Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
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Carmen P.
mitsouko
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Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
La lune hésitait encore à occuper la noirceur du ciel. Les bateaux mouche faisaient retentir leurs cornes de brume, et leurs projecteurs balayant les façades perçaient les ramures des arbres le long des quais. Durant un court instant, leurs ombres projetées se dessinaient sur le mur de ma chambre, pour disparaître dès l’obscurité revenue. Voilà une semaine que je logeais dans cette chambre sous les toits, la ville paraissait calme mais la chaleur torride qui régnait depuis plusieurs jours rendait l’air presque irrespirable. Seul un orage aurait pu apporter un peu de fraicheur, chasser cette ambiance poisseuse, mais la pluie ne venait pas et déjà les premiers stigmates de la sécheresse se voyaient au pelage jauni des pelouses.
Trop longtemps, j’avais fui de ville en ville….pour retrouver les mêmes doutes, arpentant les mêmes ruelles, me réfugiant dans ces bars du bout de la nuit, où les gens parlent à voix basse, échangent des cigarettes, chuchotent des rêves perdus....seule la langue changeait. Des marins de passage, la démarche hésitante, pleine de roulis, de ceux nouvellement débarqués, les frangines d’amour aux paupières fardées, et puis les habitués pour lesquels selon un code secret immuable, certaines places étaient laissées libres.
C’est là que je t’avais rencontrée. Hirondelle voyageuse arrivée la veille d’un mystérieux voyage en Asie. Tu griffonnais sur un carnet, ton Leica posé près d’un bock de bière tiède voisinant avec un bouquin de Céline aux pages cornées. Personne ne s’était hasardé à te parler, de temps en temps le patron jetait un regard furtif vers toi, et puis il replongeait dans sa partie de 421. C’est Céline qui fut l’amorce de notre conversation, tu ignorais que le passage Choiseul raconté dans ce bouquin était tout proche, je te proposais de t’emmener là-bas…sur les traces d’un gamin qui ignorait que plus tard il bouleverserait des vies par la force de ses mots….l’émotion pure…et puis on parla d’Asie, les eaux boueuses de Chao Praya, le fleuve qui traverse Bangkok et son marché flottant, les rues enfumées du quartier Chinatown et ses vendeurs ambulants concoctant des plats épicés au milieu des tchuk-tchuk pétaradants. Ton regard était un peu triste presque absent et puis soudain sur une image, une anecdote il s’éclairait, revivant mentalement des scènes passées, humant un parfum, caressant une pierre polie…..égratignant des souvenirs anciens.
Aujourd’hui, j’observe les ombres chinoises sur le mur glisser sur ta peau, comme une caresse fantomatique. Je te regarde dormir. Tout à l’heure un rai de lune a éclairé prestement le papillon tatoué sur ton épaule. Je ne sais presque rien de toi. Je connais pourtant chaque parcelle de ta peau, tes bracelets qui tintinnabulent, tes lèvres mordues quand tu jouis ….. mais ta mémoire reste un tombeau secret. Tes terres anciennes me sont interdites. Une seule fois tu reçus un appel téléphonique, ton visage se figea, d’une voix blanche tu répondis qu’il s’agissait d’une erreur. Je ne posais pas de question.
Pourtant demain, comme un serpent qui mue nous jetterons nos vieilles vies aux remous du fleuve.
Nous écouterons les tubes de Motown en boucle jusqu’aux portes de Rome.
Tu chanteras à tue tête lorsque nous traverserons les ponts et le vent envolera les fleurs de ton chapeau.
Des nuages en voyage pour escorte moelleuse.
Demain,
nous écrirons sur du vélin d’Angoulême des mots inventés
nous dessinerons sur les nappes des signes cabalistiques
et chaque jour je prendrai une photo de toi pour découvrir ta première ride, ton premier cheveu blanc.
Piazza Navona, près de la fontaine de Neptune nous dégusterons des gelati, léchant nos doigts poisseux et puis nous parlerons avec les mains comme chez Fellini.
Tu verras en Italie les chansons sont d’amour
Trop longtemps, j’avais fui de ville en ville….pour retrouver les mêmes doutes, arpentant les mêmes ruelles, me réfugiant dans ces bars du bout de la nuit, où les gens parlent à voix basse, échangent des cigarettes, chuchotent des rêves perdus....seule la langue changeait. Des marins de passage, la démarche hésitante, pleine de roulis, de ceux nouvellement débarqués, les frangines d’amour aux paupières fardées, et puis les habitués pour lesquels selon un code secret immuable, certaines places étaient laissées libres.
C’est là que je t’avais rencontrée. Hirondelle voyageuse arrivée la veille d’un mystérieux voyage en Asie. Tu griffonnais sur un carnet, ton Leica posé près d’un bock de bière tiède voisinant avec un bouquin de Céline aux pages cornées. Personne ne s’était hasardé à te parler, de temps en temps le patron jetait un regard furtif vers toi, et puis il replongeait dans sa partie de 421. C’est Céline qui fut l’amorce de notre conversation, tu ignorais que le passage Choiseul raconté dans ce bouquin était tout proche, je te proposais de t’emmener là-bas…sur les traces d’un gamin qui ignorait que plus tard il bouleverserait des vies par la force de ses mots….l’émotion pure…et puis on parla d’Asie, les eaux boueuses de Chao Praya, le fleuve qui traverse Bangkok et son marché flottant, les rues enfumées du quartier Chinatown et ses vendeurs ambulants concoctant des plats épicés au milieu des tchuk-tchuk pétaradants. Ton regard était un peu triste presque absent et puis soudain sur une image, une anecdote il s’éclairait, revivant mentalement des scènes passées, humant un parfum, caressant une pierre polie…..égratignant des souvenirs anciens.
Aujourd’hui, j’observe les ombres chinoises sur le mur glisser sur ta peau, comme une caresse fantomatique. Je te regarde dormir. Tout à l’heure un rai de lune a éclairé prestement le papillon tatoué sur ton épaule. Je ne sais presque rien de toi. Je connais pourtant chaque parcelle de ta peau, tes bracelets qui tintinnabulent, tes lèvres mordues quand tu jouis ….. mais ta mémoire reste un tombeau secret. Tes terres anciennes me sont interdites. Une seule fois tu reçus un appel téléphonique, ton visage se figea, d’une voix blanche tu répondis qu’il s’agissait d’une erreur. Je ne posais pas de question.
Pourtant demain, comme un serpent qui mue nous jetterons nos vieilles vies aux remous du fleuve.
Nous écouterons les tubes de Motown en boucle jusqu’aux portes de Rome.
Tu chanteras à tue tête lorsque nous traverserons les ponts et le vent envolera les fleurs de ton chapeau.
Des nuages en voyage pour escorte moelleuse.
Demain,
nous écrirons sur du vélin d’Angoulême des mots inventés
nous dessinerons sur les nappes des signes cabalistiques
et chaque jour je prendrai une photo de toi pour découvrir ta première ride, ton premier cheveu blanc.
Piazza Navona, près de la fontaine de Neptune nous dégusterons des gelati, léchant nos doigts poisseux et puis nous parlerons avec les mains comme chez Fellini.
Tu verras en Italie les chansons sont d’amour
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
J'ai adoré ce texte. Une écriture limpide et efficace qui m'a charmée.
Dès le décor du début, j'ai accroché. Et puis j'ai voyagé. Jusqu'au bout. Belle ambiance. Poésie.
Déception d'arriver au dernier mot. Bravo !
Dès le décor du début, j'ai accroché. Et puis j'ai voyagé. Jusqu'au bout. Belle ambiance. Poésie.
Déception d'arriver au dernier mot. Bravo !
Invité- Invité
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
e pericolo sporgersi...snif.
vous souhaitant bon voyage jusqu'au bout de la nuit, et au-delà de préférence,
mais c'est sur que l'endurance aide: il y a dans cette écriture une portance qui provoque l'ivresse du coureur de fond.
quand je parlais d'athlétique...voilà.
c'est élégant tout ça, et sobre dans l'abondance!
vous souhaitant bon voyage jusqu'au bout de la nuit, et au-delà de préférence,
mais c'est sur que l'endurance aide: il y a dans cette écriture une portance qui provoque l'ivresse du coureur de fond.
quand je parlais d'athlétique...voilà.
c'est élégant tout ça, et sobre dans l'abondance!
Invité- Invité
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
Ça, c'est du Mitsouko pur jus, tellement que ça en frôlerait l'auto-imitation, ne serait-ce ce tournant, cette mue inattendue ("Pourtant demain, comme un serpent qui mue nous jetterons nos vieilles vies aux remous du fleuve."), cette métamorphose en dernière partie de texte ; une fois encore, beaucoup aimé te lire avec, en prime, l'agréable surprise d'un paysage neuf, la vie qui chante, qui aime et rit.
Invité- Invité
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
J'ai bien voyagé aussi ! Un texte optimiste, pour une fois, une histoire d'amour ...
Les descriptions sont belles et nous mettent dans la lumière du lieu.
L'écriture frôle la préciosité sans y tomber.
Les descriptions sont belles et nous mettent dans la lumière du lieu.
L'écriture frôle la préciosité sans y tomber.
Invité- Invité
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
Impression d'avoir déjà lu ce texte... à moins que ce style m'ait déjà interpellé auparavant. C'est souvent comme ça avec les bons textes.
Des ambiances bien transcrites, et l'amour et le mystère du passé de l'autre que la tendresse éclaire... Tout me plaît !
Des ambiances bien transcrites, et l'amour et le mystère du passé de l'autre que la tendresse éclaire... Tout me plaît !
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
J'ai perçu des ambiances, des éclairages laissant entrapercevoir des visages dans la pénombre, des bribes de souvenir colorées : tout ce texte est très évocateur et très fluide, poétique aussi. Belle réussite.
demi-lune- Nombre de messages : 795
Age : 63
Localisation : Tarn
Date d'inscription : 07/11/2009
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
Comme on prend le temps, parfois. C'est du velours, et qu'il a été plaisant de le lire et le relire. Ça se résume en un mot : wahou !
Tout aimé, rien à jeter, vite commenté...
:-)
Tout aimé, rien à jeter, vite commenté...
:-)
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
.Tu verras en Italie les chansons sont d’amour
Mamma mia, quel beau texte. Je viendrai bien avec vous en Italie ! :-)) (Entre autres, pour les glaces… Mais pas que).
Invité- Invité
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
Belle construction, belles ellipses, portraits mystérieux et attachants
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Tu verras en Italie les chansons sont d'amour
Bonsoir,
Ce que "s'écouter écrire" veut dire ...
... et puis : "... tes lèvres mordues quand tu jouis ... " ce mot à double sens et cette forme passive nous prive, malgré la mode fifty shades actuelle, de détails intéressants : Qui mord ? Quelles lèvres ?
Amicalement,
midnightrambler
Ce que "s'écouter écrire" veut dire ...
... et puis : "... tes lèvres mordues quand tu jouis ... " ce mot à double sens et cette forme passive nous prive, malgré la mode fifty shades actuelle, de détails intéressants : Qui mord ? Quelles lèvres ?
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 70
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
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