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Dan & Sara

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Dan & Sara Empty Dan & Sara

Message  abstract Lun 20 Mai 2013 - 10:40

Dan

Il avait placé sa chaise face à la route. Après c’était le désert. Pas le néant comme certains le pensaient.

Quand on est né dans le Nevada on est capable de voir. Dans le jaune le plus profond, à travers le sable le plus fin, sur l’ocre des sierras. La vie qui se cherche dans les cailloux, apportée par la rosée du matin, tuée le jour même dans le feu de midi. La pluie qui viendra peut-être mais s’enfuit derrière les montagnes.

Quand on est né dans le Nevada on est capable de croire. Aux légendes amérindiennes gravées dans la roche, à la fortune qu’offrent quatre as, à l’amour d’une danseuse aux oreilles de lapin.

Il attendrait que la chaleur monte du sol jusqu’à rendre l’horizon flou. Que le bleu du ciel se perde dans la poussière de la nationale. Il ferait un signe de la main, l’autocar s’arrêterait. Il monterait à bord, les passagers le dévisageraient tandis qu’il irait s’asseoir sur la banquette du fond. La chemise collée au skaï vert, il s’endormirait pour la cité des anges.

Le bus était passé, il n’avait pas bougé. Comme hier, immobile. Comme demain, invariable. Il s’écroulerait tard dans la nuit, abruti de bière bon marché, d’images de catch déversées par le satellite. De porno aussi.

Alors quand le dehors ne sera plus que noirceur il ira pisser sous les étoiles, vomira sous la voix lactée. Sa carcasse étendue sur l’aride il baisera l’univers entier, haïra l’humanité. Chaque astéroïde se muera en vœu, celui d’avoir le courage de partir ailleurs.



Sara

Elle s’est enfuie comme s’abîme un mirage.
Avant il y avait. Un clignement de paupières, il n’y a rien. Elle mord le bonbon acidulé, corps trop lisse aux goûts d’enfance, glisse la langue dans le sucré. Elle n’est pas dupe.

Alors, elle avale les kilomètres, jusqu’au trop plein, l’écœurement, jusqu’à régurgiter l’asphalte. Les contrées, les pays, les villes dansent autour d’elle. Elle s’enivre de leurs lettres de néon, se roule dans des paillettes racoleuses, s’apaise dans le bruissement sourd du métro.

Ici la métropole flirte avec les lumières de la voie rapide. Ni jour, ni nuit. Que des visages qui se reflètent, jamais différents, jamais les mêmes non plus. Elle caresse l’humanité, enlace le monde, épouse la fange puis, se réveille.
D’une main, elle lisse ses cheveux, tente encore une fois de discipliner la mutine. En vain. Derrière sa frange, deux iris bleus jouent à cache-cache.

Des trains, des autocars, des taxis, celui de trop. Par la fenêtre, son regard se corrompt aux banlieues alignées, aux barrières immaculées. Elle se souvient de la fillette qui courait la plaine, briguait l’inhabité, inventait l’infini. Aujourd’hui, l’envie se fait sentir, celle de s’endormir dans un vrai lit, d’être aimée un peu.

Un jour elle se posera, ne reviendra pas. Elle sait que toutes les routes ont une fin et quand son baluchon deviendra maigre du dernier rêve, elle sera arrivée. Qu’importent les doigts maladroits, les baisers volés, l’indifférence installée, elle sera amoureuse.



Dan & Sara

Quand le souffle de l’air redouble de force, devient vent ou tempête, il balaye l’incertain, permet l’inattendu. Deux bottes de cuir rose foulent la poussière. Une fée du matin arpentant le fil de la route.

Un peu ivre, encore égaré des nuits sans sommeil, il sait que son avenir est d’habiter une fleur. Il hésite parfois dans l’instant.

L’autocar l’a déposée, repartira aussitôt. Ici se définit en nulle part dense, le rare lui convient bien. Elle pense que seule l’inconsistance de l’âme déçoit, pas le vide du paysage. L’homme, elle l’a reconnu.

L’odeur de ville est palpable, indissociable de sa personne, mélange de benzène, d’humidité errante et de pop-corn chaud. Elle pourra l’entraîner. Plus loin qu’il n’est jamais allé, à l’extrémité de la chaîne, dans sa blondeur enchevêtrée, vers la vallée dérobée.

De lui, elle ne retient que les mains. Pleines, grandes, solides, des paluches d’ours. Suffisantes pour la porter, l’enserrer, la caresser. Immenses pour l’aimer.

Le désir gagne sur le désert, ébranle les sables. Il a la force des mythes indiens, quand ils levaient la terre, répandaient les rios, déjouaient les montagnes. La bourrasque est impétueuse, elle emporte le passé, les temps présents et à venir, dénude les êtres.

Le premier baiser sera farouche, il aura la couleur du sang, le goût de la vie.


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Message  abstract Lun 20 Mai 2013 - 10:42

Dan avait été posté dans le cadre d'un appel à textes. Je l'ai développé pour l'intégrer à un ensemble.
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Dan & Sara Empty Re: Dan & Sara

Message  Invité Lun 20 Mai 2013 - 15:16

Waouh ! Il y avait longtemps, mais ça valait la peine d'attendre !
j'aime particulièrement:
Ici se définit en nulle part dense, le rare lui convient bien. Elle pense que seule l’inconsistance de l’âme déçoit, pas le vide du paysage.
J'aurais juste supprimé ça
vomira sous la voix lactée.
un peu trop attendu.
J'aimerais mieux
Alors quand le dehors ne sera plus que noirceur il ira pisser son trop plein sous les étoiles, vomira sous la voix lactée
mais, chuis pas l'auteur, hein ! ;°))

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Dan & Sara Empty Re: Dan & Sara

Message  Invité Mer 22 Mai 2013 - 10:24

"Il avait placé sa chaise face à la route. Après c’était le désert. Pas le néant comme certains le pensaient."

"Elle sait que toutes les routes ont une fin et quand son baluchon deviendra maigre du dernier rêve, elle sera arrivée."

"Deux bottes de cuir rose foulent la poussière. Une fée du matin arpentant le fil de la route.

Un peu ivre, encore égaré des nuits sans sommeil, il sait que son avenir est d’habiter une fleur. Il hésite parfois dans l’instant."


wow!
j'ai aimé ce triptyque poétique efficace:
la dense fluidité de l'écriture,
le montage libre à partir de "pièces détachées",
et cette ambiance rocailleuse et sauvage.


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Message  Invité Mer 22 Mai 2013 - 16:39

Bonne idée d'avoir continué, étoffé le texte ; la construction me plaît, cette convergence évidente, ce retour, cette re-connaissance.
Avec Coline, je pense que le "vomira sous la voix lactée." ternit un peu le reste.

Une image que j'ai retenue, un bijou comme je les aime : " il sait que son avenir est d’habiter une fleur. "

Comme toujours, je suis sensible à la qualité de l'écriture, précise, recherchée mais sobre ; c'est un grand plaisir de te lire, dommage que ce soit rare.

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Dan & Sara Empty Re: Dan & Sara

Message  Sahkti Jeu 23 Mai 2013 - 11:50

abstract, quel plaisir de pouvoir te relire !

A la première lecture de la partie "Dan", je me suis demandée si il n'y avait pas une ou deux images trop attendues (les quatre as, le sable, les cailloux...) mais en fait non, tout prend sa juste place, l'atmosphère est là et en poursuivant sur Sara, puis Dan & Sara,, tout se tient, tout s'emboîte, telle la route de la vie qui défile inexorablement.
J'apprécie tout particulièrement la pudeur de ce texte, cette manière de dire tant de choses en peu de phrases. Sans parler de l'atmosphère que tu crées, palpable, presque cinématographique.
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