Fièvre jaune
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Frédéric Prunier
Docteur Banania
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Fièvre jaune
Le ciel de Dakar est animé par les harmattans du Sahara. Il pleut de la poussière, de l'or d'un brun brûlant, sur les êtres et les choses, rend ceux-ci brillants et irréels comme des châteaux de sable. Le soleil, que ces tempêtes laissent découvrir, est aussi généreux qu'une orange aux zestes assoiffants. Ses rayons mettent surtout en relief le vide des murs et des rues, leur ancrage résiduel et obstiné dans l'espace et dans le temps. Même l'alizé, dont le règne dure du crépuscule au petit matin, ne suffit pas à dépoussiérer la jaunisse des nuages et des lampadaires. Son passage est juste semblable à une invitation au voyage, comme y font songer les battements d'ailes des oiseaux migrateurs qui closent ce bref couronnement de la fraîcheur.
Des syllabes calcinées surplombent le feu de brousse attisé par une perpétuelle sécheresse. Cinq fois par jour, le cri du muezzin retentit. Le premier appel à la prière détone, à la manière de la poudre noire, contre les paupières des pieux endormis. L'heure qui suit, les mendiants et les marchands ambulants, armés de leurs tambours métalliques et de leurs hauts-parleurs, ameutent la ville.
L'exercice des sens est, chez moi, d'une douceur incandescente. Je suis de ces reptiles qui baignent inertes au fond de la canicule, et dont la participation à la révolution terrestre se résume à un hochement de tête syncopé et répétitif. J'épouse de loin le roulis des caravanes de chair et de sueur, ne consentant qu'à un effort sédentaire, exclusivement audiovisuel.
Enfin minuit ! le pouls se substitue aux lustres d'antan. Le corps retourne à sa propre solitude meublée de visions d'épouvantails en velours, de flux et de reflux pulmonaires, céphaliques, cardiaques...
Des syllabes calcinées surplombent le feu de brousse attisé par une perpétuelle sécheresse. Cinq fois par jour, le cri du muezzin retentit. Le premier appel à la prière détone, à la manière de la poudre noire, contre les paupières des pieux endormis. L'heure qui suit, les mendiants et les marchands ambulants, armés de leurs tambours métalliques et de leurs hauts-parleurs, ameutent la ville.
L'exercice des sens est, chez moi, d'une douceur incandescente. Je suis de ces reptiles qui baignent inertes au fond de la canicule, et dont la participation à la révolution terrestre se résume à un hochement de tête syncopé et répétitif. J'épouse de loin le roulis des caravanes de chair et de sueur, ne consentant qu'à un effort sédentaire, exclusivement audiovisuel.
Enfin minuit ! le pouls se substitue aux lustres d'antan. Le corps retourne à sa propre solitude meublée de visions d'épouvantails en velours, de flux et de reflux pulmonaires, céphaliques, cardiaques...
Docteur Banania- Nombre de messages : 22
Age : 79
Date d'inscription : 22/05/2013
Re: Fièvre jaune
trop court
jme srais bien lu un premier chapitre d'une invitation au voyage
m^me vu par un reptile endormi
bienvenue doc
jme srais bien lu un premier chapitre d'une invitation au voyage
m^me vu par un reptile endormi
bienvenue doc
Re: Fièvre jaune
Je ne serais pas surpris qu'une belle plume migratrice se soit posée sur "vos écrits" ; ne nous reste plus qu'à espérer qu'elle y demeure longtemps pour le plaisir de nos lectures. Bienvenue à cette écriture exotique et sensuelle qui en quelques lignes nous emmène en voyage.
troupi2- Nombre de messages : 158
Age : 68
Localisation : quelque part sur la terre
Date d'inscription : 11/03/2013
Re: Fièvre jaune
Oh la la, quelle découverte !
Je ne sais que dire. Chaque mot à sa place, juste, posé ; chaque image riche, un régal.
Par deux fois, j'ai hésité, par deux fois, j'ai compris que l'auteur est plus subtil et raffiné que la lectrice.
Ici : "Il pleut de la poussière, de l'or d'un brun brûlant, sur les êtres et les choses, rend ceux-ci brillants et irréel"
J'allais protester sur le "il" impersonnel qui ne peut être sujet de "rend" dans la deuxième partie de la phrase, avant de comprendre que "il" est en fait "Le ciel" de "Le ciel de Dakar est animé par les harmattans du Sahara."
Et là : "Des syllabes calcinées surplombent le feu de brousse attisé par une perpétuelle sécheresse"
Je me dis que l'image des syllabes calcinées est gratuite et boum, je tombe tout de suite après sur : " Cinq fois par jour, le cri du muezzin retentit."
2-0 pour l'auteur :-)
Bref, je m'incline, complètement conquise par cette poésie du quotidien et le regard humoristique porté sur soi, le clin d'oeil du reptile : " L'exercice des sens est, chez moi, d'une douceur incandescente. Je suis de ces reptiles qui baignent inertes au fond de la canicule, et dont la participation à la révolution terrestre se résume à un hochement de tête syncopé et répétitif. J'épouse de loin le roulis des caravanes de chair et de sueur, ne consentant qu'à un effort sédentaire, exclusivement audiovisuel."
Peut-on (ardemment !) espérer une suite ?
Je ne sais que dire. Chaque mot à sa place, juste, posé ; chaque image riche, un régal.
Par deux fois, j'ai hésité, par deux fois, j'ai compris que l'auteur est plus subtil et raffiné que la lectrice.
Ici : "Il pleut de la poussière, de l'or d'un brun brûlant, sur les êtres et les choses, rend ceux-ci brillants et irréel"
J'allais protester sur le "il" impersonnel qui ne peut être sujet de "rend" dans la deuxième partie de la phrase, avant de comprendre que "il" est en fait "Le ciel" de "Le ciel de Dakar est animé par les harmattans du Sahara."
Et là : "Des syllabes calcinées surplombent le feu de brousse attisé par une perpétuelle sécheresse"
Je me dis que l'image des syllabes calcinées est gratuite et boum, je tombe tout de suite après sur : " Cinq fois par jour, le cri du muezzin retentit."
2-0 pour l'auteur :-)
Bref, je m'incline, complètement conquise par cette poésie du quotidien et le regard humoristique porté sur soi, le clin d'oeil du reptile : " L'exercice des sens est, chez moi, d'une douceur incandescente. Je suis de ces reptiles qui baignent inertes au fond de la canicule, et dont la participation à la révolution terrestre se résume à un hochement de tête syncopé et répétitif. J'épouse de loin le roulis des caravanes de chair et de sueur, ne consentant qu'à un effort sédentaire, exclusivement audiovisuel."
Peut-on (ardemment !) espérer une suite ?
Invité- Invité
Re: Fièvre jaune
Ah je ne suis pas déçue ! Sauf par la brieveté du texte, mais quel régal !
J'ai failli coincer, comme Easter sur le il sujet de rend, que je ne comprenais pas ( et j'avoue que si je n'avais pas lu le commentaire avant de me rendre ridicule...!)
Il y a déjà un moment qu'on n'avait pas fait une aussi belle découverte !!!
Bon, après le zakouski, y a quoi ?
J'ai failli coincer, comme Easter sur le il sujet de rend, que je ne comprenais pas ( et j'avoue que si je n'avais pas lu le commentaire avant de me rendre ridicule...!)
Il y a déjà un moment qu'on n'avait pas fait une aussi belle découverte !!!
Bon, après le zakouski, y a quoi ?
Invité- Invité
Re: Fièvre jaune
Moi j'ai chopé la fièvre... vite Docteur, un autre, pour me calmer... je tourne en rond...
et bienvenue !
et bienvenue !
Pussicat- Nombre de messages : 4841
Age : 56
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: Fièvre jaune
Dès sa parution, j'ai été envoûtée par ce texte; j'en ai apprécié et le style, et le thème. Mais je me suis sentie incapable de le commenter. Je préfère le relire, en silence.
Invité- Invité
Re: Fièvre jaune
J'ai apprécié l'ensemble mais préféré à partir des "syllabes calcinées" :la seconde partie me semble plus fluide.
Bienvenue sur ce site ,où, j'espère, vous reptilerez à l'aise pour le plaisir des lecteurs.
Bienvenue sur ce site ,où, j'espère, vous reptilerez à l'aise pour le plaisir des lecteurs.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Fièvre jaune
Oui oui, c'est une belle langue, très agréable, avec un rythme bien présent. Mais je vais faire ma chichiteuse, c'est trop court. Pour que l'on puisse juger de la couleur finale du mur, il faut davantage qu'un échantillon de teinte en 2cmx2cm !
(cherchez pas, je repeins mon salon...)
(cherchez pas, je repeins mon salon...)
Lizzie- Nombre de messages : 1162
Age : 57
Localisation : Face à vous, quelle question !
Date d'inscription : 30/01/2011
Re: Fièvre jaune
Une très belle langue, une description qui sonne vraie grâce à des images inventives et à des phrases qui se déhanchent bien sans que le soin formel empiète sur le réalisme sensitif voire sensuel, "d'une douceur incandescente". Cela dit, rien d'exceptionnel pour moi, je ne sais pas si c'est trop court mais en tout cas il n'y a pas de direction fondamentale qui permette au texte de dépasser son aspect descriptif, pictural.
Invité- Invité
Re: Fièvre jaune
Une belle carte postale vivante et une très belle écriture. Il faut beaucoup de talent pour évoquer autant en si peu de mots. À quand les prochaines ?
Invité- Invité
Re: Fièvre jaune
leurs haut-parleurs
Le texte, du ciel au battement intime, procède par fermeture régulière. Pour chaque paragraphe, la progression se fait à thème divisé, resserrant la perspective du général vers le particulier. Les phrases simples et complexes s'équilibrent. On remarque un certain penchant pour l'incise que l'on trouve dans des propositions relatives explicatives ("que ces tempêtes laissent découvrir", "dont le règne dure du crépuscule au petit matin"), mais aussi dans un groupe prépositionnel ("chez moi") et dans un groupe participe ("armés de leurs tambours métalliques et de leurs haut-parleurs"). Ce procédé de rupture confère un charme particulier à la lecture. Le recours à la proposition participiale ("attisé par une perpétuelle sécheresse", "ne consentant qu'à un effort sédentaire", "meublée de visions d'épouvantails en velours") varie agréablement le travail de composition. Le niveau de langue, soutenu, s'accommode particulièrement bien au jeu des subordonnées. Une autre tentation est celle de la juxtaposition et, à l'occasion, du choix d'un rythme ternaire assez envoûtant ("Le premier appel à la prière détone, à la manière de la poudre noire, contre les paupières des pieux endormis."). On trouve peu de phrases courtes, un jeu de construction plus élaboré étant privilégié.
Les deux comparaisons ("aussi généreux qu'une orange aux zestes assoiffants" / "semblable à une invitation au voyage") mettent en évidence un jeu d'opposition entre soleil étouffant et doux alizé (métaphore : "bref couronnement de la fraîcheur"). D'autres contrastes, saisissants, se dessinent entre "la prière détone" et "pieux endormis", "mendiants" et "marchands", "tambours métalliques" et "haut-parleurs". Dans un contexte aussi pesant, l'ouïe est évidemment le sens le plus fécond ("syllabes", "retentit", "cri du muezzin", "appel", "détone", "ameutent", "flux et de reflux pulmonaires, céphaliques, cardiaques"), celui qui exige le moins d'efforts de la part du locuteur. Le champ lexical de la chaleur, qui traverse le texte, renvoie au titre qui est d'abord à lire dans l'acception particulière de fournaise, comme le confirme l'animalisation ("Je suis de ces reptiles qui baignent inertes au fond de la canicule"). L'idée même du relationnel avec des groupes humains, qui inclut par conséquent, l'échange, le toucher, est mis à distance comme l'indique la métaphore ("J'épouse de loin le roulis des caravanes de chair et de sueur"). Ce qui nous amène au sens plus spécifique du titre. La chaleur présente bien ici le caractère symbolique d'une maladie contagieuse, comme le confirme la métaphore "la jaunisse des nuages".
Merci pour le voyage !
Le texte, du ciel au battement intime, procède par fermeture régulière. Pour chaque paragraphe, la progression se fait à thème divisé, resserrant la perspective du général vers le particulier. Les phrases simples et complexes s'équilibrent. On remarque un certain penchant pour l'incise que l'on trouve dans des propositions relatives explicatives ("que ces tempêtes laissent découvrir", "dont le règne dure du crépuscule au petit matin"), mais aussi dans un groupe prépositionnel ("chez moi") et dans un groupe participe ("armés de leurs tambours métalliques et de leurs haut-parleurs"). Ce procédé de rupture confère un charme particulier à la lecture. Le recours à la proposition participiale ("attisé par une perpétuelle sécheresse", "ne consentant qu'à un effort sédentaire", "meublée de visions d'épouvantails en velours") varie agréablement le travail de composition. Le niveau de langue, soutenu, s'accommode particulièrement bien au jeu des subordonnées. Une autre tentation est celle de la juxtaposition et, à l'occasion, du choix d'un rythme ternaire assez envoûtant ("Le premier appel à la prière détone, à la manière de la poudre noire, contre les paupières des pieux endormis."). On trouve peu de phrases courtes, un jeu de construction plus élaboré étant privilégié.
Les deux comparaisons ("aussi généreux qu'une orange aux zestes assoiffants" / "semblable à une invitation au voyage") mettent en évidence un jeu d'opposition entre soleil étouffant et doux alizé (métaphore : "bref couronnement de la fraîcheur"). D'autres contrastes, saisissants, se dessinent entre "la prière détone" et "pieux endormis", "mendiants" et "marchands", "tambours métalliques" et "haut-parleurs". Dans un contexte aussi pesant, l'ouïe est évidemment le sens le plus fécond ("syllabes", "retentit", "cri du muezzin", "appel", "détone", "ameutent", "flux et de reflux pulmonaires, céphaliques, cardiaques"), celui qui exige le moins d'efforts de la part du locuteur. Le champ lexical de la chaleur, qui traverse le texte, renvoie au titre qui est d'abord à lire dans l'acception particulière de fournaise, comme le confirme l'animalisation ("Je suis de ces reptiles qui baignent inertes au fond de la canicule"). L'idée même du relationnel avec des groupes humains, qui inclut par conséquent, l'échange, le toucher, est mis à distance comme l'indique la métaphore ("J'épouse de loin le roulis des caravanes de chair et de sueur"). Ce qui nous amène au sens plus spécifique du titre. La chaleur présente bien ici le caractère symbolique d'une maladie contagieuse, comme le confirme la métaphore "la jaunisse des nuages".
Merci pour le voyage !
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 58
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Fièvre jaune
Docteur Banania est décédé
Art. Ri- Nombre de messages : 314
Age : 25
Date d'inscription : 28/10/2010
Re: Fièvre jaune
c'est bien que Vos écrits n'ait pas disparu, et que jfmoods ait pu le trouver et nous le redonner à lire.
re : Fièvre jaune
Très personnelle carte postale de Dakar. Les mots se font images, sensations, parfums... Et l'avantage d'une carte postale, c'est que c'est court, tout le monde la lit.
Peut-être que la carnet de voyage va suivre. Là, il faudra commencer à organiser et développer... Mais les textes-vignettes ont le privilège d'être denses, fort travaillés, avec le doux plaisir de nous laisser sur notre faim, donc de nous faire rêver.
Peut-être que la carnet de voyage va suivre. Là, il faudra commencer à organiser et développer... Mais les textes-vignettes ont le privilège d'être denses, fort travaillés, avec le doux plaisir de nous laisser sur notre faim, donc de nous faire rêver.
Raoulraoul- Nombre de messages : 607
Age : 63
Date d'inscription : 24/06/2011
Re: Fièvre jaune
Hop, juste parce que.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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