Peninsula's crab

[Edgar-Allan]

Imaginez des prairies aux complaintes enivrantes, des airs de violoncelle noyés dans un vent saltimbanque, de longs murs de pierre sèche croulant sous des ciels d’éternité, gris, bleus, noirs et vermeils.
Voyez du vert, partout, de la mousse, des palissades de bois vermoulu, une absence solennelle et des chevaux aux yeux sales. De fines gouttelettes, des reflets de pomme, des odeurs de feu, de lacs et de whisky. Du vert, encore du vert, parfois sombre, parfois clair.
Une brise très légère et des parfums solitaires, des brebis silencieuses, une brume, des collines. De la fumée fraîche et des crissements d’herbe mouillée sous les pas. Du vert, toujours, et une femme, parfois, aux cheveux roux et dorés, et très belle.
Le vieux John marchait dans la lande à pas hésitants, décidés, puis distraits. Son absence au pub ce matin avait fait grand bruit mais le tintement des verres opaques, le chuchotement des cigarettes grasses et les rires entendus et vulgaires avaient bien vite mis un terme à cette préoccupation.
Il rajusta négligemment sur son nez busqué les petites lunettes tordues qui lui rendaient encore la vue puis enfonça profondément ses poings abimés dans l’amicale chaleur de son manteau vert-gris. Il avait un peu froid. De temps en temps, une bruine très légère venait doucement fouetter son beau visage ridé mais celui-ci demeurait invariablement figé dans une étrange expression de sérénité et de regrets mêlés. La plage approchait et, déjà, les langoureux anges blancs traçaient de grandes spirales dans le ciel incertain. Il flottait dans l’atmosphère des millénaires de verdure, de prospérité et, du village, venaient des sonorités aériennes, un effluve de bois brûlé et un bizarre sentiment de bonheur révolu.
John prit le petit sentier de terre qui descendait en direction de l’eau, au travers des falaises. Tout autour de lui, l’on pouvait percevoir le souffle intimidant des gros rochers gris. La mer tout entière se mouvait en gémissant et l’écume nacrée offrait, dans sa lutte fabuleuse contre les abysses noirs, un spectacle féerique et terrifiant. Le vent s’amplifiait furieusement et l’horizon clamait des passions obscènes. John délaça ses vieux souliers rouges, enfonça ses pieds dans le sable humide et ferma les yeux. Il resta là, dressé face à la mer, un long moment. Enfin, un fin filet d’or vint déposer quelques chaudes gouttelettes sur son visage. John rouvrit ses yeux fatigués, esquissa un faible sourire, un peu surpris. Alors, abandonnant au magistral théâtre ses vieux souliers, il reprit le chemin du village et ne se retourna pas.

[Invité]

C'est vrai que parfois, nous les vieux, on s’ennuie.

C'est une bonne idée d'aller d'aller abandonner ses vieilles godasses face à une étendue d'eau quelconque.

Mais quand on a un fond de respect pour la nature, on essaie de les faire ressemeler.

Un peu comme dans le texte en poésie ; où l’ellipse échappe à mon vieux cerveau fatigué, ou il manque une couche à ce récit outrageusement descriptif.

[AntoineJ]

Agréable et imagé, entre poésie et prise, l'atmosphère est bien créée pour une fin attendue ... Qui ne vient pas !
Qui est John, pourquoi cette plage, tant d'hypothèses sont possibles ...
Et après ?
Dommage, le tout est pourtant "puissant"

Ps : si c'est juste pour partager un moment d'émotion sans autre but, c'est réussi

[Invité]

Ce qui à mes yeux ne fonctionne pas :
-le texte qui commence par une interpellation au lecteur ; personnellement, rien de tel pour en principe me faire fuir
-la surabondance d'adjectifs, la volonté trop manifeste de faire poétique.
-les descriptions convenues, vraiment très clichés pour certaines ("un bizarre sentiment de bonheur révolu." ; "une bruine très légère venait doucement fouetter son beau visage ridé mais celui-ci demeurait invariablement figé dans une étrange expression de sérénité et de regrets mêlés")
-un ton grandiloquent presque lyrique ("La mer tout entière se mouvait en gémissant et l’écume nacrée offrait, dans sa lutte fabuleuse contre les abysses noirs, un spectacle féerique et terrifiant.")

En revanche, j'aime bien la fin, qui prend le lecteur par surprise. Naturellement, je me préparais à ce que John prenne le chemin de la mer. J'apprécie le petit côté surréaliste, complètement gratuit de cette fin : il laisse ses chaussures rouges en bord de mer, on ne sait pas pourquoi, mais on s'en fiche (je m'en fiche) ; un détail décalé que je trouve sympa sinon significatif ou symbolique.

[midnightrambler]

"John marchait ..." sur la lande, qui plus est, et au bord de la mer ... j'ai cru que c'était le scénario d'une nouvelle pub pour une marque de whisky bien connue !
... mais non ...

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