingt ans et que lui suffisaient un jeans ajusté et un pull de cachemire trois tailles trop grand pour que la gigue de ses seins en liberté sous le rideau de laine et le tressautement de ses fesses de collégienne bombant le tissu râpé lui constituent un sillage de lubriques amateurs de lolitas en âge légal de loliter sans faire encourir le risque de fâcheuses retombées judiciaires) fanfreluches de prix qu’elle offrait ce soir-là aux regards en biais des connaisseurs avec l’exquise ingénuité d’une novice pensionnaire de maison close. Il avait hélas peu profité de ce charmant divertissement, étroitement chaperonné qu’il était par une compagne qui n’avait que peu d’indulgence pour les sous-vêtements des autres, tout bouillonnants de dentelles et de guipures et honorablement griffés qu’ils fussent, et juste assez de confiance dans sa fidélité (autre nom qu’elle donnait à la castration pure et simple) pour ne pas lui imposer publiquement le port d’une muselière aveugle et d’une laisse à collier étrangleur (il avait en revanche eu l’occasion de jouer près de deux heures en compagnie de musiciens d’une grande dextérité, dont un Noir rigolard si agile sur le manche de sa guitare qu’on aurait dit qu’il avait dix doigts à chaque main et que leur hôte lui présenta après la jam-session comme un des plus grand bluesmen américains vivants)[/size]

Aline, donc, frétillante musaraigne à qui une petite frange aux reflets de miel éparpillée sur le front donnait jadis l’air d’un angelot tout juste tiré de sa couette de nuages, Aline, stoïque compagne d’un chemin de croix de plus de quatre ans, sur une route caillouteuse de poudre. Aline, qui, et du coup c’était râpé fichu d’entrée de jeu, avait déjà avant de le connaître croqué de cette pomme de discorde à la chair blanche, dont l’amertume devrait dissuader tout individu sensé d’y revenir, mais on sait ce que sont les enfants d’Adam et Eve. Aline avec qui cette pomme ils avaient grignoté jusqu’au trognon de leur passion. Aline, qu’il avait, exactement comme elle l’avait un jour rêvé de façon irrémédiablement prémonitoire, un atroce matin d’hiver congédié sine die avec sa valise dans laquelle on aurait pu l’enfourner tout entière, si gros étant le bagage et si menue la pauvrette bannie, convaincu ainsi d’extirper de soi les démons qui lui faisaient courir au cul des marchands de pochettes d’oubli. Il n’avait arraché ce matin-là que des lambeaux de sa propre chair, et ces démons qui la hantaient autant que lui ne furent expulsés qu’en mettant le paquet question exorcismes. Encore ces sales bêtes lui laissèrent-elles en cadeau d’adieu d’ineffaçables cicatrices à l’âme, le récurrent regret d’avoir entraîné dans sa descente aux enfers opiacés une pauvre gosse qui ne lui avait rien fait, et la douloureuse certitude d’avoir offert en vain une victime sacrificielle à des entités à qui il fallait du plus consistant pour être rassasiées.[/size]

En l’honneur d’Aline, il se vêtirait donc de sable, le noir des héraldistes, cette teinte se mariant à merveille à sa pâleur de légionnaire de Nosferatu (généalogie carpatique garantie, des deux côtés de l’arbre) et chausserait les bottes de sept lieues qu’il fallait pour d’une seule foulée abolir les trente kilomètres qui séparaient sa verdoyante banlieue ouest des quartiers centraux de la capitale. Voilà le prix à payer lorsqu’on ne conduit pas. Il envoya sèchement bouler l’importun (un de ses plus fidèles affidés, pourtant) qui avait programmé de s’inviter à dîner chez lui et remit à des lendemains moins surbookés les menues besognes domestiques dont l’état de son appartement proclamait pourtant l’urgente nécessité. Telle est la rançon du célibat entêté, cause pour laquelle il militait avec rémissions passagères. Il dirigea toutefois un regard suintant de compassion sur ses deux guitares qu’il ne caresserait pas ce jour-là, sentit se former niveau diaphragme une boule de remords à la vue des feuillets entassés sur la table de la cuisine, sur lesquels le malheureux Samuel Ben Nathan, Juif de France sous le règne de Sa Majesté le Roy Louis le Neuvième, attendait que le sadique au clavier se décidât à lui faire tomber sa belle goye Aude entre ses bras constricteurs, haussa les épaules et embastilla le nœud de vipère des contrariétés sous son chapeau (le noir à bande de cuir marron, moitié cow-boy de sortie au saloon, moitié rabbin loubavitch). La création attendra. Vive le réel et ses surprises !

Des vampires, autant le dire tout de suite, il n’avait que l’ascendance est-européenne (encore n’est-il pas établi qu’il y ait des vampires juifs, que ne troublerait point la Croix et qui raffoleraient de l’ail sous toutes ses formes, Polanski en a fait une scène délicieuse) et une carnation discrètement lunaire, principalement les lendemains de joyeuses sambas du tire-bouchon.. Pour le reste, il ne s’abreuvait pas du sang des jeunes filles (breuvage insipide auquel il avait toujours préféré le musigny), ne s’étendait point à chaque lever du Frère Soleil dans un cercueil commodément aménagé, et ne jetait une cape (noire cela va sans dire) sur ses épaules indiscutablement osseuses que les soirs de première à l’Opéra, auxquelles il assistait fort rarement, en dépit d’une indéniable dilection pour l’art lyrique. Quant à la Croix, elle ne lui inspirait nulle répulsion, mais l’irrespect ambigu que peut éprouver envers le symbole du christianisme un garçon qui avait été plongé dès sa naissance dans l’eau bénite (de l’eau ! encore, c’eût été du jurançon à l’instar du bon Roy Henri…) catéchisé, patiemment élevé en bon catholique romain, communion privée, confirmation et communion solennelle incluses, et qui à l’adolescence s’était découvert d’ascendance tout ce qu’il y a de Kosher, révélation qui l’avait plongé dans une telle confusion métaphysique qu’il s’était jeté à corps perdu dans l’agnosticisme militant sous ses formes les plus virulentes, solution qui n’est pas nécessairement la plus judicieuse à ce dilemme. Il en était revenu. Avec de persistantes migraines.

Quant à sa fameuse origine transylvanienne (il omettait à dessein de préciser quand il s’en paonnait que Timisoara, Temesvar en hongrois, ville natale de sa mère, ne se trouve pas dans la prestigieuse Transylvanie, mais dans la province voisine du Banat, moins notoire) il la portait tel un titre de noblesse, un attribut dont il se parait comme d’un blason, ancestral apanage héréditaire qui lui conférait le droit d’abuser d’un charme supposé slave – la majorité des gens ignorant que les Hongrois ne sont pas des Slaves, et il faudrait ajouter que pour certains, les Juifs hongrois ne sont pas des vrais Hongrois, sa famille ayant eu au demeurant l’occasion durant la guerre de constater les applications pratiques de cette théorie, Auschwitz compris – de convoquer plus souvent qu’à leur tour dans sa conversation les attributs emblématiques de cette mythologique Transylvanie prodigue de loups grassement nourris, de ténébreuses forêts de sapin, de poignants violons tziganes gémissant à la lune et de boyards sanguinaires en caftan de velours passementé et chapka de loutre à visière, une sorte de privilège seigneurial de s’expédier cul sec dans le gosier force petits verres de vodka dès que l’occasion se présente, voire même d’entrer à cheval dans le chœur d’une église (ce qu’il avait fait une fois, à la grande indignation du curé, et à celle du cheval itou, pas très à l’aise sur les marches inégales et mouillées du parvis XIIIème siècle du vénérable édifice religieux ; l’affaire lui avait valu un procès-verbal en bonne et due forme dressé par la gendarmerie du cru et une amende salée pour « trouble à la quiétude publique et circulation hippique en des lieux non autorisés » formulation qui synthétise admirablement l’anecdote) et enfin, last but not least, d’embrasser « à la russe » toute jolie fille qu’on lui présentait (en prétextant cette respectable coutume slave pour justifier son baiser sur la bouche, parfois limite gamelle, il se gardait bien entendu de préciser que cette tradition concerne les garçons entre eux seulement ; c’est un coup à se prendre des claques si l’on tombe sur une victime au parfum, mais il ne s’en prenait jamais, choisissant ses proies avec suffisamment de discernement pour s’éviter des représailles. C’est un fait que les femmes les moins bêcheuses sont souvent les plus jolies, la mauvaise grâce n’embellissant pas son monde) et de se coiffer en toute circonstance de grands chapeaux de feutre, suffisamment associés à tout cette débauche de folklore d’Europe de l’est pour justifier cette extravagance. Il suffit avec les lounages du héros. On en reparlera assez...

A SUIVRE...
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Message  Invité Sam 13 Oct 2007 - 18:47

Je me permet de remonter ton texte.

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Message  Invité Dim 14 Oct 2007 - 18:36

On ne va tout de même pas cracher des mille et des cents dans la sébile en fibre de palmier tressée d’un marabout de la Goutte-d’Or ou dans le tiroir-caisse à puce numérique d’une voyante d’immeuble comme il faut simplement parce qu’on a un peu fait des siennes suite à un ou deux verres de trop dans le nez, et que du coup la soirée palpitait de présages.
Quelle joie de lire quelqu'un qui comprend l'être ;-)

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L'Ange Gabriel (1er Chapitre) Empty Re: L'Ange Gabriel (1er Chapitre)

Message  Invité Lun 15 Oct 2007 - 15:05

(il ne lui connaissait pas, quand ils vivaient ensemble, cette attendrissante faiblesse pour la dentelle et le falbala ; il est vrai qu’à l’époque elle n’avait pas vingt ans et que lui suffisaient un jeans ajusté et un pull de cachemire trois tailles trop grand pour que la gigue de ses seins en liberté sous le rideau de laine et le tressautement de ses fesses de collégienne bombant le tissu râpé lui constituent un sillage de lubriques amateurs de lolitas en âge légal de loliter sans faire encourir le risque de fâcheuses retombées judiciaires)
Ah , quel plaisir de lire quelqu'un qui comprend l'homme. ;-)

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Message  Invité Lun 15 Oct 2007 - 15:53

Franchise Uber alles.

Je vais te dire franchement Gobu, j'ai été atteint du syndrome Umberto Ecco sur ton texte.Non pas par défaut de lecture, car (et sur tes recommandations) je l'ai regardé, lu, je lui ai jeté un oeil , je l'ai matté d'un oeil si lubrique qu'on aurait presque pu appeller cette action "Peepshowter" un chapître, je lui ai cligné des yeux, je l'ai couvert d'un regard tendre, je me suis même arraché un oeil pour le coller à la dalle rectancle de cristaux liquide qui a remplacé, dans le nouveau siècle,le traditionnel support en cellulose.
Oui,ou plutôt non, je n'ai rien compris à l'histoire. Ou plutôt si, j'ai parfaitement compris que je n'ai parfaitement rien compris. Déjà une grande victoire sur la tristesse d'être plus instruit sur les secrets de fabrications de la bière de garde que sur les méandres du "petit livre blanc", nom complètement fada inventé de l'instant car je ne l'ai jamais eû entre les mains. Il me serais bien difficile d'en deviner la couleur originelle.
Du parrallélisme biblique sous-jacent, auquel ma raison est plutôt perpendiculaire, j'ai donc glissé vers une lecture oblique, m'arretant volontier sur un sous vêtement, une telecaster qui joue "honky tonky man" et des cornichons "à la Russe" qui se roulent à la pelle dans un bocal d'écriture aigre-douce: intelligence, folie, inspiration, coucou Vialatte, instruction et panache dans la phrase.
Ton texte servira de référence à la création de la nouvelle église réformée de Singapour.On y boira la Chimay en fin d'office, tenez c'est 12 dolls, non y macherons l'ostille au beurre sec des Charentes, tenez c'est 24 dolls. Sous l'oeil bienveillants d'idiomes choisis pour les quatre premières lettres qui composent leur appellation, nous réciterons tes textes en Hongrois avant d'entraîner les plus belle fidèles dans les confessions les plus douces et les positions les plus originales.

Reste à déterminer nos arrangements commerciaux pour l'impression et la distribution de ton oeuvre aux foules en délire de l'île. Je te remercie d'étudier la possibilité d'une première édition à compte d'auteur. Il me faut un délais pour rassembler mes moutons locaux, qui ,effectivement ,on une légère tendance à se refugier derrière un rideaux de laine dès que la nuit tombe sur leurs bas, sans qu'il soit possible de définir s'ils sont d'étages, de jaretelles ou de laine.


Amitiés

PW

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Message  ninananere Mer 17 Oct 2007 - 10:30

Je me suis un peu perdue... Entre la soirée appart' à étages, et la visite chez le pote... Oui, j'ai du loupé l'ascenseur du temps. Il y a un peu trop de notes-commentaires pour moi.
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Message  Krystelle Dim 21 Oct 2007 - 16:39

L’écriture est parfaitement maîtrisée et le texte est intelligent. Loin de me moi l’idée de remettre les qualités de ces lignes en question (car à mes yeux il ne fait pas de doute qu’elles en ont) mais je ne suis pas fan du genre et ce pour différentes raisons.

Les qualités de ce texte reposent notamment sur un style bien particulier qui crée chez moi une certaine lassitude.
Le style en question s’appuie sur :
- des phrases très longues (dont une de 2256 signes quand même, je sais bien que Proust a fait pire, m’enfin… !)
- des digressions multiples (via des parenthèses, tirets, propositions nombreuses au sein d’une même phrase etc…)
- des constructions complexes qui nous obligent à aller très loin dans une phrase avant d’en comprendre le sens.

C’est la répétition de ces rouages qui m’a lassée au fil des mots et si j’ai pu apprécier quelques digressions par les références ou l’humour qu’elles portent, j’avoue qu’à la fin, mes yeux étaient tentés de sauter quelques lignes pour enfin comprendre où tu voulais en venir.

J’ai eu l’impression à l’issue du texte que la forme avait fini par étouffer totalement le fond, que de parenthèse en parenthèse tu nous baladais dans un tohu-bohu d’informations diverses et variées dans lesquelles on finit par se perdre...

Krystelle

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Message  Charles Ven 9 Nov 2007 - 10:37

Des phrases très longues, comme le dit Krys. On n'est pas forcément habitué mais me semble qu'il n'y a pas que ça qui gène, là.

me semble que ce qui donne une impression de trop plein, trop long, c'est la combinaison entre ses phrases, l'usage des parenthèses pour caser des réflexions et artificiellement rallonger le tout, la longueur et la multitude des appartées pas toujours passionantes pour le lecteur. Enfin, ça dépend du lecteur évidemment. Samuel Ben Nathan et d'autres cités me laisse plutôt "froid" ... du coup, l'apparté tombe pas mal à plat.

Et à la fin du texte, l'impression que d'une histoire qui tiendrait en trois phrases, tu en fais un pavé. Je sais bien que c'est justement là l'attrait de la littérature mais là, me semble que le pavé est un peu trop massif pour ce qu'il raconte vraiment, du niveau de l'intrigue ...

ouh là, je crois que j'ai pas fait très clair et très digeste dans le commentaire ...
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Message  Sahkti Jeu 22 Nov 2007 - 12:51

Gobu, je me suis régalée!
J'ai trouvé ton texte drôle, intelligent, bien écrit, riche en idées et en bons mots.
J'ai aimé tes digressions, cette façon de promener le lecteur dans diverses directions hétéroclites. J'ai aussi aimé le regard cynique posé sur la vie, sur l'humain, sur la société.
C'est un texte dense, touffu. Je peux imaginer que ça rebute certains, c'est clair, c'est un style très particulier que personnellement, j'aime beaucoup lorsqu'au milieu de toute cette densité, j'y remarque de la légèreté. Pas simple, tu y es arrivé, donc bravo!
Ton personnage est attachant et intéressant, je l'ai suivi sans me lasser, en alternant sourires et réflexions. Car si la forme est agréable, le fond l'est tout autant et donne à réfléchir.
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Message  silene82 Sam 6 Juin 2009 - 13:01

A la lecture de ce CV, je me sens d'une telle proximité avec toi, quoique mon ascendance askhenaze ait emprunté des chemins plus détournés, que je suis un tantinet ennuyé de ce que maman ne m'ait jamais parlé de ce frère qu'elle avait abandonné quelque part dans une consigne de la Gare de l'Est.
Shalom et bienvenue à Haïfa!
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Message  Gobu Mar 11 Déc 2012 - 13:55

...Il suffit avec les louanges du Héros. On en recausera assez. Laissons la parole aux actes. Les bottes de sept lieues précitées (en l’occurrence bottines de veau glacé noires à lacets et semelles à surpiqûres, monsieur ne se chausse pas d’occase, bien qu’il lui soit arrivé d’acheter une paire de souliers chez un brocanteur : il est vrai qu’il s’agissait de bottines Lobb à sa pointure comme neuves. Ca ne se laisse pas passer) le transportèrent de chez lui jusqu’au RER, promenade tonique dans des rues d’une provinciale tranquillité ombrées de façades à dimensions humaines, au cours de laquelle il croisa deux copines qu’il ne manqua pas d’embrasser (l’une des deux seulement à la russe, l’autre obstinément faisant, c’est le cas de le dire, la fine bouche) et de trottoir discrètement changea pour éviter un raseur, crochet qui l’amena à un jet de chique de la porte du Bouge, son bistrot de chute habituel. On n’échappe pas comme ça à son destin. Il n’avait rien contre l’idée d’y déguster un petit café arrosé, histoire de se donner du cœur à l’ouvrage avant de s’enfoncer dans les catacombes des transports interurbains, mais avait un peu peur de se mettre en retard. Le Bouge est un endroit dont on ne sait jamais en y entrant quand, avec qui et dans quel état on en va ressortir. A n’écouter que son bon sens, il serait entré : le méhariste avisé sait qu’il doit profiter de l’oasis quand Allah, dans Son infinie Bonté, en place une sur son chemin – Lui seul sait quand se présentera la prochaine – et ne manque pas de Le remercier quotidiennement de Ses Bienfaits avec les cinq prières réglementaires orientées dans la direction idoine ! Passable cavalier, mais piteux méhariste (la seule fois de sa vie où il avait posé le cul sur le dos d’une de ces houleuses créatures bossues – signe qui ne trompe pas – il avait attrapé le mal de mer et manqué se faire mordre l’avant-bras par l’irascible ruminant) Arno laissa parler sa conscience qui lui dicta – on sait comme sont les consciences – de cracher la chique dans la direction opposée, de rester sourd au chant des sirènes de comptoir à la queue dangereusement préhensile, et de passer au large d’une étape qui pourrait bien devenir une halte. Halte là ! En avant mauvaise troupe, se rassembla-t-il, direction abysses et labyrinthes urbains, c’est au bout du fil que m’attend Ariane, et il aurait fait beau voir qu’on se laissât détourner de sa quête par les coups de cornes d’un quelconque Minotaure de bistrot !

Première erreur. A trop écouter la voix de sa conscience, on n’entend plus celle de ses anges protecteurs et de ses déités bienfaisantes (et Dieu sait que devait en avoir beaucoup cet inconscient qui dansait les yeux fermés au bord des gouffres) qui n’avaient plus souffle ni timbre à s’époumoner pour le mettre en garde et adjurer cette tête en l’air de s’arrêter au moins cinq minutes au troquet avant d’aussi inconsidérément s’engager sur des sentiers sans retour. Il y aurait trouvé son ami de comptoir l’Ange Gabriel, exilé sur terre sous l’incognito tout relatif de Gabriel Kérouk, lequel dans sa grande sagesse d’assidu familier du Talmud et sa profonde lucidité d’éthylique ou inversement, aurait su, kabbaliste rompu au langage sacré des signes, décrypter le S.O.S. tissé en filigrane dans son agenda, lui offrir un autre petit calva pour mieux peser le pro et le contra de l’affaire, négligemment susciter une polémique à propos de l’influence du judaïsme arabo-andalou sur la peinture cubiste catalane, encore un petit calva, dévier habilement le débat sur les éléments comparatifs entre le canto flamenco et le chant rabbinique de Djerba, ce qui, propageant le virus, les aurait conduits à se laisser emporter par la rage musicale et à se rendre chez l’un ou l’autre pour empoigner leurs guitares et poursuivre la controverse avec d’autres arguments, ce qui l’aurait sérieusement mis en retard, voire aurait cramé la soirée (et pourtant jamais je n’aurais dû rater une occasion de partager la compagnie de Gabriel, car comptés étaient ses jours terrestres, comme le sont tous les jours de tous les hommes, quant à ses jours célestes, pas de lézard, il porte un nom d’Archange, lesquels tous en « L »se finissent, comme miel, vermeil et soleil) Gabriel dut sentir l’embrouille, l’extralucide, car de désagréables picotements parcoururent les poils de sa barbe, qu’autant par souci des préceptes de la religion de ses Pères que par seigneuriale insouciance de sa mise il ne taillait jamais, et un frisson annonciateur de calamités bibliques parcourut l’échine voûtée qu’il étayait de ses coudes posés sur le bar, signe qui ne trompait guère non plus : il lui fallait dare-dare un autre verre de vin rouge, compagnon de spleen des anges en exil et des Justes atterrés. Car il avait vu Arno furtivement virer de bord au moment d’entrer au havre et mettre la voile au grand large vers Charybde et Sylla. Cela lui faisait grand peine car son cœur était plein de compassion, et en bon Juif respectueux des plus attendrissantes superstitions de ses aïeux, il toucha du médius le sceau de Salomon d’argent dissimulé sous plusieurs strates géologiques de linge douteux, afin d’éloigner de son imprudent ami l’ombre noire d’Astaroth qu’il croyait voir s’attacher à ses pas, et n’hésita pas pour muscler l’exorcisme à invoquer Gavriel, son Ange de référence, le patron des cohortes célestes n’étant pas de trop face au redoutable lascar en rupture de Shéol. (A moins que, un ton en-dessous dans le registre mythologique, ce fut plus prosaïquement Dionysos, Divinité des vendanges et de l’ivresse, réjouissant gaillard qui ne se déplace jamais qu’en compagnie d’une véritable techno-parade de satyres, de bacchantes et de silènes, le Dieu des ivrognes se crêpant le chignon avec la mère Athéna, Déesse de la sagesse et de la tempérance. S’il s’agissait de ça, on peut révéler que Dionysos a remporté le match par K.O.)

Arno, à mille lieues sur ses bottines des titanesques bastons d’entités qui se planifiaient à son zénith, énergiquement faisait claquer ses talons sur le bitume des couloirs du métro, traçant sa route à travers escaliers roulants trottoirs mécaniques et couloirs aux murs striés de bandes polychromes, fendant tel Moïse la Mer Rouge la cohue brownienne des usagers qui s’écartaient au passage de ce grand échalas tout de noir attifé des semelles jusqu’au bitos progressant avec la mine décidée et le pas conquérant d’un Prince en retard, dispersant dans son sillage une pluie de poussière d’étoiles et de fragments de queue de comètes, tant il était heureux et gonflée sa poitrine de reconnaissance envers le Créateur qui avait fait les cohues si fendables, donné des ailes à de cahotantes machines à essieux, et permis que les répondeurs téléphoniques n’annoncent pas que des tracas. Hosanna !

Crèche toujours dans des endroits invraisemblables et jamais le même, en plus, cette Aline, une vraie romanichelle des beaux quartiers. ! En dehors des quatre ans qu’elle avait passés chez lui en banlieue Ouest, il l’avait successivement vue habiter un élégant trois pièces contemporain du quartier de l’Opéra, un pittoresque duplex XVIIIème en mansarde du Quai de la Tournelle, une minuscule maison de poupée (tout à fait adaptée à ses mensurations de fillette, tout au moins dans le sens vertical) blottie dans une villa ombragée de platanes à deux pas de la Porte de Saint-Cloud, et même une péniche aux boiseries flamandes ancrée au pied de la Tour Eiffel. Encore l’avait-il perdue de vue depuis suffisamment de temps pour n’avoir pas connu tous les campements successifs de cette fille apparemment atteinte de nomadisme citadin, le nomadisme de cette casanière à éclipses étant en réalité la conséquence des tortueuses combinaisons financières de son père, lequel, producteur de cinéma aux recettes en dents de scie, comme le veut la profession, avait eu la prudence de constituer l’hoir de sa progéniture en investissant dans la pierre, placement réputé moins aléatoire et d’un rapport plus régulier même si moins attrayant, mais qui le contraignait à vendre, acheter ou mettre en location ces valeurs en fonction de capricieuses fluctuations du marché pour maximiser le profit, transactions qui contraignaient régulièrement sa fille à émigrer d’un coin à l’autre de son propre parc immobilier. Cette fois-ci, pourtant, elle ne recevait pas dans ses murs. Récemment de retour des Etats-Unis, le petit coucou squattait momentanément le repaire d’un couple ami, le temps que les divers corps de métiers du bâtiment engagés dans une interminable course de lenteur aient achevé de lui aménager son propre nid.

Pas folle, le petit coucou ! Les hospitaliers tourtereaux se mettaient bien, en tous cas, bourgeoisement nichés dans rue discrètement cossue desservant la place de la Concorde, et dans immeuble en pierre de taille certifié Haussmann à tourelles d’angles festonnées de guirlandes fleuries, balcons de fer forgé d’acanthes, et concierge tourangelle traçabilité garantie, toutes choses qui ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval, fût-il le vainqueur du Prix de Diane. Elle l’épaterait toujours, cette clocharde des palaces ! Sans domicile fixe, on lui offre gîte royal. Quant au couvert, on s’en occuperait, planifia-t-il dans l’ascenseur à battants d’acajou marqueté qui l’emmenait au septième étage (Gabriel n’aurait certes pas manqué de lui faire remarquer le caractère éminemment révélateur de la chose, le sept, chiffre inspiré s’il en fût, offrant une palette de représentations symboliques allant de la bénéfique menorah du rituel israélite aux sept péchés capitaux, en passant par les sept nains, les sept samouraïs, le septième ciel naturellement et les sept piliers de la sagesse dans le fion de cet enculé de Lawrence d’Arabie, chacal efféminé de l’impérialisme britannique à dos de chameau, sale bête à deux bosses, c’est tout dire) avec une majesté sénatoriale et des couinements de poulie inquiétants. Il se rassura en se disant que la vénérable machine ayant déjà hardiment traversé un siècle et vu poindre l’aube d’un second, elle avait statistiquement très peu de chances de rendre l’âme à ce moment-là, et que de toutes façons les fées, bienfaisantes ou autres (les doigts il croisa, je le jure) qui s’étaient penchées sur son berceau avaient pour lui des projets plus grandioses que de le faire périr enseveli dans les débris d’une cage d’ascenseur, même portant la griffe prestigieuse de Messieurs Roux et Combaluzier.

Messieurs Roux et Combaluzier le hissèrent en effet sans encombre à destination, avec toutefois petit caprice final raccord avec le numéro de l’étage où il se rendait. Lorsqu’il repoussa la grille de fer de l’ascenseur qui résonna dans son dos comme une porte de prison qu’on claque, il se rendit compte que la perfide mécanique ne l’avait pas déposé au septième étage, mais sur le palier du sixième, information indiscutable fournie en chiffres romains dorés par une élégante plaquette de faux marbre, le bourgeois raffolant de l’antique jusque dans les détails les plus infimes. Palsambleu, jura-t-il (se dit bordel de merde de vérole de moine en langue usuelle, mais nous sommes dans un ouvrage d’une certaine tenue) cette sacrée putain d’antiquité m’a craché trop bas. Va falloir se taper un étage à pied, Messieurs R. et C. s’étant esbignés vers d’autres aventures avec force grincements irrespectueux. C’est de mauvais poil qu’il s’apprêta à toquer l’huis après rageuse ascension des marches résiduelles, rage dont l’épais tapis qui les gainait étouffa les échos sans difficulté, les tapis c’est fait pour ça, lorsqu’il lui revint opportunément à l’esprit que l’invité se doit d’apporter en partage à l’hôte qui le reçoit gaieté santé et prospérité, conditions minimum pour séjourner décemment en ce bas monde, la moindre des choses, quoi, et qu’à sa porte il lui faut laisser son tracas et honorer d’un cœur pur la maison qui s’ouvre à lui (ce pour quoi les Juifs accrochent à leur porte une Mezouzzah, sceau divin destiné à rappeler à chacun le caractère sacré de la demeure familiale, et l’impérieuse nécessité d’en bannir toute source de discorde, merci Gabriel, je sais) L’invité peut aussi sans messeoir s’annoncer les bras encombrés de bonnes bouteilles et empêtré dans les buissons de fleurs, mais de ce côté-là, bernique, Arno s’était pointé les mains dans les poches, ignorant encore s’il inviterait son amie à l’extérieur ou s’ils feraient ensemble des courses pour le dîner. Quant aux fleurs, il avait hésité à en offrir à son ancienne compagne de jeux interdits, ignorant ses rapports avec le maître des lieux et craignant de la sorte de commettre un impair. (Il eut tort, c’est évident. Un joli bouquet n’a jamais fait de mal à personne même si bonbons plus comestibles que les roses en dépit des folies de quelques illuminés de la toque, mais le langage des fleurs, cet espéranto horticole, n’était pas le fort de ce polyglotte)

Il fit donc de ses tracas un paquet qu’il ficela de son irritation, fourra le tout sous le paillasson – monogrammé – tassa de la botte, inspira et expira à fond plusieurs fois – un bon vieux truc de lama tibétain qui marche à tous les coups – et rabattit le caquet du col de sa chemise qui rebiquait inélégamment, aidé en cela par le miroir en pied façon Venise de rigueur dans cage d’escalier souvent fréquenté par dames et messieurs promenant dispendieuses et resplendissantes parures de soirée, lesquels ne répugnent point à se voter un petit coup d’œil admiratif avant d’entrer se faire admirer par les autres. La vieille magie tibétaine opérait toujours : toute irritation avait fui son cœur...
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