Gagner du temps

[Arielle]

Tirés tout chauds de vos torpeurs
où courez-vous tendres rêveurs
talonnés par cet œil d’émail
d’un cadran
morne épouvantail

Où étiez-vous cette nuit-même
en quel pays
en quel poème
le jour qui point mâche des cendres
il faut s’attabler sans attendre

Qui roulez-vous escamoteurs
d’instants volés
pauvres tricheurs
tétanisés sur un trottoir
vous venez de rater l’espoir

Qui conduit ce bus insensé
où vous auriez voulu monter
l’enfer est pavé du malheur
d’être ou de ne
pas être à l’heure

[Invité]

Tic tic tic, vite vite vite !
Et pourtant... tout (elle) finit par venir à l'heure pour qui sait attendre ...
Un "intemporel", "éternel" sujet qui, au-delà de l'exercice poétique, n'a rien d'anodin.

Beaucoup aimé la façon de partir d'éléments concrets pour créer et servir une abstraction pourtant tout à fait évidente, accessible.
Et un coup de coeur pour cet "escamoteur" rare aujourd'hui, en désuétude je crois, et à lui seul déclencheur d'images d'un monde, une époque disparus....

[Invité]

"l’enfer est pavé du malheur
d’être ou de ne
pas être à l’heure"

c’est un poème qui prend par le colbac, et peut secouer l’arbre en chacun.
qui n’est pas talonné par cet « œil d’émail »?

un enseignement à la forme impeccable, à garder sous le coude pour se le décliner télèscopiquement.
selon l’humeur et le…temps.

[Pussicat]

j'ai raté le bus ce matin mais pas ce poème... j'apprécie la musique de ces vers en octosyllabes à la forme irrégulière qui permet au lecteur de ne pas se laisser prendre au jeu des rimes pour entrer dans cette saisissante course éphémère de l'attrape-moi si tu peux, de l'intemporel, du quotidien renouvelé, du grain de sable de la main tombé...
j'aime !

[Invité]

C'est très curieux, la poésie : pendant que je lisais ton poème, est ressurgi dans ma mémoire,( avec un air de parenté qui pour moi, ne nécessitait pas de test adn !) ce poème de Musset que j'adorais, petite :
C'était dans la nuit brune
Sur le clocher jauni
La lune
Comme un point sur un i
Il y a dans le rythme quelque chose qui passe de l'un à l'autre... et une même élégance !

[Invité]

Toujours autant d'élégance et de grâce dans tes poèmes. A lire et relire, avec toujours le même plaisir.

[Annie]

Forcément ! Après une nuit blanche, qui pourrait être à l'heure.

Tu nous fait voir et sourire avec légèreté des petits maux, des petites misères de la vie quotidienne, si quotidienne.
J'ai pensé à Jules Laforgue
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jules_laforgue/complainte_sur_certains_ennuis.html

[joe-joe]

Joli texte.
Mais j'ai buté sur ce vers "talonnés par cet œil d’émail", peu satisfaisant d'un point de vue sonore.

[Invité]

Joli texte.
Mais j'ai buté sur ce vers "talonnés par cet œil d’émail", peu satisfaisant d'un point de vue sonore.

Moi aussi
un des deux mots (oeil, émail) devrait être remplacé par un synonyme à la sonorité plus feutrée.
A part ça c'est très bon

[Legone]

Bien aimé comme d'habitude ou presque. Surtout le début de la deuxième strophe avec ce "en quel poème", j'ai trouvé ça magnifique.

[Manon Lunalice]

Un petit chef d'œuvre. Un petit poème traversé par beaucoup de sens. Changez rien.

[Frédéric Prunier]

je préfère lire ton poème à l'envers
Strophe 4
Strophe 3
Strophe 2
Strophe 1

la métaphore est un peu moins évidente
sans rien perdre de sa force

à mon sensje...



au fait,
je tiens à m'excuser pour t'avoir chaparder une pelote de fil blanc que j'ai teint en noir.........
m'excuser et/ou à te remercier


amitié

[Frédéric Prunier]

et comme ça j'enlève juste le mot ...morne...

[Frédéric Prunier]

pour....
un cadran
d'épouvantail.

[troupi2]

Un petit texte à lire à toute vitesse sur lequel on rencontre des expressions attachantes.
Où étiez-vous,en quel poème : j'ai adoré !
Plein d'autres choses encore, une petite perle ce poème, merci Arielle.

[Arielle]

Merci à vous tous, lecteurs et commentateurs qui avez pris de votre précieux temps pour le partager avec moi ;-)

Easter je n'avais pas conscience de sortir de l'ombre un vieux mot avec cet "escamoteur" si c'est le cas, c'est tant mieux, je trouverais dommage qu'il se perde

Je suis particulièrement touchée Annie de cette parenté que tu relèves avec Jules Laforgue
"On voudrait saigner le Silence" j'adore !

Musset, je le vois moins comme mon cousin, bien que sa lune sur le clocher me soit aussi très chère, m'amie Coline

Moi aussi je bute sur cet "oeil d'émail" mais je crois que c'est le but recherché, je n'y touche donc pas pour l'instant ...

Comme tu veux tu lis Frédéric, à l'envers ou à l'endroit les aiguilles tournent au même rythme et te mèneront à la même conclusion !

[Pussicat]

et en retirant le "d"...non ?

talonnés par cet œil d’émail
talonnés par cet œil émail

[Pussicat]

Moi aussi je bute sur cet "oeil d'émail" mais je crois que c'est le but recherché, je n'y touche donc pas pour l'instant ...

tout en respectant ton choix...

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