Jean de la Lune

[Jano]

C'est une bulle dans laquelle je m'enferme quand, tout autour, se répand l'agitation.

Espace hermétique qui m'isole des uns et repousse les autres, où l'extérieur ne peut plus m'atteindre. Seuls résonnent les battements de mon cœur, le souffle de ma respiration, l'absolu de ma pensée. Comme un fœtus entre deux eaux.

Ma bulle a ceci d'étrange qu'elle arrête l'écoulement du temps, mon esprit flottant dans un état indéfinissable qui ignore la durée, une apesanteur des sens.

Dans ma bulle je ne m'ennuie jamais, il y a moi et puis il y a je, en perpétuelle discussion, qui parfois s'affrontent mais ne se séparent pas, soudés par le sang. Quand moi parle je écoute, toujours, car moi-même ne peut aller seul.

Ainsi dans ma bulle je n'ai besoin de personne.

Ma bulle est une sphère invisible qui m'éloigne de l'environnement quand il est trop envahissant, rompt tous les liens périphériques pour se recentrer sur l'essentiel de l'être. Elle répond à un interrupteur organique qui me déconnecte du monde dès que j'arrive à saturation et m'ouvre les portes d'une dimension intime, impénétrable. Ma conscience occupe alors un vide, s'étend sur un repos.

Souvent, petit, les uns et les autres me répétaient : « Jano, tu es encore dans la lune ! » ou bien « Jano tu rêves ! ».

Ils se trompaient, les sots. Ce n'est pas dans la lune que j'étais, ni dans les rêves, mais pelotonné tout entier dans ma bulle.

Un jour, je le sais, ma bulle s'envolera définitivement pour m'emporter vers de sombres étendues. Elle voguera quelques instants avec d'autres bulles au-dessus d'une mer de néant et « plop », crèvera et me laissera chuter dans l'éternité

 

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[Invité]

C'est certainement très bien analysé et transcrit.
J'aurais aussi bien aimé que la bulle donne lieu à un récit, une anecdote, un fantaisie, une folie peut-être...
Je m'interroge sur la pertinence du dernier paragraphe, en soi il ne dérange pas la lecture, mais je lui trouve peut-être un son un peu final, une espèce de moralité de conclusion qui se cherche...

[Invité]

Etrange texte... Ce qui me gêne ici, c'est de ne pouvoir en déceler l'objectif : le nom du personnage étant le même que le tien, on aurait  tendance à faire l'amalgame, bien  que ce qu'il dit  semble très éloigné de l'image que tu donnes habituellement.
Il y a quelque chose de dépressif dans ce texte et une sorte de nudité qui crée un mouvement de sympathie, mais envers qui ? Le personnage ou l'auteur ? L'incapacité à répondre à  cette question  risque  d'éloigner pas mal de commentateurs.
C'est  bien écrit, comme toujours, et ça introduit une fragilité - une bulle, ce n'est pas  très solide- mais une fragilité qui se revendique et qui sépare... Il y a toujours quelque chose de l'ordre de la glace dans tes textes et celui-ci illustre  cet aspect de façon criante, mais en introduisant une nuance que je n'avais jamais rencontrée chez toi auparavant : une souffrance.
Je me plante peut-être, mais il me semble que tu inaugures une nouvelle manière d'écrire,  avec plus de confiance  dans tes lecteurs et que tu ressens moins le besoin d'amidonner.  Tant mieux !!!
j'ai hâte de lire les prochains !

[Lucy]

Un texte léger, agréable à lire. Cependant, il me manque un petit quelque chose.

[bertrand-môgendre]

Bulle, étrange lieu dans lequel, j'avoue, j'aime à me retrouver, me concentrer.
Concernant le texte, j'ai peur qu'il ne fasse corps avec le sujet, exister un instant puis disparaître définitivement accompagné du fameux "plop" que tu évoques de fort belle manière.
Chose surprenante, suggéré par ton "Jean de la lune", je remarque que les bulles produites entre mes mains savonneuses, reflètent les images de l'extérieur tel un miroir, sans que l'on sache toutefois, ce que peuvent me renvoyer les parois à l'intérieur.
Bon, j'y retourne, en prenant garde de ne pas percer le mystère.

[Invité]

Voilà une bulle qui, pour moi, fait plop… probablement parce que c’est creux. Je me suis demandé ce que faisait Jean dans sa lune (pleine, mais vide) ?

[Jano]

Je craignais que ce texte ne rebute par son aspect égocentrique et je m'attendais à peu de commentaires. Je suis donc heureux qu'il ait attiré quelque attention et remercie vivement tous ceux qui se sont penchés dessus.
Sous son apparence, ce texte n'est pourtant pas exclusivement tourné vers ma personne. La « bulle » que j'évoque, chacun la connait, chacun la partage. C'est ce moment bien particulier où l'esprit se détache du monde pour se tourner vers soi, cet ailleurs intime, ce moment privilégié de rêverie. Le fait est qu'enfant j'étais un grand rêveur et, devenu adulte, il m'arrive encore de m'échapper dans cette dimension reposante. L'écriture, en nous permettant d'évoluer dans une ambiance singulière assez proche qui nous isole de l'environnement n'est finalement qu'une de ses excroissances.

[seyne]

j'ai aimé la simplicité de ce texte qui sans aucun effet de manche interroge une expérience intime et ses significations. Un texte exploratoire.
Ce qui n'est pas apparent, c'est le "travail" presque inconscient qui se fait dans cette bulle, justement à cause de l'intimité avec soi-même et l'honnêteté, l'acuité qu'elle donne.........le texte écrit ici en est pourtant une illustration. Une illustration du travail du dedans, puis de l'issue vers le dehors par le langage.

[seyne]

[seyne]

J'ai oublie de donner les références du morceau. C'est "Terrible horse" par Les marquises.

[Raoulraoul]

Je partage les avis de Easter et Coline Dé qui analyse bien. Tu sembles si enfermé(e) tant ta bulle que tu ne peux émettre un récit. Texte d'auto-commentaire. Soit. Chacun a une bulle. On la redoute autant qu'on la chérit. Essaie peut-être maintenant de lui faire un sort à cette bulle étouffante. Comment se positif se retourne en négatif ? L'envers de la bulle c'est quoi ? Mais ta bulle me cause tellement, je m'y retrouve aussi, qu'elle me fait peur. Ta bulle est notre miroir. C'est déjà ça !

[Pussicat]

Imaginons... la bulle est physique, chimique, spirituelle, intellectuelle, accidentelle, elle est là comme la fine membrane originelle, elle arrête le temps tout simplement parce que le temps n'existe plus dès que Jean de la Lune se branche...

Dans ma bulle je ne m'ennuie jamais, il y a moi et puis il y a je, en perpétuelle discussion, qui parfois s'affrontent mais ne se séparent pas, soudés par le sang. Quand moi parle je écoute, toujours, car moi-même ne peut aller seul.

Je pense, Je écrit mais Je dit :
- Ce n'est pas bien écrit...
- Comment ça ? tu as vu la figure de style, là ?
- Je parle de l'ensemble.
- Le thème est traité.
- Si cela te suffit...
- D'accord... vas-y, reprends, corrige.

Jean de la Lune ne s'ennuie jamais,  quel dommage...

Ainsi dans ma bulle je n'ai besoin de personne. : aveu d'échec... et faux !

Ma bulle est une sphère invisible... d'une dimension intime, impénétrable.
je décroche... Help ! Help !

Un jour, je le sais, ma bulle s'envolera définitivement pour m'emporter vers de sombres étendues. pas colorée ta bulle Jano, elle m'invite pas au voyage...

On sent venir la fin, une orgie de bulles qui s'éclatent à donf' dans le cosmos...

J'ai lu une allégorie de VE et un texte sensible.

[Pussicat]

Je viens de lire ton commentaire... sensible, le passage :

Ma bulle est une sphère invisible... s'étend sur un repos.

semble faire doublon.

j'ai aimé !

[Pascal-Claude Perrault]

Heureux les simples d'esprit car le royaume des cieux leur est ouvert.

Je connais très bien cette bullune là.

[Legone]

J'aime bien le sujet, son traitement me paraît sensible. Je ne suis pas critique littéraire, j'ai lu avec intérêt et plaisir.

[Bakary]

C'est parfois grisant de partager une expérience personnelle avec d'autres, une perception, une sensation, liée à un espace, une sphère, un monde unique qui vous habite et vous enveloppe en même temps.

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