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La nostalgie est parfois la seule issue pour ceux qui n'espèrent plus de l'avenir

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Message  mitsouko Dim 21 Juil 2013 - 16:38

L’haleine chaude de la chaleur encore persistante à cette heure tardive, rendait nos gestes rares, une économie de mouvements comme ces crocodiles impassibles dans les marigots africains. La crinière argentée de Pablo, sa chemise blanche impeccable, qui faisait ressortir son teint cuivré, et ses ridules au coin des yeux, de ceux qui ont trop regardé le soleil. Il se figea, stoppant le mouvement circulaire de sa main ce qui fit taire le tintement du glaçon sur la paroi de son verre.

Je n’arrive plus à écrire me dit-il, j’essaie de me persuader que je fais une pause volontaire, que je me remplis de matière pour plus tard………foutaise ! je suis sec comme un oued asséché, la veine est épuisée et mes coups de pioche désespérés ne ramènent que de la caillasse de mots inutiles. J’ai raconté à mon éditeur que j’avais une pièce de théâtre en chantier……fumisterie pathétique, pas un personnage, pas un dialogue, et Mirenda qui s’imagine qu’elle aura le rôle de sa vie……le pire c’est que je ne la dissuade pas, lui laissant même croire que j’écris uniquement pour elle.
Regarde la, elle a vingt ans, elle est belle, de cette beauté radieuse qui n’a pas encore l’arrogance de celles qui connaissent le pouvoir de leur charme ; à quelque distance de là je regardais une gracieuse almée qui se déhanchait sur des sons techno. Je rends sans doute ivres de rage et de jalousie quelques éphèbes présomptueux, de la voir s’enrouler autour d’un type comme moi. Une petite vengeance mesquine, car j’ai toujours détesté ces jeunes cons, fils de riches, persuadés que le talent et l’élégance se mesurent à l’aune de leur patrimoine. Bien sûr je suis invité dans leurs fêtes, on s’honore de ma présence, on goûte mon sens de la répartie, quelques femmes qui s’ennuient attendent que je leur parle d’autre chose que de la situation économique désastreuse…….et puis je suis connu, et certains se damneraient pour annoncer sur leurs réseaux sociaux qu’ils ont conversé avec un écrivain célèbre, qui a eu quelques prix et qui a été en tête pendant 16 semaines des meilleurs vente de romans.
Tu vois,  j’ai appris leurs codes, je connais leurs faiblesses coupables, leurs égoïsmes exacerbés, leurs vanités dérisoires et par-dessus tout leurs naïvetés affligeantes. Quand on possède presque tout, la peur de tout perdre vous rend fragiles, on ne caresse plus les pierres qu’en estimant leurs valeurs immobilières.

Mais à toi, je ne vais pas mentir, je suis fatigué de cette mascarade, cet immense jeu d’ombres et de postures, on cherche l’éternelle jeunesse dans le corps de filles diaphanes qui pourraient être nos propres filles, on s’enivre de discours creux et convenus, on accorde quelques interviews où l’on vous prend pour la pythie des temps modernes…………..et derrière tout cela, les mots me fuient, on finit par se plagier, mes muses, bien que ce troupeau céleste de bienfaitrices mais toujours fait marrer, s’emmerdent tellement qu’elles se sont tirées loin d’ici, trouver un autre bonhomme qui a encore quelques sincérités à dire.
Tu vois, le cynisme désabusé ne fait pas œuvre littéraire, au plus un billet d’humeur passagère, un twitt rageur pour érafler la toile, une fulgurance qui semble intelligente au regard de la médiocrité ambiante.

Je me rappelle mon tout premier bouquin, enfin à l’époque juste des feuillets mal assemblés ; j’avais eu l’impudence ingénue, d’envoyer mon ébauche de manuscrit à Philip Roth, je ne sais plus comment je m’étais procuré son adresse. Comme un idiot, je guettais chaque jour ma boîte aux lettres, à l’époque il était auréolé de gloire avec le succès de « Portnoy et son complexe », et moi j’avais l’intime conviction stupide que ce gars allait me répondre. Bien sûr, je ne reçus aucune réponse de sa part, pourtant il y a une dizaine d’années, l’année où je publiais mon premier roman salué par la critique, je le croisais dans un pince fesse organisé par ma maison d’édition, à l’époque nous étions dans la même écurie si j’ose dire ; en fait nous nous sommes retrouvés côte à côte aux toilettes, le moment était peu propice aux confidences, mais devant nos lavabos, en train de nous laver les mains nous nous épions du coin de l’œil. Il regarda fixement le miroir, comme si il se parlait à lui seul, oubliant ma présence. Puis d’une voix calme, articulant précisément chaque phrase comme il s’agissait de quelque bréviaire il me dit : « quand on décide "de devenir écrivain", on n'a pas la moindre idée du genre de travail que cela représente. Quand on commence, on écrit spontanément à partir de son expérience assez limitée du monde non écrit et du monde écrit. On est plein d'une exubérance naïve. "Je suis un écrivain !" C'est une joie du même genre que "J'ai quelqu'un dans ma vie !" Mais y travailler jour après jour ou presque pendant cinquante ans – que ce soit à être écrivain ou amant – est une tâche d'une exigence extrême ; c'est loin d'être la plus agréable des activités de l'homme.

Généralement, les écrivains qui cessent d'écrire ne le disent pas, Ils ne doivent pas vouloir qu'on sache qu'ils ont arrêté, que leur magie n'opère plus ».
Puis il se tourna vers moi et me dit d’un ton détaché, presque soulagé : « Si vous me demandiez : « Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?" je vous répondrai "Sur rien du tout, je crois que c'est fini. Je crois que je suis fini."
« Vous verrez un jour ce moment viendra certainement, cette lassitude, ce constat des muses décapitées qui gisent dans votre mémoire, alors souffrez encore quelques années, maudissez ces méchantes heures à noircir des pages blanches, à voir des flammes dévorer des chapitres pesants comme des corps morts……et puis cette jouissance à avoir quand même réussi à écrire le mot fin au bout d’une histoire, qu’un type lira dans un métro bondé ou sur une plage déserte ».
Il quitta les toilettes, avant moi, je restai sous le choc de cette confidence, de ce testament littéraire, Philip Roth n’écrirait jamais plus, j’étais sans doute le seul à le savoir.

Pablo se leva, il s’apprêtait à rejoindre Mirenda, le lendemain ils devaient se levaient tôt pour partir en Crète. Il fit quelques pas, puis se retourna et me dit d’une voix lasse : »tu sais, la nostalgie est parfois la seule issue pour ceux qui n’espèrent plus rien de l’avenir.
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Message  Invité Lun 22 Juil 2013 - 7:34

Pour la forme, je trouve le titre trop long, la première partie agréable à lire, ensuite à partir de la rencontre de Pablo avec Philip Roth (pas étonnée que tu aies fait appel à lui), je trouve la lecture moins facile, avec quelques fautes d'orthographe...

Pour le fond, le sujet n'est pas facile. Parler de son manque d'inspiration, alors qu'il est si difficile pour ne pas dire impossible de savoir pourquoi cette sècheresse soudaine, me semble une sacrée gageure.

Je trouve habile d'utiliser ce petit subterfuge (l'aveu d'un grand écrivain) pour "normaliser" en quelque sorte cette carence, la rendre plus évidente, puisque si difficilement explicable.
Je me trompe peut-être.

Grand plaisir de te lire à nouveau.

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Message  Invité Lun 22 Juil 2013 - 9:41

Tout comme embellie, je suis heureuse de te retrouver parmi nous.

De même que je partage son analyse : j'adhère (presque toujours) à la mise en abyme mais le texte me semble sur le fond trop explicatif ; je suis surtout un peu sceptique sur la manière de long monologue du personnage principal d'abord, de Ph. Roth ensuite.
Sur le fond, je pense à cette citation cynique et inattendue de V. Woolf (qui l'eût cru ?!), elle me paraît assez bien résumer la problématique.
: "Écrire, c'est comme le sexe : d'abord on s'y met par amour, puis on le fait pour quelques amis et enfin, on le fait pour de l'argent."
Enfin, comme souvent dans tes textes, l'ambiance et le ton me plaisent, ce quelque chose (romantisme ?) de désabusé, revenu de tout, cette nostalgie à fleur de mémoire.

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Message  Lucy Mar 23 Juil 2013 - 5:14

Pablo est devenu Luchini, le temps d'un texte. La faute à "Art" que je viens de visionner.
La sincérité qui se dégage de ce texte, son apparente simplicité, toutes deux me plaisent énormément.
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Message  Sahkti Dim 20 Oct 2013 - 8:49

Ph.Roth et moi, on n'est pas copains car je lui reproche souvent de s'exposer de manière trop voyeuriste et narcissique. J'ai tenté l'indulgence, me disant que ça relevait d'un procédé littéraire, d'une thérapie, d'une forme de timidité, d'une démonstration mais rien à faire, tôt ou tard, je m'énerve et je balance le bouquin.
Ceci pour dire que je ne suis finalement pas surprise que ce soit lui qui fasse ainsi, ici, l'objet d'un échange où le JE est le principal sujet et où ce JE parle évidemment beaucoup de lui, sans doute pour les mêmes raisons que Roth exposés ci-dessus (reste à choisir laquelle) et je parle ici du narrateur du texte et non de son auteur, je préfère préciser).
Dès lors, j'ai un peu de mal car l'indulgence me fait à nouveau défaut même si je trouve l'intention salutaire d'exposer une panne d'inspiration et une vide existentiel perceptible.
Ceci pour le fond.
Pour la forme, ma foi, elle me paraît bien coller au propos, en adéquation avec le message que le narrateur veut faire passer. Le rythme est lent, les détails ne manquent pas, le lecteur se retrouve - volontairement ou non - embarqué dans cet amas de réflexions personnelles qui aboutissent à des conclusions qui le sont tout autant. Et ça me fait à nouveau penser à Roth. Et je me dis que c'est plutôt bien mené au final. Ton texte, pas Roth :-)
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