Cœur séquelle
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seyne
Polixène
obi
post scriptum
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Cœur séquelle
Il conduit.
Dimanche,
Toute la famille est réunie dans cet habitacle qui avance.
Les parents et les trois enfants, unis, s’en vont,
Voir des amis,
Loin du foyer, ils s’en vont.
Il conduit.
Je suis assis,
Calé
Entre la portière feutrée et le flanc osseux mais chaleureux de ma sœur.
Coincé,
Recroquevillé,
J’entends mes parents crier.
Ca va passer, il suffit de subir cette violence en espérant
Un jour meilleur, sans pleurs.
Aujourd’hui, il est difficile de croire à ses paisibles flots,
Soie, crème, chamallow, super héros.
Je sens que tous ces cris ne peuvent plus contenir dans cet espace clos.
Mon père hurle puis se tait.
Lui, conduit,
Sans bruit, les maxillaires serrés, contractés, il accélère.
Seule ma mère supplie.
Je tremble.
Au loin, un mur approche.
Voilà son issue choisie : tuer ces cris, sa famille.
Les arbres défilent,
Je les vois, je voudrais les rejoindre.
Mes rêves filent.
Impossible de s’extraire de cette famille, de ce suicide englobant.
Je me tais, soumis.
Mourir.
Spectateur passif mais pensif.
Seul mon corps réagit, je souffre.
Blessé.
Mes soeurs, ma mère, s’agitent,
Le mur grandit.
Mon père conduit.
C’est une mairie aux murs blancs salis,
Le véhicule privé fonce sur l’édifice.
Les coups cachés vont enfin se dévoiler au public.
Mon père conduit.
Les roues évitent au dernier moment la mort blanchie.
Mes jambes vont longtemps trembler,
Mon pantalon trempé.
Mes parents crient, les portes fermées à clef.
.
.
.
.
.
.
.
.
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.
.
.
.
Je conduis.
Le mur a grandi,
Envahi les arbres et l’esprit.
Papa, pourquoi t’es-tu écarté de lui ?
Dimanche,
Toute la famille est réunie dans cet habitacle qui avance.
Les parents et les trois enfants, unis, s’en vont,
Voir des amis,
Loin du foyer, ils s’en vont.
Il conduit.
Je suis assis,
Calé
Entre la portière feutrée et le flanc osseux mais chaleureux de ma sœur.
Coincé,
Recroquevillé,
J’entends mes parents crier.
Ca va passer, il suffit de subir cette violence en espérant
Un jour meilleur, sans pleurs.
Aujourd’hui, il est difficile de croire à ses paisibles flots,
Soie, crème, chamallow, super héros.
Je sens que tous ces cris ne peuvent plus contenir dans cet espace clos.
Mon père hurle puis se tait.
Lui, conduit,
Sans bruit, les maxillaires serrés, contractés, il accélère.
Seule ma mère supplie.
Je tremble.
Au loin, un mur approche.
Voilà son issue choisie : tuer ces cris, sa famille.
Les arbres défilent,
Je les vois, je voudrais les rejoindre.
Mes rêves filent.
Impossible de s’extraire de cette famille, de ce suicide englobant.
Je me tais, soumis.
Mourir.
Spectateur passif mais pensif.
Seul mon corps réagit, je souffre.
Blessé.
Mes soeurs, ma mère, s’agitent,
Le mur grandit.
Mon père conduit.
C’est une mairie aux murs blancs salis,
Le véhicule privé fonce sur l’édifice.
Les coups cachés vont enfin se dévoiler au public.
Mon père conduit.
Les roues évitent au dernier moment la mort blanchie.
Mes jambes vont longtemps trembler,
Mon pantalon trempé.
Mes parents crient, les portes fermées à clef.
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Je conduis.
Le mur a grandi,
Envahi les arbres et l’esprit.
Papa, pourquoi t’es-tu écarté de lui ?
post scriptum- Nombre de messages : 252
Age : 42
Date d'inscription : 18/11/2011
Re: Cœur séquelle
à la première lecture, il est terrible ce texte.
(mais je ne suis pas très douée pour les comms en ce moment)
(mais je ne suis pas très douée pour les comms en ce moment)
Invité- Invité
Re: Cœur séquelle
ah oui, je suis d'accord : terrible, d'une extrême violence.
je vais même dire qu'il est bon, très bon, on dirait une prose (ce qui ne veut pas dire que la poésie n'est pas bonne ... !), une histoire racontée, un drame qui se déroule sous nos yeux, et ses conséquences ultérieures.
très très efficace la forme.
il y a peut-être des choses à corriger, à revoir, elles ne m'ont pas sauté aux yeux, j'ai tout pris sans distinction, sans discrimination - en pleine face qui plus est, de plein fouet.
wow !
je vais même dire qu'il est bon, très bon, on dirait une prose (ce qui ne veut pas dire que la poésie n'est pas bonne ... !), une histoire racontée, un drame qui se déroule sous nos yeux, et ses conséquences ultérieures.
très très efficace la forme.
il y a peut-être des choses à corriger, à revoir, elles ne m'ont pas sauté aux yeux, j'ai tout pris sans distinction, sans discrimination - en pleine face qui plus est, de plein fouet.
wow !
Invité- Invité
Re: Cœur séquelle
Merci. Bravo pour le titre, bravo pour la forme du poème. Car pour dire tant en si peu de mots, je crois bien que c'est un poème. Il cible l'essentiel, le fil de la vie, terrible, fort et vrai, qui aurait pu, dû peut-être se rompre . Destinées...
obi- Nombre de messages : 553
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Cœur séquelle
De l'extrait de violence. Difficile à avaler, redoutable.
Merci pour ce texte puissant.
Merci pour ce texte puissant.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Cœur séquelle
Oui, c'est décrit avec une force, une précision dans les pensées, les sensations évoquées et une économie remarquables. Y compris cette impression d'un temps qui cesse de s'écouler, et de quelque chose qui restera absolument actuel et appellera la répétition.
Re: Cœur séquelle
Dur, dur.
Mais n'est-ce pas tous les jours qu' "il est difficile de croire à ses paisibles flots,
Soie, crème, chamallow, super héros"
un évènement exceptionnel le révèle, l'état d'urgence demeure.
Mais n'est-ce pas tous les jours qu' "il est difficile de croire à ses paisibles flots,
Soie, crème, chamallow, super héros"
un évènement exceptionnel le révèle, l'état d'urgence demeure.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Cœur séquelle
[Je pense que je vais devoir cesser de commenter, je suis trop souvent en porte-à-faux avec les autres commentateurs. Je ne suis clairement pas dans l'esprit des lieux. Je le regrette.]
Ce texte ne m'a pas semblé dénué d'intérêt, ni écrit à la va-vite, non, ce que je ne comprends pas (mais pas du tout) c'est ce qu'il fait en poésie.
Ce texte ne m'a pas semblé dénué d'intérêt, ni écrit à la va-vite, non, ce que je ne comprends pas (mais pas du tout) c'est ce qu'il fait en poésie.
joe-joe- Nombre de messages : 441
Age : 42
Date d'inscription : 01/05/2013
Re: Cœur séquelle
ce n'est pas idiot comme question. Faut-il créer un nouveau concept : la prose en vers ?
Re: Cœur séquelle
Même comm que jojo.
Legone- Nombre de messages : 1121
Age : 50
Date d'inscription : 02/07/2012
Re: Cœur séquelle
Si l'espace domestique n'est sans doute pas la panacée, il offre néanmoins la possibilité de fuir - par des portes réelles, par celles de l'imaginaire – la segmentation violente du couple. Ici, nulle fuite n'est envisageable, l'arme est chargée, bien en main et tout se mesure à l'aune d'un rapport de force stérile ("J'entends mes parents crier", "Mon père hurle puis se tait." / "… ma mère supplie"). Ce qui marque la lecture, c'est cette apposition ("tuer ces cris, sa famille") qui met bien en évidence le paradoxe de l'acte sur le point de se commettre. Le tassement premier ("coincé", "recroquevillé") exclut la fuite ("s'extraire") et augure même presque déjà le tassement second du véhicule contre l'obstacle désigné et présenté en position d'agresseur ("un mur approche", "le mur grandit"). Le regard du narrateur sur les événements se veut distancié ("cet habitacle, "cette violence", "ces cris" x 2, "cet espace clos", "cette famille", "ce suicide englobant"). Cependant, sa position est forcément ambivalente : à mi-chemin entre l'acteur affolé ("je tremble", "je souffre") et le spectateur lucide ("pensif") et désabusé ("passif", "il faut subir", "soumis"). La mort à venir est éprouvée à l'avance comme une libération. Cette douleur, dont on entrevoit a répétition dans la sphère privée ("il suffit de subir cette violence") va être connue, révélée à tous par le compte-rendu de l'accident dans la rubrique des faits divers ("Les coups cachés vont enfin se dévoiler au public."). Cependant, le pire est évité "au dernier moment". Relaté au présent de narration, cet événement est prolongé par anticipation au-delà de sa durée ("Mes jambes vont trembler") ce qui en renforce, pour le lecteur, le caractère traumatisant. Le jeu des calques ("Il conduit" / "Je conduis") après ces sauts de ligne qui figurent le passage des années, ne fait qu'appuyer violemment le propos : celui d'une enfance fissurée sans doute depuis longtemps, mais dont le sens s'est désagrégé tout à fait à ce moment précis de l'histoire. Depuis, l'existence du locuteur est comme en suspension face à l'idée de cette mort promise et toujours présente, de plus en plus présente, même ("Le mur a grandi"). La forme métonymique du titre ("Coeur séquelle") met suffisamment en évidence le manque affectif du narrateur. Le lecteur à l'impression de se trouver face à une maison qui ne disposerait que d'un terrain marécageux pour se construire.
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 58
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
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