L'effritement des peaux au contact du monde

[Hue]

noir intense
le clair de lune effaçant les derniers soupirs
dans un coin de la chambre
dans un coin de ma tête
le clair de lune souffle à travers ma bouche ce qu'il reste de nous
et c'est d'un noir primal
d'une infinie violence

premiers craquements
je te vois - tu t'approches
déjà debout
caressant d'une main ce feu devenu rouille
tu sais que
tu sais,
tu ne pourras pas retenir les murs
ils sont comme les claques et les rêves
à jamais fissurés par la coque du temps

et tu sais que
les silences restent là comme un troupeau de biches
et les lumières tremblent encore
nos milliers de questions
comme des milliers de coups

mille éternels retours
à la terre qui se fend
à mon front qui se ride
à l'école, au chagrin
à ce qu'on balbutie, à ce qui se débat
ce qu'on délivre - et qui ne veut pas mourir au front

sables mouvants,
odeur de chlore au fond des friches
mes mains s'enfoncent dans cette chair friable

tu sais que dans le noir j'oublie un peu la fin
et ce qu'il reste de nous
disparaît au fond d'un verre

un peu d'amer au fond de l'eau
quelques gouttes de ce trop-plein contre une parcelle de ta peau
appuyée contre
ce noir intense
je retiens des soupirs que les heures m'arrachent
vivant toujours au rythme des pierres qui tombent
un mot seulement
viendra toucher le sol
avec la sagesse d'un monde qui s'effrite.

[Invité]

ok...
j'espère que tu ne m'en voudra pas d'être brève:
c'est très beau.

c'est nul comme commentaire, mais voilà.

[loic]

comme un chemin de croix flamboyant, je me suis arrêté a chaque station, l'ai repris a l'envers
quelque chose de majeur au propre et au figuré

merci rien à rajouter pour moi, sinon que je relirais régulièrement.

[Invité]

si, j'ai envie d'ajouter que si cet hiver s'effrite au contact d'un nouveau monde c'est encore mieux...
le printemps, c'est dans moins d'un mois!

[Marine]

Merveilleux
Merci
Oui c'est très beau ; il faut chercher de la pudeur pour commenter ici.
C'est tout à fait ce que j'aimerais pouvoir écrire.

[Marine]

"les silences restent là comme un troupeau de biches"
ça, c'est beau à en pleurer

[Janis]

depuis "vlan" que je te lis, j'aime beaucoup ce que tu postes
c'est vrai qu'on ne sait plus quoi dire
c'est beau, les images parlent, les alliages de mots sont inattendus, ça sonne, c'est fort.

[Phylisse]

Tout est murmuré dans un déchirement.

Il y a l'eau, la lumière, le noir, le silence et la terre. Il y a tout un monde qui tangue et tes mots pour le dire me chavirent... Et j'aime ça.

Merci Hue, encore une fois, pour cette émotion à te lire.

"L'effritement des peaux au contact du monde". Ah que ce titre est beau !

[Ariel]

Peu de mots,
mais beaucoup d'attention.

[Invité]

J'aime bien, ça me rappelle un ancien texte de Tristan dans un genre et sur un thème semblables.
Mais ce n'est pas celui que je préfère de toi, étant restée sur la très forte impression que m'avait causé "Où l'on écrit à la craie sur le mur d'un bunker". Celui-là, je le garde bien au chaud.

[hi wen]

l'effritement des peaux au contact du monde.
[...]
avec la sagesse d'un monde qui s'effrite.

alors c'est le monde qui s'effrite, et non les peaux.

[Sahkti]

Peu de choses à dire tant j'aurais peur de briser le charme de ce texte, les échos qu'il éveille, les tableaux qu'il propose à notre oeil avide et curieux. C'est beau (pas très riche comme commentaire, j'en conviens, mais voilà).

tu sais que dans le noir j'oublie un peu la fin
Et ceci me parle tellement...

Merci Hue !

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